2. Un effort plus résolu que dans le programme de stabilité du précédent gouvernement
Par rapport au programme de stabilité et de croissance adressé en avril 2012 par le précédent gouvernement, les objectifs du présent projet de loi de programmation des finances publiques apparaissent clairement plus ambitieux en termes de réduction du déficit des administrations de sécurité sociale pour les prochaines années, alors que le scénario macro-économique est, lui, plus raisonnable pour l'exercice 2013 (le programme de stabilité anticipait une croissance de 1,75 % en 2013) et identique (2 % de croissance) pour les exercices suivants.
Là où le précédent gouvernement prévoyait un déficit de 0,4 point de PIB en 2013, puis d'encore 0,1 point de PIB en 2014, la programmation de la nouvelle majorité vise un effort supplémentaire de 0,2 point de PIB en 2013 et de 0,1 point de PIB en 2014, par la remise en cause de « niches sociales » et la mobilisation de ressources justement réparties.
3. Une politique lisible de « croisement des courbes »
En matière de finances sociales, la politique voulue par le Gouvernement sur la programmation 2014-2017 apparaît clairement lisible sur la base du graphique ci-dessous. Elle est celle d'un croisement des courbes , matérialisé en recettes, dès l'exercice 2012, par une remise à niveau des prélèvements sociaux susceptible de couvrir de manière durable la dynamique de la protection sociale, et, en dépenses, par un rebasage, à hauteur des besoins en 2012 et 2013, avant d'engranger les bénéfices et les gains de productivité issus de la modération de l'Ondam sur la période 2014-2017.
On peut noter que la politique du Gouvernement n'est pas de poursuivre la hausse des prélèvements obligatoires affectés aux administrations de sécurité sociale au-delà de 2013. Les projections du Gouvernement ne comprennent aucune mesure nouvelle par rapport à celles inscrites au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. Pour 2013, les mesures nouvelles liées au projet de loi de financement représentent 5 milliards d'euros.
4. Une situation et une trajectoire très contrastées selon les catégories d'administrations de sécurité sociale
La décomposition de la trajectoire du solde des administrations de sécurité sociale, selon les informations présentées par le Gouvernement, fait apparaître des situations très contrastées en fonction des catégories d'administrations de sécurité sociale.
Les régimes obligatoires de base représentent de l'ordre de 83 % des dépenses de sécurité sociale, mais l'explication du solde des administrations de sécurité sociale doit prendre en compte d'autres acteurs.
Trois catégories d'administrations sociales doivent être distinguées, avec une contribution au solde de la sécurité sociale de nature très différente :
- le fonds de réserve des retraites (FRR) et la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), qui constituent des organismes spécifiques sur le plan comptable tout d'abord ;
- les organismes obligatoires de base de la sécurité sociale et le fonds de solidarité vieillesse ensuite, qui sont, comme le FRR et la Cades dans le champ du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et constituent le coeur de notre protection sociale ;
- enfin, les autres administrations, comme les assurances obligatoires complémentaires ou le régime d'assurance chômage, dont la gouvernance reste largement confiée aux partenaires sociaux.
a) Le fonds de réserve des retraites et la Caisse d'amortissement de la dette sociale
Premièrement, le fonds de réserve des retraites et la Cades doivent avoir, sur le plan comptable, en raison de leur objet même, un excédent structurel. Ils ne sont intégrés au champ des administrations de sécurité sociale que depuis les retraitements de comptabilité nationale opérés en 2011. Les deux organismes étaient précédemment rattachés aux administrations publiques centrales.
Selon le Gouvernement, dans l'annexe au projet de loi de programmation des finances publiques, l'excédent du fonds de réserve des retraites et de la Cades représenterait 10,4 milliards d'euros en 2012, et s'établirait en fin de période de programmation, en 2017, à 13,5 milliards d'euros. Il réduit de moitié le déficit des administrations de sécurité sociale en 2012 et représenterait près des trois quarts de leur excédent en 2017.
Pour ce qui concerne le fonds de réserve des retraites, celui-ci connaît aujourd'hui un excédent lié aux produits financiers réalisés sur les placements du fonds, la portée de cet excédent devant être mise en perspective, s'agissant d'un fonds destiné à financer des engagements futurs et les déficits prévisionnels des retraites. La valeur du fonds devrait par ailleurs s'amoindrir à proportion de ses versements annuels à la Cades (2,1 milliards d'euros).
En 2011, le résultat financier (produits financiers-charges financières) du FRR s'est établi à 369 millions d'euros, avec une prévision de 1 280 millions d'euros pour 2012. Le FRR avait enregistré des pertes les années précédentes (- 2 486 millions d'euros en 2008 ; - 78 millions d'euros en 2009). Sa contribution au solde des administrations de sécurité sociale dépend de l'évolution de la valeur de ses actifs, et donc de la tenue générale des marchés financiers et de la qualité de sa politique de placement. Votre rapporteur général ne connaît pas les hypothèses pluriannuelles du Gouvernement pour l'évolution du solde du fonds de réserve des retraites à échéance de 2017. L'annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 relative au FRR fait valoir qu'un exercice de prévision au-delà du terme de l'année en cours apparaît peu pertinente. Il s'agit pourtant d'un exercice obligé dans le cadre de la présente programmation, au moins sur des bases conventionnelles.
