Avis n° 157 (2013-2014) de MM. Martial BOURQUIN , Pierre HÉRISSON et Mme Élisabeth LAMURE , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 21 novembre 2013

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N° 157

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances pour 2014 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME IV

ÉCONOMIE

Par MM. Martial BOURQUIN, Pierre HÉRISSON et Mme Élisabeth LAMURE,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Daniel Raoul , président ; MM. Martial Bourquin, Claude Bérit-Débat, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Pierre Hérisson, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, M. Gérard Le Cam, Mme Renée Nicoux, M. Robert Tropeano , vice-présidents ; MM. Jean-Jacques Mirassou, Bruno Retailleau, Bruno Sido , secrétaires ; M. Gérard Bailly, Mme Delphine Bataille, MM. Michel Bécot, Alain Bertrand, Mme Bernadette Bourzai, MM. François Calvet, Roland Courteau, Marc Daunis, Claude Dilain, Alain Fauconnier, Didier Guillaume, Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Jean-Claude Lenoir, Philippe Leroy, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Michel Magras, Jean-Claude Merceron, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Mireille Schurch, M. Yannick Vaugrenard .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 1395, 1428 à 1435 et T.A. 239

Sénat : 155 et 156 (annexe n° 11 ) (2013-2014)

INTRODUCTION

Mesdames, messieurs,

Cette année encore, le projet de loi de finances initiale pour 2014 est élaboré et examiné dans un contexte financièrement et économiquement très contraint. La croissance redémarre mais reste timide (la prévision d'augmentation du PIB sur laquelle repose le budget pour 2014 est de 0,9 %). Le déficit public poursuit sa décrue (il est passé de 5,3 % du PIB en 2011, 4,8 % en 2012 pour atteindre vraisemblablement 4,1 % en 2013, l'objectif étant de 3,6 % en 2014) mais l'assainissement des comptes publics n'est pas achevé et demandera encore un effort collectif significatif, effort d'ailleurs axé sur la maîtrise de la dépense plus que sur la hausse des prélèvements. Ainsi, après 20 milliards d'euros de hausse d'impôts en 2011, 21 milliards en 2012, la pression fiscale augmentera en 2014 de 3 milliards d'euros seulement, dont 2 milliards d'euros proviendront de la lutte contre la fraude. Les économies budgétaires devraient à l'inverse atteindre 15 milliards d'euros, dont 9 dans la sphère des dépenses de l'Etat stricto sensu.

En même qu'on rétablit les comptes publics, il est cependant nécessaire de veiller à investir dans la croissance de demain. Plusieurs dispositifs s'inscrivent dans cette perspective, notamment avec la mise en place d'un nouveau programme d'investissement d'avenir (PIA 2) et du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE).

La mission "Economie", dont le présent rapport examine les crédits s'inscrit dans ce double objectif : effort de maîtrise de la dépense, singulièrement sur le programme 134, mais aussi création de trois nouveaux programmes budgétaires pour porter plus de 1,6 milliard de crédits dans le cadre PIA 2 ; effort de réduction des dépenses fiscales du fait essentiellement du relèvement du taux réduit de TVA et, en même temps, dépense fiscale de plus de 9 milliards d'euros en faveur de la compétitivité et de l'emploi avec le CICE.

M. Martial Bourquin , outre une analyse générale des crédits de la mission, présentera un état des lieux de la situation du Fisac et de ses perspectives d'avenir.

Mme Elisabeth Lamure , examine le volet « commerce extérieur » du projet de loi de finances pour 2014.

M. Pierre Hérisson, analyse quant à lui les moyens consacrés aux postes et communications électroniques.

Au cours de sa réunion du 20 novembre 2013, la commission des Affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2014.

CHAPITRE I -
UNE MISSION DÉDIÉE À LA CONCEPTION ET À LA CONDUITE DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES

Ce chapitre est présenté par M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis.

I. UNE MISSION BUDGÉTAIRE SENSIBLEMENT ÉTOFFÉE PAR L'AJOUT DE TROIS PROGRAMMES

La finalité de la mission « Économie » est de « favoriser la mise en place d'un environnement propice à une croissance durable et équilibrée et de promouvoir le redressement productif du pays. À ce titre, elle retrace pour 2014, comme les années précédentes, les crédits relatifs aux programmes 134 « Développement des entreprises et du tourisme », 220 « Statistiques et études » et 305 « Pilotage de l'économie française ». A ces trois programmes, qui constituent le coeur historique de la mission « Économie », s'ajoutent, en 2014, trois programmes temporaires destinés à mettre en oeuvre certains aspects du nouveau Programme d'investissements d'avenir (PIA), lancé en 2013. Il s'agit des programmes 405 « Projets industriels », 406 « Innovation » et 407 « Economie numérique ». Compte tenu des changements intervenus cette année dans la maquette de la mission, comparer globalement les crédits par rapport à ceux du budget pour 2013 n'aurait pas de sens. On scindera donc l'analyse de l'évolution des crédits en deux, en commençant par examiner les programmes pérennes de la mission, avant d'examiner ceux qui servent de support au nouveau PIA.

A. LES TROIS PROGRAMMES « HISTORIQUES » DE LA MISSION « ÉCONOMIE » SONT DESTINÉS À PROMOUVOIR UN ENVIRONNEMENT FAVORABLE À LA CROISSANCE

? L es moyens relatifs à la conception et au pilotage des politiques économiques nationales , à savoir l'expertise économique, statistique et juridique présente dans deux administrations d'état-major (les directions du Trésor et de la Législation fiscale) et à l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) figurent sur les programmes 220 et 305 .

Crédits en millions d'euros et variation par rapport à 2013

AE

CP

Programme 220 « Statistiques et études »

475,9 (+1,2%)

471,5 (+0,5%)

Programme 305 « Pilotage de l'économie française »

494,1 (-3,1%)

494,1 (-3,1%)

Le plafond d'emplois s'établit à 5 707 ETP pour le programme 220 « Statistiques et études », en baisse de 2 % par rapport à 2013. Celui du programme 305 « Pilotage de l'économie française » atteint 1730 ETP, soit -9,5 %.

? Le programme 134 « Développement des entreprises et de l'emploi » regroupe les moyens nécessaires à la mise en oeuvre d'un ensemble de politiques assez disparates, qui portent sur l'accompagnement des entreprises par les pouvoirs publics, la surveillance du cadre concurrentiel général ou sectoriel, ou encore la protection des consommateurs .

Globalement, les crédits de ce programme prévus pour 2014 ressortent en baisse par rapport à 2013 : ils s'établissent à 1 016,5 millions d'euros en AE (-6%) et 1027 millions d'euros en CP (-5,5%). Si l'on tient compte du fait que les crédits de ce programme incluent pour 2014 une dotation de 50 millions d'euros au titre d'une nouvelle action 05 « Fonds de soutien aux collectivités ayant contracté des produits structuré s », action dont votre rapporteur pour avis souligne qu'elle est sans lien avec la finalité du programme et qu'elle devrait plutôt être rattachée à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », le recul des crédits du programme 134 par rapport à 2013 s'établit en réalité à 108 millions d'euros (-10%).

Concernant les effectifs du programme, on observe un coup d'arrêt à leur diminution après plusieurs années de baisse continue.

ÉVOLUTION DES MOYENS HUMAINS DU PROGRAMME 134

Plafond d'emplois (ETP)

Ä 2014/2013

Crédits (millions d'euros)

2011

2012

2013

2014

programme 134

5 772

5 613

5256

5339

+83 (+1,5%)

414

Source : PAP mission « Économie » pour 2014

L'évolution à la baisse des crédits du programme 134 recouvre cependant des évolutions contrastées selon les actions :

- les crédits de l'action 02 « Commerce, artisanat et services » visent à soutenir le commerce de proximité et les services à la personne. Ils connaissent un nouveau recul cette année encore : -12,4 millions d'euros (-12 %). En cinq ans, les crédits de cette action auront été divisés par 2.

Crédits de l'action 02

2009

2010

2011

2012

2013

2014

187,3

189

184,9

131,9

101,4

88,1

(en millions d'euros courants)

Dans le détail, les crédits du FISAC (EPARECA inclus), prévus à 27 millions d'euros pour 2014, perdent de nouveau 5 millions d'euros. Votre rapporteur pour avis reviendra plus loin sur cette question.

L'aide au comité professionnel de la distribution de carburant (CPDC) connaît une nouvelle érosion, tombant l'année prochaine à 3,12 millions d'euros. Le CPDC a pour mission d'accompagner l'évolution du réseau de distribution de détail en carburants, l'enjeu étant de permettre sa modernisation (notamment pour répondre aux exigences en matière de mise aux normes) et le maintien de points de vente de proximité indispensable du point de vue de l'aménagement du territoire. Compte tenu de la baisse continue des crédits du CPDC, votre rapporteur pour avis, qui est également rapporteur du projet de loi sur la consommation en cours d'examen au parlement, se félicite donc qu'en première lecture de ce texte, le Sénat se soit prononcé en faveur du report au 31 décembre 2020 de l'obligation d'enterrer les réservoirs des stations-service distribuant moins de 500 mètres cubes par an .

Dotation du CPDC

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

7,5

6,5

6,5

4,75

3,55

3,5

3,12

(en millions d'euros courants)

- les crédits de l'action 03 « Actions en faveur des entreprises industrielles » visent à améliorer la compétitivité de l'industrie française en agissant sur son environnement économique, réglementaire, social, financier et technologique. Ils s'établissent, pour 2014, à 195,8 millions d'euros - contre 213,2 millions d'euros en 2013 (-8,1 %). Votre rapporteur pour avis souligne en effet que les crédits figurant dans cette action ne constituent qu'une fraction minime de l'effort national en faveur des entreprises industrielles et du renouveau industriel de la France. À cet égard, il serait souhaitable, pour rendre plus lisible la politique industrielle de la nation, de disposer d'un document budgétaire de synthèse permettant de chiffrer l'investissement public consenti dans ce domaine via des dépenses budgétaires et fiscales aujourd'hui dispersées dans plusieurs documents budgétaires.

Crédits de l'action 03

2009

2010

2011

2012

2013

2014

264

261,9

242,7

215,4

213,2

195,8

(en millions d'euros courants)

- Deux actions ont trait au secteur des communications électroniques et des postes . Il s'agit de l'action 04, « Développement des télécommunications, des postes et de la société d'information », qui concentre la grande majorité des crédits, et de l'action 13, « Régulation des communications électroniques et des postes ». Ces deux actions feront l'objet d'un développement spécifique dans la troisième partie de ce rapport.

On se contentera donc d'indiquer ici qu'elles connaissent des évolutions contrastées pour 2014. L'action 04 enregistre une hausse sensible, ses crédits étant portés de 44,9 à 194,8 millions d'euros (+ 333,9 %), en AE comme en CP, du fait d'un changement de périmètre. L'action 13, en revanche, voit ses crédits stagner, en AE comme en CP, et à 22,85 millions d'euros.

- Les crédits prévus pour 2014 au titre de l'action 07 « Développement international des entreprises » , c'est-à-dire la dotation à Ubifrance, s'établissent à 97,8 millions d'euros (-6,1 millions d'euros, soit -5,9 % par rapport à 2013). C'est un nouveau recul significatif après la diminution de 14 millions d'euros entre 2012 et 2013 (recul cumulé de 17 % en deux ans).

- L'action 08 « Expertise, conseil et inspection » porte les crédits du Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGEIET) dont la mission est d'éclairer les décideurs publics au moyen d'avis, d'audits et de contrôle. Ses moyens pour 2014 s'établissent à 18,6 millions d'euros, en hausse de 3,9 % par rapport à 2013.

- Les crédits des autorités administratives indépendantes rattachées au programme (action 13 : ARCEP ; action 14 : CRE et action 15 : Autorité de la concurrence) restent stables nominalement par rapport à 2013 : respectivement 22,8, 19,9 et 20,7 millions d'euros.

- Les crédits de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) (action 15 « Régulation concurrentielle des marchés », action 16 « Protection économique du consommateur » et action 17 « Protection économique du consommateur ») sont en hausse. Globalement, ils s'établissent à 238 millions d'euros, contre 235 millions d'euros en 2013 (+1,3%). Le plafond d'emplois sur ces trois actions est également en augmentation d'une centaine d'ETP pour atteindre 3109. Votre rapporteur pour avis se félicite de l'inflexion intervenue depuis le début de la nouvelle législature en vue de mettre en accord les moyens de la DGCCRF avec les missions fondamentales que le législateur lui assigne .

Dotation budgétaire de la DGCCRF (actions 15, 16 et 17)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

252,8

252,9

229,9

224,8

235

238

(en millions d'euros)

- L'action 20 « Financement des entreprises et attractivité du territoire » contribue, d'une part, au développement des PME et des ETI grâce à des interventions en garantie et cofinancement permettant de soutenir leur financement, à la prospection d'investissements étrangers et, d'autre part, à la promotion du territoire français auprès des investisseurs internationaux susceptibles de s'y implanter. Le premier volet est mis en oeuvre par Bpifrance ; le second par la direction générale du Trésor et par l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII). Les crédits de cette action passent de 19,7 à 43,7 millions d'euros en raison de l'octroi d'une dotation exceptionnelle de 25 millions d'euros à Bpifrance financement pour financer ses activités de garanties . La dotation de l'AFII est pour sa part en baisse, de 14,2 millions d'euros à 13,9 millions d'euros.

- L' action 21 en faveur du développement du tourisme voit ses crédits de paiement passer à 37,2 millions d'euros (-3,9 % par rapport à 2013). Par rapport à 2012, le recul cumulé des crédits atteint 14,5 %.

B. TROIS NOUVEAUX PROGRAMMES POUR PORTER LES CRÉDITS DU PROGRAMME D'INVESTISSEMENTS D'AVENIR

Annoncé par le Premier ministre le 9 juillet 2013, le second programme d'investissements pour la France (PIA 2), d'un montant de 12 milliards d'euros, a pour objet de prolonger l'effort d'investissement national engagé par le premier PIA issu de la loi n° 2010-937 de finances rectificative du 9 mars 2010. L'engagement des crédits au titre du PIA 1 est en effet désormais quasiment achevé : sur les 35 milliards d'euros du premier programme, 28,5 milliards d'euros ont été engagés au titre du premier PIA et des procédures d'attribution sont en cours pour d'autres projets à hauteur de 4,4 milliards d'euros. Enfin une enveloppe de 2,2 milliards d'euros a été réorientée en début d'année pour répondre aux priorités du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi.

La réorientation des crédits du PIA 1

soutien à l'innovation et aux filières industrielles

industrialisation des pôles de compétitivité

110

fonds multithématique de capital-risque/développement

590

soutien à l'innovation de rupture

150

appel à projet pour l'économie sociale et solidaire

20

développement et diffusion des technologies génériques

soutien à la recherche technologique des PME par les instituts Carnot

150

développement de la R&D dans la filière numérique

150

prêt numérique à destination des entreprises

300

formation

formation partenariale pour les métiers de demain

100

stimulation de l'offre e-éducation

15

transition énergétique (nouveaux appels à projets ADEME)

300

économie du vivant et de la santé

80

réorientation vers des actions existantes dans l'aéronautique et le financement des entreprises

420

(millions d'euros)

Le PIA 2 sera articulé autour de trois axes : le soutien à la recherche et à l'université ; la transition énergétique et écologique et la ville durable ; l'innovation et la recherche dans les filières industrielles. Budgétairement, ces crédits seront portés par 9 missions, dont la mission « Economie » au travers des programmes 405 « Projets industriels », 406 « Innovation » et 407 « Economie numérique ». Au total ces trois programmes, pilotés par la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) sous la responsabilité du ministre du redressement productif représentent une enveloppe de 1,675 milliard d'euros, soit 14 % des crédits du PIA 2.

Comme ce fut le cas pour le PIA 1, l'inscription de la totalité des crédits du second PIA a lieu en une fois, mais l'engagement des dépenses et leur règlement se fera sur plusieurs années. En l'espèce, s'agissant des programmes rattachés à la mission « Economie », les deux opérateurs concernés, BPIgroupe et la Caisse des dépôts et consignations, utiliseront l'enveloppe dont la gestion leur est confiée dans le cadre d'appels à projets.

Il est à noter qu'une partie des dépenses du second PIA, singulièrement celles inscrites sur les programmes 405, 406 et 407, accroissent le patrimoine de l'Etat puisqu'elles prennent la forme de créances détenues sur les acteurs économiques (prêts, avances remboursables) ou de prises de participation.

1. Le programme 405 « Projets industriels »

Ce nouveau programme vise à soutenir l'investissement des filières industrielles dans des projets structurants pour le tissu économique national.

L' action 01 « Projets industriels d'avenir » vise à soutenir spécifiquement les projets industriels les plus structurants pour les grandes filières actuelles au niveau national. L'EPIC BPI-Groupe en sera l'opérateur. Les projets industriels seront sélectionnés par appels à projets en fonction de leur cohérence avec les priorités de la politique industrielle et des enjeux stratégiques de chaque projet pour la filière concernées notamment eu égard au potentiel de croissance qu'ils recèlent. Cet action est dotée de 330 millions d'euros répartis en 80 millions d'euros de subventions, 50 millions d'euros d'avances remboursables et 200 millions d'euros de prises de participations.

L' action 02 « Projets pour l'industrialisation » est d'ampleur financière plus modeste. Dotée de 30 millions d'euros, elle servira à financer des prêts pour l'industrialisation pour des PME et ETI. Il s'agit de concrétiser au travers d'une industrialisation et d'une valorisation commerciale des projets de R&D, parfois d'ailleurs soutenus par les pouvoirs publics, qui arrivent à leur terme mais peinent à trouver les financements nécessaire pour passer de l'idée au produit, au service ou au procédé commercialisable. Les 30 millions d'euros figurant sur cette action ne sont pas destinés à alimenter les prêts pour l'industrialisation eux-mêmes, mais à les garantir. Bpifrance distribuera en effet ces prêts à hauteur de 270 millions d'euros, via le compte de concours financiers 866 « Prêts aux petites et moyennes entreprises », tout en garantissant ces prêts grâce à la dotation de 30 millions d'euros ouverte sur le programme 305. Ces financements de Bpifrance se feront sous forme de cofinancement privé et sont donc destinés à exercer un effet de levier.

L' action 03 « Usine du futur : robotisation » est dotée de 60 millions d'euros. Elle permettra de bonifier et garantir pour 300 millions d'euros de prêts destinés à financer des investissements de robotisation de PME et ETI industrielles.

Programme 405 « Projets industriels »

420

Action 01 « Projets industriels d'avenir »

330

Action 02 Prêts pour l'industrialisation

30

Action 03 « Usine du futur : robotisation »

60

(en millions d'euros)

2. Le programme 406 « Innovation »

Ce nouveau programme, doté de 690 millions d'euros en AE comme en CP, vise à renforcer la compétitivité de notre économie, en favorisant la croissance des entreprises innovantes, jusqu'à l'émergence de nouveaux leaders industriels mondiaux, selon trois axes portés par les trois actions du programme :

- L' action 01 , bénéficiant de 150 millions d'euros, en AE comme en CP, est un complément de l'action « Innovation de rupture » du premier programme d'investissements d'avenir, déjà dotée de 150 millions d'euros de subvention. Cette double possibilité de financement permettra à l'État d'accompagner des projets dans la durée, selon leurs besoins spécifiques et leur maturité, et d'investir dans des projets d'innovation de rupture, apportant le cadre d'un actionnaire de long terme.

- L' action 02 , dotée de 240 millions d'euros, en AE comme en CP, intitulée « Fonds national d'innovation », permettra de soutenir un fonds souverain de la propriété intellectuelle (100 millions d'euros en prises de participations), soutien à l'innovation de modèle et de procédé (120 millions d'euros en avances remboursables) et de développer la culture de l'innovation et de l'entrepreneuriat (20 millions d'euros en subventions) ;

- L' action 03 , mobilisant 300 millions d'euros, en AE comme en CP, permettra de poursuivre la réalisation de projets structurants et, par suite, de développer l'écosystème des pôles de compétitivité , à l'instar de la stratégie poursuivie par de nombreux pays industrialisés dans le développement de leurs clusters.

3. Le programme 407 « Économie numérique »

Le contenu de ce nouveau programme, doté de 565 millions d'euros, est précisé dans la partie du rapport consacrée au secteur des communications électroniques et de La Poste.

On indiquera simplement à ce stade qu'il contient deux actions

- L' action 01 , dédiée aux « quartiers numériques » (215 millions d'euros) ;

- L' action 02 , concentrée sur les usages et technologiques du numérique (350 millions d'euros).

II. LE POIDS DES DÉPENSES FISCALES RATTACHÉES A ENCORE AUGMENTÉ SOUS L'EFFET DE LA MISE EN PLACE DU CRÉDIT D'IMPÔT POUR LA COMPÉTITIVITÉ ET L'EMPLOI (CICE)

A. LE CICE : UNE MONTÉE EN RÉGIME SATISFAISANTE, UN CIBLAGE À AMÉLIORER

Pour favoriser la mise en place d'un environnement favorable à la croissance et à l'emploi, le principal levier n'est pas budgétaire mais fiscal. En effet, 86 dépenses fiscales sont associées à la mission « Économie », la très grande majorité (77) étant rattachée au programme 134 « Développement des entreprises et de l'emploi ».

Ces niches représentent une perte de recettes fiscales dont le montant total est estimé à 16,874 milliards pour 2014 , contre 7,8 milliards d'euros pour 2013, soit plus de huit fois le montant des crédits budgétaires ouverts sur les programmes pérennes de la mission. Il faut préciser, au passage, qu'il s'agit là d'ordre de grandeur, l'estimation du coût de ces niches fiscales étant marquée par un fort degré d'approximation.

La forte hausse des dépenses fiscales rattachées à la mission est due à la mise en place du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) créé par l'article 66 de la loi de finances rectificative pour 2012 et constituant la plus connue des 35 mesures du Pacte national pour la croissance. Ce crédit d'impôt est conçu comme un outil pour rétablir les marges des entreprises et permettre, grâce à la restauration des capacités d'autofinancement, une reprise de l'investissement et une montée en gamme de l'économie française.

Budgétairement, pour 2014, le coût du CICE est évalué à 9,760 milliards d'euros. Il est à noter que cette somme correspond au coût du CICE enregistré en 2013, pendant que la mesure se mettait en place et n'avait pas encore atteint son plein régime. Alors que le CICE représentait, en 2013, une baisse des coûts du travail équivalent à 4 % de la masse salariale brute pour les salaires en-dessous de 2,5 SMIC, ce taux passera à 6 % à partir de 2014, ce qui correspond à un allègement de 20 milliards d'euros dont l'impact budgétaire se fera sentir en 2015.

Concernant le CICE, votre rapporteur pour avis souhaite faire plusieurs remarques :

- tout d'abord, les entreprises peuvent solliciter auprès de Bpifrance ou leur banque commerciale le préfinancement du CICE. Ce mécanisme de préfinancement a permis de donner un effet immédiat à la mesure . Au premier trimestre 2013, après intégration du CICE, l'indice du coût du travail (ICT) de l'ensemble des secteurs marchands non agricoles a ainsi baissé de 1,9 %, contre une hausse de 1,0 % au quatrième trimestre 2012 ;

- la montée en régime du CICE s'est faite de manière satisfaisante . En mai 2013, un tiers des établissements du régime général avaient déjà renseigné la masse salariale devant servir d'assiette au calcul du CICE dans leur déclaration mensuelle ou trimestrielle. En juillet 2013, ce taux dépassait 70 % preuve que le dispositif est suffisamment simple pour être mise en oeuvre rapidement par les entreprises ;

- le ciblage du CICE doit être amélioré . Applicable aux salaires inférieurs à 2,5 fois le SMIC, il s'applique très largement aux delà des entreprises industrielles, innovantes et exportatrices qui constituent le socle du redressement productif national. De fait, deux tiers de la masse salariale des entreprises françaises entrent dans le champ du CICE. Ainsi, l'industrie manufacturière ne bénéficie que pour 18 % du total du CICE. Ce dernier apparaît donc davantage comme un dispositif de soutien à l'emploi, équivalent à des mesures d'allègement du coût du travail, que comme une mesure destinés à stimuler la compétitivité et faire évoluer la structure productive dans le sens d'une montée en gamme. Pour donner sa pleine mesure, le dispositif mériterait donc d'être mieux ciblé au bénéfice des entreprises industrielles et exportatrices.

B. LA MAÎTRISE DES AUTRES DÉPENSES FISCALES

Hors CICE, les dépenses fiscales de la mission sont en forte baisse (-11,4 %) en raison du relèvement du taux réduit de TVA à 10 % à compter du 1er janvier 2014, qui permet une réduction d'ensemble du coût de ces mesures de plus de 800 millions d'euros.

