C. UN REDÉPLOIEMENT AMORCÉ DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES
1. Une réflexion relancée dans le cadre de la « mission LEQUERTIER »
Le redéploiement du réseau consulaire, son adaptation aux nouvelles zones de croissance des communautés françaises et aux nouvelles aires de développement économique mondial, est à l'agenda politique depuis près de 20 ans.
On ne compte plus le nombre des rapports officiels qui se sont succédés sur cette question ou sur celle, plus globale, de l'organisation des services de la France à l'étranger, qu'il s'agisse des rapports VIOT, PICQ, LEQUILLER, Le BRIS...., des travaux de la RGPP ou du livre blanc de 2008 sur la politique étrangère de la France.
Tous ont pointé à la fois sa densité mais aussi le niveau particulièrement élevé de services qu'il offre à nos ressortissants.
Tous ont posé les grandes questions : les moyens sont ils en phase avec les priorités stratégiques ? Sont-ils correctement organisés et coordonnés ? Comment profiter de la dynamique européenne ?
Plusieurs mesures de la RGPP ont d'ailleurs concerné le réseau diplomatique et consulaire et ont conduit à procéder à des adaptations de ce réseau ou à expérimenter de nouveaux modes d'organisation.
L'évolution du réseau consulaire est l'un des trois grands chantiers lancés par la ministre déléguée Mme Hélène CONWAY-MOURET, qui a confié à M. Daniel LEQUERTIER, ambassadeur de France, une mission de réflexion à ce sujet.
Cette étude sera remise à la fin de l'année 2012 et elle portera à la fois sur l'évaluation des expérimentations déjà réalisées (vote électronique, suppression du notariat consulaire en Europe, traitement des transcriptions d'état civil à Nantes pour les pays du Maghreb, externalisation de certains services, etc.) et sur des recommandations et des propositions concrètes de simplification des procédures et de modernisation des outils consulaires.
La ministre a affirmé lors de son audition devant votre commission qu'aucune décision n'avait encore été prise sur l'évolution du réseau : « Je voudrais couper court aux rumeurs : aucune fermeture de postes n'est décidée. Les services font leur travail, et leurs axes de réflexion sont l'évolution des métiers , afin précisément de renforcer les services consulaires qui en ont le plus besoin, ainsi que la spécialisation ou non de certains postes consulaires en fonction de leur situation et de la taille et des besoins de la communauté française qu'ils ont à gérer, et non sur la suppression de tel ou tel poste (...) Notre réseau consulaire doit poursuivre son adaptation , en tenant compte de nouvelles réalités. En bref, nous devons être plus présents là où c'est utile pour nos compatriotes et pour la France. ».
Pourtant, d'après les informations recueillies par vos rapporteurs, des scénarii internes au Quai d'Orsay évoqueraient déjà la fermeture de certains consulats comme celui de Calgary au Canada ou des chancelleries détachées à Madagascar . Comme par le passé en de pareilles occasions, des solutions d'accompagnement ou de remplacement seraient mises en place.
Plus globalement, se pose la question des missions des consulats généraux , qui sont très différentes suivant qu'il s'agit de consulats généraux de province ou des 17 consulats généraux situés dans les capitales (New York, Bruxelles, Londres, Madrid, Moscou, Dakar, Abidjan, Bamako, Tananarive...). Quel doit être le rôle des « petits » consulats généraux « d'influence » ? En Europe , où le nombre de consulats généraux a été divisé par deux depuis les années 1980, quelles sont les évolutions possibles ?
2. Des évolutions permanentes, une stabilité globale
On oublie trop souvent qu'au cours de la dernière décennie, le réseau consulaire français a considérablement évolué avec :
•
15 fermetures
de postes
consulaires
3
(
*
)
;
• 17 transformations
de consulats
généraux de plein exercice en
consulats
généraux d'influence à gestion
simplifiée
4
(
*
)
, principalement dans les États membres de
l'Union européenne ;
•
10 transformations
de consulats
généraux en
sections consulaires
d'ambassade
5
(
*
)
;
•
16 ouvertures
de consulats
généraux, de consulats à gestion simplifiée et de
sections consulaires d'ambassade.