La Cades est, elle, structurellement excédentaire. Ces excédents sont en effet destinés à financer la dette sociale passée et à permettre des remboursements en capital. Sur le plan comptable, elle enregistre en produits les recettes fiscales qui lui sont affectées (CSG, CRDS, prélèvement social sur les revenus du capital) et la contribution annuelle du FRR. Ses charges se composent de ses frais financiers (charge d'intérêt de la dette sociale) et de ses coûts de structure. Le résultat est donc mécaniquement excédentaire dès lors qu'il s'agit pour la caisse d'amortir la dette sociale 7 ( * ) . En 2012, le compte de résultat de la Cades présenterait un excédent de 12,1 milliards d'euros. Il serait de 12,4 milliards d'euros en 2013. Tendanciellement, ces ordres de grandeur devraient perdurer sur la période la programmation.
Au total, l'excédent consolidé (avec neutralisation du transfert financier du FRR vers la Cades) de l'ensemble FRR + Cades est mécaniquement important. L'annexe au projet de loi de programmation n'indique pas si les prévisions intègrent les déficits prévisionnels des branches vieillesse du régime général et du FSV dont la reprise a déjà été votée par le Parlement pour les échéances courant jusqu'à 2018, avec la charge d'intérêt afférente pour la Cades - ce qui devrait être le cas pour la parfaite sincérité du projet de loi 8 ( * ) , voire des reprises non encore votées par le Parlement, mais inéluctables, concernant les branches famille et maladie 9 ( * ) du régime général.
b) Les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale
Deuxièmement, pour ce qui concerne les organismes de base de la sécurité sociale, le présent projet de loi de programmation présente des objectifs de réduction des déficits ambitieux après les situations défavorables enregistrées en 2010 et 2011. Ces objectifs peuvent être approfondis à la lumière des précisions données dans l'annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.
Le déficit des régimes obligatoires de base passerait de 15,2 milliards d'euros en 2012 à 9,1 milliards d'euros en 2017 . Les dépenses seraient couvertes à hauteur de 98,3 % par des recettes en 2017 , alors que ce pourcentage n'était que de 95,7 % en 2011 (96,7 % prévus en 2012 et 97,3 % en 2013). Le FSV connaîtrait, lui, une amélioration significative de sa situation financière, avec un déficit en fin de période de 0,6 milliard d'euros contre 4,1 milliards d'euros en 2012.
Les branches connaîtraient chacune des évolutions contrastées.
Pour ce qui concerne la branche maladie, la maîtrise de l'Ondam (cf. analyse des dépenses ci-après) conduirait à une amélioration significative du solde d'ici 2017, même si l'équilibre ne serait pas encore atteint. Le régime « accidents du travail-maladies professionnelles » serait en excédent à compter de 2013, avec une capacité à financer les déficits passés.
Pour ce qui concerne les branches famille et vieillesse, la situation demeurerait moins satisfaisante d'ici 2017, selon les chiffres présentés en annexe du projet de loi de programmation des finances publiques. Selon le Gouvernement, ces chiffres sont d'ailleurs à prendre avec précaution. L'annexe au projet de loi de programmation précise pour chacune de ces deux branches que « les objectifs de dépenses fixés par la loi ont un caractère tendanciel » et que, pour ces dépenses, « le Gouvernement ne souhaite pas, dans le cadre de cette loi de programmation, préjuger de réformes qui requièrent une concertation préalable et un important travail législatif ». On peut donc parler à ce stade davantage de tendances que d'objectifs.
Sous ces réserves, la branche famille enregistrerait un déficit tendanciel préoccupant de 2,6 milliards d'euros en 2013, de 2,4 milliards d'euros en 2014, avec ensuite un reflux attendu jusqu'à un déficit de 1,3 milliard d'euros en 2017.
Sans surprise, le déficit cumulé de la branche vieillesse et du fonds de solidarité vieillesse resterait à un niveau élevé jusqu'en 2017, avec un déficit global de 8,5 milliards d'euros en fin de période. Pour ce qui correspond au régime général et au fonds de solidarité vieillesse, ces déficits présentent cependant un caractère particulier : ils sont financés « par avance » en application de l'article 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Cet article prévoit la reprise à compter de 2012 des déficits 2011 à 2018 de la branche vieillesse du régime général et du FSV dans la limite de 10 milliards d'euros par an et de 62 milliards d'euros au total. En l'état actuel des projections du Gouvernement, même en tenant compte de l'absence de prévision au titre de l'exercice 2018, le besoin de financement de la période devrait rester en deçà du plafond.