Montant des dépenses fiscales associées à la mission « Économie » (en millions d'euros)

2012

2013

2014

Programme 134

(134 et 223 pour la période 2010-2012)

8156

7736

16582

Programme 134

Hors CICE

8156

7736

6822

Programme 305

103

293

292

(en millions d'euros)

Source : projet annuel de performance de la mission « Économie » dans le projet de loi de finances initialpour 2014

Evolution du coûtt des mesures de taux réduit de TVA

2013

2014

Evolution

Taux réduit de TVA applicable aux ventes à consommer sur place dans les restaurants

3110

2490

-620

Taux réduit de TVA pour la fourniture de logement dans les hôtels

810

650

-160

Taux réduit de TVA pour la fourniture de logements dans les terrains de camping classés

190

155

-35

Total

4110

3295

-815

(en millions d'euros)

Source : projet annuel de performance de la mission « Économie » dans le projet de loi de finances initialpour 2014

CHAPITRE II - VERS UN RENOUVEAU DU FONDS D'INTERVENTION POUR LES SERVICES, L'ARTISANAT, ET LE COMMERCE (FISAC) ?

Ce chapitre est présenté par M. Martial Bourquin.

Depuis plusieurs années, la commission des Affaires économiques du Sénat suit avec inquiétude l'évolution des moyens budgétaires alloués au Fisac , en soulignant que la baisse drastique et continue de ses crédits menace de disparition un outil pourtant indispensable au maintien et au développement du commerce de proximité dans les secteurs ruraux ou urbains les plus fragiles. Sans lui, la dynamique économique spontanée risquerait de conduire à la disparition de points de vente de détail importants du point de vue de l'aménagement du territoire et essentiels aux besoins des populations qui y vivent.

Le projet de loi de finances pour 2014, dans sa version déposée initialement devant le Parlement, n'était pas de nature à dissiper cette inquiétude. Avec une dotation annuelle annoncée de 20 millions d'euros, 27 millions en comptant la subvention versée à l'Etablissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA), on semblait en effet entériner l'impasse budgétaire du Fisac et acter la disparition de fait de cet outil.

On peut espérer pourtant que l'opiniâtreté parlementaire à sauver le Fisac finisse par payer . L'annonce par le Gouvernement d'une rallonge budgétaire significative pour solder plusieurs années de sous-financement du fonds et une réforme législative à l'occasion de l'examen prochain du projet de loi sur l'artisanat, le commerce et les très petites entreprises pourraient être, en effet, marquer le renouveau d'un Fisac recentré sur ses missions essentielles.

I. UN DIAGNOSTIC DES DIFFICULTÉS DU FISAC

Par lettre de mission du 13 septembre 2012, la ministre du commerce, de l'artisanat et du tourisme a saisi le Contrôle général économique et financier d'une mission de diagnostic et de propositions sur le Fisac. La mission a rendu ses conclusions dès le mois de décembre 2012. Elle dresse un constat assez sévère sur la situation du fonds, d'une part, en indiquant que le dispositif a perdu toute cohérence , d'autre part, en soulignant le caractère intenable de sa situation financière .

A. UN ÉLARGISSEMENT CONSIDÉRABLE DES MISSIONS

Le premier constat est celui d' un élargissement des missions du Fisac au cours du temps . Le rapport du contrôle financier est assez sévère sur ce point, parlant d'élargissement « tous azimuts » ou encore « d'inventaire à la Prévert ». Votre rapporteur pour avis est plus nuancé. Aucune des missions confiées au cours du temps au Fisac ne semble franchement aberrante et contraire à l'objectif fondamental, qui est de soutenir le commerce de proximité dans les secteurs démographiquement et économiquement fragiles. Le problème réside sans doute moins dans la définition du champ des missions du Fisac que dans un sous-financement chronique ainsi que dans une logique de guichet ouvert et de non modularité des taux de subvention.

1. Un élargissement des missions par étapes

À l'origine, la mission du Fisac a été conçue de manière essentiellement défensive et relativement étroite. L'article 4 de la loi du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales disposait en effet que ses ressources devaient être consacrées à :

- des opérations collectives visant à la sauvegarde des activités des commerçants et des artisans dans les secteurs touchés par les mutations sociales consécutives à l'évolution du commerce et de l'artisanat ;

- des opérations favorisant la transmission ou la restructuration d'entreprises commerciales ou artisanales.

La loi de finances pour 2003 a procédé à un premier élargissement des missions du Fisac, le « S » de Fisac désignant désormais non plus la « sauvegarde » mais les « services » 1 ( * ) .

Mais la mutation majeure est intervenue à l'occasion de la loi du 4 août 2008 pour la modernisation de l'économie . La LME a instauré une approche plus offensive, visant non pas à sauvegarder mais à encourager le développement économique dans les territoires fragiles. Selon l'article 100 de la LME, le Fisac est désormais destiné à subventionner :

- la création, le maintien, la modernisation, l'adaptation ou la transmission des entreprises de proximité, pour conforter le commerce sédentaire et non sédentaire, notamment en milieu rural, dans les zones de montagne, dans les halles et marchés ainsi que dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ;

- la facilitation du retour à une activité normale des commerces de proximité après l'exécution de travaux publics réduisant l'accès de la clientèle à ces commerces ;

- la prise en charge des intérêts des emprunts contractés par les communes pour l'acquisition, par voie de préemption commerciale (article L. 214-1 du code de l'urbanisme), de fonds artisanaux, de fonds de commerce, de baux commerciaux ou de terrains destinés à l'aménagement commercial.

2. Un double niveau d'intervention : territorial et national

Le Fisac se décompose aujourd'hui en deux ensembles de dispositifs, des outils territoriaux d'intervention et des outils nationaux - chacune de ces deux branches du Fisac se déclinant à son tour en une série d'actions.

Le Fisac terriorial finance deux types d'actions.

D'un côté, on trouve les opérations individuelles (ORI), qui peuvent être conduites dans les communes de moins de 3 000 habitants au bénéfice d'entreprises de proximité dont le chiffre d'affaires est inférieur à un million d'euros et dont les clients sont des consommateurs finaux. Sont éligibles aussi bien les entreprises sédentaires que non sédentaires.

De l'autre, ont lieu des opérations collectives qui concernent un ensemble d'entreprises situées dans un secteur géographique donné. Celles-ci peuvent être réalisées par une collectivité territoriale, un de ses établissements publics ou par une chambre consulaire. Ces opérations collectives comprennent plus précisément :

- des opérations urbaines (les « OU ») pour les communes ou de plus de 3 000 habitants. Elles sont destinées à renforcer le tissu des entreprises locales, notamment dans les zones urbaines sensibles (ZUS) ;

- des opérations collectives de modernisation de l'artisanat, du commerce et des services (les « OCMR ») pour les communes rurales dans des territoires menacés de fragilisation par l'évolution démographique ou économique ;

- les opérations d'aménagement dans les communes rurales (OAC) destinées à créer un environnement favorable à l'exercice des activités commerciales, artisanales ou de services.

Par ailleurs, le Fisac territorial finance aussi des études, dont celles avant lancement d'une opération.

D'autres actions constitutives du Fisac « national » :

- dans le cadre du décret n° 90-145 du 15 février 1990, le Fisac participe au financement des actions de développement conduites par les chambres de métier. Elles visent à promouvoir la qualification des chefs d'entreprises, à adapter les produits et les services offerts ou encore à moderniser la gestion des entreprises ;

- les fonds du Fisac incorporaient, jusqu'à cette année, la subvention versée à l'EPARECA ;

- enfin, le Fisac sert de fonds d'intervention exceptionnel pour aider l'artisanat et le commerce de proximité en cas de catastrophe naturelle.

B. UNE ADMINISTRATION INSATISFAISANTE DU DISPOSITIF

La mission du contrôle économique et financier a permis d'établir un diagnostic complet des insuffisances de l'organisation et de la gestion du Fisac , dont certains étaient d'ailleurs identifiés depuis longtemps. Parmi les principaux problèmes, on peut citer :

- une absence de sélectivité . Les opérations individuelles (ORI) sont par exemple éligibles dès lors qu'elles concernent les communes de moins de 3000 habitants et les entreprises faisant moins d'un million d'euros de bénéfice. Entrent donc dans le champ des ORI 90 % des communes et la quasi-totalité des entreprises artisanales et commerciales ! Même remarque pour les opérations urbaines ;

- une absence de modularité des taux de subvention en fonction de l'intérêt intrinsèque de l'opération . Selon la mission de contrôle, les dossiers présentés par les DIRECCTE, à quelques exceptions près, font état de demandes de subvention au taux maximal ;

- une gestion assez opaque des dossiers et crédits , conséquence directe des travers précédents. L'absence de modularité et de sélectivité, dans un contexte de pénurie financière, conduisent en effet à une gestion très empirique . Les dossiers instruits par les DIRECCTE, trop ombreux eu égard aux fonds disponibles, sont gardés sous le coude avant d'être transmis à la DGCIS, qui fait de même avant de les transmettre au ministre pour signature ; ce dernier stocke lui-même les dossiers avant d'autoriser la délivrance des fonds. D'où une incroyable accumulation de dossiers recevables en attente de règlement (environ un millier fin 2012). À cette gestion par allongement de la file d'attente s'ajoute une gestion par abattement des taux de subvention : ainsi, après s'être vus accordés une subvention au taux maximal, les dossiers se voient appliqués un taux d'abattement arbitraire de 20 % en 2009, 26 % en 2010, 32 % en 2011 et 43 % en 2012 ;

- u n dispositif coûteux à faire fonctionner , notamment du fait d'une double instruction par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRRECTE) et la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS). En ETP, le traitement des dossiers mobilise 10 agents à la DGCIS et 70 à 80 agents dans les DIRECCTE, selon les estimations de la mission. Si on ne prend en compte que les agents de l'Etat (en région et au niveau central), le Fisac occupe ainsi près d'une centaine d'agents, soit un coût (salaires et fonctionnement induit) de l'ordre de 8 millions d'euros par an - à rapporter au montant des fonds distribués par le Fisac, de l'ordre de 30 à 40 millions d'euros ces dernières années ;

- une répartition géographique des aides peu égalitaire . Ainsi, les trois premières régions bénéficiaires (Rhône-Alpes, Aquitaine, Ile de France) captent un tiers des sommes allouées alors que les trois dernières, hors DOM-TOM, (Corse, Picardie, Alsace) s'en partagent 3 %. La région Aquitaine, avec un nombre de commerces équivalent à celui du Nord-Pas-de-Calais captent deux fois plus d'aides au titre du Fisac. La région Rhône-Alpes, avec un nombre de commerces équivalent à celui de la région PACA, est quatre fois mieux pourvue que cette dernière. On pourrait multiplier les exemples. La comparaison des aides allouées en regard du tissu artisanal et commercial de chaque région illustre une forte distorsion entre les attributions de crédits du FISAC et le tissu commercial et artisanal et démontre une inégale capacité des collectivités à capter les crédits disponibles.

C. UNE IMPASSE BUDGÉTAIRE CAUSÉE ESSENTIELLE PAR UNE SOUS-DOTATION CHRONIQUE

À la fin de septembre 2012, au moment où la mission de contrôle commence son travail, la situation du Fisac est devenue catastrophique : le besoin de financement pour honorer la file d'attente des dossiers recevables est estimé à 120 millions d'euros alors que les fonds disponibles à cette date se montent à seulement 15 millions d'euros. Le trou à combler est donc de l'ordre de 100 millions d'euros .

Au 30/09/2012

Millions d'euros

Dossiers en cours d'instruction

67,8

Dossiers instruits en stock à la DGCIS

34

Dossiers instruits, présentés à la signature du ministre mais non signés

8,2

Marge d'ereur

10

total

120

Le rapport de la mission de contrôle évoque un effet de ciseaux entre l'élargissement des missions du Fisac d'un côté et la réduction de sa dotation budgétaire annuelle de l'autre. L'explication n'est cependant qu'à demi convaincante . Les chiffres mettent en effet en évidence une augmentation du nombre de dossiers déposés mais pas une augmentation concomitante de la valeur cumulée de ces dossiers, comme l'illustre le tableau ci-dessous. On a une évolution en dents de scie, pas une augmentation continue : la valeur des dossiers déposés atteint en fin de période un montant analogue à celui du début et du milieu de la période, environ 55 millions d'euros. Autrement dit, l'élargissement des missions du Fisac a conduit à un saupoudrage des crédits (ce qui n'est pas une bonne chose certes) mais pas à une explosion des besoins de financement.

Dossiers déposés

2007

2008

2009

2010

2011

En nombre

769

732

849

817

1078

En valeur (en millions d'€)

55

47

58,6

47,6

57,1

Source : rapports annuels DGCIS

Si l'augmentation en valeur des dossiers de demande n'est pas criante, la réduction drastique des crédits du Fisac est en revanche manifeste, avec une réduction par 2 de la dotation budgétaire entre 2007 et 2012 . La cause première de l'impasse budgétaire du Fisac est donc bien une politique constante de sous-dotation budgétaire .

DOTATION BUDGÉTAIRE DU FISAC

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

CP

98,3

67,2

66,4

64,3

64

40,9

32

(en millions d'euros)

II. SORTIR DE L'IMPASSE BUDGÉTAIRE ET REFONDER LE FISAC

A. LES VOIES DE SORTIE DE L'IMPASSE BUDGÉTAIRE

1. Mobiliser les fonds dormant

L'urgence est d'apurer les comptes du Fisac dans un contexte de maîtrise des finances publiques.

La mission du contrôle économique et financier, faisant l'hypothèse du maintien de la dotation budgétaire à son niveau d'étiage, a proposé des voies pour solder la situation financière à dotation budgétaire inchangée :

- la récupération des soldes inutilisés . Les données du RSI font en effet état d'un important volume de subventions accordées avant 2009 mais non encore utilisées (de l'ordre de 30 millions d'euros). Les sommes concernées sont inemployées sur le compte Fisac du RSI. Ces dossiers ayant parfois fait l'objet d'une prorogation, une expertise précise au cas par cas est cependant nécessaire pour déterminer les crédits effectivement récupérables. Certains projets ont également fait l'objet d'avance mais n'ont pas été mis en oeuvre effectivement -ces avances pour un total de quelques 5 millions d'euros) devraient donc être remboursées. Le recouvrement de ces sommes peut cependant poser des difficultés ;

- la réduction des taux de subvention . En l'absence de coup de pouce budgétaire, cette coupe dans les subventions devait atteindre théoriquement 70 %.

Au cours de l'année 2013, ces solutions ont été partiellement mises en oeuvre. Une sélection des dossiers en faveur des territoires les plus fragiles et des opérations à plus forte valeur ajoutée, ainsi que la mobilisation des crédits bloqués depuis plusieurs années sur des opérations non réalisées ont permis de ramener le besoin de financement de 100 à 60 millions d'euros au cours de l'année 2013.

2. Un plan de renflouement exceptionnel

Le 7 novembre 2013, le Gouvernement, par la voie de Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme, et de M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué au budget, a annoncé une rallonge budgétaire pour le Fisac par rapport à ce qui était initialement prévu par le projet de loi de finances pour 2014. Un premier effort d'un montant de 35 millions d'euros, réalisé par dégel de crédits au sein du programme 134 de la mission économie, permettra de financer dès 2013 les dossiers prioritaires. Ainsi, les fonds destinés au Fisac devraient atteindre en 2014, 62 millions d'euros, retrouvant ainsi leur niveau de 2010 et 2011 .

Un exercice identique sera mené en 2014 pour clore les derniers dossiers en attente.

B. VERS UNE RÉFORME LÉGISLATIVE DU FISAC

L'axe de la réforme est déjà connu : il s'agit de faire passer le Fisac d'une logique de guichet ouvert (logique intenable dans un contexte financièrement très contraint, peu favorable à une allocation optimale des ressources publiques, propice au saupoudrage des fonds et à une gestion opaque des crédits) à une logique d'appel à projet dont les critères de sélections seront fixés ex ante et en toute transparence. Cette réforme permettra d'utiliser de façon plus efficace la ressource financière disponible, en ciblant les projets à plus fort effet de levier.

Cette réforme figure déjà à l'article 25 du projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, qui sera examiné dès décembre 2014 par l'Assemblée nationale. Le texte gouvernemental :

- resserre les missions du Fisac. Les opérations éligibles aux concours du Fisac seront destinées à favoriser la création, le maintien, la modernisation, l'adaptation ou la transmission des entreprises de proximité, pour conforter le commerce sédentaire et non sédentaire, notamment en milieu rural, dans les zones de montagne, dans les halles et marchés ainsi que dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ;

- prévoit que le décret définissant les opérations, les bénéficiaires et les dépenses éligibles fixera également les modalités de sélection des opérations et la nature, le taux et le montant des aides attribuées.

CHAPITRE III - LES CRÉDITS CONSACRÉS À LA POSTE ET AUX TÉLÉCOMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES

Ce chapitre, qui analyse le volet « Poste et communications électroniques » de la mission « Économie », est présenté par M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Après avoir tracé l'évolution budgétaire des crédits correspondants pour 2014, il analyse l'état de déploiement du réseau très haut débit dans le cadre du nouveau plan France très haut débit présenté par le Gouvernement en début d'année.

I. LES ÉVOLUTIONS BUDGÉTAIRES

Les crédits concernant le numérique sont inscrits, au sein de la mission « Économie », dans les programmes 134 et 407, ce dernier étant nouvellement intégré dans ladite mission cette année.

A. LE PROGRAMME 134, « DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES ET DU TOURISME »

Deux actions sur les douze que compte le programme 134 « Développement des entreprises et de l'emploi » ont trait au secteur des communications électroniques et des postes. Il s'agit de l'action 04 « Développement des télécommunications, des postes et de la société d'information », qui concentre la grande majorité des crédits, et de l'action 13 « Régulation des communications électroniques et des postes ».

1. L'action 04 « Développement des communications, des postes et de la société de l'information »

Mise en oeuvre par la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) et ses services déconcentrés (DIRECCTE), cette action a pour objet d'une part de favoriser le développement des services de communications électroniques par une politique d'ouverture à la concurrence et à l'innovation, ainsi que par le maintien d'un service public de qualité, et d'autre part, de permettre l'essor des technologies de l'information qui sont au coeur de la croissance et de la compétitivité.

Ses crédits s'élèvent pour 2014 à 194,8 millions d'euros en AE comme en CP, contre 44,9 millions d'euros du fait d'un changement de périmètre en 2013, soit une hausse de 33,7 % .

* Les subventions pour charges de service public

D'un montant de 33,77 millions d'euros , en AE comme en CP (contre 34,74 millions d'euros en 2013), ces crédits correspondent à la subvention pour charges de service public versée à l' Agence nationale des fréquences (ANFR). Ils sont en baisse de 2,8 %, après avoir déjà été réduits de 3 % l'an passé.

L'ANFR est un établissement public administratif créé par la loi du 26 juillet 1996 portant réglementation des télécommunications qui a pour mission de gérer les ressources domaniales rares que constituent les fréquences radioélectriques. Ses missions sont donc principalement régaliennes (planification du spectre et négociations internationales, contrôle et police sur les fréquences, ordonnancement des redevances au profit du budget général...). Elle est placée auprès du ministre en charge des communications électroniques.

L'Agence inscrit son activité dans le cadre de la circulaire du Premier ministre du 26 mars 2010 relative au pilotage stratégique des opérateurs, qui lui impose une réduction de ses coûts de fonctionnement.

Ainsi, en application du schéma pluriannuel de stratégie immobilière (2011-2015), approuvé par France Domaine, l'Agence a fermé un site francilien en 2013, et réduit de moitié la surface occupée sur deux sites de province depuis 2012. Elle continuera à mutualiser ses antennes outre-mer.

L'Agence poursuit par ailleurs la rationalisation de ses achats, en privilégiant les marchés interministériels du service des achats de l'État pour ses besoins logistiques (notamment en matière de télécommunications) et va continuer à réduire son parc automobile.

Votre rapporteur pour avis attire l'attention sur les risques d'une telle réduction renouvelée des moyens de l'Agence. Et ce à l'heure à laquelle ses missions se diversifient. À ce titre, elle doit par exemple gérer la réception de la télévision numérique terrestre (TNT), rendue difficile en certains points du territoire par un brouillage dû à la proximité de la bande de fréquences 4G.

En outre, à compter du 1er janvier 2014, l'Agence intégrera la mission « très haut débit » (mission THD), chargée de l'organisation du déploiement des réseaux à très haut débit. À cet effet, elle bénéficiera de quatre emplois supplémentaires.

* Les dépenses d'intervention

Elles sont fixées à 161,1 millions d'euros, en AE comme en CP.

Sur cette enveloppe, 151,6 millions d'euros financent des dépenses de transfert aux entreprises .

Ces crédits correspondent :

- pour 150,1 millions d'euros , à la compensation par l'État des surcoûts liés à la mission de service public de transport postal de La Poste. Cette compensation avait été transférée, l'an passé, à la mission « Médias ». Sa réintégration dans cette action 04 « développement des télécommunications » explique la hausse formelle de ses crédits.

Il s'agit de l'application du protocole d'accord État-presse-La Poste signé le 23 juillet 2008, qui prévoyait une baisse tendancielle du besoin de compensation des tarifs postaux de la presse de 20 millions d'euros. Ces accords prévoyaient par ailleurs qu'il serait mis fin au moratoire sur leur application (30 millions d'euros), décidé en 2009, dont l'impact en termes de hausse des tarifs de transport de presse devrait rester modéré selon le Gouvernement.

Enfin, comme pour d'autres entreprises publiques, un ajustement correspondant à une fraction (50 millions d'euros) de l'impact du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) sera opéré sur la dotation versée ;

- pour 1,5 million d'euros , comme en loi de finances initiale pour 2013, aux remboursements à La Poste des courriers des particuliers adressés en franchise postale , conformément à l'article D 73 du code des postes et des communications électroniques (CPCE). Il s'agit des correspondances ordinaires reçues par le Président de la République et des cécogrammes (colis ou courriers destinés aux aveugles).

Les dépenses d'intervention sous forme de transferts à des collectivités sont fixées à 9,46 millions d'euros , en AE comme en CP (soit +9,2 %).

Ces dépenses recouvrent :

- des subventions aux organismes internationaux , pour 9,4 millions d'euros , en AE comme en CP.

Il s'agit des financements accordés à des instances comme l'Union internationale des télécommunications (UIT), l'Union postale universelle (UPU), la Conférence européenne des postes et télécommunications (CEPT), les organisations internationales de satellite, ou encore les structures assurant la gouvernance d'Internet. L'État français, à travers le ministère du redressement productif, prend part en effet aux travaux de ces organismes, dont certains relèvent des Nations-Unis ; sa contribution à leur fonctionnement est établie selon des traités multilatéraux conclus avec les autres États participants ;

- des subventions annuelles à des associations qui accompagnent le développement des télécommunications et de la société de l'information, pour 60 000 euros , en AE comme en CP.

Il s'agit de l'Association française des utilisateurs de télécommunications (AFUTT), seule association d'utilisateurs spécialisée dans le secteur des communications électroniques jouant un rôle actif et majeur dans ce secteur, ainsi que de l'Association de droit suisse Digital video broadcasting project office (DVB project), qui met au point les normes dans le domaine de la plateforme de télévision numérique.

On rappellera pour mémoire qu'il existe d'autres crédits consacrés à La Poste en-dehors de la mission « Économie » :

- d'une part, l'allègement de fiscalité dont bénéficie le groupe au titre de sa mission d'aménagement du territoire ;

- d'autre part, les sommes versées à la Banque Postale pour la rémunération de 0,75 % du livret A ainsi qu'au titre de sa mission de service public d'accessibilité bancaire.

2. L'action 13 « Régulation des communications électroniques et des postes »

Quasiment reconduite à 22,85 millions d'euros , en AE comme en CP, cette dotation finance le fonctionnement de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).

L'action de l'ARCEP est au coeur des trois grandes politiques publiques que sont l'aménagement solidaire et équilibré du territoire, la fourniture et le financement du service public des postes et communications électroniques, et l'exercice au bénéfice du consommateur d'une concurrence effective et loyale.

L'Autorité veille au développement d'une concurrence équilibrée fondée sur l'innovation et l'investissement des opérateurs, notamment dans les réseaux de nouvelle génération à très haut débit, fixe et mobile. Elle s'attache également à la mise en oeuvre du service universel des postes et télécommunications, en assurant un suivi actif des indicateurs de qualité de service.

L'évolution de la dotation de fonctionnement de l'ARCEP s'inscrit dans un cycle budgétaire triennal 2013-2015 programmant une réduction significative sur les trois exercices , conformément à l'effort demandé à toutes les administrations de l'État.

