III. L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER : REDONNER LA CONFIANCE
Les défis financiers demeurent considérables pour l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), dont la dotation consentie par l'État n'augmente que très légèrement pour s'élever, en 2013, à 425 millions d'euros. L'agence est dans la situation d'une entreprise en croissance et dans l'impossibilité d'assurer son financement alors que, d'année en année, elle doit faire face à l'inscription de 4 000 à 5 000 nouveaux élèves, conduisant de facto à une diminution régulière de la dotation de l'État par élève scolarisé.
A. LA RÉFORME DE LA POLITIQUE DES BOURSES : LE NOUVEAU DÉFI DE L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER
La suppression du dispositif de prise en charge (PEC) des frais de scolarité des élèves français inscrits dans des établissements d'enseignement français à l'étranger a été entérinée par l'article 42 de la loi n° 2012-958 de finances rectificative pour 2012 du 16 août 2012. Le Gouvernement indique que cette mesure, applicable dès la rentrée de septembre 2012 pour les pays du rythme Nord et au début de l'année 2013 pour les pays du rythme Sud, constitue la première étape d'une réforme globale de l'aide à la scolarité en direction des familles établies hors de France. Les conditions d'attribution n'ont pas été révisées depuis une vingtaine d'années alors que la communauté française expatriée a plus que doublé en nombre.
Le coût net de la prise en charge pour l'État par exercice budgétaire sur la période 2007-2011 a représenté, en effet, une charge exponentielle assumée par l'État et son opérateur l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) dans le cadre du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » (action n° 2 « Accès des élèves français au réseau AEFE ») :
(en millions d'euros)
Année civile |
2007 Terminale* |
2008 Terminale et 1 re* |
2009 Terminale à la 2 nde* |
2010 Terminale à la 2 nde |
2011 Terminale à la 2 nde |
Coût net de la PEC |
1,9 |
8,8 |
19,9 |
31,3 |
33,7 |
* À partir de la rentrée de septembre.
Source : Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
L'augmentation continue des dépenses de bourses scolaires sur critères sociaux, de + 13 % en moyenne par an au cours des cinq dernières années, a été le corollaire de la mise en place progressive à partir de 2007 du dispositif de prise en charge des frais de scolarité des élèves de lycée, sans conditions de ressources. À la suite de la suppression de la PEC, la prévision de dépenses de bourses scolaires pour 2013 s'établit à 110 millions d'euros, contre 93,6 millions d'euros votés en loi de finances initiale pour 2012, soit une augmentation de 17,5 % , à périmètre constant. Le nouveau système de bourses, qui devra être mis au point dans le cadre d'une concertation avec les partenaires concernés et les parlementaires, est appelé à entrer en vigueur à partir de la rentrée scolaire 2012-2013 du rythme Nord et 2013 du rythme Sud.
La Commission nationale des bourses a souligné, dans une note de synthèse, les limites importantes que présente le mode de calcul mis en oeuvre par le dispositif de bourses actuel :
- la prise en compte des dépenses réelles, appelées « points de charge négatifs », outre le fait qu'elle génère un traitement lourd des justificatifs par les agents consulaires, conduit à prendre en compte certains choix de consommation des familles dans l'attribution d'une bourses, par exemple le loyer ;
- les « revenus » ont été fixés localement dans chaque pays. N'ayant fait l'objet ni d'une méthodologie, ni d'une révision régulière, ces revenus minima présentent des niveaux incohérents lorsqu'on les compare à un indice de coût de la vie ;
- un grand nombre de familles sont boursières à 100 % alors que leur situation économique est très variable d'un pays à l'autre (revenu variant du simple au décuple) ;
- d'autres éléments de la situation des familles, tels que leur taille ou leur patrimoine immobilier, ne sont pas pris en compte de manière satisfaisante.
L'AEFE a indiqué à votre rapporteur pour avis que les familles éligibles aux bourses attribuées sur critères sociaux sont relativement bien identifiées. Celles des familles qui bénéficiaient de la PEC et qui, après sa suppression, sont en droit de solliciter une bourse sur critères sociaux sont en nombre limité. Dans ces conditions, l'agence devrait disposer d'une marge de manoeuvre à partir de la rentrée scolaire de 2012 pour développer une politique de bourses s'adressant à plus de familles et plus ouverte, en tout cas, aux familles à revenus intermédiaires . Le nouveau système pourra certes améliorer la souplesse de gestion et introduire plus d'équité, mais il ne saurait en aucun cas être générateur de ressources. Il paraît incontournable de sortir de l'incantation et d'affronter la réalité objective en termes de besoins, au risque, dans le cas contraire, de se condamner, à terme, à générer la pénurie.
Une des principales mesures envisagées à la suite de trois réunions successives de la Commission nationale des bourses consiste à mettre en place un dispositif de bourses fondé sur un indice de pouvoir d'achat hors frais de scolarité, appelé quotient familial net des frais de scolarité , correspondant au revenu net disponible par unité de consommation après prise en compte des frais de scolarité et pondération au moyen d'un indice de parité de pouvoir d'achat (PPA), exercice difficile tant les comparaisons sont diverses. Cet indice permettrait d'annuler les effets de la variation du coût de la vie entre les pays. Lorsque le quotient familial net des frais de scolarité dépasserait un seuil appelé quotient maximum, la famille ne pourrait pas bénéficier de bourse. En-dessous de ce seuil, le quotient familial déterminerait la quotité de bourse attribuée.