La RGPP et le réseau consulaire Les réformes décidées en conseil de modernisation des politiques publiques pour le ministère des Affaires étrangères tendaient notamment à : - restructurer les réseaux diplomatique et consulaire, pour garantir leur capacité d'adaptation face à la mutation des relations internationales, - simplifier les procédures consulaires pour les ressortissants français résidant à l'étranger et les citoyens étrangers désireux de voyager en France. Dans ce cadre ont été expérimentés des « pôles consulaires régionaux » (cf. ci-après). |
Malgré une restructuration importante, notamment en Europe, et contrairement à une idée répandue, le réseau consulaire français demeure globalement stable . Il se maintient au second rang mondial par sa taille derrière les Etats-Unis et au premier rang par l'éventail des services offerts, notamment en regard de ceux de nos principaux partenaires européens. Au 1 er janvier 2012, le réseau est constitué de 233 postes, dont 92 consulats et consulats généraux, 135 sections consulaires d'ambassade, 5 chancelleries détachées et 1 antenne consulaire.
Le réseau comprend actuellement 507 agences consulaires 6 ( * ) situées dans 93 pays. 1,2 M€ leur sont consacrés dans le projet de loi de finances pour 2013, soit une moyenne de 2400 € par agence consulaire .
En complément de leur rôle habituel d'influence, de représentation et de soutien aux intérêts français à l'étranger, les consuls honoraires (qui n'ont pas forcément la nationalité française) assurent un réel travail de gestion administrative, qui s'apparente aux tâches dévolues aux consulats de plein exercice (remise des passeports, tenue de bureaux de vote). Ainsi, 326 consuls honoraires de nationalité française sont actuellement autorisés par arrêté à remettre les passeports biométriques à leur titulaire. Or, les recettes des droits de chancellerie que les consuls honoraires sont autorisés à conserver ne suffisent pas à assurer le fonctionnement de leur agence. Les subventions versées par le ministère, sont destinées à la prise en charge totale ou partielle des dépenses incompressibles de fonctionnement des agences (rémunération d'un assistant, loyer, communications téléphoniques...). Elles permettent donc d'assurer le bon fonctionnement de ce réseau.
Il faut noter que le développement de ce mode de gestion est une des composantes de la réflexion en cours sur l'évolution du réseau.
3. Les pôles consulaires régionaux
Depuis 2009, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques ont été mis en place cinq pôles consulaires régionaux . Ces pôles sont chargés d'assurer le service d'appui de l'activité consulaire de plusieurs pays d'une même zone . La gestion des communautés françaises dans ces pays est assurée directement par le poste consulaire de rattachement.
Quatre pôles régionaux regroupant les services de l'administration des Français, de l'état civil et de délivrance de visas ont été constitués :
- à Vienne qui est pôle régional pour Budapest, Prague et Bratislava et Ljubljana uniquement pour les visas (2009);
- à Guatemala, pôle régional pour San Salvador et Tegucigalpa(2009);
- à Buenos Aires, pôle pour Montevideo et Assomption (2010);
- et à San José, pôle régional pour Managua et Panama (2010).
Enfin, à Riga, le pôle est uniquement compétent pour les visas.
La dévolution de certaines compétences au pôle régional de rattachement permet de s'appuyer sur une équipe consulaire plus fournie que celle travaillant au sein des postes rattachés, d'améliorer et d'harmoniser ainsi l'instruction des dossiers. En termes d'effectifs, ce transfert d'activité, dont l'objectif est d'offrir un traitement plus uniforme des dossiers, s'est traduit par une économie globale de 6,5 ETP . Un guichet de proximité est maintenu dans chacun des postes périphériques.
Votre commission, si elle est sensible à la démarche de rationalisation des tâches qui permet des économies de moyens, est néanmoins très attentive à ce que le service de proximité rendu à nos concitoyens ne soit pas dégradé par la mise en place des pôles régionaux.