L'Autorité a anticipé et appliqué cette rationalisation depuis cinq ans, avec une baisse effective sur la période 2009-2013 de 21 % de ses dépenses de fonctionnement. Elle a donné lieu à une diminution des frais de représentation et de missions, ainsi que des dépenses de communication ; à une renégociation du bail immobilier ; à une réduction du parc automobile, qui est passé de 22 véhicules en 2009 à 4 en 2014 ; et à un plafonnement des dépenses des membres du collège.

Votre rapporteur pour avis avait d'ailleurs attiré l'attention, lors du précédent exercice, sur le caractère particulièrement vertueux de la gestion par l'ARCEP de son budget, notamment au regard de ses homologues européennes, mais aussi sur les limites d'une telle évolution , qui en vient à remettre en cause l'exercice par l'Autorité de ses missions institutionnelles et, partant, la qualité de la régulation des marchés sur lesquels elle intervient.

Deux postes de dépenses sont ainsi particulièrement affectés par cette baisse tendancielle des crédits : les budgets d'études, d'une part, et les enquêtes de vérification de la couverture mobile, relativement onéreuses car impliquant la réalisation de relevés effectués par des agents de terrain sur l'ensemble du territoire national, d'autre part.

Les dépenses de fonctionnement de l'ARCEP se subdivisent en quatre sous-catégories :

- les dépenses liées à l'activité, pour 2,37 millions d'euros, en AE comme en CP ;

- les dépenses immobilières, pour 3,12 millions d'euros, en AE comme en CP. De par sa nature incompressible, c'est le seul poste en hausse en 2014 ;

- les dépenses d'informatique, pour 700 000 euros, en AE comme en CP. Elles avaient déjà fait l'objet d'une rationalisation, en application du schéma directeur 2012-2013 ;

- les dépenses logistiques, pour 423 603 euros, en AE comme en CP. Les efforts de maîtrise de ces dépenses se poursuivent en 2014 dans un souci de prise en compte du développement durable.

B. LE PROGRAMME 407 « ÉCONOMIE NUMÉRIQUE »

Il s'agit d'un nouveau programme , au sein de la mission « Économie », visant à renforcer l'économie numérique en appuyant l'innovation et les investissements dans les infrastructures et dans les usages , dans la logique tracée par le programme des « investissements d'avenir ».

La « nouvelle économie », basée sur l'information digitalisée et le traitement intelligent des connaissances, est en effet porteuse d'emploi, de croissance et d'attractivité pour nos territoires. Outre son impact direct sur les secteurs à haute composante technologique, elle génère des gains de productivité sur l'ensemble des autres secteurs économiques et sociaux, et doit à ce titre être soutenue.

Ce nouveau programme est doté d'une enveloppe conséquente de 565 millions d'euros , en AE comme en CP. Il contient deux objectifs, comportant chacun deux indicateurs :

- le premier objectif est de favoriser le développement de l'économie numérique . Les deux indicateurs permettant de mesurer son degré de réalisation sont, d'une part, le ratio des investissements privés générés par les investissements publics du Fonds national pour la société numérique (FSN), et d'autre part, le taux d'aides bénéficiant à des PME parmi les aides octroyées aux entreprises ;

- le deuxième objectif est la création d'un environnement stimulant le développement des écosystèmes d'entreprises du secteur numérique et la croissance de champions français du numérique. Il comporte également deux indicateurs, à savoir en premier lieu le développement des entreprises identifiées et bénéficiant des programmes d'accélération au sein des « Quartiers numériques » et, en second lieu, le nombre de talents étrangers attirés par de tels programmes.

1. L'action 01 « Quartiers numériques »

Cette action, dotée de 215 millions d'euros , en AE comme en CP, aura pour opérateur la Caisse des dépôts et consignations .

Elle vise à soutenir, par l'action conjuguée de l'Etat et des collectivités, la concentration et l'interconnexion d'acteurs de l'univers numérique dans les espaces urbains en développant des « quartiers numériques » de référence.

L'idée, en arrière-plan, est de renforcer l'attractivité de notre pays et de ses métropoles sur le plan économique, mais aussi, à l'inverse, de soutenir le « décollage » à l'international de nos PME investissant dans ces secteurs technologiques.

L'action est structurée en deux axes :

- un axe « attractivité » . Il se traduira par l'octroi d'un label, au terme d'un ou plusieurs appels à projets, au bénéfice des aires urbaines développant au moins un écosystème d'acteurs du numérique. Les « quartiers numériques » ainsi distingués seront portés par des associations ou des collectivités, et associeront tout un ensemble d'acteurs. Ils bénéficieront d'une mise en réseau coordonnée avec leur environnement métropolitain au niveau national. L'enveloppe de subventions visera à y attirer les talents, mais aussi, le cas échéant, de soutenir la création de « fabLabs » ;

- un axe « accélération » . Porté majoritairement par l'initiative privée (entrepreneurs, associations, pôles de compétitivité, grandes entreprises françaises ou étrangères, écoles et instituts de formation, réseaux d'incubateurs, business angels ou investisseurs ...) et, de façon subsidiaire, par les collectivités territoriales ou leurs agences, il mobilisera la Banque publique d'investissement (BPI) pour l'accompagnement de parcours de croissance des entreprises numériques.

L'engagement de crédits du PIA sera mobilisé dans cette action, à travers deux voies. Tout d'abord, des prises de participation de l'Etat, agissant en tant qu'investisseur avisé, à hauteur de 200 millions d'euros. En outre, des subventions, pour un total de 15 millions d'euros.

2. L'action 02 « Usages et technologies du numérique »

Dotée de 350 millions d'euros , en AE comme en CP, cette action sera confiée à la BPI , via une convention avec l'État. Elle mobilisera 50 millions d'euros supplémentaires, apportés sous forme de prêts ouverts sur le programme « Prêts aux petites et moyennes entreprises » du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ». Cette enveloppe de 350 millions d'euros se répartit en 100 millions de subventions, 75 d'avances remboursables et 175 de prises de participation avisées.

Comme la première, cette seconde action est structurée autour de deux axes :

- le développement des usages numériques .

Cet axe devrait permettre, par le biais d'appel à projets, de financer des démonstrateurs de service innovants du numérique, en phase expérimentale ou de pré-généralisation, ainsi que des infrastructures mutualisées visant à faciliter ces usages.

Les domaines identifiés sont les usages dans les entreprises de toute nature, la mise en réseau des écosystèmes productifs ou les relations de l'État et des collectivités avec le citoyen. Seront ainsi couverts les objets connectés, la e-santé, les services de la ville intelligente, la e-éducation, le divertissement, les contenus culturels, l'industrie ou l'agroalimentaire ;

- le développement des technologies du numérique .

Ces technologies sont potentiellement très diverses : logiciel embarqué et objets connectés, informatique dans les nuages 2 ( * ) , datamasse 3 ( * ) , simulation numérique, technologies de l'usine numérique, cybersécurité... Leur maîtrise constitue un facteur d'accroissement de la productivité pour les entreprises et un moyen de relever les défis environnementaux de demain.

Des subventions et avances remboursables permettront notamment de soutenir des projets de recherche et développement (R&D) collaborative, visant à la fois le développement de technologies et l'émergence d'enjeux applicatifs ; des « projets challenges », s'appuyant sur des mécènes industriels et permettant d'identifier des « jeunes pousses » innovantes ; des démonstrateurs de nouveaux usages, pour les phases expérimentales ou de pré-généralisation ; la mutualisation d'infrastructures ou de briques technologiques ...

II. LA MISE EN oeUVRE DU PLAN FRANCE TRÈS HAUT DÉBIT

Le Gouvernement a défini en février 2013 le plan France très haut débit (PFTHD), qui succède au programme national très haut débit (PNTHD), lancé en 2010 par le précédent gouvernement. Il vise à apporter à l'ensemble des foyers d'ici 2017 du haut débit de qualité (3 à 4 Mbit/s), avec en point d'orgue la couverture intégrale de la France en très haut débit d'ici une décennie .

Annonçant les premières orientations de la stratégie de croissance pour une ambition numérique dans un discours prononcé le 20 février 2013, le Président de la République, M. François Hollande, a indiqué que 20 milliards d'euros seraient mobilisés dans les dix prochaines années pour développer l'accès au très haut débit pour tous, dont environ 3 milliards d'euros de subvention apportés par l'Etat , provenant en partie du Fonds national pour la société numérique (FSN), pour soutenir les projets des collectivités territoriales.

A. DES SCHÉMAS DIRECTEURS TERRITORIAUX D'AMÉNAGEMENT NUMÉRIQUE BIEN LANCÉS

La loi relative à la lutte contre la fracture numérique (dite « loi Pintat ») du 17 décembre 2009 a prévu la réalisation par les collectivités, à l'échelle des départements au moins, de schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique (SDTAN). Ils doivent cartographier l'ensemble des projets locaux de réseaux numériques, par les acteurs privés et publics, en vue de permettre leur coordination.

1. Une élaboration en cours sur l'ensemble du territoire national

Si le mouvement de réalisation de ces schémas a été lent dans un premier temps, il s'est depuis accéléré, les collectivités territoriales ayant massivement pris en main leur stratégie numérique. À l'exception de trois départements marqués par des aires urbaines denses et une forte initiative privée (Paris, les Hauts-de-Seine et les Bouches du Rhône), tous les départements français de métropole et d'outre-mer ont en effet lancé leur SDTAN . En août 2013, sur les 98 départements engagés dans la réalisation d'un SDTANT, 80 d'entre eux l'avaient même achevé.

Source : ARCEP

2. Une initiative généralement portée au niveau départemental

Dans 79 % des cas, les schémas sont réalisés à l'échelle départementale . Seuls dix sont élaborés à l'échelle régionale et parmi eux, quatre concernent des régions d'outre-mer 4 ( * ) et six des régions métropolitaines 5 ( * ) . Parmi ces dernières, trois régions comptent seulement deux départements, ce qui explique cette volonté plus forte qu'ailleurs de mutualiser les moyens, mais aussi la plus grande facilité d'établir un consensus sur le sujet de l'aménagement numérique. Quant aux deux régions du massif central que sont l'Auvergne et le Limousin, respectivement de quatre et trois départements, elles ont la particularité d'avoir mis en place sur leur territoire un réseau d'initiative publique (RIP) dit « de première génération » structurant 6 ( * ) .

Quant au portage, les départements sont encore largement majoritaires : 66 SDANT sur les 86 déclarés sont portés par ce niveau de collectivités, contre seulement 9 par les régions. Les syndicats mixtes ou syndicats d'électricité avec la compétence numérique portent aussi certains SDTAN, du fait de leur expertise acquise lors des RIP de première génération. C'est le cas pour 11 départements. Néanmoins, depuis le début de l'année 2013, on observe une réappropriation par les instances politiques de la mise en oeuvre des SDTAN, comme dans l'Ain et le Jura.

B. UN CADRE DE RÉGULATION DÉSORMAIS ARRÊTÉ

1. Un encadrement réglementaire envisageant une forte mutualisation

• Rappel des principales décisions et recommandations de l'ARCEP

En application des dispositions du code des postes et des communications électroniques (CPCE) résultant notamment de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME) et de la « loi Pintat », l'ARCEP a établi un cadre réglementaire pour le déploiement des réseaux en fibre optique jusqu'à l'abonné (FttH) par l'adoption de plusieurs décisions et recommandations.

Dans un premier temps, l'Autorité a adopté, fin 2009, la décision n° 2009-1106 précisant les modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique et les cas dans lesquels le point de mutualisation peut se situer dans les limites de la propriété privée 7 ( * ) .

Cette première décision, d'une part, définit un ensemble de règles applicables sur tout le territoire et, d'autre part, précise certaines règles applicables de manière spécifique aux seules zones très denses , constituées d'une liste de 148 communes .

Dans un second temps, l'ARCEP a adopté, fin 2010, la décision n°2010-1312 précisant les modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique dans les zones moins denses , c'est-à-dire sur l'ensemble du territoire à l'exception des zones très denses.

Enfin, l'Autorité a considéré qu'il était nécessaire de préciser, au travers d'une recommandation publiée du 14 juin 2011 , les conditions de mutualisation pour les réseaux en fibre optique déployés dans les petits immeubles (moins de 12 logements ou locaux à usages professionnel) et les pavillons situés en zones très denses . Cette recommandation a également abouti à la définition des poches de basse densité dans les zones très denses, où l'application de règles similaires à celles fixées pour les zones moins denses est recommandée.

• Les principales dispositions du cadre règlementaire

Dans les zones très denses, en dehors des poches de basse densité (un peu plus de 15 % des logements au niveau national, soit 4,7 millions de lignes), les différents opérateurs déploient en principe leurs propres réseaux en parallèle et de manière capillaire jusqu'aux pieds des immeubles où sont situés les points de mutualisation (PM).

Néanmoins, la réglementation n'interdit nullement aux opérateurs de mutualiser tout ou partie de leurs réseaux en amont de ces PM. Bouygues Telecom a d'ailleurs conclu des accords avec SFR et Orange pour l'achat de fibres déployées en surnombre ainsi que pour la pose mutualisée de fibres pour certains déploiements à venir.

Dans les poches de basse densité des zones très denses 8 ( * ) , une architecture similaire à celle des zones moins denses est recommandée pour permettre d'aboutir à un degré de mutualisation élevé.

Dans ces zones moins denses 9 ( * ) , le degré de mutualisation est très important, tout opérateur devant déployer des PM d'au moins 1 000 lignes 10 ( * ) . Au final, la mutualisation des réseaux FttH y sera au moins équivalente à celle qui prévaut pour le réseau en cuivre et environ 95% des coûts de déploiement des réseaux FttH seront mutualisés. Dans ces zones, une seule fibre est actuellement déployée par logement en aval du PM par la majorité des opérateurs, compte-tenu du surcoût jugé, même si certains RIP en comportent plusieurs.

Les objectifs d'aménagement numérique du territoire et d'efficacité économique ont également conduit l'Autorité à prévoir une coordination entre les opérateurs afin de permettre une couverture progressive, cohérente et potentiellement complète du territoire en fibre optique (obligations d'information des opérateurs tiers et des collectivités concernées sur la liste des immeubles qu'il équipe ; consultation préalable relative au maillage des zones géographiques où il a programmé des déploiements ; obligation de déployer, dans un délai raisonnable - deux à cinq ans, a priori - un réseau horizontal jusqu'à la zone arrière du PM ...).

2. Le cofinancement comme outil de mutualisation des réseaux

Le déploiement des réseaux FttH a été l'occasion d'introduire dans la régulation des mécanismes de cofinancement qui consistent à partager les coûts des déploiements entre opérateurs en échange de droits d'usage pérenne sur ces infrastructures.

Dans les zones très denses , le cofinancement est généralement mis en oeuvre par un partage égalitaire des coûts entre les opérateurs en échange de droits d'utilisation (non limités en nombre d'abonnés) de l'infrastructure.

Les quatre opérateurs nationaux (Bouygues Telecom, Free, Orange-Orange et SFR) ont signé des accords de cofinancement entre eux, pour l'accès réciproque aux réseaux de fibre optique installés dans les immeubles par chacun d'entre eux. D'autres acteurs (notamment des réseaux d'initiative publique, tels que Sequalum, titulaire d'une délégation de service public du conseil général des hauts de Seine) participent à l'équipement des immeubles et ont conclu des accords de cofinancement avec ces opérateurs nationaux.

Dans les zones moins denses , qui représentent 80 % des logements, le cofinancement est mis en oeuvre par tranches de 5 %. Cela permet aux plus petits opérateurs d'acheter des parts limitées, et donc de contribuer à la même hauteur aux coûts de déploiement, en échange de droits limités.

Plusieurs accords ont été signés en ce sens :

- en juillet 2011, Free a signé un accord avec Orange en vue de cofinancer les réseaux FttH qui seront déployés par ce dernier dans les zones moins denses. Cet accord porte sur une soixantaine d'agglomérations représentant environ 5 millions de foyers.

- en novembre 2011, Orange et SFR ont signé un accord portant sur le déploiement de la fibre optique en dehors des zones très denses. Sur les 11 millions de logements qui y seront couverts par Orange et SFR, 9,8 millions correspondent à des agglomérations pour lesquelles les projets de déploiement des deux opérateurs se recoupaient. Au terme de cet accord, sur ces 9,8 millions de logements, SFR a prévu d'en réaliser 2,3 millions et Orange 7,5 millions ;

- en janvier 2012, Orange et Bouygues Telecom ont conclu un partenariat portant sur le partage des réseaux FttH déployés par Orange sur l'ensemble du territoire national. En dehors des zones très denses du territoire, Bouygues Telecom a souscrit l'offre de mutualisation de la partie terminale des réseaux FttH de Orange. Cette offre permettra à Bouygues Telecom d'accéder à un potentiel de 8,9 millions de logements ;

- par ailleurs, l'année 2012 a vu apparaître les premiers accords de cofinancement sur les RIP en dehors des zones très denses. Orange a conclu des accords respectivement avec SPTHD, filiale d'Axione, exploitant d'un réseau FttH sur l'agglomération de Pau, et Manche Télécom, filiale de SFR, délégataire du syndicat mixte Manche Numérique, exploitant un réseau FttH à Saint-Lô et Cherbourg.

3. Un système de mutualisation bénéficiant aux opérateurs comme au consommateur

La mutualisation du déploiement des réseaux à un niveau adéquat permet tout à la fois de minimiser les coûts tout en préservant la capacité des opérateurs à innover pour se différencier techniquement par rapport à leurs concurrents. Elle est favorable aux consommateurs dans la mesure où cette diversité favorise l'innovation et la concurrence.

La mutualisation des réseaux FttH est en constante augmentation depuis plusieurs années et le taux de mutualisation dépasse , à la fin du deuxième trimestre 2013, les 55 % , ce qui traduit les efforts des opérateurs pour raccorder les logements équipés en fibre optique par un concurrent ou par un opérateur aménageur.

Ce mouvement devrait être source d'émulation entre les différentes offres de détail de plusieurs opérateurs et soutenir ainsi l'accroissement du nombre d'abonnés aux services très haut débit. À la fin du deuxième trimestre 2013, l'ARCEP recense 1,8 million d'abonnements au très haut débit, dont 415 000 sur les réseaux FttH, et 1 350 000 sur les réseaux câblés modernisés, en croissance de 22 % sur un an.

C. DES INTERROGATIONS PERSISTANTES SUR L'AVENIR DU DISPOSITIF

1. Un financement annoncé dont les modalités restent à préciser

Ainsi que le rapport de la commission de l'application des lois sur un « triple Play gagnant du très haut débit - qu'a rédigé votre rapporteur pour avis avec notre collègue Yves Rome 11 ( * ) précité le soulignait, la question du financement, qui constitue la « pierre angulaire » du dispositif de déploiement, peine à être complètement clarifiée. Outre qu'il pointait l'absence de consensus quant au coût global du déploiement - allant de 20 à 37 milliards d'euros -, le rapport observait que « le besoin de financement du THD est en partie incertain et, avec lui, la structure de financement ».

Les annonces du Gouvernement, le 28 février dernier, ont en partie précisé les choses, mais en partie seulement. Le coût global du déploiement sur lequel il se base est de 20 milliards d'euros . Les opérateurs privés sont censés investir environ le tiers de cette somme pour déployer leurs réseaux optiques dans plus de 3 400 communes Le second tiers provient de l'État et des collectivités territoriales. Enfin, le dernier tiers serait cofinancé par les opérateurs sous forme de droit d'accès aux infrastructures déployées par les collectivités.

Pour ce qui est de la seule partie publique du financement, la feuille de route fait état d'un budget de 3,3 milliards d'euros de subventions jusqu'en 2022 par l'Etat . Il se compose des 660 millions d'euros non affectés par le FSN, auxquels s'ajoutera la redevance de la location de la bande de fréquence 1800 Mhz, qui sera utilisée pour la 4G par les opérateurs de téléphonie, et doit rapporter 200 millions d'euros par an. Une taxe sur les télécommunications électroniques, qui serait définie lors de la loi de finances 2014, devrait venir compléter le dispositif.

Ce plan gouvernemental de financement soulève diverses interrogations pour votre rapporteur pour avis . D'une part, il table sur un besoin total de financement de 20 milliards d'euros, ce qui constitue la fourchette basse des projections réalisées par les spécialistes. Ensuite, il annonce une taxe sur les communications électroniques qui n'apparaît pas, en tant que telle, dans le projet de loi de finances, alors qu'elle doit représenter la majeure source de financement provenant de l'État. Enfin, il reste elliptique sur les moyens de financement des collectivités , dont 3 milliards d'euros sont attendus ; notamment, il ne clarifie pas la façon dont serait alimenté le Fonds d'aménagement numérique des territoires (FANT), fonds spécialement créé par la « loi Pintat » en vue de soutenir l'intervention des collectivités pour le financement des réseaux numériques à très haut débit.

2. Une intervention des collectivités encore fragile

En matière d'aménagement numérique du territoire, les collectivités territoriales font preuve d'une forte implication depuis plusieurs années. Nombre d'entre elles se sont ainsi lancées dans des projets de RIP. En effet, depuis 2004, la loi les autorise à établir et exploiter des réseaux de communications électroniques : elles peuvent en particulier exercer une activité d'opérateur d'opérateurs 12 ( * ) et, en cas exceptionnel d'insuffisance de l'initiative privée et après démonstration de cette insuffisance, fournir directement des services au client final.

• Une évolution progressive de la nature des RIP

À ce jour, 374 projets de RIP de toutes tailles ont été recensés par les services de l'ARCEP, laquelle est destinataire des projets des collectivités avant leur mise en oeuvre. Après une phase de forte croissance du nombre de nouveaux projets de RIP entre 2005 et 2007, suivi d'une stagnation jusqu'en 2009, il semble que le rythme des nouvelles déclarations de RIP diminue depuis 2010.

Cette tendance traduit tout d'abord une certaine maturité des RIP, qui ont achevé une première phase d'éclosion. Par ailleurs, cette tendance doit être relativisée au regard du type de porteur des projets. Les communes , qu'elles s'engagent seules ou en se regroupant, étaient majoritaires sur l'ensemble des porteurs de projets de 2007 à 2009. À compter de 2010, leur proportion diminue, tout en restant majoritaire ; on constate cependant un certain recul au profit notamment des départements .

Aujourd'hui, l'ARCEP recense 42 projets ayant un volet FttH ciblant plus de 2 millions de prises. Parmi eux, 17 sont d'envergure départementale, 21 intercommunale et 4 communale. Si, sur la période 2000-2010, seuls 5 % des projets s'appuyaient sur le FttH, depuis 2010, plus de 35 % des projets comportent un volet FttH , ce qui en fait la technologie la plus sollicitée dans les projets récents. Les deux autres technologies les plus utilisées sont, pour 28 % des RIP, le déploiement d'un réseau de collecte et, pour 28 % également, le recours à la montée en débit sur la boucle locale en cuivre. La progression de ces trois technologies démontre bien la cohérence de l'évolution des projets RIP vers le très haut débit.

• Une intervention des collectivités confortée financièrement par la « feuille de route »

La « feuille de route » du Gouvernement devrait conforter l'intervention des collectivités en matière de très haut débit. Grâce au nouveau barème d'aides du FSN, tous les RIP se déclarent prêts à déployer plus de prises FttH et plus vite, selon l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca). Les taux de subventions à la prise ont en effet été relevés entre 20 à 25 % pour l'ensemble des projets. Les départements les plus ruraux pourront ainsi recevoir jusqu'à 62 % du coût d'une prise en subvention, alors que le barème précédent était plafonné à 40 %.

Par ailleurs, le financement de la boucle locale en fibre optique est dissocié , ce qui devrait aider les départements qui n'avaient pas encore engagé ces investissements à réaliser une montée en débit en attendant le déploiement du FttH. Ainsi les 11 projets qui avaient déjà reçu l'accord du FSN pour un montant de 260 millions d'euros pourront demander un nouveau calcul à condition de ne pas être en situation d'irréversibilité. Les 16 autres projets en cours d'instruction devraient recevoir rapidement le chiffrage attendu. Un tiers des départements devraient pouvoir lancer leurs déploiements d'ici la fin 2013.

Mais l'avancée la plus importante est sans doute l'annonce des conditions d'accès aux prêts de l'épargne conventionné , et surtout le différé de remboursement , fixé à 8 ans. Cela permettra aux syndicats mixtes, qui mènent les projets dans la plupart des départements d'attendre, la commercialisation du réseau avant de commencer à rembourser.

• Une sécurisation du modèle juridique des RIP restant à finaliser

Le rapport de la commission de l'application des lois précité insistait sur le fait que « des mesures de protection devraient intervenir afin d'assainir les conditions de partenariat entre les collectivités concédantes et les (grands) opérateurs et, plus globalement, le jeu de la concurrence ».