Au final, la structure du solde des administrations de sécurité sociale devrait fortement évoluer selon les projections du Gouvernement sur la période de la programmation. Le déficit de la branche maladie, qui représentait près de 30 % du déficit des organismes obligatoires de base de la sécurité sociale, n'en représenterait « plus » que de l'ordre de 10 % en 2017. Le déficit de la branche vieillesse, qui constitue déjà la plus grosse part du déficit social (près de 60 %) resterait le déficit prédominant (plus de 70 %). La part du déficit de la branche famille resterait stable.
Au sein des régimes obligatoires de base, le solde du régime général observerait les mêmes inflexions, avec un retour aux excédents pour les accidents du travail et une très nette réduction du déficit du régime de l'assurance maladie. La question de la résorption des déséquilibres pour le régime général des branches famille et vieillesse reste posée sur le moyen et le long terme.
Troisièmement, les autres administrations de sécurité sociale, au titre desquelles figurent les régimes complémentaires et l'Unedic, et qui ne figurent pas dans le champ du projet de loi de financement de la sécurité sociale, apporteraient une contribution décisive à l'amélioration des soldes sociaux sur la période de programmation. Ils se trouveraient en excédent, potentiellement, de 15 milliards d'euros en fin de période de programmation (2017) 10 ( * ) .
L'analyse rétrospective du solde des administrations de sécurité sociale souligne que les composantes Unedic et régimes complémentaires se sont déjà trouvées en excédent, parfois important, dans le passé.
Pour la période de programmation 2013-2017, le rapport annexé au projet de loi ne propose aucune projection sur ces régimes . Il y a là une véritable « boîte noire » dans la programmation.
Le régime d'indemnisation du chômage et les régimes complémentaires se trouvent aujourd'hui plutôt en situation déficitaire.
En ce qui concerne les régimes complémentaires, on doit ainsi avoir à l'esprit la situation actuelle des régimes Agirc-Arrco dont le résultat technique (pensions-cotisations, avant prélèvement dans les réserves financières) se serait établi à - 3,8 milliards d'euros en 2011. Les simulations actuelles réalisées par les régimes prévoient, avec les hypothèses macro-économiques des pouvoirs publics, un déficit technique de - 6,8 milliards d'euros, avant intervention de correctifs éventuels en 2017.
S'agissant de l'Unedic, compte tenu de la montée du chômage, son déficit serait estimé par l'organisme à - 2,6 milliards d'euros en 2012 et - 4,1 milliards d'euros en 2013, avec une montée de la dette correspondante. Le scénario macro-économique du Gouvernement conduit logiquement à une amélioration de la situation financière du régime d'indemnisation du chômage : le taux de croissance (à l'exception de 2013) retenu sur la période est en effet supérieur au taux de croissance potentiel. Le rapport annexé est explicite sur ce point : « le redressement de l'activité économique permettra par ailleurs une décrue en volume des dépenses de chômage ». Pour autant, les hypothèses sous-jacentes à une amélioration très substantielle du solde de l'Unedic ne sont pas explicitées. Selon le Gouvernement, l'amélioration relative de la situation de l'UNEDIC conduirait à une amélioration de son solde de 15 milliards d'euros.
d) L'hypothèse d'élasticité des recettes, une variable clé pour « boucler » la programmation »
Selon les explications fournies à votre commission des affaires sociales, la trajectoire du projet de loi de programmation a été réalisée à partir d'une hypothèse d'élasticité globale des prélèvements obligatoires de 1. Cette hypothèse d'élasticité a été retenue pour chacun des sous-secteurs, y compris pour les administrations de sécurité sociale.
L'annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a retenu une méthode différente, conduisant à évaluer la tendance d'évolution des recettes, ligne à ligne. Ceci conduit à une hypothèse plus réaliste d'élasticité de 0,9.
De facto, le différentiel d'élasticité entre les hypothèses du projet de loi de programmation et celles associées au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 expliquerait l'amélioration du solde des administrations de sécurité sociale, en programmation 2012-2017, pour environ 9 milliards d'euros.
Il y a là une piste en termes de méthode, pour que l'ensemble des projections pluriannuelles du Gouvernement reposent sur des hypothèses cohérentes, avec des clés de passage nécessaires entre les raisonnements en comptabilité nationale des lois de programmation et ceux en comptabilité budgétaire des lois de financement de la sécurité sociale.
* 7 Le remboursement du capital n'est pas comptabilisé en charge en comptabilité nationale.
* 8 Une telle reprise n'a pas d'impact sur les recettes, déjà votées et intégrées, mais elle en a une sur la charge d'intérêt, évidemment lissée dans le temps.
* 9 A loi organique inchangée, une telle reprise a un impact en recettes (nouvelle affectation de recettes) et sur la charge d'intérêt, elle aussi lissée dans le temps.
* 10 A supposer que l'on puisse comparer les projections de la loi de programmation et celles de l'annexe B du PLFSS.