L'administration estime que cette qualité est préservée grâce à la nouvelle application « Titre Electronique Securisé » (TES) qui permet de ne confier que la seule instruction des demandes au poste de rattachement, le recueil des données biométriques et la remise des passeports étant toujours effectués par le poste de résidence de l'inscrit. En matière d'état civil, les transcriptions sont effectuées par le pôle de rattachement, cette démarche ne nécessitant pas la comparution personnelle des requérants. En revanche, les actes dressés, lorsqu'ils sont nécessaires, restent de la compétence des postes guichets. La notion de circonscription consulaire reste entière et tous les postes continuent d'assurer la protection consulaire qui y est attachée.
La mission d'évaluation dont a été chargé l'ambassadeur LEQUERTIER fera un premier bilan sur les pôles régionaux et formulera des recommandations pour l'avenir. Votre commission y sera particulièrement attentive.
4. La transformation de consulats en sections consulaires d'ambassades
En 2011, les deux consulats généraux à gestion simplifiée d'Anvers et de Liège ont été fermés et leurs circonscriptions consulaires rattachées à celle de Bruxelles. Ce poste, qui assurait déjà la plupart des activités consulaires (passeports, cartes d'identité, état civil, notariat, affaires sociales, visas), s'est vu octroyer deux agents supplémentaires. De même, l'antenne consulaire à Malaga a été fermée et un agent transféré à Séville.
Enfin, quatre consulats ont été transformés en sections consulaires d'ambassade. Il s'agit des consulats généraux à Djibouti et à Djouba (Soudan du Sud), des consulats à Luxembourg et à Cotonou . Ces transformations n'ont eu comme incidence que la suppression des postes de consuls généraux et de consuls, les activités de ces postes restant les mêmes.
En 2012, il n'a pas été procédé à de nouvelles fermetures de consulats. Pour 2013, les décisions sont attendues à l'issue du rapport de mission confiée à l'Ambassadeur LEQUERTIER.
Quant aux indicateurs d'activité de ces postes, ils sont les suivants pour l'année 2011 (les chiffres 2012 ne sont pas encore consolidés):
- Bruxelles (38 ETP) : le secteur administration des Français (109 426 inscrits au registre, 18 591 titres de voyages et d'identité délivrés) donne un ratio de 6 165 par agent ; le secteur des affaires sociales (bourses scolaires, CCPAS, Prises en charge) donne un ratio de 166 par agent ; le secteur État civil (5 675 actes établis) donne un ratio de 954 par agent.
- Séville - qui est un poste à gestion simplifiée - n'exerce plus que des compétences résiduelles en matière de protection consulaire. Le secteur administration des Français (10 775 inscrits au registre et 663 titres de voyage délivrés) donne un ratio de 4 879 par agent. Les autres activités consulaires (état civil, affaires sociales, bourses, visas) relèvent de la compétence du Consulat général à Madrid.
- Djibouti (8 ETP) : le secteur administration des Français et affaires sociales (5 142 inscrits au registre, 637 titres de voyage et d'identité délivrés, 293 demandes de bourses scolaires) donne un ratio de 2 468 par agent ; le secteur état civil (127 actes établis) donne un ratio de 127 par agent et le service des visas (3718 visas demandés) donne un ratio de 1 859 par agent.
- Cotonou (13,5 ETP) : le secteur administration des Français (3 694 inscrits au registre, 870 titres de voyage et d'identité délivrés) donne un ratio de 3 410 par agent ; le secteur de l'état civil (389 actes établis) donne un ratio de 390 par agent et le secteur des affaires sociales (212 demandes de bourses scolaires, CCPAS) donne un ratio de 233 par agent ; le service des visas (10 021 demandes déposées) donne un ratio de 2500 par agent.
- Luxembourg (8 ETP) : le secteur administration des Français et des affaires sociales (28 720 inscrits au registre, 5 700 titres de voyage et d'identité délivrés) donne un ratio de 4 854 par agent ; le secteur de l'état civil (1 499 actes établis) donne un ratio de 761 par agent.
Djouba : seul un agent est chargé des affaires consulaires dans un poste qui compte 54 Français inscrits au registre.