Les collectivités, contrairement aux opérateurs nationaux, ne disposent pas de levier concurrentiel sur le marché de détail pour commercialiser leurs réseaux . Le risque - au moins en théorie - demeure donc qu'un RIP ne trouve pas d'opérateur, et ne soit donc pas in fine utilisé. Cette situation apparaîtrait en cas de duplication des réseaux publics et privés, sur un même territoire.

Le rapport faisait ainsi état de l'hypothèse du « maintien par les opérateurs de leurs objectifs de défense de leurs parts de marché », du moins sur les segments les plus rentables des boucles locales. Plutôt que d'exploiter un RIP, ils pourraient être tentés d'opérer directement sur leur propre réseau, sans que les collectivités ne puissent s'en garantir.

Aussi la mission très haut débit devait-elle préparer une convention nationale-type tripartite clarifiant les engagements des opérateurs privés dans les zones très denses et les zones AMII (appel à manifestation d'intérêt d'investissement). Les conventions de ce type, signées par le département du Val d'Oise, le Grand Lyon et l'agglomération de Strasbourg, devaient servir de modèle. Elle serait signée avec les départements qui auraient voté leur SDANT. Si les opérateurs n'investissaient pas sur ces zones, l'Etat contribuerait financièrement.

3. L'horizon d'un basculement généralisé devant être défini

Le basculement de l'ancien réseau (cuivre) vers le nouveau (fibre) est l'une des conditions de l'équilibre du modèle du très haut débit. Celui-ci ne pourrait en effet supporter, à moyen et long terme, le maintien d'un réseau déjà existant, dont l'opérateur historique, qui l'a en majeure partie construit, continue d'ailleurs de tirer profit.

Il est donc indispensable que la transition entre les deux technologies soit décidée, organisée et sécurisée . L'opérateur historique - qui est aussi le premier intéressé - et le Gouvernement ont lancé une expérimentation d'un tel basculement sur un territoire délimité, à Palaiseau , en région parisienne. Cette ville sera ainsi entièrement fibrée en 2014, et le réseau ADSL sera définitivement coupé à ce moment.

Par ailleurs, une mission d'étude a été confiée à l'ancien président de l'ARCEP, M. Paul Champsaur , qui doit remettre son rapport au plus tard avant la fin 2014. L'objectif est d'étudier les impacts juridiques, économiques et sociaux du basculement, notamment pour France Télécom-Orange, et de redéfinir le service universel du téléphone fixe.

CHAPITRE IV -
OPTIMISER LE SOUTIEN AUX EXPORTATEURS ET ANTICIPER LES MUTATIONS DE L'ECONOMIE MONDIALE

Ce chapitre est présenté par Mme Elisabeth Lamure, rapporteure pour avis.

Les crédits de la mission économie consacrés au commerce extérieur dans le projet de lois de finances pour 2014 appellent deux principales séries d'observations.

Tout d'abord, il convient d'analyser ces crédits de façon précise et réaliste tout en essayant de mieux cadrer leurs enjeux et leurs limites. Cela débouche sur un premier constat : au moment où notre appareil de soutien aux exportateurs fait l'objet de critiques assez sévères, il se réforme pour optimiser des moyens en contraction.

En second lieu, le commentaire de ces crédits s'accompagne d'un diagnostic sur notre commerce extérieur et de recommandations.

Le rapprochement de ces deux sujets - l'analyse des crédits et la situation générale du commerce extérieur - permet de souligner une évidence qui n'apparaît pas avec suffisamment de clarté dans le flot des informations budgétaires : l'accompagnement des exportateurs est certes important, en particulier au plan humain, mais il convient de ne pas surestimer son impact puisque les quelques 100 millions d'euros de crédits examinés par la commission et alloués à Ubifrance représentent entre un et deux millièmes de notre déficit extérieur, qui s'élève à 67 milliards d'euros (soit environ 3,5 % du PIB) et de l'ordre du dix millième du volume des exportations (environ 20 % de notre PIB).

Par ailleurs, les périodes de restriction budgétaire ont le mérite de stimuler la réflexion sur les moyens pour la France d' anticiper la nouvelle donne économique mondiale qui se profile dans les années à venir . Tel est le principal message de la seconde partie du rapport qui concerne l'évolution de notre déficit et les stratégies pour mieux anticiper les mutations de l'économie mondiale. Votre rapporteur pour avis souligne que l'Etat doit ici pleinement jouer un rôle de stratège et de soutien 13 ( * ) .

I. L'OPTIMISATION DE L'APPAREIL DE SOUTIEN AUX EXPORTATEURS

A. LA CONTRACTION DES CREDITS

? Les deux tableaux suivants donnent une vue générale des crédits budgétaires d'Etat relatifs au soutien aux exportations. Ces derniers s'élèvent à 342 millions d'euros pour 2014, contre 354 en 2013, ce qui correspond à une baisse de 3,5 %. Par ailleurs, les régions consacrent à ce même objectif environ 65 millions d'euros chaque année.

Cette dépense reste, dans l'ensemble, maîtrisée puisque, comme l'ont confirmé à votre rapporteur pour avis les représentants de la Coface, ce coût est plus que compensé par des recettes non fiscales, à hauteur de 650 millions d'euros, correspondant à la récupération des créances détenues par la Coface et Natixis.

? Dans cet ensemble, les crédits de la mission économie consacrés au commerce extérieur , faisant, stricto sensu, l'objet du présent rapport, se limitent à deux actions du programme 134 intitulé « Développement des entreprises et du tourisme ».

Leur montant total - identique en autorisations d'engagement et en crédits de paiement - s'élève, dans le projet de loi de finances pour 2014, à 123,9 millions d'euros qui se décomposent en :

- 97,8 millions d'euros (contre 103,9 en 2013) au titre de l' action 07 « Développement international des entreprises », qui couvre les dépenses de l'Agence française pour le développement international des entreprises, Ubifrance ;

- et 43,7 millions d'euros (dont 18,9 à périmètre comparable à mettre en regard de 19,7 millions en 2013) pour l' action 20 « Financement des entreprises et de l'attractivité du territoire ». En 2014, cette action contient, en plus d'une fraction de la subvention pour charges de service public versée à l'Agence française pour les investissements internationaux, une dotation du budget général d'un montant de 25 millions d'euros destinée à abonder les fonds de garantie gérés par Bpifrance financement. S'y ajoutent également, à hauteur de 5 millions d'euros, des moyens destinés à financer des bonifications accordées à des prêts en faveur des PME (0,1 million d'euros) et la dotation au fonds de garantie DOM (4,7 millions d'euros).

? Deux principales observations peuvent être faites sur ces crédits pour 2014.

D'une part, on constate pour 2014, une contraction des crédits de ces actions à périmètre constant, alors même que la priorité affichée pour le commerce extérieur dans le projet de loi de finances pour 2013 n'était déjà pas aisément démontrable en raison d'un certain éparpillement des crédits budgétaires.

D'autre part, le bleu budgétaire pour 2014 souligne que l'aide au développement international des PME se renforce grâce aux interventions d'Ubifrance, l'agence française pour le développement international des entreprises, qui bénéficie de la dévolution des moyens issus du réseau international de la direction générale du Trésor. Il précise qu' Ubifrance est désormais le principal interlocuteur des PME françaises partout dans le monde, via ses implantations locales ou ses partenariats locaux, ce qui leur permet de mieux tirer parti des opportunités associées à la croissance observée notamment dans les pays émergents. Il a en outre été décidé à l'occasion du CIMAP du 17 juillet 2013 de rendre plus cohérent et plus lisible le dispositif français de soutien à l'internationalisation de l'économie française.

Cependant, d'après ce même document budgétaire, l' « efficience du dispositif d'Ubifrance » de soutien aux entreprises à l'exportation est mesurée par un indicateur qui a progressivement décliné : 19 en 2011, 15,7 en 2012 et 13,6 en 2013, les prévisions pour 2014 s'établissant à 13,86. Cet indicateur d'efficacité se définit comme le rapport du nombre annuel d'interventions d'Ubifrance sous forme d'accompagnements d'entreprises sur les marchés extérieurs ainsi que de départs de volontaires internationaux en entreprise(VIE) 14 ( * ) par le nombre d'agents d'Ubifrance.

Ce système de mesure est critiquable puisqu'une explosion du nombre de réunions ferait mécaniquement grimper l'indicateur vers des sommets quelqu'en soit l'efficacité ultérieure en matière économique. Votre rapporteur pour avis s'est interrogée sur cette méthode et l'audition des représentants d'Ubifrance a permis de préciser que des sondages réalisés par des organismes indépendants permettent également de mesurer si, selon l'entreprise, l'accompagnement par Ubifrance a déclenché ou favorisé un courant d'affaires nouveau.

En tout état de cause, il semble peu cohérent de maintenir un indicateur qui pourrait favoriser une certaine « réunionite » au moment même où les entreprises ont fait savoir qu'elles attendent des dispositifs publics des résultats et pas seulement un déploiement de moyens . Par ailleurs, Ubifrance, tout en restant fidèle à sa vocation initiale de soutien aux petites PME pour les aider à grandir et à exporter, doit aussi tenir compte de l'objectif qui consiste à faire émerger 1 000 nouveaux acteurs de l'exportation, ce qui incite à mieux cibler les accompagnements.

De façon plus générale, on ne peut que constater la place modeste dans la nomenclature budgétaire de ce volet consacré au commerce extérieur. Toutefois, ce dernier est pris en charge par un ministère de plein exercice, ce qui est en adéquation avec l'importance de l'enjeu.

B. LES CRITIQUES ADRESSÉES AUX DISPOSITIFS DE SOUTIEN DES EXPORTATIONS

Les modalités du soutien à l'exportation sont nombreuses et couvrent les différentes étapes économiques et financières du processus d'exportations.

? Toutefois, ce dispositif est faiblement utilisé par les entreprises exportatrices qui se plaignent de sa complexité et de son inadéquation à leurs besoins. La synthèse la plus récente de ces critiques a été établie en juillet 2013 par le rapport d'information n° 1225 (AN) de MM. Jean-Christophe Fromantin et Patrice Prat au nom du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l'évaluation du soutien public aux exportations.

Seulement 10 % des entreprises exportatrices utilisent des mécanismes de soutien pilotés par l'État 15 ( * ) : il s'agit, pour l'essentiel des accompagnements Ubifrance, avec 9 295 nouvelles entreprises aidées en 2012, et du recours à l'assurance prospection, qui a également bénéficié à 1 873 nouvelle entreprises en 2012.

De son côté, le réseau CCI International , constitué à partir des services internationaux des chambres de commerce et d'industrie et piloté par les chambres régionales, revendique 20 000 contacts de PME différentes pour un appui à l'export en France en 2012 et l'accompagnement annuel de 3 000 primo exportateurs ainsi que 3 000 entreprises à fort potentiel qui font partiellement doublon avec les bénéficiaires des dispositifs étatiques.

En revanche, l' assurance-crédit ne concerne que quelques centaines d'entreprises par an et sa concentration financière est particulièrement élevée puisque trois entreprises mobilisent 46 % des encours à échoir soit 27,6 milliards d'euros.

Cette proportion minime est d'autant plus notable que le nombre d'entreprises exportatrices françaises (119 000 en 2012) est faible par rapport à l'Allemagne (de l'ordre de 300 000) ou à l'Italie (200 000).

Interrogés sur les raisons de ce relatif désintérêt, par voie de sondage réalisé pour l'OSCI (opérateurs spécialisés du commerce international) en février 2013, les chefs d'entreprise qui exportent répondent qu'ils jugent le système français de soutien à l'export peu ou pas efficace (61 %), peu ou pas compréhensible (66 %) et peu ou pas adapté au contexte économique actuel (67 %). En conséquence, 78 % d'entre eux se chargent eux-mêmes de la commercialisation de leurs produits à l'exportation. De même, les chefs d'entreprise estiment inefficace à 58 % le soutien à l'exportation dans une enquête d'Ernst Young de février 2013 consacrée aux aides publiques aux entreprises, à la différence du soutien à l'innovation jugé efficace à 71 %, le soutien à l'investissement étant pour sa part jugé inefficace à 74 %.

? Votre rapporteur pour avis, sur la base des nombreux entretiens qu'elle a pu conduire au-delà des auditions budgétaires, souligne que ces sondages et ces diagnostics rejoignent les remontées de terrain.

Cependant, il parait ici important de rappeler non seulement que les quelques 400 millions d'euros de crédits de soutien en question représentent moins d'un millième de la valeur des exportations de notre pays, mais aussi que les montants les plus importants sont concentrés sur quelques opérations de grande ampleur. Il serait donc peu pertinent de rechercher une corrélation solide entre notre déficit commercial et les crédits d'accompagnement à l'exportation. Nos difficultés sont, en effet, avant tout le révélateur d'une compétitivité insuffisante, ce qui relève de facteurs bien plus puissants que les dispositifs spécifiques de soutien à l'exportation.

B. LE BILAN DE L'ACCOMPAGNEMENT DES PME A L'EXPORTATION

La place des PME dans les exportations de la France. En 2012 la Douane a comptabilisé 119 700 entreprises exportatrices (+2,9 % par rapport à 2011). La grande majorité (90 %) de ces entreprises sont des PME, et 62 % sont même des micro-entreprises occupant moins de 10 personnes. Selon l'Insee, les PME qui réalisent un chiffre d'affaires à l'exportation appartiennent principalement au secteur du commerce, transport, restauration et hébergement (41 % des PME exportatrices), devant les activités spécialisées, scientifiques et techniques, de services administratifs et de soutien (18 %) et de l'industrie (11 %).

D'un point de vue géographique, les PME ont un poids plus important dans les exportations françaises vers les zones géographiques proches (Union Européenne ou Maghreb) que vers les zones plus éloignées géographiquement (Amériques, Asie). Ainsi, les PME françaises ont pesé pour 33 % des exportations vers le Maghreb et 28,4 % des exportations vers l'UE15 en 2012 alors qu'elles ont représenté respectivement 21 % et 20 % des exportations vers les pays développés d'Asie et d'Océanie et vers l'Amérique du Nord. Ces résultats correspondent à l'hypothèse selon laquelle les coûts fixes d'entrée sur un marché à l'exportation sont d'autant plus élevés que ce marché est éloigné géographiquement du pays d'origine de l'entreprise.

? Il convient de rappeler que toutes les Régions appuient leurs entreprises à l'international de façon volontariste (cf. tableau ci-dessous). Au total, les Régions consacrent plus de 65 millions d'euros d'aides directes chaque année qui bénéficient à 4 800 entreprises. D'après les indications fournies à votre rapporteur pour avis, leurs contributions varient de 0,22 euros par habitant (Provence-Alpes-Côte-D'azur) à 3,88 euros par habitant (Languedoc-Roussillon) en 2012. Leurs agences de développement économique, dotées en général d'un département de promotion des entreprises à l'international, ont parfois des bureaux de représentations à l'étranger : le cas le plus emblématique est constitué par ERAI, de la région Rhône-Alpes, qui revendique 27 bureaux à l'étranger. Cette agence a signé un partenariat stratégique avec Ubifrance en 2012, assortie d'un avenant au printemps 2013 créant une offre de services intégrée qui pourrait également bénéficier à des entreprises localisées dans des régions moins structurées.

Pour éviter la dispersion de l'offre, les conseils régionaux, par le biais de l'Association des Régions de France (ARF), ont été associés à la Charte nationale de l'exportation, signée le 12 juillet 2011, et à ses déclinaisons régionales (18 conventions régionales sont aujourd'hui signées). Cette Charte a pour objectif de coordonner les opérateurs de l'Etat (Ubifrance, Coface, Oséo), les Régions, le Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France (CNCCEF), et les corps consulaires autour de trois objectifs : mettre en place un guichet unique de l'export afin d'améliorer la lisibilité du dispositif, spécialiser les acteurs en fonction de leurs compétences et définir des objectifs chiffrés pour développer des courants d'affaires à l'export. Les partenaires se sont engagés à sensibiliser 20 000 PME/ETI chaque année, dont 3 000 primo-exportatrices, parmi lesquelles 2 000 à fort potentiel chaque année.

Les premiers bilans quantitatifs des conventions régionales de l'export sont conformes aux objectifs dans l'ensemble des régions.

CONTRIBUTION DES RÉGIONS AU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL
DES ENTREPRISES EN 2012

REGIONS

Budget de la Région pour l'internationalisation des entreprises
en M€

Evolution Budget

Contributions

par habitant
en €

Nombre d'entreprises exportatrices

dont le siège social est en région
Source Douanes

Nombre de nouveaux exportateurs identifiés

et accompagnés par les CCI

Nombre d'entreprises

ayant bénéficié d'aides individuelles à l'exportation financées par les régions

2010

2011

2012

2010/11

%

2011/12

%

2010

2011

2012

2012

2010

2011

2012

2010

2011

2012

Alsace

2,89

2,2

1

-2,3

-54

1,55

1,22

0,55

4312

174

149

161

nc

234

267*

Aquitaine

2,5

3,8

3,26

+52

-14,2

0,61

1,17

0,99

5314

138

59

51

42

70

55

Auvergne

0,35

0,30

0,75*

-14,3

+150

0,26

0,21

0,56

1303**

55

44

544***

44

45

34

Bourgogne

1,8

2,0

1,4

+11,1

-30

1,09

1,25

0,87

nc

120

80

70

73

89

122

Bretagne

4,185

4,324

4,694*

+ 3,3

+ 8,5

1,35

1,36

1,48

3322

141

121

304

9

237

314

Centre

1,15

2,147 3

1,4

+86,7

-34,8

0,45

0,84

0,67

3160

48

64

388

30

39

46

Champagne-Ardenne

1,3

1,5

1,3

+16

-13

0,97

1,1

0,97

1966

56

41

72

70

93

101

Corse

0,469

0,600

0,500

+28

-16,7

1,54

1,96

1,62

25

13

12

9

77

75

64

Franche-Comté

1,0

1,2

1,2

+20

0

0,86

1,02

1,02

2365

38

31

nc

69

113

120

Ile de France

6, 7

7,9

5*

+17,9

-

0,57

0,65

-

30714

880

848

846

245

240

238

Languedoc-Roussillon

10,1

10,5

11,5

+3,9

+11,6

3,88

3,9

4

2081

51

55

nc

1 100

nc

nc

Limousin

1,18

0,558

0,867*

-52,7

+55,4

1,59

0,74

1,16

710

22

24

27

70

26

76

Lorraine

2,67

2,225 4

2,5

-16,7

+12,35

1,13

0,95

1,06

2857

78

70

165

64

44

39

Midi-Pyrénées

1 5

1,77

2,2*

+77

+24

0,35

0,61

0,76

3373

105

-

-

344

353

310**

Nord-Pas-de-Calais

2,35 7

3

3,1*

+27,6

+3,3

0,58

0,75

0,77

6799

135

133

138

120

247

209

Basse-Normandie

1,62 9

1,04 10

1,37 10

-36

+24

1,16

0,70

0,91

nc

70

57

54

13

31

20*

Haute-Normandie

1,10 12

0,8

0,476*

-27,3

-40,5

0,61

0,44

0,26

1662

82

64

148

28

17

18

Pays de la Loire

5,75

8,655

6,83*

+50,7

-

1,60

2,4

1,88

4200

75

80

80

601

695

747**

Picardie

1,36

1,1

1,2

-19

+9

0,71

0,57

0,62

2043

65

23

140

27

15

17

Poitou-Charentes

1,2

0,43

0,83

-64

+93

0,67

0,24

0,46

1833

30

32

125

64

46

87

Provence-Alpes-Côte d'Azur

1

0,8

1,2*

-20

+20

0,20

0,16

0,22

7335**

165

89

100

1000

nc

nc***

Rhône-Alpes

13,7

12 ,5

13,0

-8,8

+4

2,2

2,0

2,17

31000

375

491

*

130

130

60**

Ensemble DOM-TOM

Guadeloupe

0,5

0,45

-

-11

1,24

1,12

83

nc

5

0

nc

Guyane

0,2

0,33

0,05

+39

-85

nc

1,40

0,21

29

nc

nc

3

Martinique

nc

nc

nc

nc

nc

nc

nc

nc

Réunion

-

0,09

1*

-

-

0,11

1,19

793

63

60

66

-

20

80

(Source : réponse au questionnaire budgétaire pour 2014)

? Le tissu d'entreprises françaises n'étant pas suffisamment internationalisé, 1 % des quelque 100 000 entreprises exportatrices concentrent 70 % de la valeur de nos exportations et l' objectif d'augmenter le nombre de PME capables d'exporter et de s'implanter à l'étranger a conduit à demander à Ubifrance d'apporter des services particuliers correspondant à des cibles déterminées pour les PME :

- il s'agit d'abord, conformément à la déclaration commune Etat-Régions du 12 septembre 2012, de faire progresser de 10 000 le nombre de PME et ETI exportatrices à l'horizon 2015, en se focalisant sur les entreprises innovantes, et de favoriser l'accroissement du chiffre d'affaires à l'exportation des entreprises déjà présentes à l'international ;

- ensuite, sur la base de la décision n°14 du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi, Ubifrance doit assurer un accompagnement personnalisé à l'international pour 1 000 ETI et PME de croissance dans le cadre de bpifrance ; concrètement, cet accompagnement relève des chargés d'affaires à l'international (CAI) d'Ubifrance déployés au sein des directions régionales de Bpifrance (24 CAI sont en poste depuis septembre 2013 pour atteindre un objectif de 40 agents en janvier 2014 ;

- enfin, Ubifrance doit renforcer son approche client, afin de répondre aux attentes spécifiques des ETI et PME et, par ses CAI dans le cadre de bpifrance export, les orienter vers les financements de la COFACE, de Bpifrance et de ses partenaires régionaux. Les « clefs de l'export », qui rassemblent une offre unique de financement Oséo/Coface/Ubifrance ainsi que l'assurance-prospection premiers pas (A3P), gérée par la Coface, ont été lancés en 2011.

? En même temps, les sources de financement des exportations françaises ont été élargies .

Le 22 mai 2013 a été annoncée une réforme des dispositifs publics de soutien financier aux activités d'exportation des PME et ETI accompagnée de la création d'un label de commercialisation de l'ensemble des dispositifs existants (Bpifrance export). Ce « Plan d'action pour démocratiser l'accès des PME et des ETI aux soutiens financiers à l'export » prévoit :

- la simplification de l'offre de soutiens publics, ce qui passe par la suppression des doublons existant entre les produits commercialisés par Coface et Oséo, comme les garanties de cautions et de préfinancements ;

- l'amélioration des produits de financement à l'exportation, répondant aux besoins des PME et ETI, avec l'élargissement de l'accès à la garantie des crédits fournisseur, la création d'enveloppes globales de préfinancement à l'exportation garanties par Coface, et la création d'une garantie de change portant sur les flux d'affaires et non sur chaque opération d'exportation ;

- l'amélioration de la lisibilité du dispositif public de soutien à l'exportation autour du label Bpifrance export, avec la mise en place d'un catalogue de produits commun et de la localisation de chargés d'affaires internationaux d'Ubifrance et de développeurs Coface au sein des directions régionales de Bpifrance.

Plusieurs mesures très concrètes sont prévues : une bannière commune / « marque ombrelle » France International pour renforcer l'image de la France à l'étranger, un portail internet unique proposant la palette des prestations et des financements ainsi qu'un annuaire de l'exportation, un numéro de l'international qui permettra d'orienter les entreprises vers les interlocuteurs adaptés et un système de labellisation des entreprises susceptibles de bénéficier d'une procédure d'obtentions de visas accélérée pour leurs clients et leurs salariés.

Votre rapporteur pour avis souligne qu'à l'heure actuelle, les exportateurs, à commencer par les PME, connaissent de sérieux obstacles pour l'accès au financement à l'exportation. A la lumière des auditions, l'idée de reconstituer d'un établissement financier spécifiquement axé sur le financement à l'exportation appelle des réserves, essentiellement parce que ce modèle ne fonctionne à peu près dans aucun grand pays exportateur. Les solutions semblent plutôt à rechercher du côté des garanties de refinancement qui permettent aux banques de réduire à zéro le risque de prêt à l'exportation. La garantie à 100 % de paiement inconditionnelle à première demande à l'organisme refinançant un crédit export assuré par la COFACE existe en Allemagne et est en cours d'adoption aux Pays-Bas. Elle a fait l'objet d'une disposition spécifique de la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, mais il a fallu attendre mai 2013 pour la publication du décret d'application.

C. LES EFFORTS DE RESTRUCTURATION D' UBIFRANCE

? En 2013 , Ubifrance, sous la tutelle de la direction générale du Trésor, a mis en oeuvre le contrat d'objectifs et performance (COP) couvrant la période 2012-2014 axé sur la qualité des prestations aux entreprises et les résultats en matière d'exportations françaises. Ce contrat fixe les objectifs suivants : accompagner à l'international 17 000 PME et ETI, réaliser 51 000 prestations d'accompagnement, développer 10 000 courants d'affaires au bénéfice de 6 000 PME et recruter 15 000 volontaires internationaux (VIE).

