E. LE DÉBUT DE MISE EN oeUVRE DU PROGRAMME NATIONAL TRÈS HAUT DÉBIT (PNTHD)
Rendu public par le Premier ministre en juin 2010, puis précisé par les ministres concernés en avril 2011, le programme national très haut débit (PNTHD) est présenté par le Gouvernement comme permettant d'atteindre les objectifs ambitieux fixés par le Président de la République début 2010 : une couverture de 70 % de la population en très haut débit d'ici 2020, et de 100 % d'ici 2025.
Pour ce faire, il découpe le territoire national en trois types de zones , auxquelles sont attachés différents régimes d'aides publiques :
- dans les zones les plus denses, dites « zones 1 », le déploiement est laissé à l'initiative privée et ne fait l'objet, en raison de leur caractère économiquement rentable, d'aucune aide de la part des pouvoirs publics ;
- dans les zones moyennement denses, dites « zones 2 », où les opérateurs privés sont susceptibles d'aller s'ils sont soutenus financièrement, ils pourront bénéficier de prêts et garanties d'emprunt ;
- dans les zones peu denses, dites « zones 3 », où seul l'investissement public est économiquement envisageable, les collectivités bénéficieront du soutien de l'État.
Le financement du PNTHD se fait par le biais du plan national « investissements d'avenir » . Deux des 35 milliards d'euros de ce plan lancé par le Gouvernement en 2010 y sont en partie consacrés. Ils abondent le fonds national pour la société numérique (FSN), géré au nom du Premier ministre par le commissariat général à l'investissement (CGI). Sur cette enveloppe, 1 milliard revient aux opérateurs privés en « zones 2 », 900 millions d'euros aux projets des collectivités territoriales en « zones 3 » et 40 millions d'euros à des travaux de recherche visant à mettre au point la future génération de satellites dédiés à l'accès à internet à très haut débit. Le 27 juillet dernier a été ouvert le « guichet B » du FSN, qui doit financer les projets des collectivités.
Ainsi que cela a été souligné par de nombreux intervenants lors du débat du 12 octobre dernier en séance publique sur la couverture numérique du territoire, à commencer par votre rapporteur pour avis, ce programme ne semble pas de nature à permettre d'atteindre les objectifs fixés au plus haut niveau, et ce pour plusieurs raisons.
D'une part, il favorise de façon excessive l'initiative privée , y compris dans les zones moyennement denses, et cantonne les collectivités au déploiement dans les zones rurales, les plus coûteuses à desservir, sans qu'elles ne puissent pratiquer de péréquation territoriale.
En effet, et ainsi que cela est longuement développé dans le rapport d'information de notre collègue Hervé Maurey, les opérateurs ont été appelés par le Gouvernement à manifester leurs intentions d'investissement sur l'ensemble du territoire au 31 janvier 2011. Or, les projets qu'ils ont déposés auprès du CGI à cette date sont peu précis du point de vue des zones couvertes, de la nature des raccordements retenue et des plans de financement. En outre et surtout, ces projets ne les contraignent en rien : nul mécanisme de sanction n'a été prévu en cas de non respect. Enfin, ils ne renvoient qu'à des engagements à commencer les déploiements dans une période de trois à cinq ans, et à ne les finir que dans un délai subséquent de cinq ans.
Quant aux collectivités territoriales, elles voient leurs initiatives figées par celles des opérateurs, puisqu'elles devront attendre entre trois et cinq ans pour éventuellement « reprendre la main » en cas de défaillance de ces derniers, et ne pourront pendant ce temps porter de projets que dans des zones peu denses, et donc non rentables.
Le financement public de « projets intégrés », c'est-à-dire de projets de collectivités portant à la fois sur des zones rentables et non rentables, est par ailleurs insusceptible de faire l'objet de soutiens publics, y compris sur les seules zones non rentables, du fait d'une interprétation très restrictive de la réglementation sur les aides d'État par le PNTHD. Il y a là une contrainte injustifiée pour les collectivités, qui se voient ainsi empêchées de procéder à de la péréquation entre territoires denses et zones plus reculées.
Le financement du plan , dans un second temps, semble très incertain . Le FSN n'est en l'état doté que d'environ 2 milliards d'euros pour le soutien à la mise en place du réseau très haut débit, ce qui constitue une somme certes non négligeable, mais très faible au regard d'un besoin de financement total estimé à 25 milliards d'euros. Par ailleurs, le fonds d'aménagement numérique des territoires (FANT), créé par la « loi Pintat » et devant prendre le relais du FSN lorsque ce dernier sera tari, n'a pas encore été alimenté, les modalités même de son abondement restant inconnues. Votre rapporteur pour avis préconise un « signal fort » de l'État à cet égard : la prise en charge par ce dernier, principalement, d'un abondement du FANT à hauteur de 500 à 600 millions d'euros par an serait une mesure qui préparerait l'avenir et renforcerait la confiance des investisseurs publics et privés. En outre, au fur et à mesure du développement du réseau, il paraitrait justifié que les opérateurs privés prennent leur part de l'équipement des zones les moins denses en contribuant aux deux fonds précités, selon des modalités législatives et règlementaires restant à préciser.