Déjà avant la mise en oeuvre de la PEC, l'AEFE avait pris l'habitude, dans les instructions qui régissent l'attribution des bourses, de plafonner les tarifs pris en compte dans le calcul du montant des aides , essentiellement pour les élèves des établissements situés aux États-Unis où les frais de scolarité sont particulièrement élevés. Deux principaux types de plafonnement étaient ainsi envisagés :
- le plafonnement des frais de scolarité des établissements homologués utilisés pour le calcul des bourses aligné sur celui applicable aux établissements conventionnés ;
- le plafonnement des frais de scolarité selon l'inflation définie par le département du travail américain.
Ces plafonnements permettaient de contenir l'enveloppe de bourses allouées aux élèves situés aux États-Unis où les frais de scolarité sont élevés. Les membres de la Commission nationale des bourses de l'AEFE ont plutôt bien accepté ce type de mesures de régulation, ce qui laisse espérer un relatif consensus d'ores et déjà dans les négociations sur les nouvelles règles de calcul des bourses à mettre en place à la suite de la suppression de la PEC.
Parmi les orientations de la réforme de la politique de bourses, la régulation des frais de scolarité pris en compte dans le calcul de la quotité de bourse constituera la pierre angulaire de la soutenabilité budgétaire du nouveau dispositif. En particulier, des mesures pourraient être prises en vue de limiter la hausse des frais de scolarité pris en compte, selon un système de plafonnement sur un taux d'évolution à définir .
En ce qui concerne l'évolution des frais de scolarité dans les établissements du réseau de l'AEFE, le second cycle du secondaire, où a été mise en oeuvre la PEC, est le cycle qui a connu la plus forte augmentation moyenne des frais de scolarité (+ 49 % entre 2007-2008 et 2011-2012, contre + 40 % dans les classes de collège et + 36 % dans les classes de primaire). Il convient de noter, toutefois, que les classes de lycée coûtent logiquement plus cher que celles des autres cycles, en raison notamment des dépenses d'équipement qu'elles impliquent.
Il existe aujourd'hui un très grand nombre de familles aidées à hauteur de 100 % dans le cadre de la politique des bourses, alors même que leur situation économique est très variable (revenu variant du simple au décuple). Comme l'affirme la Commission nationale des bourses dans sa note de synthèse, l'objectif de meilleure prise en compte des exigences de justice sociale et d'élargissement du nombre de bénéficiaires suppose, à terme, de diminuer la proportion de familles dont les frais de scolarité seront intégralement couverts par les bourses, afin de mieux aider les familles pénalisées par les effets de seuil .
Votre rapporteur pour avis rappelle qu'à l'heure actuelle, quelque 21 000 élèves français scolarisés à l'étranger bénéficient de bourses sur critères sociaux, soit environ 5 % des effectifs français du réseau de l'AEFE. La marge de progression dans le nombre de familles prises en charge est donc potentiellement significative.
B. LA PRISE EN CHARGE DES PENSIONS CIVILES A CONDUIT L'AEFE À PUISER CONSIDÉRABLEMENT DANS SES RESSOURCES PROPRES
L'intégration de la pension civile des personnels détachés dans les charges de l'agence à compter de 2009 a modifié de manière substantielle le périmètre sur lequel reposait son budget, de 425 millions d'euros en dotation de l'État sur le programme 185. En effet, l'équilibre du budget est alors impacté par une dépense nouvelle de plus de 120 millions d'euros, soumise à une progression à la fois importante et incertaine, en fonction de la détermination chaque année du taux de pension. Afin de faire face à cette charge, une subvention de 130 millions d'euros a été intégrée en base budgétaire à compter de 2010.
En raison du caractère progressif très marqué de cette charge pour pensions civiles, il est apparu, notamment à la faveur du triennum budgétaire 2009-2011, que cet abondement serait rapidement insuffisant, générant à court terme un déficit de recettes structurel toujours croissant.
COFI 1 2010 |
COFI 2011 |
BP 2 2012 |
|
Coût des pensions civiles en € |
131 029 312 |
140 312 112 |
149 822 000 |
2011/2010 |
2012/2011 |
||
Différentiel/N-1
|
9 282 800 |
9 509 888 |
1 Compte financier
2 Budget prévisionnel
L'agence a ainsi organisé la montée en charge des ressources propres en mettant en place les éléments permettant une croissance à la hauteur des enjeux de dépenses sur la pension civile. À ce titre, le conseil d'administration de l'AEFE a créé, à compter de 2009, une contribution de 6 % assise sur les frais de scolarité des établissements en gestion directe et conventionnés destinée pour partie à contribuer au financement des pensions civiles et de la programmation immobilière de son réseau. En raison de l'augmentation du nombre d'enfants scolarisés dans les établissements en gestion directe et conventionnés, cette contribution permet de dégager des recettes supplémentaires annuelles.