En 2014 , le nouveau contrat d'objectifs et performance, en cours de rédaction, prendra en compte les nouvelles missions de l'agence fixées par le Gouvernement dans le cadre du « Pacte national pour la compétitivité, la croissance et l'emploi » du 6 novembre 2012.

Le réseau Ubifrance assurera une présence dans soixante pays accueillant 80 bureaux Ubifrance (ex. missions économiques). L'agence est ainsi l'interlocuteur des PME françaises partout dans le monde, tandis que la DG Trésor conserve les missions régaliennes de soutien aux entreprises, de surveillance des conditions d'accès au marché et d'appui aux grands contrats.

S'agissant des moyens en personnels, le plafond d'emplois d'Ubifrance a été réduit de 15 emplois à temps plein (ETP) en 2012 et de 25 ETP en 2013. Pour 2014, la réduction s'établit à 8 ETP.

? Sur la base de ces données ainsi que des auditions, votre rapporteur pour avis estime qu'il convient de relativiser les critiques qui viennent d'être rappelées précédemment, en particulier pour rendre justice aux efforts consentis par Ubifrance.

En premier lieu, Ubifrance accompagne, avec 100 millions d'euros de crédits, des PME, qui représentent une part infime des exportations.

En second lieu, les efforts de rigueur de gestion et de réorganisation de l'Agence Ubifrance sont peu contestables. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : sa dotation budgétaire a diminué de 10 % depuis 2012, ses frais de fonctionnement, hors personnel, ont été réduits de 30 % depuis 2009 et ses effectifs expatriés de droit français ont diminué du quart depuis deux ans. En particulier, le représentant d'Ubifrance a souligné que le nombre de cadres expatriés français avait été diminué de moitié et que les effectifs ont été particulièrement réajustés dans les pays où le niveau de vie est le plus élevé, avec un redéploiement dans les pays émergents.

Faute de moyens, il semble donc que la baisse du nombre de fonctionnaires ait été compensée par des recrutements de contractuels locaux, selon des standards locaux. Or il semblerait que ce recours à ces personnels très proches de la réalité de terrain permette à Ubifrance de détecter des signaux et des opportunités économiques, de manière encore plus efficace qu'avant. Sans en tirer de conclusions hâtives, cet exemple témoigne que l'augmentation des moyens n'est pas toujours l'alpha et l'oméga de l'efficacité.

Malgré ce relatif désengagement de l'Etat, Ubifrance a maintenu ses missions. Encore faut-il souligner que l'essentiel n'est pas toujours mesurable : alors que les grandes entreprises disposent d'une logistique puissante à l'exportation, les ETI et les PME sont confrontés à des risques importants de désillusion et de chausse-trappe. Ubifrance peut ici jouer un rôle d'alerte et de mise en relation avec des correspondants fiables répondant ainsi à un besoin vital pour nos entrepreneurs afin de les prémunir contre des situations cauchemardesques dans des pays qu'ils connaissent imparfaitement.

Tout en prenant acte des critiques justifiées de nos dispositifs de soutien trop souvent redondants, il convient de saluer les efforts considérables consentis par les opérateurs qui ont également perfectionné leur connaissance fine du terrain. Leurs intuitions et leur vision de terrain apparaissent comme des outils précieux pour anticiper les opportunités et les transformations rapides de l'économie mondiale.

II. ANTICIPER LES OPPORTUNITÉS ET LES TRANSFORMATIONS RAPIDES DE L'ÉCONOMIE MONDIALE

Le contexte général : l'évolution de la conjoncture internationale et du commerce mondial.

? La croissance mondiale devrait rester assez modeste en 2013 (+2,9 %), proche de son niveau de 2012 (+3,2 %). Elle est marquée par la divergence entre les économies développées, où l'activité a accéléré progressivement, et les économies émergentes et en développement, qui ont connu un ralentissement.

En zone euro , l'activité a tendance à se contracter (- 0,5 %), en raison des trois principaux freins qui pèsent encore sur la croissance : l'effort de désendettement public et privé ; les problèmes de financement de l'économie, en particulier dans les pays du Sud et l'incertitude qui conduit les acteurs économiques à reporter leurs dépenses.

Dans le reste du monde, l'activité reste plus dynamique :

- aux États-Unis , elle continue de progresser, quoiqu'à un rythme modéré (+1,4 %, après +2,8 % en 2012). La reprise des dépenses des ménages et des entreprises, en raison d'un désendettement plus avancée qu'en Europe, est encore limitée par les mesures de consolidation budgétaire qui affectent leur revenu et la demande publique ;

- au Japon , la croissance en 2013 (+1,5 % après +2,0 % en 2013) est principalement tirée par la politique économique expansionniste menée depuis le début de l'année en matière monétaire et budgétaire. Celle-ci a provoqué un regain de confiance des agents économiques, une hausse des valeurs mobilières et la dépréciation de la devise nippone, favorisant ainsi la demande intérieure ainsi que les exportations ;

- dans les économies émergentes , les signes de ralentissement depuis le printemps confirment une croissance nettement inférieure à celle des années antérieures à 2008. L'activité progresse de 4,8 % en 2013, dans l'ensemble des économies émergentes et en développement, alors qu'entre 2004 et 2007 ce chiffre évoluait entre 7,3 % et 8,8 %.

? Le commerce mondial , reste lui aussi peu dynamique en 2013.

À l'image de la croissance mondiale, il progresse en 2013 à un rythme modéré, proche de celui de 2012 : +2,3 % en volume. L'Organisation mondiale du commerce (OMC) affiche une prévision proche, +2,5 %, en lien avec une reprise moins vive que prévue des importations en provenance des pays émergents et en développement, tandis que les économies développées - notamment l'Union européenne - demeurent fragiles.

En termes géographiques, la contribution des économies développées à la progression du commerce mondial est faible (+0,6 %) ; les échanges dans les économies émergentes et en voie de développement, moins dynamiques qu'avant la crise de 2008, y contribuent à hauteur de 1,7 % (contre +2,9 % avant la crise).

La croissance mondiale reste toutefois soumise à des aléas. La reprise pourrait être plus rapide si le surplus d'épargne dans les pays disposant de marges de manoeuvre était mobilisé. A contrario, un regain d'incertitude en zone euro, une sortie mal négociée des mesures de politique monétaire non-conventionnelles aux États-Unis, un ralentissement plus marqué de la croissance dans les économies émergentes ou une montée des tensions géopolitiques au Moyen-Orient sont de nature à entraver la reprise en cours.

A. LE « REBOND TECHNIQUE » DE NOTRE SOLDE COMMERCIAL ET LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER LA PERTINENCE DES INDICATEURS

? Apparu en 2002, notre déficit commercial , après un montant record de 73 milliards d'euros en 2011 a été réduit à 67 milliards en 2012 et avoisinera probablement 60 milliards d'euros en 2013.

Cette séquence chiffrée, a priori plutôt rassurante, s'explique par des mécanismes sous-jacents qui le sont moins : c'est, en effet, la contraction de la demande intérieure et de nos importations qui explique la réduction du déficit, et non pas la hausse de nos exportations.

Un phénomène similaire est observé dans de nombreux pays : par exemple, au premier semestre 2013, l'Allemagne a enregistré l'un de ses plus importants excédents commerciaux semestriels de ces dix dernières années avec un recul plus prononcé de ses importations (-2 %) que des exportations (-1 %). Le repli des exportations allemandes a été particulièrement prononcé en direction de la zone euro et surtout de la France (-5 %), ce qui confirme l'analyse précédente.

? Les principaux secteurs excédentaires et déficitaires du commerce extérieur français sont globalement stables sur les 5 dernières années.

Les principaux excédents sont enregistrés dans les secteurs suivants :

- le secteur aéronautique et spatial (17 milliards d'euros en moyenne entre 2008 et 2012), qui reste notre premier excédent, porté principalement par les ventes d'Airbus mais aussi par celles de satellites ;

- la chimie, les parfums et les cosmétiques (8 milliards d'euros) ;

- les industries agroalimentaires (6 milliards d'euros) et les produits agricoles bruts (3 milliards d'euros) ; les boissons représentent à elles seules près du quart de nos exports agroalimentaires (23 %) et portent une grande part de l'excédent du secteur, en dégageant un solde positif de 10,7 milliards d'euros.

- la pharmacie (4 milliards d'euros).

Les équipements pour automobile sont également excédentaires, de même que l'électricité et les gaz manufacturés.

Nos principaux déficits concernent :

- l'énergie, qui constitue de loin le premier poste, avec 56 milliards d'euros de déficit ;

- l'informatique et l'électronique (15 milliards d'euros) ;

- les textiles et le cuir (11 milliards d'euros) ;

- l'automobile (7 milliards d'euros), qui enregistre un solde négatif depuis 2007 ;

- ainsi que la plupart des autres secteurs manufacturiers.

PRINCIPAUX EXCÉDENTS ET DÉFICITS DE LA FRANCE PAR PRODUIT EN 2012
COMPARÉ À 2011

?A travers les multiples analyses chiffrées de l'évolution du commerce extérieur de la France, le paramètre essentiel à prendre en compte est l'évolution de nos parts de marché au niveau mondial. Or ces dernières ont à nouveau décliné en 2012 prolongeant une baisse continue, de 5,1 à 3,1 %, entre 2002 et 2011. Si ces tendances venaient à se prolonger, la France qui occupe aujourd'hui le sixième rang mondial pourrait rétrograder dans les prochaines années derrière la Corée, la Russie, voire Hong Kong. Dans le classement des pays exportateurs, le Royaume-Uni a connu une telle évolution, puisqu'il ne figure plus parmi les dix premiers, mais sa place financière, dominante en Europe, lui assure des revenus solides, ce qui n'est pas le cas dans notre pays.

ÉVOLUTION DES PARTS DE MARCHÉ DES PRINCIPAUX EXPORTATEURS MONDIAUX DANS LE COMMERCE MONDIAL DES BIENS

? S'agissant des indicateurs de notre commerce extérieur, l'avis budgétaire de l'an dernier avait évoqué l'un des principaux « combats » de M. Pascal Lamy, ancien directeur général de l'OMC, pour une mesure plus intelligente du solde des échanges. Pour prendre un exemple emblématique, on rappellera, en effet, que l'achat d'un Iphone par un américain aggrave le déficit de son pays, car les douanes enregistrent un transfert entrant en provenance de la Chine où sont fabriqués ces objets. Pour autant, cet achat est bénéfique pour les entreprises américaines qui capturent la valeur ajoutée du produit. Dans leur rapport précité publié en juillet dernier, les députés ont placé cette suggestion à la première place de leurs recommandations, en prenant l'exemple allemand de la Porsche Cayenne dont 90 % des composants sont importés.

Dans le même sens, votre rapporteur pour avis renouvelle le souhait formulé auprès du Gouvernement d'adaptation de nos indicateurs pour qu'ils donnent une image plus fidèle de la réalité des échanges 16 ( * ) , même si cela vient nuancer ou contredire un certain nombre d'idées reçues. Les stratégies de progrès adaptées au monde d'aujourd'hui et de demain ne peuvent plus se contenter d'instruments de mesure du dix-neuvième siècle.

Il convient en outre de rappeler qu'au cours des quinze dernières années, l'un des effets les plus clairement établis de la mondialisation a été de contenir l'inflation, même dans la période récente marquée par une augmentation vertigineuse de l'injection de liquidités pour éviter une crise financière mondiale. En France, l'impact de la mondialisation commerciale sur les prix des biens importés est significativement baissier et profite aux consommateurs. Une étude du Trésor montre qu'en France, un panier constitué des biens les plus échangés internationalement a connu une inflation de l'ordre de 0,6 % alors que l'indice des prix à la consommation totale a augmenté de 21 % entre 1998 et 2008. Parallèlement, les producteurs nationaux bénéficient également de cette baisse de prix en captant une part prépondérante de la demande supplémentaire libérée par les gains de pouvoir d'achat des consommateurs. Alors que les chaînes de production sont de plus en plus fragmentées internationalement, les producteurs bénéficient, en outre, d'un coût de leurs intrants plus faible ce qui leur permet de gagner en compétitivité et d'accroître ainsi leurs parts de marché domestiques et à l'export.

MESURER LES DÉFICITS OU EXCÉDENTS DE LA FRANCE EN VALEUR AJOUTÉE

La fragmentation des chaînes de production à l'échelle de plusieurs pays n'est pas un phénomène nouveau, mais sa croissance est telle que la mesure en flux bruts du commerce international apparaît aujourd'hui insuffisante à l'analyse des dynamiques de spécialisation des processus de production. En effet, ce mode de mesure ne permet pas d'appréhender directement la valeur ajoutée créée par un pays, puisque la totalité de la valeur commerciale d'un produit est imputée au dernier pays d'origine, alors que les exportations d'un pays sont composées d'une part croissante de biens importés. La mesure du commerce en termes de valeur ajoutée permet ainsi de mieux illustrer les effets de la mondialisation de l'économie. C'est pourquoi l'OCDE a travaillé avec la Commission européenne ainsi qu'avec l'OMC pour l'élaboration d'une base de données cartographiant les chaînes de valeurs mondiales (CVM).

Pour autant, cette mesure du commerce en valeur ajoutée laisse inchangé le solde commercial agrégé de chaque pays, elle ne modifie ni l'ampleur ni le signe (positif ou négatif) des soldes commerciaux nationaux au niveau global : le solde commercial français tous pays et tous secteurs confondus demeure le même, que l'on considère les échanges via leur mesure traditionnelle (brute) ou en valeur ajoutée.

En revanche, la ventilation des flux bilatéraux (France - autre Etat) et les soldes associés peuvent différer. Ainsi, le déficit commercial de la France avec les Etats-Unis (-2 milliards d'euros environ) devient un excédent (approximativement +1,5 milliard d'euros) en valeur ajoutée. Inversement avec le Japon le solde français, légèrement excédentaire en mesure classique devient déficitaire en valeur ajoutée (-2,5 milliards d'euros).

L'interprétation des échanges bilatéraux est donc transformée : bien que la quantité des exportations et importations demeure inchangée, la mesure en valeur ajoutée fait par exemple apparaître que la France importe des produits à forte valeur ajoutée du Japon (et exporte davantage de produits intermédiaires), alors que ses exportations destinées aux Etats-Unis intègrent une forte valeur ajoutée. Le solde commercial avec l'Allemagne diminue peu si on le mesure en valeur ajoutée tandis que déficit commercial français avec la Chine baisse d'environ 30 % mesuré en valeur ajoutée.

La modification de l'ampleur des soldes bilatéraux par la lecture en valeur ajoutée explique l'intérêt croissant de certains gouvernements pour ce type d'analyse. Par exemple, mesuré en termes de valeur ajoutée, le déficit commercial américain vis-à-vis de la Chine diminuerait de 20 à 40 %, selon les estimations, tandis que les déficits américains avec le Japon, Taiwan, la Corée du Sud et l'Allemagne augmenteraient.

En ce qui concerne la France, le commerce mesuré en valeur ajoutée révèle à la fois une forte orientation vers l'Asie et l'Amérique du Nord et une spécialisation dans les services. D'après les résultats préliminaires de l'OCDE, la France apparaît quant à elle intégrée dans des chaînes de valeur mondiales relativement sophistiquées et internationalisées (matériel de transport, chimie, équipement électronique et d'optique, métallurgie et agroalimentaire) et davantage spécialisée dans les services. Selon cette approche, des filières comme les matériels de transport (y compris l'automobile), l'agroalimentaire, les transports aériens ou les services aux entreprises, se révèlent ainsi particulièrement compétitives.

Toutefois, contrairement aux données de commerce brutes directement observées au niveau douanier, les mesures en valeur ajoutée doivent faire l'objet d'une estimation statistique qui ne présente pas les mêmes garanties de précision. De plus, elles ne portent que sur des secteurs d'activité agrégés, limitant l'analyse des échanges de nombreux produits de consommation courante et ne sont, pour l'instant, disponibles qu'avec beaucoup de retard : en juillet 2013, la dernière année exploitable est ainsi l'année 2009.

Source : réponse au questionnaire budgétaire pour le PLF 2014

B. ANTICIPER LES RECOMPOSITIONS DE L'ECONOMIE MONDIALE

? La ministre du Commerce extérieur a présenté fin 2012 le nouveau concept stratégique de la France en matière d'exportations . Cette stratégie repose sur un travail préalable d'identification de couples pays -secteurs porteurs à l'export au cours de la prochaine décennie, sur la base des projections du commerce mondial d'ici 2022.

En complément des forces traditionnelles de la France, comme l'aéronautique, la ministre a choisi de concentrer ses efforts et son action de mobilisation, de structuration et de promotion de l'offre française autour de :

- quatre « familles » de produits : « mieux se nourrir », « mieux se soigner », « mieux communiquer », « mieux vivre en ville » ;

Dans le domaine du « mieux se soigner », on peut citer le projet de fourniture d'équipements pour un nouvel hôpital à Can Tho au Vietnam et les projets de construction et d'équipement, voire de gestion, de plusieurs centres hospitalo-universitaires en Algérie. Par ailleurs, une initiative a été prise pour la Chine et la Russie et le sera très prochainement pour le Brésil : la création de « clubs santé » réunissant des entreprises françaises du secteur présentes sur place et des représentants des administrations.

Dans le domaine du « mieux vivre en ville », sont suivis des projets d'éco-quartiers en Chine et au Maroc. Le ministère du commerce extérieur a également lancé, le 26 juillet 2013, un appel à projets pour la réalisation d'un simulateur en trois dimensions, afin de mettre en valeur l'offre de la France en matière de ville durable. Il s'agit de réaliser une maquette virtuelle, à l'échelle d'un quartier ou d'une ville, qui permette de référencer le maximum d'entreprises françaises du secteur. Un label a également été élaboré pour fédérer l'offre française : Vivapolis.

Dans le domaine du « mieux se nourrir », un comité stratégique pour l'Asie a été mis en place le 14 janvier 2013. Il comprend des groupes de travail par filière, présidés par des chefs d'entreprise. Le comité a présenté le 24 juillet 2013 des propositions très concrètes, par exemple le renforcement des moyens humains dédiés aux questions sanitaires et phytosanitaires au sein du service économique régional de Pékin.

Source : réponse au questionnaire budgétaire pour le PLF 2014

- et 49 pays prioritaires (Allemagne, Italie, Royaume- Uni, Espagne, Pays- Bas, Suède, Finlande, Autriche, Danemark, Pologne, Hongrie, République Tchèque, Belgique, Suisse, Norvège, États-Unis, Canada, Japon, Corée du Sud, Singapour, Taïwan, Australie, Brésil, Russie, Inde, Chine, Turquie, Ukraine, Kazakhstan, Algérie, Égypte, Tunisie, Maroc, Nigéria, Côte d'Ivoire, Kenya, Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Émirats Arabes Unis, Qatar, Mexique, Argentine, Chili, Colombie, Indonésie, Malaisie, Thaïlande, Vietnam et Philippines).

Pour chacune des familles, 10 à 21 pays cibles ont été identifiés, en fonction de la taille de leur marché et de leur potentiel d'importation à échéance de 10 ans.

? L'évolution de la structure géographique des échanges commerciaux de la France et les perspectives.

Au cours de la période 2008-2013, les évolutions du commerce mondial ont été fortement impactées par la crise et nos exportations de biens ont chuté de 17 % en valeur en 2009, avant de rebondir de 14 % en 2010, puis de 8 % en 2011. Dans ce contexte, de 2008 à 2012, les échanges de biens de la France ont été plus dynamiques avec l'Asie et les pays émergents que vis-à-vis des économies développées. Au 1 er semestre 2013, les échanges de biens de la France restent déficitaires vis-à-vis de la plupart des régions du monde, à l'exception du Proche et Moyen Orient et de l'Amérique du sud. L'Union européenne et l'Asie, qui sont nos principaux partenaires commerciaux représentent 80 % de ce déficit et contribuent par ailleurs négativement à la croissance de nos exportations sur le semestre. Néanmoins, en comparaison du 1 er semestre 2012, la France voit son solde commercial s'améliorer vis-à-vis de presque toutes les zones, à l'exception de l'Europe hors Union européenne et de l'Afrique.

L' Europe demeure notre premier partenaire commercial, concentrant les deux-tiers de nos échanges en 2012 contre 69,3 % en 2008. Elle perd donc progressivement de l'importance, avec une réorientation vers les zones émergentes mais également une décroissance des flux commerciaux de la France avec l'Europe. Nos importations ayant plus augmenté que nos exportations en Europe, le déficit de la France vis-à-vis de cette région s'est accru de plus de 10,9 milliards d'euros entre 2008 et 2012.

Au 1 er semestre 2013, l'Union européenne reste à la fois notre premier partenaire commercial et notre premier déficit, qui diminue toutefois légèrement à -20,2 milliards d'euros grâce à une légère baisse des exportations (-1,2 %) et un repli légèrement plus marqué des importations (-2,5%) par rapport au 1 er semestre 2012.

Avec 14,3 % des échanges commerciaux de biens en 2012, l'Asie- Océanie est la deuxième grande région en termes de commerce bilatéral français. Elle gagne en outre de l'importance par rapport à 2008, avec une croissance moyenne de 7,3 % sur les cinq dernières années. Le moindre effondrement du commerce français vis-à-vis de la région Asie en 2008-2009 et le plus vif rebond en 2009-2011 ont permis au commerce franco-asiatique de gagner en importance. Sur l'ensemble de la région Asie-Océanie, les exportations ont progressé plus rapidement que les importations (respectivement +9,8 % et +5,2 % entre 2008 et 2012), mais le déficit demeure, bien qu'il se soit réduit de 1,3 milliard d'euros entre 2008 et 2012, pour atteindre 24,8 milliards d'euros en 2012. Au 1 er semestre 2013, pour la première fois depuis la crise de 2009, les exportations de la France vers l'Asie diminuent mais notre déficit vis-à-vis du continent se réduit de 20 % par rapport au 1 er semestre 2012, à 10,9 milliards d'euros. L'Asie est aujourd'hui devenue l'un des moteurs des exportations françaises, au sein desquelles elle a acquis un poids non-négligeable (12,5 %), en seconde position derrière l'Union européenne.

Avec un poids de 9,3 %, le continent américain constitue la troisième région partenaire de la France en 2012. Cependant, sur l'ensemble de la région, les importations progressent plus vite que les exportations, de sorte que le déficit bilatéral se creuse de près de 3,4 milliards d'euros entre 2008 et 2012, et s'affiche à -4,2 milliards d'euros fin 2012. Le poids du commerce avec l'Amérique latine ne progresse en moyenne que de 1,8 % sur la même période mais il est tiré par des exportations françaises dynamiques et la France affiche un excédent commercial depuis 2008 en progression de +1,3 milliard d'euros.

Ensemble l'Afrique, le Proche et Moyen Orient, et le reste du monde représentent 11,1 % du commerce extérieur français en 2012 , contre 10,9 % en 2008.

Le poids de l'Afrique passe de 5,8 % en 2007 à 6 % en 2012, notamment sous l'impulsion du commerce avec l'Afrique Sub-saharienne (+2,4 % de croissance moyenne 2008-2012, contre 2 % pour la région Afrique dans son ensemble). Le commerce de la France avec l'Afrique du Nord comme avec l'Afrique Sub-saharienne a souffert de la crise de 2008-2009 dans les mêmes proportions mais la reprise des échanges avec l'Afrique du Nord a été interrompue dès 2010-2011, coïncidant avec le printemps arabe. Le solde commercial de la France avec l'ensemble de la région Afrique est déficitaire en 2012 à -5,7 milliards d'euros mais ce déficit s'est considérablement réduit puisqu'il était de -2,06 milliards d'euros en 2008.

Le continent africain contribue positivement à la croissance de nos exportations mais celles-ci progressent moins vite que les importations, en particulier énergétiques (respectivement +2,8 % pour les exports et +5,6 % pour les imports par rapport au 1 er semestre 2012). Au niveau sous régional, les ventes françaises destinées à l'Afrique du Nord sont bien orientées (+9,1 %), tandis que celles vers l'Afrique sub-saharienne, qui représentent 30 % des ventes de la France vers l'Afrique, sont stables (-0,02 %) et que celles vers l'Afrique Australe chutent de près de 16%, en lien notamment avec de moindres performances de l'industrie pharmaceutique.

La croissance moyenne 2008-2012 de la France avec la région Proche et Moyen Orient est faible (+0,6 %), stable et excédentaire depuis 5 ans, tirée par le Moyen-Orient ; notre solde commercial est positif passant de 2,6 milliards d'euros en 2008 à 2,1 milliards d'euros en 2012.