5. L'évolution de l'emploi dans le réseau consulaire
Les ETP alloués au réseau consulaire se sont établis à 2 807 ETP (sur les 3 378 ETP que comptait le programme 151 en 2011) dans la loi de finances 2011 et à 2 810 ETP (sur les 3 361 ETP que comptait le programme 151) dans la loi de finances 2012
La création d'ETP dans le secteur des visas s'était donc effectuée essentiellement jusqu'à présent par redéploiement de certains postes vers d'autres où la nécessité se faisait davantage sentir. Il convient également de mentionner le cas de notre ambassade à Damas dont 5 ETP vacants, depuis sa fermeture, ont été réattribués aux consulats de Djeddah, Moscou, Istanbul, Le Cap, et Canton.
Le solde général, toutes zones géographiques confondues, pour le réseau consulaire était pour 2012 de + 6,52 ETP par rapport à 2011, comme le montre la ventilation ci-après par pays et zones géographiques :
Variation constatée des ETP en 2012 dans le réseau consulaire Le solde pour les Amériques est de -3 ETP selon le détail suivant : Ottawa : -0,5, Vancouver : -0,5, La Havane : -1, Los Angeles : -1 Le solde pour l'Afrique du Nord et le Moyen Orient est de +8,94 ETP selon le détail suivant : Abu Dabi : +0,5, Erbil : +0,5, Bagdad : +1, Djeddah : +2, Tel Aviv : +0,44, Jerusalem : +1, Koweit : +1, Beyrouth : -2, Tripoli : +4, Mascate : +0,5. Le solde pour l'Asie est de +6,75 ETP selon le détail suivant : Canton : +1, Shanghai : +4, Bangalore : +1, Jakarta : + 0,75, Tokyo : -1, Manille : +1, Bangkok : +1 Le solde pour l'Afrique subsaharienne est de -0,5 ETP selon le détail suivant : Le Cap : +1, Pointe Noire : -1, Abidjan : +1, Djibouti : -1, Addis Abeba : +0,5, Diego Suarez : -1, Majunga : -1, Tananarive: +2, Bamako : -1, Kinshasa: +1, Rwanda: -1 Le solde pour l'Europe occidentale est de - 4,67 ETP selon le détail suivant : Bruxelles : -1, Turin : -1, Lisbonne : -0,5, Edimbourg : +0,09, Londres : -1,16, Genève : -2,10, Istanbul : +1. Le solde pour l'Europe orientale est de - 1ETP selon le détail suivant : Almaty : +0,5, Moscou : +6, St Petersbourg : -2,5, Ekaterinbourg : -5. |
La création, déjà mentionnée, de 75 ETP dans le secteur des visas pour le triennum budgétaire à venir vient répondre à de réels besoins qui n'avaient pas été jusqu'à présent assez bien pris en compte.
Malgré leurs questions, vos rapporteurs n'ont pu obtenir l'exacte répartition de ces postes supplémentaires dans le réseau consulaire, qui est semble-t-il toujours en cours d'arbitrage à l'heure où ce rapport est imprimé.
* 3 Alicante, Lausanne, Gênes, Ottawa - section consulaire -, Berne - section consulaire -, Sfax, Garoua, Valence, Palma, Saint-Louis du Sénégal, Malaga, Osaka - Kobé, Port-Gentil, Anvers et Liège
* 4 Hambourg, Recife, Alexandrie, La Nouvelle-Orléans, Dusseldorf, Sarrebruck, Cracovie, Stuttgart, Porto, Séville, Karachi, Bilbao, Naples, Turin, Haïfa et Moncton-et-Halifax, Thessalonique. Il s'agit de structures légères, qui conservent vis-à-vis des autorités locales toutes les compétences et prérogatives prévues par la convention de Vienne sur les relations consulaires, mais dont les attributions en matière de gestion des communautés françaises sont limitées à la protection consulaire stricto sensu et à l'organisation des élections, toutes les autres tâches administratives (inscription au Registre mondial, délivrance de titres d'identité et de voyage, tenue des listes électorales...) étant effectuées par un autre poste consulaire (dit « poste de rattachement »).
* 5 Athènes, Lomé, Lisbonne, Monaco, Bangui, Yaoundé, Djibouti, Cotonou, Luxembourg, Djouba
* 6 497 agences tenues par des consuls honoraires au 31 décembre 2011