Une autre source de croissance de l'autofinancement est liée à la forte progression des recettes de participation des établissements en gestion directe et conventionnés à la rémunération des personnels AEFE résidents.
En 2013, il est prévu que le coût de la part patronale de la pension civile augmente de 13 millions d'euros par rapport à 2012, soit une dépense de 157 millions d'euros. Entre 2012 et 2015, la croissance de la pension civile est estimée à 25 millions d'euros. Dans ces conditions, le Gouvernement a souhaité accompagner l'effort budgétaire à accomplir par une dotation supplémentaire de 5,5 millions d'euros en 2013 et 2014 puis de 10,5 millions d'euros en 2015 par rapport à 2012. Malgré ces compléments budgétaires, l'AEFE devra miser sur la dynamisation de ses ressources propres afin d'absorber pleinement la charge pour pensions civiles.
Au sein de la contribution de 6 % assise sur les frais de scolarité des établissements en gestion directe et conventionnés, on estime qu'au moins 4 à 4,5 % devront être consacrés au financement de la prise en charge des pensions civiles, ce qui devrait réduire d'autant plus les moyens disponibles pour la programmation immobilière du réseau de l'agence .
C. LE FINANCEMENT DU PROGRAMME IMMOBILIER DU RÉSEAU DE L'AEFE S'APPUIE SUR DES PROCÉDURES COMPLEXES
Les opérations immobilières de l'AEFE concernent les établissements en gestion directe (EGD) dont l'agence assure la maîtrise d'ouvrage. La programmation pluriannuelle immobilière cumulée de l'agence depuis 2006 s'élève à 230 millions d'euros, dont 143 millions d'euros à la charge des services centraux et 87 millions d'euros à la charge des EGD. La mise en oeuvre de cette programmation pour les services centraux a représenté pour l'année 2011 un montant de 15 millions d'euros de dépenses et génère une prévision de dépenses pour 2012 de l'ordre de 41 millions d'euros.
Le financement des opérations était assuré jusqu'à la fin de l'année 2010 de la façon suivante :
- par prélèvement sur le fonds de réserve de l'établissement concerné ;
- par une aide de l'AEFE prélevée sur ses fonds propres (contribution de 6 % assise sur les frais de scolarité des établissements en gestion directe et conventionnés) ;
- par recours à l'emprunt, contracté par l'AEFE et remboursé par l'établissement.
L'article 12 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 interdit le recours à des emprunts d'une durée supérieure à douze mois pour les organismes français relevant de la catégorie des administrations publiques. Cette restriction est donc applicable à l'AEFE, en sa qualité d'établissement public à caractère administratif.
En 2011, le soutien du ministère des affaires étrangères a permis la mise en place d'un dispositif financier se substituant à l'emprunt afin que l'agence puisse équilibrer ses plans financiers et poursuivre sa politique immobilière. Une dotation de l'État d'un montant de 9,5 millions d'euros a été accordée à l'AEFE en lieu et place des sommes qu'elle avait prévu d'emprunter pour les projets de Berlin, Bruxelles et Amman.
En 2012, l'agence a été également autorisée à bénéficier d' avances de l'agence France Trésor pour un montant de 12,6 millions d'euros afin de financer six projets en cours (Amman, Bruxelles, Le Caire, Nouakchott, Sousse, Tunis). Pour 2013, ce dispositif des avances de France Trésor devrait être reconduit pour le financement de nouveau projets immobiliers identifiés, à hauteur de 12,5 millions d'euros. Les négociations sur la durée de remboursement des avances entre l'AEFE et France Trésor a permis d'aménager un étalement des remboursements en fonction de la dimension des projets, de huit ans pour les moins importants, à douze ans pour les plus lourds.
Concernant les établissements conventionnés, l'AEFE précise que la gestion de leurs opérations immobilières est assurée par les comités de gestion de ces établissements. L'AEFE peut participer financièrement à ces opérations soit en accordant des subventions pour l'investissement (6 millions d'euros en 2011), soit de façon indirecte en allégeant la gestion de ces établissements (annulation ou baisse des remontées de participation à l'agence). L'AEFE peut participer également à ces projets en assistant les comités de gestion dans le montage et le suivi de ces opérations.
Par ailleurs, dans les pays où la situation politique devient instable, l'agence est en contact étroit avec les services du ministère des affaires étrangères pour déterminer les mesures les plus adaptées à la situation. Les premières mesures visent généralement à renforcer les conditions de sécurité de ces établissements, comme cela a été le cas récemment dans les pays d'Afrique du Nord et du Sahel où une subvention exceptionnelle a été allouée à hauteur de 4 millions d'euros pour la sécurisation des locaux.
Au-delà des 9,5 millions d'euros de dotation de l'État et de la subvention exceptionnelle de 4 millions d'euros, le ministère des affaires étrangères participe également aux opérations immobilières des EGD en allouant des crédits d'investissements à hauteur d'un montant de 1,4 million d'euros en 2012-2013 à des projets immobiliers de l'AEFE à Istanbul et à Rome.