Au premier semestre 2013, notre excédent commercial récurrent vis-à-vis du Proche et Moyen Orient a presque doublé par rapport à la même période en 2012, il atteint 1,9 milliard d'euros sur 6 mois contre 1,1 milliard d'euros et demeure le premier excédent régional semestriel de la France. La baisse des importations (-11,9 %), essentiellement d'énergie, explique une grande part de cette évolution. Dans le même temps, les exportations progressent de 2 %, grâce à la vente de matériels de transport et tandis que celles d'équipements mécaniques, électriques et informatiques fléchissent.

ÉCHANGES COMMERCIAUX TOTAUX ET SOLDES COMMERCIAUX BILATÉRAUX DE LA FRANCE AVEC LES GRANDES RÉGIONS DU MONDE (EN MILLIONS D'EUROS)

et CEI, dont :

ÉVOLUTION DES EXPORTATIONS DE LA FRANCE VIS-À-VIS DES GRANDES RÉGIONS DU MONDE (EN MILLIONS D'EUROS)

(Source DG Trésor).

SYNTHÈSE DES FLUX COMMERCIAUX DE LA FRANCE PAR GRANDE RÉGION PARTENAIRE ET CONTRIBUTION DE CHAQUE ZONE À L'ÉVOLUTION DES ÉCHANGES TOTAUX DE LA FRANCE AU 1 ER SEMESTRE 2013 (EN MILLIARDS D'EUROS)

(Source DG Trésor)

? Afin de resituer l'évolution stratégique présentée par le Gouvernement dans son contexte général, on peut rappeler, comme le fait l'OMC dans son dernier rapport 17 ( * ) , que pour la première fois de l'histoire du monde, en 2012 la production des pays en développement a dépassé celle des pays « dits riches » développés.

Alors que la thèse du déplacement du centre de gravité de l'économie-monde vers l'Asie-Pacifique avait marqué les esprits à partir des années 1970, on souligne aujourd'hui que « le 21 e siècle sera africain ». La démographie va effectivement dans ce sens et les nouvelles technologies, en particulier le téléphone portable, doivent permettre à l'Afrique de bruler les étapes du développement. Un des signes de cette évolution est, par exemple, qu'aujourd'hui, l'Angola serait le premier pays du monde en termes d'utilisation du téléphone mobile comme moyen de paiement.

La France a cependant eu tendance à se désengager de l'Afrique au cours des vingt dernières années pour essayer, avec un succès limité, de conquérir les marchés asiatiques. Pendant ce temps, la Chine prenait pied en Afrique avec énergie. Les observateurs attentifs de cette zone discernent aujourd'hui un créneau porteur pour la France : la Chine aurait, en effet, développé des infrastructures de façon très rapide en Afrique mais avec des normes de qualité parfois jugées insuffisantes. La France pourrait, dès lors, relayer les efforts déjà accomplis en apportant son savoir-faire en matière d'infrastructures.

Les spécialistes de l'Afrique soulignent, en même temps, qu'il convient de surveiller attentivement le moment où des pays comme l'Algérie très solide financièrement et dont la dette publique est minime s'ouvriraient.

Dans les dernières évaluations de risque - pays publiées par la Coface, il est, par exemple, précisé que l' Algérie connaît en 2013 un léger rebond de sa croissance, toujours tirée principalement par le secteur des hydrocarbures et la dépense publique.

Ce pays se caractérise surtout par un faible endettement public (environ 10% de son PIB) et une solide position financière extérieure. Certes, en dépit de la hausse des revenus pétroliers - représentant plus de 70% des recettes de l'Etat - le déficit budgétaire s'est accru en 2012, en raison de l'augmentation des dépenses (salaires du secteur public, mesures sociales, modernisation des infrastructures). Ce déficit budgétaire devrait, cependant, se réduire en 2013 grâce à une gestion plus prudente et grâce aux exportations d'hydrocarbures - représentant plus de 95% des recettes en devises les balances commerciale et courante seront encore excédentaires en 2013, malgré un effritement. Par ailleurs, toujours selon la Coface, les importations resteront limitées par les mesures restrictives prises par les autorités depuis 2009, en dépit d'importants achats de blé, dont l'Algérie est l'un des plus gros importateurs au monde, et de biens d'équipement liés au développement des infrastructures. D'imposantes réserves de change (environ trois ans d'importations) renforcent une situation financière extérieure déjà solide. Afin de diversifier ses avoirs, l'Algérie a apporté fin 2012 une contribution de 5 milliards de dollars au FMI. Le pays entend également ainsi s'affirmer sur la scène internationale, dans le contexte de son processus d'adhésion à l'Organisation mondiale du commerce. De plus, la politique active de désendettement extérieur, via notamment l'interdiction pour les entreprises d'emprunter à l'étranger, maintient le ratio dette extérieure/PIB à un niveau très faible (3%).

Dans le contexte des soulèvements intervenus depuis 2011 dans d'autres pays arabes, le pouvoir a pris des mesures destinées à lutter contre le chômage des jeunes et à augmenter les logements sociaux, afin de désamorcer la contestation politique et sociale. Par ailleurs, des restrictions visant les importations et les investissements étrangers - dans le but de protéger l'économie du pays et de promouvoir les industries nationales - ont été introduites par la loi de finances complémentaire de 2009 et globalement reconduites depuis, en dépit de quelques assouplissements. Le cadre des affaires paraît donc désormais stabilisé, mais il est peu propice à l'expansion du secteur privé et des investissements étrangers, et s'y ajoute l'inadaptation du secteur bancaire.

(Source : http://www.coface.com/fr/Etudes-economiques-et-risque-pays/Algerie)

Notre ministre du commerce extérieur semble parfaitement consciente de ces perspectives, comme en témoignent ses déplacements récents à l'étranger, et il convient effectivement d'organiser une veille stratégique adaptée.

Cependant, votre rapporteur pour avis souligne que d'autres pays de la zone euro, comme l'Allemagne ou la Suède, donnent l'exemple d'une stratégie orientée vers la « voie royale » de la compétitivité, qui leur permet d'enregistrer des excédents avec les pays de l'Union européenne, en réduisant à la fois la conflictualité des relations de travail, les dépenses publiques ainsi que les réglementations superfétatoires.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le rapport pour avis sur les crédits « Économie » du projet de loi de finances pour 2014.

M. Daniel Raoul , président . - Mes chers collègues, nous examinons ce matin les crédits de la mission « Économie » dans le projet de budget pour 2014, qui mobilise trois rapporteurs pour avis. Je laisse la parole à notre collègue Martial Bourquin, qui va nous en faire une présentation générale.

M. Martial Bourquin , rapporteur pour avis . - Merci Monsieur le Président.

La finalité de la mission « Économie » est, je le rappelle, de favoriser la mise en place d'un environnement propice à une croissance durable et équilibrée et de promouvoir le redressement productif du pays. Elle retrace pour 2014, comme les années précédentes, les crédits relatifs à trois programmes :

- le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » ;

- le programme 220 « Statistiques et études » ;

- le programme 305« Pilotage de l'économie française ».

À ces trois programmes, qui constituent le coeur historique de la mission, s'ajoutent, en 2014, trois programmes temporaires destinés à mettre en oeuvre le nouveau plan d'investissements d'avenir (PIA). Il s'agit des programmes 405 « Projets industriels », 406 « Innovation » et 407 « Économie numérique ».

Compte tenu de l'ajout de ces trois programmes, qui représentent 1,6 milliard d'euros, comparer globalement les crédits de la mission par rapport à ceux de l'année dernière n'aurait pas de sens. Je vous propose donc de scinder l'analyse de l'évolution des crédits en deux, en commençant par examiner les programmes pérennes de la mission, avant d'analyser ceux qui servent de support au nouveau PIA.

Les crédits relatifs à la conception et au pilotage des politiques économiques nationales figurent sur les programmes 220 et 305. Ils financent l'expertise économique, statistique et juridique présente dans les directions du Trésor, de la législation fiscale et de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Aucun changement significatif n'est à souligner en ce qui les concerne. Leur périmètre est inchangé et ils se voient dotés de 471 millions d'euros pour le programme « Statistiques et études », en progression de 0,5 %, et de 494 millions d'euros pour le programme « Pilotage de l'économie française », en recul de 3 %.

Le programme 134 « Développement des entreprises et de l'emploi » regroupe les moyens nécessaires à la mise en oeuvre d'un ensemble de politiques assez disparates, qui portent sur l'accompagnement des entreprises par les pouvoirs publics, la surveillance du cadre concurrentiel général ou sectoriel, ou encore la protection des consommateurs.

Les crédits de ce programme sont en baisse par rapport à 2013 : ils s'établissent à 1 027 millions d'euros en crédits de paiement, en recul de 5,5 %. Si l'on tient compte du fait que ce programme inclut pour 2014 une dotation de 50 millions d'euros au titre d'une nouvelle action « Fonds de soutien aux collectivités ayant contracté des produits structurés », action sans lien avec la finalité du programme et qui devrait plutôt être rattachée à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », le recul des crédits du programme 134 par rapport à 2013 s'établit en réalité à 108 millions d'euros , soit une baisse de 10%.

L'évolution négative des crédits de ce programme 134 recouvre cependant des évolutions contrastées. Parmi les actions en baisse, il y a :

- les crédits de l'action 02 « Commerce, artisanat et services », qui visent à soutenir le commerce de proximité et les services à la personne. Ils perdent 12,4 millions d'euros, soit un recul de 12 %. En cinq ans, les crédits de cette action auront été divisés par deux. En particulier, les crédits du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) - Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) inclus -, prévus à 27 millions d'euros pour 2014, perdent de nouveau 5 millions d'euros. Mais la question est plus complexe qu'elle n'en a l'air ; j'y reviendrai ultérieurement.

L'aide au comité professionnel de la distribution de carburant connaît elle-aussi une nouvelle érosion, tombant à 3,1 millions d'euros. Je rappelle à cet égard qu'en première lecture du projet de loi sur la consommation, le Sénat s'est prononcé en faveur du report au 31 décembre 2020 de l'obligation d'enterrer les réservoirs des stations-service distribuant moins de 500 mètres cubes par an, report indispensable compte tenu de l'asphyxie progressive du CPDC ;

- en baisse également, les crédits de l'action 3 « Actions en faveur des entreprises industrielles ». Ils s'établissent, pour 2014, à 196 millions d'euros, soit un recul de 8,1 % par rapport à 2013. Je tiens cependant à souligner que les crédits figurant sur cette action ne constituent qu'une fraction minime de l'effort national en faveur des entreprises et du renouveau industriel de la France. Je pense qu'il serait souhaitable, pour rendre plus lisible la politique industrielle de la nation, de disposer d'un document budgétaire de synthèse permettant de chiffrer l'investissement public consenti dans le domaine industriel via des dépenses budgétaires et fiscales aujourd'hui dispersées dans plusieurs missions et programmes ;

- les crédits de l'action 04 « Développement des télécommunications, des postes et de la société d'information » reculent de 33,7 % ; mon collègue co-rapporteur pour avis Pierre Hérisson vous les détaillera tout à l'heure ;

- les crédits de l'action 07 « Développement international des entreprises », c'est-à-dire la dotation à Ubifrance, s'établissent à 97,8 millions d'euros, en baisse de 6 % par rapport à 2013. C'est un nouveau recul après la diminution de 14 millions d'euros entre 2012 et 2013 ;

- évolution en baisse très légère également pour les crédits de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII), dont la dotation perd 300 000 euros à 13,9 millions d'euros ;

- enfin, baisse de près de 4 % pour les crédits de l'action 21 en faveur du développement du tourisme.

D'autres actions voient au contraire leurs crédits se stabiliser ou augmenter légèrement :

- c'est le cas des crédits des autorités administratives indépendantes rattachées au programme 134 - action 13 : Autorité de régulation des communications électroniques et des postes [ARCEP], action 14 : Commission de régulation de l'énergie [CRE] et action 15 : Autorité de la concurrence -, qui restent stables nominalement par rapport à 2013, respectivement à 23, 20 et 21 millions d'euros ;

- les crédits de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) - action 15 « Régulation concurrentielle des marchés », action 16 « Protection économique du consommateur » et action 17 « Protection économique du consommateur » - sont en hausse. Globalement, ils s'établissent à 238 millions d'euros, contre 235 millions d'euros en 2013. Le plafond d'emplois sur ces trois actions est également en augmentation d'une centaine d'équivalents temps plein (ETP) pour atteindre 3 109. Je me réjouis de l'inflexion intervenue depuis le début de la nouvelle législature en vue de mettre en accord les moyens de la DGCCRF avec les missions fondamentales que le législateur lui assigne.

J'en viens maintenant aux trois programmes portant les crédits du deuxième PIA, annoncé par le Premier ministre le 9 juillet 2013. Ce PIA 2, d'un montant de 12 milliards d'euros, a pour objet de prolonger l'effort d'investissement national engagé par le premier PIA de 2010. Il est articulé autour de trois axes : le soutien à la recherche et à l'université ; la transition énergétique et écologique et la ville durable ; et enfin l'innovation et la recherche dans les filières industrielles. Budgétairement, ces crédits seront portés par neuf missions, dont la mission « Économie » au travers des programmes 405 « Projets industriels », 406 « Innovation » et 407 « Économie numérique ». Au total ces trois programmes, pilotés par direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) sous la responsabilité du ministre du redressement productif, représentent une enveloppe de 1,675 milliards d'euros.

Il faut souligner qu'une partie des dépenses du second PIA, singulièrement celles inscrites sur les programmes 405, 406 et 407, accroissent le patrimoine de l'État puisqu'elles prennent la forme de créances détenues sur les acteurs économiques - prêts et avances remboursables - ou de prises de participation.

Le programme 405 « Projets industriels » vise à soutenir l'investissement des filières industrielles dans des projets structurants pour le tissu économique national.

L'action 01 « Projets industriels d'avenir » tend à conforter les grandes filières actuelles au niveau national. La Banque publique d'investissement (BPI) en sera l'opérateur. Les projets industriels seront sélectionnés par appels à projets en fonction, d'une part, de leur cohérence avec les priorités de la politique industrielle et, d'autre part, des enjeux stratégiques de chaque projet pour la filière concernée, notamment eu égard au potentiel de croissance qu'ils recèlent.

L'action 02 « Projets pour l'industrialisation » est dotée de 30 millions d'euros. Elle servira à financer des prêts pour l'industrialisation pour des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Il s'agit de concrétiser au travers d'une industrialisation et d'une valorisation commerciale des projets de recherche et développement (R&D) qui arrivent à leur terme mais peinent à trouver les financements nécessaire pour passer au marché. Les 30 millions d'euros figurant sur cette action ne sont pas destinés à alimenter les prêts pour l'industrialisation eux-mêmes, mais à les garantir.

Enfin, l'action 03 « Usine du futur : robotisation » est dotée de 60 millions d'euros. Elle permettra de bonifier et garantir pour 300 millions d'euros des prêts destinés à financer des investissements de robotisation de PME et ETI industrielles.

Doté d'une enveloppe substantielle de 690 millions d'euros, le programme 406, intitulé « Innovation », vise à renforcer la compétitivité de notre économie en favorisant la croissance des entreprises innovantes. Il comporte trois actions :

- la première, bénéficiant de 150 millions d'euros, est un complément de l'action « Innovation de rupture » du premier programme d'investissements d'avenir, déjà dotée de 150 millions d'euros de subvention ;

- la deuxième, dotée de 240 millions d'euros, permettra de soutenir un fonds souverain de la propriété intellectuelle, de renforcer l'innovation de modèle et de procédé, et de développer la culture de l'innovation et de l'entrepreneuriat ;

- la troisième, mobilisant 300 millions d'euros, permettra de réaliser les projets structurants des pôles de compétitivité.

Enfin, le programme 407 « Économie numérique » comprend deux actions :

- l'action 01 « Quartiers numériques » est dotée de 215 millions d'euros en vue de dynamiser et d'accompagner les programmes de soutien à la croissance des entreprises numériques et de constitution de quartiers numériques ;

- l'action 02 « Usages et technologies du numérique » est dotée de 350 millions d'euros.

Un dernier mot pour évoquer les 86 dépenses fiscales associées à la mission « Économie ». La très grande majorité - 77 exactement - est rattachée au programme 134 « Développement des entreprises et de l'emploi ». Ces niches représentent une perte de recettes fiscales dont le montant total est estimé à 16,874 milliards pour 2014.

Il faut évidemment souligner la mise en place du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui constitue la plus connue des 35 mesures du Pacte national pour la croissance. Ce crédit d'impôt est conçu comme un outil pour rétablir les marges des entreprises et permettre, grâce à la restauration des capacités d'autofinancement, une reprise de l'investissement et une montée en gamme de l'économie française.

Budgétairement, pour 2014, le coût du CICE est évalué à 9,76 milliards d'euros. Il est à noter que cette somme correspond au coût du CICE enregistré en 2013, pendant que la mesure se mettait en place et n'avait pas encore atteint son plein régime

Concernant le CICE, je souhaite faire deux remarques :

- tout d'abord, les entreprises peuvent depuis le début de l'année solliciter auprès de BPI France le préfinancement du CICE. Ce mécanisme de préfinancement a permis de donner un effet immédiat à la mesure ;

- le ciblage du CICE pourrait être amélioré. Applicable aux salaires inférieurs à 2,5 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), il s'applique très largement au-delà des entreprises industrielles, innovantes et exportatrices qui constituent le socle du redressement productif national. De fait, deux tiers de la masse salariale des entreprises françaises entrent dans le champ du CICE. Ainsi, l'industrie manufacturière n'en bénéficie que pour 18 % du total. Le CICE apparaît donc davantage comme un dispositif de soutien à l'emploi, équivalent à des mesures d'allègement du coût du travail, que comme une mesure destinés à stimuler la compétitivité et à faire évoluer la structure productive dans le sens d'une montée en gamme. Pour donner sa pleine mesure, le dispositif mériterait donc d'être mieux ciblé au bénéfice des entreprises industrielles et exportatrices.

M. Daniel Dubois . - Je n'ai jamais compris pourquoi le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) avait accepté l'instauration du CICE. La meilleure chose à faire aurait été de réduire les charges des entreprises, une mesure plus efficace économiquement et plus forte symboliquement. Certes, elle posait des problèmes politiques, mais il aurait fallu passer outre, tant le consensus est unanime sur la nécessité d'une baisse des charges.

Vous dites, Monsieur le Rapporteur, qu'il faut réviser le périmètre du CICE. Cela serait compliqué à mettre en oeuvre pour les entreprises, et notamment pour les PME, qui ont besoin d'une stabilité et d'une plus grande lisibilité du cadre règlementaire. Il faudra du temps pour leur redonner de la compétitivité et réindustrialiser le pays.

M. Jean-Jacques Mirassou . - Pour ma part, je rejoins l'analyse qu'a faite le rapporteur pour avis. Il importe en effet de mieux cibler le CICE, plutôt que de décider une baisse générale des charges : l'emploi n'est pas le seul objectif devant être poursuivi, l'innovation doit tout autant être recherchée.

M. Daniel Raoul , président . - Le CICE poursuit concurremment deux objectifs : l'emploi et la compétitivité. Certes, il concerne pour 18 % seulement l'industrie et la grande distribution en profite. Si l'on veut l'axer davantage sur la compétitivité et la réindustrialisation, alors il faut le cibler en effet.

M. Martial Bourquin , rapporteur pour avis . - Le CICE réduit de facto le coût du travail. Mais 18 % consacrés à l'industrie, c'est trop peu. Les entreprises manufacturières doivent davantage en profiter.

M. Daniel Raoul , président . - Attention cependant à ne pas réduire l'industrie à l'industrie manufacturière stricto sensu. D'autres secteurs, comme l'agroalimentaire, l'industrie du numérique ou l'industrie pharmaceutique par exemple, contribuent également à la production industrielle...

Je donne à présent la parole à notre collègue Pierre Hérisson, qui va nous présenter la partie « Poste et communications électroniques » de la mission « Économie ».

M. Pierre Hérisson , rapporteur pour avis . - Effectivement Monsieur le Président, et je le ferai en deux temps : tout d'abord, une analyse des évolutions budgétaires pour 2014, puis quelques développements sur les problématiques actuelles du secteur des communications électroniques, à savoir le déploiement de la fibre et de la 4G.

Mais je voudrais en introduction souligner que nous allons vivre, l'année prochaine, un bouleversement des secteurs des télécommunications et de la poste. Certains opérateurs sont à bout de souffle, d'autres profitent d'un marché très changeant. L'insuffisance de règles d'encadrement européennes en ce domaine se fait sentir.

Je porte à votre connaissance le fait que le gouvernement australien vient de céder l'intégralité de ses participations dans l'opérateur historique des communications électroniques, afin de financer le déploiement de la fibre sur l'ensemble du territoire. Et que la Nouvelle-Zélande et le Canada ont mis fin à la distribution du courrier à domicile, les usagers devant désormais aller le chercher au bureau de poste le plus proche ...

J'en reviens à l'analyse budgétaire, qui porte tout d'abord sur les actions 0 et 13 du programme 134. Elles correspondent à des sommes relativement faibles - 215 millions d'euros - au regard du poids du secteur dans la richesse nationale.

L'action 04 « Développement des télécommunications, des postes et de la société de l'information », qui voit ses crédits reculer de 33,7 %, à 194,8 millions d'euros, finance plusieurs dépenses :

- une dotation de 33,8 millions d'euros à l'Agence nationale des fréquences (ANFR). Cette enveloppe est en baisse de 2,8 % cette année, après avoir déjà diminué de 3 % l'an passé. Cela est préoccupant à l'heure où les missions de l'ANFR se diversifient : l'Agence doit notamment gérer les problèmes de réception de la télévision numérique terrestre (TNT) dus à la proximité de fréquence de la 4 G ; elle doit par ailleurs intégrer, au 1 er janvier, la mission « très haut débit » supervisant le déploiement de la fibre ;

- la compensation par l'État des surcoûts liés à la mission de service public de transport postal de La Poste, qui s'élève à 150,1 millions d'euros. Cette compensation avait été transférée, l'an passé, à la mission « Médias » ; elle est aujourd'hui réintégrée dans la mission « Économie », dans cette action 04 ;

- le remboursement de La Poste pour l'acheminement réalisé en franchise postale, pour 1,5 millions d'euros ;

- des subventions attribuées par la France à divers organismes internationaux, dont l'Union postale universelle et la Conférence européenne des postes et télécommunications, pour 9,5 millions d'euros.

L'action 13 « Régulation des communications électroniques et des postes » est quasi stable, à 22,9 millions d'euros ; elle finance l'ARCEP. Hors dépenses de personnel, les crédits de l'Autorité ont diminué de 15 % au cours des cinq dernières années. Et le cycle budgétaire 2013-2015 programme une baisse significative de ses crédits de fonctionnement sur l'exercice, conformément à l'effort demandé à toutes les administrations de l'État.

Comme l'année passée, nous attirons à nouveau l'attention sur les limites d'une telle régulation. L'ARCEP a anticipé ces évolutions en réduisant de 21 % ses frais de fonctionnement depuis 2009. Mais elle arrive aujourd'hui « dans le dur », comme nous l'avait déjà dit son président, M. Jean-Ludovic Silicani, l'année dernière. Les budgets d'étude et ceux affectés aux enquête de vérification de la couverture mobile risquent fort d'être diminués. Ce sont donc les capacités du régulateur à connaître le marché, et par conséquent à y intervenir en encadrant ses acteurs, qui sont désormais remises en cause.

Enfin, pour en finir avec l'analyse budgétaire, quelques mots du programme n° 407, « Économie numérique », qui est un « nouveau venu » dans cette mission. Bénéficiant d'une enveloppe importante de 565 millions d'euros, il met en oeuvre des crédits mobilisés au titre du « PIA ». Il comporte deux actions :

- la première, dotée de 215 millions d'euros, vise au développement de « quartiers numériques ». Elle est portée par la Caisse des dépôts et consignations ;

- la seconde, à hauteur de 350 millions d'euros, tend à soutenir, plus largement, les « usages et technologies du numérique ». Elle est prise en charge par la BPI.

Je voudrais à présent vous dire quelques mots du déploiement des réseaux de communications électroniques du futur : fibre pour le fixe, 4G pour le mobile. En sachant qu'un « mix technologique », intégrant d'autres supports de transmission, sera indispensable pour obtenir une couverture satisfaisante du territoire dans des délais raisonnables. La ministre en charge de l'économie numérique, Mme Fleur Pellerin, semble l'avoir compris, et je m'en réjouis.

S'agissant de la fibre, pour commencer, je vous rappelle que l'ancien plan national très haut débit, le PNTHD, a été remplacé au printemps par un plan France très haut débit (PFTHD).Très ambitieux, il vise une couverture intégrale du territoire en très haut débit d'ici une dizaine d'années.

