D. UNE OCCUPATION DES SOLS EXPOSANT LES POPULATIONS À DES RISQUES NATURELS MAJEURS
Enfin, l'importance du bilan humain de la tempête Xynthia résulte d'une application discutable du droit des sols , qui a permis l'implantation d'habitations dans des zones exposées à des risques naturels graves. Le rapport final de la mission dénonçait, à cet égard, des « situations contraires au bon sens », dues notamment à « une pression immobilière qui a conduit à la construction de maisons dans des zones visiblement inadaptées à cet usage » et dont l'exemple le plus éloquent est celui de la « cuvette » de La Faute-sur-Mer 7 ( * ) .
L'édification d'habitations dans des zones manifestement dangereuses résulte de deux facteurs principaux.
D'une part, les données relatives aux risques naturels, bien que connues des acteurs locaux (communes et services préfectoraux), n'ont pas été intégrées aux documents d'urbanisme. Ceci s'explique, en particulier, par le fait que les informations relatives aux risques sont contenues dans des documents spécifiques -les plans de prévention des risques (PPR)-, qui ne sont pas pleinement opposables aux plans locaux d'urbanisme (PLU) ou aux plans d'occupation des sols (POS) : en effet, le PPR doit seulement être annexé au PLU. En conséquence, si un PLU postérieur à un PPR doit être compatible avec ce dernier sous peine d'illégalité, tel n'est pas le cas pour les PLU adoptés avant l'approbation d'un PPR : en d'autres termes, la loi n'impose pas à l'autorité locale de modifier le PLU pour le rendre compatible avec un PPR postérieur, même si les zonages prévus par ces deux documents sont en contradiction. Dès lors, un document d'urbanisme adopté avant un PPR peut se trouver en opposition directe avec les informations qui figurent au sein de ce dernier (des zones classées comme urbanisables dans le PLU alors même qu'elles sont désignées comme soumises à des risques graves par le PPR, par exemple), sans que cette opposition soit un motif d'illégalité.
D'autre part, le contrôle de légalité effectué par les services déconcentrés n'a pas permis de faire obstacle à la construction de bâtiments dans les zones les plus risquées. Non seulement les services de l'État ont été réticents à faire usage des prérogatives qui leur sont accordées par le code de l'urbanisme pour empêcher la réalisation de projets pouvant porter atteinte à la sécurité publique 8 ( * ) , mais surtout ils ont négligé de faire appel au juge administratif pour obtenir l'annulation des actes (autorisations ou documents d'urbanisme) qui mettaient en danger la vie des populations : la mission commune d'information relevait ainsi que, dans les deux départements les plus touchés par Xynthia, seuls 49 déférés préfectoraux avaient été formés entre 2001 et 2009 -ce qui « révèle un contrôle de légalité faible, voire inexistant dans certaines périodes ».
* 7 La mission décrivait cette zone dans les termes suivants : il s'agit d'une cuvette « essaimée de maisons de plain-pied malgré sa topographie », d'un « secteur concave, situé en front de mer et à quelques mètres à peine d'une dune faisant office de digue », et où de très nombreuses habitations ont, néanmoins, été construites.
* 8 L'article R. 111-2 du code dispose en effet que « le projet peut être refusé [par le préfet] ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte [...] à la sécurité publique ».