Avec notre collègue Yves Rome, de la commission du développement durable, nous avions remis au mois de mars un rapport plaidant pour un « triple play » gagnant du très haut débit. Certaines de nos orientations ont été suivies dans le nouveau plan, et nous nous en félicitons, même si des zones d'incertitude demeurent encore.

Les schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique, les fameux SDANT, sont désormais bien lancés, après des débuts difficiles. Sur les 98 départements qui se sont engagés dans leur élaboration, 80 les ont même achevés aujourd'hui. Je tiens à citer à cet égard l'exemple emblématique du département de la Haute-Marne, présidé par notre collègue Bruno Sido, qui procède à une expérimentation en recourant à une mise en régie de la desserte en fibre optique.

Le cadre règlementaire a été arrêté par l'ARCEP. Si les contraintes qu'il a fait peser sur les opérateurs en termes de mutualisation ont retardé leur déploiement, ces derniers n'en ont pas moins conclu des accords de cofinancement.

Certes, les Français sont encore loin d'être tous raccordés, mais les taux de souscription au très haut débit progressent sensiblement : + 22 % sur un an, avec 1,8 millions d'abonnés au deuxième semestre.

Pourtant, des interrogations demeurent sur le financement du dispositif, notamment. Interrogations que nous avions soulevées dans notre rapport précité.

La « feuille de route » présentée par le Gouvernement au printemps table sur un besoin total de financement de 20 milliards d'euros ; or, cela constitue la fourchette basse des projections réalisées par les spécialistes, qui vont jusqu'à 37 milliards. Ensuite, le Gouvernement annonce une taxe sur les communications électroniques qui n'apparaît pas dans le projet de loi de finances ; or, elle est censée représenter la majeure source de financement provenant de l'État. Enfin, il reste elliptique sur les moyens de financement des collectivités, dont 3 milliards d'euros sont attendus ; notamment, il ne clarifie pas la façon dont serait alimenté le Fonds d'aménagement numérique des territoires (FANT), fonds spécialement créé par la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, dite « loi Pintat », en vue de soutenir l'intervention des collectivités pour le financement des réseaux numériques à très haut débit.

Quelques mots pour finir sur le déploiement du réseau très haut débit mobile, cette fois : la 4G. Le groupe d'études « communications électroniques et poste », que je copréside avec notre collègue Michel Teston, a auditionné les quatre opérateurs nationaux au mois de septembre dernier. Ces derniers investissent fortement depuis 2012 dans le déploiement de leurs réseaux mobiles 4G. Ils ont, à l'exception de Free Mobile, déjà ouvert commercialement leurs services 4G, pour 35 à 60 % de la population. Et Free déploie son réseau intégré de sites 3G/4G, sans donner de date de commercialisation. On peut toutefois s'attendre à ce que l'opérateur propose à nouveau une offre fracassante, ce qui devrait reposer la question de l'équilibre entre l'intérêt des consommateurs à bénéficier de tarifs bas et celui des opérateurs à pouvoir investir.

Vous avez sûrement vu les publicités pour la 4G, et peut-être certains d'entre vous y sont déjà abonnés ? Ce réseau très haut débit mobile, c'est une qualité de service inégalée pour les usages nomades. Et ce, à terme, sur une majeure partie du territoire. La bande des 800 MHz, ou « fréquence en or », possède en effet des propriétés de propagation exceptionnelles. De plus, et du fait de la « loi Pintat », le déploiement doit avoir lieu concurremment en zones denses et en zones peu denses, grâce notamment à des accords de mutualisation. Ce principe, toutefois, n'est pas respecté, ce qui a été signalé à la ministre ; les contrôles doivent être plus stricts sur ce point.

Certains obstacles à un déploiement massif et rapide de la 4G devront être surmontés.

Les opérateurs devront amortir les 3,6 milliards d'euros qu'ils ont déboursés pour obtenir les fréquences 4G. Et ce alors que l'arrivée de Free leur a « fait beaucoup de mal », en tirant les marges vers le bas. Et alors, surtout, qu'ils devront à nouveau réinvestir des montants très importants pour le « deuxième dividende numérique », la bande des 700 MHz. Une problématique que connaît bien notre collègue Bruno Retailleau.

Par ailleurs, les problèmes de brouillage sur la bande des 800 MHz, proche de la TNT, devront être résolus. Toutefois, l'expérimentation menée à Saint-Etienne semble plutôt rassurante sur ce point.

Enfin, la demande devra suivre pour tirer le marché. Comme pour la fibre, restent encore à inventer les nouveaux usages, les « killing applications » de demain, qui rendront indispensables d'être connecté en permanence à 100 Mbit/s.

Pour conclure, et en revenant à La Poste, je tiens à souligner l'importance d'une pérennisation de la dotation du fonds postal national de péréquation territoriale, qui s'élève à 170 millions d'euros, et ce alors que l'ARCEP a chiffré à 250 milliards d'euros le coût de la couverture du territoire par le groupe.

M. Martial Bourquin . - Vous avez signalé, Monsieur le Rapporteur pour avis, que deux pays avaient arrêté la distribution du courrier à domicile. Sur le territoire national, elle intervient en n'importe quel endroit au même prix : y a-t-il un risque de remise en cause de ce principe ?

M. Pierre Hérisson , rapporteur pour avis . - Je souhaitais simplement porter cette information à votre connaissance. Dans notre pays, le service universel de la poste a été confié au groupe La Poste pour une durée de 15 ans, lors de la modification de son statut. Et le groupe assure une distribution du courrier six jours sur sept, alors que les directives européennes ne l'exigent que cinq jours sur sept. Il n'est pas question de revenir sur ces principes.

Toutefois, le chiffre d'affaires de l'activité « courrier » du groupe est passé sous la barre des 50 % du chiffre d'affaires total, à 49 % exactement. Si le compte d'exploitation 2013 est encore excédentaire sur ce segment d'activité, on peut légitimement se demander combien de temps cela continuera d'être le cas. À terme, la diminution attendue de l'activité « courrier » devra faire l'objet de compensations avec d'autres segments d'activité, sans que le service universel ne soit pour autant remis en cause.

M. Daniel Dubois . - En matière de couverture numérique du territoire, on assiste, d'un gouvernement à l'autre, à une continuité des programmes de déploiement de la fibre. Mon département, la Somme, s'est engagé, via un syndicat mixte, à une couverture à 70 % de la population, en intégrant les opérateurs privés. Sachant que les 30 % restants, qui représentent 80 % du territoire, seront extrêmement coûteux à desservir en très haut débit. Les capacités des opérateurs, qui ont souscrit des emprunts pour financer la première tranche de déploiements, seront très limités pour la deuxième. En-dehors d'un financement par le FANT, il n'y aura point de salut pour nos zones rurales !

M. Jean-Jacques Lasserre . - Il est inévitable que le chiffre d'affaires « courrier » de La Poste finisse par plonger. Il nous faudra y apporter une réponse à caractère général, en favorisant la mutualisation, sachant que les opérateurs alternatifs se concentreront naturellement sur les seules zones rentables.

M. Gérard Bailly . - La présence de La Poste en zone rurale est extrêmement importante. Afin de favoriser son maintien, et dans une perspective de développement durable, ne devrait-elle pas prendre en charge, en plus du courrier, la distribution des journaux et publicités ? Celle-ci est aujourd'hui assurée, en effet, par des manutentionnaires qui doublonnent en partie l'activité du facteur.

L'équipement de nos territoires en infrastructures à très haut débit a fait l'objet d'annonces successives, sans que cela ne s'accélère pour autant sur le terrain. Or, la dématérialisation de l'administration, qui affecte jusqu'à la gestion par les agriculteurs de leur exploitation, exige que l'on en fasse en priorité. À cet égard, on peut s'interroger sur l'importance des moyens alloués à cet objectif, tant au niveau national que local. Il faut aller plus vite, aujourd'hui, au risque de voir se creuser la fracture numérique.

M. Yannick Vaugrenard . - Je partage ce sentiment d'inquiétude au sujet de La Poste, dont la baisse du chiffre d'affaires « courrier » est encore plus importante que ce qui était attendu. Un constat positif s'impose, toutefois : le rôle du facteur, particulièrement bien perçu dans l'opinion publique. Il faut qu'il soit utilisé au profit d'autres administrations ou services, par exemple pour relever les compteurs d'eau, de gaz et d'électricité. Il est aujourd'hui possible de connaître précisément les pertes d'énergie en chaque point du territoire ; le facteur pourrait informer les personnes concernées des possibilités qu'elles ont d'y remédier.

La problématique de la réaffectation de la bande des 700 MHz est certes importante, mais elle n'interviendra pas avant 2017. Le produit des licences octroyées sera affecté au budget de la défense. Ce changement d'usage aura des répercussions sur la réception de la télévision, obligeant les téléspectateurs à acquérir un adaptateur, d'un coût chiffré de 30 à 50 euros, voire à changer de téléviseur. Il y a là un risque réel d'extension de la fracture numérique à la réception de la télévision.

M. Daniel Raoul , président . - Avez-vous des informations, Monsieur le Rapporteur, sur les projets de fusion de l'ARCEP et du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) ? S'agissant de la couverture numérique du territoire, je suis d'avis que la 4G constitue l'une des réponses à la problématique des « zones blanches » en matière de téléphonie mobile, comme à celle de l'apport du très haut débit à des territoires très reculés.

M. Pierre Hérisson , rapporteur pour avis . - Je souscris entièrement à vos propos sur le second point, Monsieur le Président : la 4G constitue l'un des moyens de remédier à la fracture numérique qu'entraînera nécessairement l'insuffisance de moyens alloués au déploiement du très haut débit. Les associations de consommateurs se sont d'ailleurs déjà saisies du sujet. Cependant, j'entends insister sur le fait que la 4G ne constitue pas - et ne doit pas constituer - un palliatif à l'absence de déploiement d'un réseau très haut débit.

S'agissant des autorités de régulations des secteurs des télécommunications et de l'audiovisuel, il semblerait que soit privilégié un rapprochement des services et la mutualisation de certaines fonctions, sans aller jusqu'à la fusion, chaque autorité conservant son propre collège. Mais sont en jeu des considérations politiques, allant bien au-delà des seuls éléments techniques.

Enfin, et au vu des motifs d'insatisfaction et d'inquiétude que procure l'examen des crédits dont j'ai à connaître, je donnerai un avis négatif sur l'adoption des crédits de la mission « Économie ».

M. Didier Guillaume . - La 4G est très importante, mais elle ne constitue ni l'alpha et l'oméga de la politique de déploiement, ni un palliatif à d'autres technologies. Elle mettra longtemps avant de desservir les zones les plus rurales. Pour ces dernières, et à l'exception des plus reculées, il n'y a pas d'autre solution que leur équipement en FttH. Celui-ci ne représente pas un coût si élevé, au regard de son importance. Certes, le nouveau plan national de déploiement diffère peu du précédent dans ses modalités, si ce n'est qu'il s'accompagne de de crédits substantiels, comme ceux mobilisés par certaines régions. La ministre en charge de l'économie numérique vient d'ailleurs demain dans mon département, la Drôme. Nous y avons déjà déployé 2 300 km de fibre optique, et nous avons comme projet de rendre éligible 800 000 personnes, pour un coût total de 450 millions d'euros, que nous allons financer.

M. Martial Bourquin , rapporteur pour avis . - Monsieur le Président, mes chers collègues, je reprends la parole pour vous présenter un état des lieux du Fisac. Depuis plusieurs années, notre commission suit avec inquiétude l'évolution de ses moyens budgétaires, en soulignant que leur baisse drastique et continue menace de disparition un outil pourtant indispensable au maintien et au développement du commerce de proximité dans les secteurs ruraux ou urbains les plus fragiles.

Le projet de loi de finances pour 2014, dans sa version déposée initialement devant le Parlement, n'était pas de nature à dissiper cette inquiétude. Avec une dotation annuelle annoncée de 20 millions d'euros, 27 millions en comptant la subvention versée à l'EPARECA, on semblait en effet entériner l'impasse budgétaire du Fisac et acter la disparition de fait de cet outil.

L'annonce par le Gouvernement d'une rallonge budgétaire significative pour solder plusieurs années de sous-financement du fonds et une réforme législative qui devrait se faire à l'occasion de l'examen prochain du projet de loi sur l'artisanat, le commerce et les très petites entreprises pourraient cependant marquer le renouveau d'un Fisac recentré sur ses missions essentielles.

Mais avant de tracer les perspectives, je crois qu'il faut prendre le temps de dresser un bilan objectif de la situation du Fisac. Par lettre de mission du 13 septembre 2012, la ministre du commerce, de l'artisanat et du tourisme a saisi le Contrôle général économique et financier d'une mission de diagnostic et de propositions sur le Fisac. La mission a rendu ses conclusions dès le mois de décembre 2012.

Le premier constat est celui d'un élargissement des missions du Fisac au cours du temps, notamment lors du vote de la loi de modernisation de l'économie (LME). Le rapport du contrôle financier est assez sévère sur ce point, parlant d'élargissement « tous azimuts » ou encore « d'inventaire à la Prévert ». Je suis plus nuancé. Aucune des missions confiées au cours du temps au Fisac ne semble franchement aberrante et contraire à son objectif fondamental, qui est de soutenir le commerce de proximité dans les secteurs démographiquement et économiquement fragiles.

Le problème réside sans doute moins dans la définition du champ des missions du Fisac que dans un sous-financement chronique. Quelques chiffres éloquents. À la fin de septembre 2012, au moment où la mission de contrôle commence son travail, le besoin de financement pour honorer la file d'attente des dossiers recevables est estimé à 120 millions d'euros, alors que les fonds Fisac disponibles à cette date se montent à seulement 15 millions d'euros. Le trou à combler est donc de l'ordre de 100 millions d'euros.

Le rapport de la mission de contrôle évoque un effet de ciseaux entre l'élargissement des missions du Fisac d'un côté et la réduction de sa dotation budgétaire annuelle de l'autre. L'explication n'est cependant qu'à moitié convaincante. Les chiffres mettent en effet en évidence une augmentation du nombre de dossiers déposés mais pas une augmentation concomitante de la valeur cumulée de ces dossiers. La valeur des dossiers déposés atteint en 2011 un montant analogue à celui de 2007 ou de 2009, environ 55 millions d'euros. Autrement dit, l'élargissement des missions du Fisac a conduit à un saupoudrage des crédits - ce qui certes n'est pas une bonne chose -, mais pas à une explosion des besoins de financement.

Si l'augmentation en valeur des dossiers de demande n'est pas criante, la réduction drastique des crédits du Fisac est en revanche manifeste, avec une réduction par deux de la dotation budgétaire entre 2007 et 2012. La cause première de l'impasse budgétaire du Fisac est donc bien une politique constante de sous-dotation budgétaire.

Le second constat fait par la mission de contrôle est celui des dysfonctionnements dans l'administration du Fisac. La crise financière du Fisac les a exacerbés et rendus manifestes. Parmi les principaux problèmes, je citerai :

- une absence de sélectivité. Les opérations individuelles (ORI) sont par exemple éligibles dès lors qu'elles concernent les communes de moins de 3 000 habitants et les entreprises faisant moins d'un million d'euros de bénéfice. Entrent donc dans le champ des ORI 90 % des communes et la quasi-totalité des entreprises artisanales et commerciales ! La même remarque vaut pour les opérations urbaines ;

- une absence de modularité des taux de subvention en fonction de l'intérêt intrinsèque de l'opération. Selon la mission de contrôle, les dossiers présentés par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), à quelques exceptions près, font tous état de demandes de subvention au taux maximal ;

- une gestion assez opaque des dossiers et crédits. L'absence de modularité et de sélectivité, dans un contexte de pénurie financière, conduit en effet à une gestion très empirique. Les dossiers instruits par les DIRECCTE, trop nombreux eu égard aux fonds disponibles, sont conservés avant d'être transmis à la DGCIS. Celle-ci fait de même avant de les transmettre au ministre pour signature. Ce dernier stocke lui-même les dossiers avant d'autoriser la délivrance des fonds. D'où une incroyable accumulation de dossiers recevables en attente de règlement : environ un millier fin 2012. À cette gestion par allongement de la file d'attente s'ajoute une gestion par abattement des taux de subvention : ainsi, après s'être vus accordés une subvention au taux maximal dans un premier temps, les dossiers se voient tous appliqués un taux d'abattement arbitraire de 20 % en 2009, 26 % en 2010, 32 % en 2011 et 43 % en 2012 ;

- un dispositif coûteux à faire fonctionner, notamment du fait d'une double instruction par les DIRRECTE et la DGCIS. En équivalents temps plein, le traitement des dossiers mobilise 10 agents à la DGCIS et 70 à 80 agents dans les DIRECCTE. Si on ne prend en compte que les agents de l'État - en région et au niveau central -, le Fisac occupe ainsi près d'une centaine d'agents, soit un coût - salaires et fonctionnement induit - de l'ordre de 8 millions d'euros par an. Ce montant est à rapporter à celui des fonds distribués par le Fisac, de l'ordre de 30 à 40 millions d'euros ces dernières années ;

- enfin, une répartition géographique des aides peu égalitaire. Les trois premières régions bénéficiaires (Rhône-Alpes, Aquitaine, Île-de-France) captent un tiers des sommes allouées alors que les trois dernières s'en partagent 3 %. La région Aquitaine, malgré un nombre de commerces équivalent, bénéficie de deux fois plus d'aides que le Nord-Pas-de-Calais. La région Rhône-Alpes, avec un nombre de commerces équivalent à celui de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), est quatre fois mieux pourvue que cette dernière. On pourrait multiplier les exemples. La comparaison des aides allouées en regard du tissu artisanal et commercial de chaque région illustre une forte distorsion entre les attributions de crédits du FISAC et le tissu commercial et artisanal, et démontre une inégale capacité des collectivités à capter les crédits disponibles.

Il est évident que pour rebâtir le Fisac, il prendre en compte tous ces constats. L'urgence est d'apurer ses comptes dans un contexte de maîtrise des finances publiques. La mission du contrôle économique et financier a proposé quelques pistes :

- la récupération des soldes inutilisés. Les données du régime social des indépendants (RSI) font en effet état d'un important volume de subventions accordées avant 2009 mais non encore utilisées - de l'ordre de 30 millions d'euros. Les sommes concernées sont inemployées sur le compte Fisac du RSI. Ces dossiers ayant parfois fait l'objet d'une prorogation, une expertise précise au cas par cas est cependant nécessaire pour déterminer les crédits effectivement récupérables. Certains projets ont également fait l'objet d'avances, mais n'ont pas été mis en oeuvre effectivement. Ces avances, d'un montant total de quelques 5 millions d'euros, devraient donc être remboursées. Le recouvrement de ces sommes peut cependant poser des difficultés ;

- la réduction des taux de subvention. En l'absence de « coup de pouce budgétaire », cette coupe dans les subventions devrait atteindre théoriquement 70 %.

Au cours de l'année 2013, ces deux solutions ont été partiellement mises en oeuvre. Une sélection des dossiers en faveur des territoires les plus fragiles et des opérations à plus forte valeur ajoutée, ainsi que la mobilisation des crédits bloqués depuis plusieurs années sur des opérations non réalisées ont permis de ramener le besoin de financement de 100 à 60 millions d'euros.

Le 7 novembre 2013, le Gouvernement a annoncé une rallonge budgétaire pour le Fisac par rapport à ce qui était prévu par la loi de finances initiales. Un premier effort d'un montant de 35 millions d'euros, sera réalisé dès cette année par dégel de crédits au sein du programme 134 de la mission « Économie », ce qui permettra de financer dès cette année les dossiers prioritaires. Les fonds destinés au Fisac devraient atteindre en 2014 62 millions d'euros, et non 27 millions, comme inscrit en loi de finances, retrouvant ainsi leur niveau de 2010 et 2011.

Un exercice identique sera mené l'année prochaine pour clore les derniers dossiers en attente.

Sur cette base financièrement apurée, il sera possible de rebâtir un nouveau Fisac. L'axe de la réforme est déjà connu : il s'agit de faire passer le Fisac d'une logique de guichet ouvert - logique intenable dans un contexte financièrement très contraint, peu favorable à une allocation optimale des ressources publiques et conduisant au saupoudrage des fonds et à une gestion opaque des crédits - à une logique d'appel à projet dont les critères de sélections seront fixés ex ante et en toute transparence. Cela permettra d'utiliser de façon plus efficace la ressource financière disponible, en ciblant les projets à plus fort effet de levier.

Cette réforme figure déjà à l'article 25 du projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, qui sera examiné dès décembre prochain par l'Assemblée nationale. Nous aurons à nous y pencher dans les mois à venir.

Mme Élisabeth Lamure . - Ce constat est sévère, mais réaliste. Cependant, il faut le nuancer : nous avons tous profité du Fisac. Ses crédits, s'ils n'ont pas bénéficié directement aux commerces, y sont allés indirectement, au moins...

M. Martial Bourquin , rapporteur pour avis . - L'étude menée sur le Fisac est extrêmement intéressante. Le Premier ministre a parlé hier d'équilibre territorial et d'une nécessaire solidarité sur ces questions ; le Fisac peut en être un levier non négligeable pour que les bourgs-centres, la ruralité, les quartiers sensibles aient des activités de commerce à côté des maisons de service public. Lorsque des villes ont des bases importantes, elles pourront financer elles-mêmes certains projets et veiller à faire en sorte qu'on ait un cahier des charges du Fisac permettant de réduire la fracture territoriale.

M. Daniel Raoul , président . - Juste une précision technique : les 35 millions d'euros ne figurent pas dans le projet de loi de finances pour 2014 ; où sont-ils ?

M. Martial Bourquin , rapporteur pour avis . - Ils feront l'objet d'une réaffectation, après dégel de crédits. Pour terminer, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie ».

Mme Élisabeth Lamure , rapporteur pour avis . - Je vous présente les crédits de la mission économie consacrés au commerce extérieur dans le projet de lois de finances pour 2014. J'articulerai mon exposé en deux temps. Tout d'abord, il s'agit d'analyser ces crédits de façon précise et réaliste tout en essayant de mieux cadrer leurs enjeux et leurs limites. Cela débouche sur un premier constat : au moment où notre appareil de soutien aux exportateurs fait l'objet de critiques assez sévères, en réalité il se réforme pour optimiser ses moyens en sévère contraction.

En second lieu, et comme de coutume, le commentaire de ces crédits s'accompagne d'un diagnostic sur notre commerce extérieur et de recommandations. Je souligne d'emblée une évidence qui ne se dégage pas clairement dans le flot des documents et informations budgétaires : les quelques 100 millions de crédits que nous examinons représentent à peine deux millièmes de notre déficit extérieur, qui s'élève à 67 milliards d'euros (soit environ 3,5 % du PIB) et de l'ordre du dix millième du volume des exportations (environ 20 % de notre PIB). Il ne faut donc pas surestimer l'impact de ces crédits mais, en même temps, l'accompagnement qui est ainsi financé a une importance humaine fondamentale : au cours des auditions, on nous a cité l'exemple de dirigeants de PME dont le moral est peu à peu miné parce qu'ils sont entrés en relation, dans certains pays, avec des clients ou des correspondants peu recommandables.

Par ailleurs, les périodes de restriction budgétaire ont le mérite de stimuler la réflexion sur les moyens pour la France d'anticiper la nouvelle donne économique mondiale qui se profile dans les années à venir. C'est le principal message de la seconde partie du rapport qui dresse un bilan de l'évolution de notre déficit et des stratégies pour mieux anticiper les mutations de l'économie mondiale. L'État doit ici pleinement jouer un rôle de stratège et de soutien : je signale, par exemple, que nos entrepreneurs confrontés à la concurrence chinoise en Afrique témoignent qu'ils ont eu l'impression de lutter non pas seulement contre d'autres entreprises mais contre le déploiement de toute la puissance du Gouvernement Chinois.

Première question : que représentent et à quoi servent les 100 millions de crédits que nous examinons ? Le rapport répond en trois temps à cette interrogation.

Tout d'abord, il constate la contraction générale des crédits de soutien à l'exportation pour 2014. Vous trouverez au rapport écrit une vue générale des outils et des crédits d'État. Ces derniers s'élèvent à 342 millions d'euros pour 2014, contre 354 en 2013, ce qui correspond à une baisse de 3,5 %. Par ailleurs, les régions consacrent à ce même objectif environ 65 millions d'euros chaque année. Cette dépense reste globalement maîtrisée puisque, comme l'ont confirmé à votre rapporteure les représentants de la Coface, ce coût est plus que compensé par des recettes non fiscales, à hauteur de 650 millions d'euros, correspondant à la récupération des créances détenues par la Coface et Natixis.

Dans cet ensemble, les crédits de la mission « Économie » consacrés au commerce extérieur, qui font, stricto sensu, l'objet du présent rapport, se limitent à deux actions du programme 134 intitulé « Développement des entreprises et du tourisme ». Leur montant total - identique en autorisations d'engagement et en crédits de paiement - s'élève, dans le projet de loi de finances pour 2014, à 124 millions d'euros qui se décomposent en :

- 98 millions d'euros, contre 103,9 en 2013 - en diminution de 6 % - au titre de l'action 07 « Développement international des entreprises », qui couvre les dépenses de l'Agence française pour le développement international des entreprises, Ubifrance ;

- et, pour le reste, soit 26 millions d'euros en diverses lignes de crédits rassemblés dans l'action 20 intitulée Financement des entreprises et de l'attractivité du territoire. Ces sommes financent essentiellement l'Agence française pour les investissements internationaux, mais également des bonifications accordées à des prêts en faveur des PME.

Comme vous le savez, il n'est pas simple de comparer les chiffres d'une année sur l'autre car le périmètre des actions est souvent modifié, et on voit apparaitre des dotations ponctuelles : ainsi, pour 2014, les crédits de l'action 20 incorporent une dotation du budget général d'un montant de 25 millions d'euros pour abonder les fonds de garantie gérés par Bpifrance financement.

Deux principales observations peuvent être faites sur ces crédits pour 2014. D'une part, on constate donc une contraction des crédits de ces actions à périmètre constant, alors même que la priorité affichée pour le commerce extérieur dans le projet de loi de finances pour 2013 n'était pas aisément démontrable en raison d'un certain éparpillement des crédits budgétaires. D'autre part, dans le bleu budgétaire pour 2014, l'« efficience du dispositif d'Ubifrance » de soutien aux entreprises à l'exportation est mesuré par un indicateur qui a décliné : de 19 en 2011, à 13,6 en 2013, les prévisions pour 2014 s'établissant à ce même niveau. Or on constate que cet indicateur d'efficacité se définit essentiellement comme le ratio du nombre annuel d'interventions d'Ubifrance sous forme d'accompagnements rapporté au nombre d'agents d'Ubifrance. Un tel système de mesure est critiquable : il suffit de faire observer qu'une explosion du nombre de réunions ferait mécaniquement grimper l'indicateur vers des sommets, quelqu'en soit l'efficacité ultérieure en matière économique. Je m'interroge sur cette méthode et l'audition des représentants d'Ubifrance a permis de préciser que des sondages réalisés par des organismes indépendants permettent également de mesurer si, selon l'entreprise, l'accompagnement par Ubifrance a déclenché ou favorisé un courant d'affaires nouveau. Je vous propose donc de suggérer qu'il est peu cohérent de maintenir un indicateur qui pourrait favoriser la « réunionite » au moment même où les entreprises ont fait savoir qu'elles attendent des dispositifs publics des résultats et pas seulement un déploiement de moyens. Par ailleurs, Ubifrance, conformément à l'objectif qui consiste à faire émerger 1 000 nouveaux acteurs de l'exportation, est incité par le Gouvernement non pas à multiplier ou à « saupoudrer » les accompagnements mais à les cibler et à les concentrer de façon efficace.

Dans un second temps, je dresse un rapide bilan des critiques adressées aux dispositifs de soutien des exportations. La synthèse la plus récente de ces critiques a été établie en juillet 2013 par le rapport d'information de nos collègues députés MM. Jean-Christophe Fromantin et Patrice Prat, au nom du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l'évaluation du soutien public aux exportations. Seulement 10 % des entreprises exportatrices utilisent des mécanismes de soutien pilotés par l'État, ce ratio n'intègrant pas les dispositifs régionaux : il s'agit, pour l'essentiel des accompagnements Ubifrance, avec 9 295 nouvelles entreprises aidées en 2012, et du recours à l'assurance prospection, qui a également bénéficié à 1 873 nouvelle entreprises en 2012.

De son côté, le réseau CCI International revendique 20 000 contacts de PME différentes pour un appui à l'export en France en 2012 et l'accompagnement annuel de 3 000 primo exportateurs ainsi que 3 000 entreprises à fort potentiel qui font partiellement doublon avec les bénéficiaires des dispositifs étatiques.

En revanche, l'assurance-crédit ne concerne que quelques centaines d'entreprises par an et sa concentration financière est particulièrement élevée puisque trois entreprises mobilisent 46 % des encours, soit 27,6 milliards d'euros.

Cette proportion minime est d'autant plus notable que le nombre d'entreprises exportatrices françaises (119 000 en 2012) est faible par rapport à l'Allemagne (de l'ordre de 300 000) ou à l'Italie (200 000).

Interrogés sur les raisons de ce faible intérêt, par voie de sondage en février 2013, les chefs d'entreprise qui exportent répondent qu'ils jugent le système français de soutien à l'export peu ou pas efficace (61 %), peu ou pas compréhensible (66 %) et peu ou pas adapté au contexte économique actuel (67 %). En conséquence, 78 % d'entre eux se chargent eux-mêmes de la commercialisation de leurs produits à l'exportation. De même, les chefs d'entreprise estiment inefficace à 58 % le soutien à l'exportation dans une enquête d'Ernst Young de février 2013 consacrée aux aides publiques aux entreprises. En revanche, le soutien à l'innovation jugé efficace à 71 %, le soutien à l'investissement étant pour sa part jugé inefficace à 74 %.

Face à ce désaveu, la stratégie des pouvoirs publics ne doit vraisemblablement pas consister à faire du chiffre en s'évertuant à intégrer davantage de TPE ou PME, qui n'en ont pas les moyens, dans une démarche d'exportation. Au regard de la concentration des chiffres des exportations (2,5 % des entreprises sont à l'origine de 43 % des exportations et les ETI, c'est-à-dire, 8 % des entreprises représentent 30 % des exportations), il est préférable de se focaliser sur l'identification des entreprises à fort potentiel afin de les aider à mettre en place ou consolider une stratégie de moyen terme à l'exportation.

L'accompagnement des 1 000 ETI et PME de croissance identifié par le pacte de compétitivité correspond à cette orientation qui doit être assignée aux différents acteurs du soutien à l'export. La marge de progrès sur ce segment est importante car la moitié des ETI françaises ne sont pas exportatrices et, parmi les ETI exportatrices, 40 % réalisent moins de 10 % de leur chiffre d'affaires à l'export. Je souligne que ces sondages et ces diagnostics rejoignent les remontées de terrain que je constate, en particulier dans ma région.

Cependant, à la lumière des auditions, je crois utile de relativiser ces critiques. En particulier, j'ai longuement entendu les représentants d'Ubifrance et j'estime que nous devons rendre justice aux efforts consentis par cette agence. Deux remarques à ce sujet, en commençant par la plus générale : je l'ai dit en introduction, les quelques 400 millions d'euros de crédits de soutien en question représentent moins d'un millième de la valeur des exportations de notre pays et les montants les plus importants sont concentrés sur quelques opérations de grande ampleur. Dans ces conditions, rechercher ou suggérer une quelconque « responsabilité » d'Ubifrance dans l'aggravation de nos déficit serait particulièrement absurde puisque l'Agence accompagne des PME, qui nous l'avons vu, représentent une part infime des exportations. Notre déficit commercial est, en effet, avant tout le révélateur d'une compétitivité insuffisante, ce qui relève de facteurs bien plus puissants que les dispositifs spécifiques de soutien à l'exportation.

Ma seconde remarque porte sur la gestion et la réorganisation de l'Agence Ubifrance. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : sa dotation budgétaire a diminué de 10 % depuis 2012, ses frais de fonctionnement, hors personnel, ont été réduits de 30 % depuis 2009 et ses effectifs expatriés de droit français ont diminué du quart depuis deux ans. En particulier, le représentant d'Ubifrance a souligné que le nombre de cadres expatriés français avait été diminué de moitié et que les effectifs ont étés particulièrement réajustés dans les pays où le niveau de vie est le plus élevé, avec un redéploiement dans les pays émergents.

Je m'arrête un instant sur ce point : faute de moyens, il semble donc que la baisse du nombre de fonctionnaires a été compensée par des recrutements de contractuels locaux, rémunérés en devise locale et selon des standards locaux. Or il semblerait que ce recours à ces contractuels locaux très proches de la réalité de terrain permette à Ubifrance de détecter des signaux et des opportunités économiques, de manière encore plus efficace qu'avant. Sans en tirer de conclusions hâtives, il nous faudrait peut-être méditer sur cet exemple qui témoigne que l'augmentation des moyens n'est pas toujours l'alpha et l'oméga de l'efficacité et que la diminution du nombre de fonctionnaire réduit la dépense publique.

Malgré ce relatif désengagement de l'État, Ubifrance a maintenu ses missions. A mon sens, l'essentiel dont j'ai dit un mot en introduction, n'est pas mesurable : alors que les grandes entreprises disposent d'une logistique impressionnante à l'exportation, les ETI et les PME sont confrontés à des risques importants de désillusion et de chausse-trappe. Ubifrance peut ici jouer un rôle d'alerte et de mise en relation avec des correspondants fiables et c'est ce dont ont besoin nos entrepreneurs pour éviter les situations cauchemardesques dans les pays émergents ou ailleurs.

Ma conclusion est que tout en prenant acte des critiques justifiées de nos dispositifs de soutien trop souvent redondants, il nous faut éviter de saper le moral de nos opérateurs qui ont consenti des efforts considérables et qui ont une connaissance fine du terrain. Il faut, bien au contraire, utiliser leurs intuitions et leur vision de terrain pour anticiper les opportunités et les transformations rapides de l'économie mondiale.

Ce thème fait l'objet du second volet du rapport également consacré au suivi de notre commerce extérieur. Je me limiterai à trois rapides observations.

Tout d'abord, notre déficit commercial après un montant record de 73 milliards d'euros en 2011 a été réduit à 67 milliards en 2012 et avoisinera probablement 60 milliards en 2013. La séquence chiffrée est plutôt rassurante mais les mécanismes sous-jacents le sont moins : c'est, en effet, la contraction de la demande intérieure et de nos importations qui explique la réduction du déficit, et non pas la hausse de nos exportations. Un phénomène similaire est observé dans de nombreux pays : par exemple, au premier semestre 2013, l'Allemagne a enregistré l'un de ses plus importants excédents commerciaux semestriels de ces dix dernières années avec un recul plus prononcé de ses importations (-2 %) que des exportations (-1 %). D'ailleurs, le repli des exportations allemandes a été particulièrement prononcé en direction de la zone euro et surtout de la France (-5 %), ce qui confirme l'analyse précédente.

S'agissant des indicateurs de notre commerce extérieur, j'avais, l'an dernier, évoqué l'un des principaux « combats » de Pascal Lamy, ancien directeur général de l'OMC, pour une mesure plus intelligente du solde des échanges. Je rappelle, en effet, que l'achat d'un Iphone par un américain aggrave le déficit de son pays, car les douanes enregistrent un transfert entrant en provenance de la Chine où sont fabriqués ces objets. Pour autant, cet achat est bénéfique pour les entreprises américaines qui capturent la valeur ajoutée du produit. Je note que nos collègues députés ont placé cette suggestion à la première place de leurs recommandations en juillet dernier, en prenant l'exemple allemand de la Porsche Cayenne dont 90 % des composants sont importés. Je vous suggère donc de renouveler notre souhait auprès du Gouvernement, même si cela vient nuancer ou contredire un certain nombre de postures prises par certains de ses membres, ce qui a d'ailleurs conduit ce même directeur général de l'OMC à se demander si le GPS de la France n'était pas un peu déréglé en matière économique. Les stratégies de progrès adaptées au monde d'aujourd'hui et de demain ne peuvent plus se contenter d'instruments de mesure du dix-neuvième siècle.

Quelques mots enfin sur les orientations stratégiques.

Tout d'abord, comme le souligne l'OMC dans son dernier rapport, en 2020, 30 % des classes moyennes seront issues des pays émergents. Or il s'agit là de nouveaux clients extrêmement séduits par la France et ses produits. On perçoit une immense attente, en particulier en Inde et au Brésil, qui contraste avec une certaine morosité ambiante dans notre pays qui a besoin de retrouver confiance en lui-même.

Ensuite, les exportateurs, à commencer par les PME, connaissent de sérieux obstacles pour l'accès au financement à l'exportation. A la lumière des auditions, je suis réservée sur la reconstitution d'un établissement financier spécifiquement axé sur le financement à l'exportation, tout simplement parce que ce modèle ne fonctionne à peu près dans aucun grand pays exportateur. Les solutions sont plutôt à rechercher du côté des garanties de refinancement qui permettent aux banques de réduire à zéro le risque de prêt à l'exportation. Cette garantie à 100 % de paiement inconditionnelle à première demande à l'organisme refinançant un crédit export assuré par la COFACE existe en Allemagne et est en cours d'adoption aux Pays-Bas. Elle a fait l'objet d'une disposition spécifique de la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, mais il a fallu attendre mai 2013 pour la publication du décret d'application. Nous suivrons attentivement l'utilisation de ce mécanisme, même si cela ne rentre pas directement dans le champ de nos investigations budgétaires.

Je termine en attirant votre attention sur les recompositions de l'économie mondiale. Comme le rappelle l'OMC, pour la première fois de l'histoire du monde, en 2012 la production des pays en développement a dépassé celle des pays développés « dits riches ».

Vous vous souvenez sans doute à quel point la thèse du déplacement du centre de gravité de l'économie-monde vers l'Asie-Pacifique avait marqué les esprits. Aujourd'hui, on nous annonce que « le 21 e siècle sera africain ». La démographie va effectivement dans ce sens et les nouvelles technologies, en particulier le téléphone portable, doivent permettre à l'Afrique de bruler ce que l'on appelait les étapes du développement. Un des signes de cette évolution est, par exemple, qu'aujourd'hui, l'Angola serait le premier pays du monde en termes d'utilisation du téléphone mobile comme moyen de paiement. La France a cependant eu tendance à se désengager de l'Afrique au cours des vingt dernières années pour essayer, avec un succès limité, de conquérir les marchés asiatiques. Pendant ce temps, la Chine prenait pied en Afrique avec énergie. On nous indique qu'il y a aujourd'hui un créneau porteur pour la France : la Chine aurait, en effet, développé des infrastructures de façon très rapide en Afrique mais avec des normes de qualité parfois jugées insuffisantes. Il y a donc un relai possible pour l'économie française. Les stratèges du commerce extérieur ont, en même temps, souligné qu'il convenait de surveiller attentivement le moment où des pays comme l'Algérie s'ouvriraient. Vous trouverez sur ce point, au rapport écrit, quelques éléments sur ce pays très solide financièrement.

Notre ministre du commerce extérieur semble influencée par ces perspectives et il convient effectivement d'organiser une veille stratégique adaptée. Cependant, je rappelle que d'autres pays de la zone euro, comme l'Allemagne ou la Suède, donnent l'exemple de la voie royale de la compétitivité en réduisant à la fois la conflictualité des relations de travail et les dépenses publiques ainsi que les réglementations superfétatoires.

M. Roland Courteau . - J'évoquerai le secteur viticole qui représente notre deuxième poste exportateur après l'aéronautique. Je souligne que la consommation mondiale de vin est en train de progresser, en particulier en Europe du Nord, dans les pays asiatiques et aux États-Unis. Or la concurrence est particulièrement vive sur ce marché en croissance, avec l'offensive du Chili, de l'Australie, de l'Afrique du Sud, de la Californie et de l'Espagne, laquelle consacre des moyens importants à la promotion de ses produits sur les marchés porteurs. Je m'interroge sur les crédits que consacre aujourd'hui l'État à la promotion de nos vins, en rappelant que la part de ce dernier était, en 2007-2008, inférieure aux sommes allouées par la région Languedoc-Roussillon et très inférieure à l'effort public consenti en Espagne ou en Australie.

M. Martial Bourquin , rapporteur pour avis . - Notre co-rapporteure pour avis a très habilement souligné les divergences entre les thèses défendues respectivement par Pascal Lamy et par notre ministre du Redressement productif. Je souligne, pour ma part, de façon très réaliste qu'étant donné la situation de l'industrie française dont la part dans le PIB se limite à 14 % voire 12 %, il nous faut absolument produire en France. Cela ne remet pas en cause la nécessité de maintenir, par ailleurs, les implantations européennes et mondiales de nos grands groupes qui vont chercher la croissance là où elle est la plus dynamique. J'estime que certaines des analyses formulées par l'ancien directeur général de l'OMC ne vont pas dans le sens des orientations visant à renforcer les douze grandes filières productives françaises en faisant en sorte de les localiser le plus possible sur notre territoire, tout en sachant qu'elles sont intégrées dans un processus internationalisé de « global sourcing » que l'on peut traduire approximativement de politique d'achat au niveau mondial.

Je partage, par ailleurs, l'idée que l'Afrique jouera un rôle croissant, mais plutôt que de se focaliser trop exclusivement sur la mondialisation, ce qui a contribué au déclin industriel de la France, il me parait préférable - sans pour autant verser dans une conception hexagonale étriquée - de produire sur notre territoire. La France a d'ailleurs une des meilleures productivités du travail d'Europe et le « made in France » commence à connaître un réel succès : je constate d'ores et déjà des changements de comportements très positifs de la part des consommateurs dans l'agroalimentaire ou dans l'habillement. La Suisse et d'autres pays ont parcouru ce chemin avant nous et il doit nous permettre de fabriquer des produits de qualité en France sans ignorer la mondialisation des échanges. Enfin, je souligne que le partenariat étroit d'Ubifrance avec la Caisse des dépôts et la BPI me paraît la solution la plus opportune pour aider les PME à réaliser leur potentiel à l'exportation.

M. Gérard Le Cam . - Sur la première partie du rapport budgétaire, je rappelle, comme vous le savez, que mon groupe n'est pas favorable au CICE qui prive les collectivités locales de possibilités de développement de l'emploi. Sa réorientation vers l'industrie serait, j'en conviens, un moindre mal car il profite, dans sa configuration actuelle, trop à la grande distribution au détriment des petits producteurs locaux.

Nous sommes en revanche favorables aux orientations présentées sur le FISAC même s'ils consistent surtout en redéploiements.

S'agissant du commerce extérieur, nous pensons qu'on ne réfléchit pas suffisamment aux possibilités de réduire les achats d'objets importés et, parfois superfétatoires pour le consommateur, ce qui aurait également l'avantage de produire des effets bénéfiques en matière d'environnement puisqu'on réduirait, en particulier, les transports de marchandises.

Puisqu'il nous faut exprimer un vote global sur les crédits de la mission, nous nous prononcerons contre, tout en précisant que le volet consacré au Fisac recueille plutôt notre approbation.

M. Daniel Raoul , Président . - J'insiste sur le fait que la croissance des PME passe souvent par un développement à l'exportation. Ce ne sont donc pas seulement les grandes PME, les ETI et les grands groupes qui doivent être accompagnés par les dispositifs publics.

Mme Élisabeth Lamure , rapporteure pour avis . - S'agissant du secteur viticole, il faut distinguer l'accompagnement des entreprises, y compris du secteur viticole, qui relève d'Ubifrance et l'aide à la promotion qui relève sans doute des filières et d'autres canaux budgétaires.

M. Daniel Raoul . - Effectivement, il conviendrait d'analyser les crédits qui alimentent, au niveau national, les filières du secteur viticole.

M. Roland Courteau . - Autrefois, l'Etat à travers l'ONIVINS apportait une contribution spécifique.

Mme Élisabeth Lamure , rapporteure pour avis . - Le « made in France » est un concept certainement intéressant, et tout le monde s'accorde à souhaiter la relocalisation industrielle en France. Pour autant, le « made in France » ne doit pas devenir un dogme. Il faudrait commencer par mieux définir de façon précise cette notion en essayant d'intégrer des produits dont certains composants peuvent être importés mais qui incorporent une valeur ajoutée de source française. Je pense également que la relocalisation de l'industrie textile, même si elle est souhaitable, est un objectif difficile à atteindre car un certain nombre de ressources en ateliers et en savoir-faire ont été délocalisés. En pensant aux récents événements du Bengladesh, je crois qu'il faut également veiller à ne pas bouleverser les équilibres existants et à ne pas détruire des emplois dans les pays en développement.

Je rappelle enfin, pour bien souligner la nécessité d'accompagner les PME, que Mme Christine Lagarde, en 2009, a confié à Ubifrance cette mission de soutien des petites entreprises : c'est la vocation première de cette agence.

Ubifrance a fait l'objet de critiques assez sévères ; j'estime cependant que ses efforts de restructuration sont encourageants et, par conséquent, justifient un avis de sagesse sur ce volet de notre rapport budgétaire qui est centré sur son action.

M. Daniel Raoul , Président . - Nous devons nous prononcer sur l'ensemble de la mission qui, je le rappelle, a reçu un avis favorable de M. Martial Bourquin, l'avis défavorable de M. Pierre Hérisson et un avis de sagesse de Mme Élisabeth Lamure .

M. Martial Bourquin , rapporteur pour avis . - Il s'agit, pour le FISAC, certes d'un redéploiement des crédits mais aussi et surtout d'un effort sans précédent.

La commission émet un avis favorable aux crédits de la mission économie du projet de loi de finances pour 2014.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 12 novembre 2013 :

- COFACE : M. Christophe Viprey , directeur des garanties publiques.

Mercredi 13 novembre 2013 :

- UBIFRANCE : MM. Christophe Lecourtier , directeur général, et Julien Ravalais Casanova , chef de cabinet chargé des relations institutionnelles.


* 1 À l'origine, le Fisac est le Fonds d'intervention pour la Sauvegarde de l'Artisanat et du Commerce. Il est ensuite devenu le Fonds d'intervention pour les services , l'artisanat et le commerce.

* 2 Ou cloud computing en anglais.

* 3 Ou big data en anglais.

* 4 La Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion.

* 5 L'Alsace, l'Auvergne, la Corse, le Limousin, le Languedoc-Roussillon et le Nord-Pas-Calais.

* 6 Réseau composé d'un réseau de collecte capillaire et d'une action forte de résorption de zones blanches.

* 7 Le point de mutualisation est le point au-delà duquel un seul opérateur déploie le réseau desservant les logements ou locaux à usage professionnel et au niveau duquel il donne l'accès aux autres opérateurs en vue de fournir des services de communications électroniques aux utilisateurs finals.

* 8 Près de 5% des logements, soit environ 1,4 million de lignes.

* 9 80% des logements, soit environ 24 millions de lignes.

* 10 Ou, s'il adopte pour des raisons techniques une architecture comprenant des PM plus petits (mais d'au moins 300 lignes), proposer une offre de raccordement distant vers un point amont regroupant au moins 1 000 lignes.

* 11 Etat, opérateurs, collectivités territoriales : le « triple play gagnant du très haut débit », rapport n° 364 (2012-2013) fait par MM. Yves Rome et Pierre Hérisson au nom de la commission d'application des lois.

* 12 C'est-à-dire proposer des offres de gros qu'utilisent les opérateurs de détail (fournisseurs d'accès à internet) afin de desservir les clients finaux.

* 13 Par exemple, nos entrepreneurs confrontés à la concurrence chinoise en Afrique témoignent qu'ils ont eu l'impression de lutter non pas seulement contre d'autres entreprises mais également contre le déploiement du pouvoir d'influence du Gouvernement chinois.

* 14 Le volontariat civil international (volontariat international en administration - VIA - et volontariat international en entreprise - VIE -) est inclus dans le dispositif du service civique mis en place par la loi du 10 mars 2010. Il présente cependant deux particularités qui le distinguent du service civique. Le volontariat civil international n'est pas de nature contractuelle ; c'est une « mission temporaire de service public » et sa gestion relève du code du service national. Par ailleurs, l'âge limite est fixé à 28 ans pour le dépôt d'une candidature (article L. 122-1 du code du service national) et à 29 ans pour le recrutement (article 11 du décret n° 2000-1159 du 30 novembre 2000). Le volontaire en entreprise est souvent présenté comme un stagiaire professionnel (ou en formation professionnelle). Fin 2012, 8 574 VI étaient en poste : 7 402 VIE et 1 172 VIA (dont 94 pour la Direction générale du Trésor, 115 pour UBIFRANCE et 963 pour le ministère des Affaires étrangères). L'âge moyen des VIA est de 26/27 ans ; celui des VIE est de 25 ans.

* 15 Ce chiffre ne prend donc pas en compte les dispositifs régionaux.

* 16 «En ciblant les valeurs brutes des exportations et des importations, les statistiques du commerce traditionnelles nous donnent une image déformée des déséquilibres commerciaux entre les pays. (...) Le tableau serait différent si nous prenions en compte la part de valeur ajoutée nationale qui est incorporée dans ces flux» (http://www.wto.org - initiative «fabriqué dans le monde»)

* 17 Organisation mondiale du commerce - Rapport sur le commerce mondial 2013.

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