Avis n° 160 (2013-2014) de M. Louis DUVERNOIS , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 21 novembre 2013

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N° 160

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2014 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME I

ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT

Par M. Louis DUVERNOIS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Marie-Christine Blandin , présidente ; MM. Jean-Étienne Antoinette, David Assouline, Mme Françoise Cartron, M. Ambroise Dupont, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jacques Legendre, Mmes Colette Mélot, Catherine Morin-Desailly, M. Jean-Pierre Plancade , vice-présidents ; Mme Maryvonne Blondin, M. Louis Duvernois, Mme Claudine Lepage, M. Pierre Martin, Mme Sophie Primas, secrétaires ; MM. Serge Andreoni, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Pierre Bordier, Mme Corinne Bouchoux, MM. Jean Boyer, Jean-Claude Carle, Jean-Pierre Chauveau, Jacques Chiron, Claude Domeizel, Mme Marie-Annick Duchêne, MM. Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Vincent Eblé, Mmes Jacqueline Farreyrol, Françoise Férat, MM. Gaston Flosse, Bernard Fournier, André Gattolin, Jean-Claude Gaudin, Mmes Dominique Gillot, Sylvie Goy-Chavent, MM. François Grosdidier, Jean-François Humbert, Mmes Bariza Khiari, Françoise Laborde, M. Pierre Laurent, Mme Françoise Laurent-Perrigot, MM. Jean-Pierre Leleux, Michel Le Scouarnec, Jean-Jacques Lozach, Philippe Madrelle, Jacques-Bernard Magner, Mme Danielle Michel, MM. Philippe Nachbar, Daniel Percheron, Marcel Rainaud, Michel Savin, Abdourahamane Soilihi, Alex Türk, Hilarion Vendegou et Maurice Vincent.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 1395 , 1428 à 1435 et T.A. 239

Sénat : 155 et 156 (annexe n° 1 ) (2013-2014)

AVANT-PROPOS - UNE SITUATION DIFFICILE À LA CROISÉE DES CHEMINS

Mesdames, Messieurs,

L'action culturelle extérieure présente des visages aussi variés que les acteurs qui y concourent : elle concerne aussi bien l'éducation et la promotion de la langue française que les échanges artistiques et scientifiques. Ses racines sont anciennes : dès le XIX e siècle sont créés les premiers lycées français à l'étranger, tandis que le XX e siècle verra l'essor d'un réseau culturel placé auprès des ambassades.

Le ministère des affaires étrangères joue bien logiquement un rôle majeur en matière d'animation et de financement du vaste dispositif que constitue l'action culturelle extérieure, même si d'autres ministères, et en particulier celui de la recherche et de l'enseignement supérieur, y participent également activement.

Pour la dixième année consécutive, le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État » du ministère des affaires étrangères est affecté, dans le projet de loi de finances pour 2014, d'une diminution des moyens qui lui sont alloués. Après une diminution maîtrisée de 0,54 % en 2013, l'année 2014 s'annonce plus austère pour le réseau culturel français, qui enregistre une contraction de 3,3 % des crédits, à 724,7 millions d'euros.

Ces crédits sont répartis entre les six actions , de périmètre fort inégal, du programme : l'animation du réseau (44,1 millions d'euros), la coopération culturelle et la promotion du français (73,6 millions d'euros), les enjeux globaux (8,9 millions d'euros), l'attractivité et la recherche (101,8 millions d'euros), l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (416,5 millions d'euros), enfin, les dépenses de personnels (79,6 millions d'euros).

L'ensemble des dispositifs participe à l'effort d'économies . Ainsi, dans le cadre de la participation des opérateurs à la réduction de la dépense publique, leurs subventions ont été révisées : Campus France contribuera à hauteur de 0,16 million d'euros et l'Institut français pour 2,5 millions d'euros. La subvention à l'AEFE diminue, pour sa part, de 8,5 millions d'euros, compte tenu de la stabilisation des taux des pensions civiles et des économies de fonctionnement jugées possibles. S'agissant du réseau des Instituts culturels, l'achèvement de la fusion des services de coopération et d'action culturelle (SCAC) et des établissements à autonomie financière (EAF) permet de réduire les crédits exceptionnels de restructuration du réseau à 1,4 million d'euros, soit une diminution de 53 % par rapport à 2013. La réduction des dotations de fonctionnement aux EAF s'établit à nouveau à 4 % en 2014 (40,7 millions d'euros), tandis qu'ils bénéficient de 12,6 millions d'euros pour leurs opérations. Par ailleurs, les subventions aux Alliances françaises diminuent de 4,3 % pour s'établir à 7,02 millions d'euros. Enfin, les crédits dédiés à l'animation du réseau -communication, missions d'évaluation, informatique, formation des agents, frais de missions et de représentation- baissent de 4,3%.

Plus encore que l'an passé, le réseau culturel français devra déployer des trésors d'imagination pour poursuivre la rationalisation de son fonctionnement sans renoncer à ses ambitions au bénéfice de l'influence de la France dans le monde.

Votre rapporteur pour avis observe avec inquiétude la poursuite continue de la restriction des moyens dédiés à la diplomatie culturelle et estime que le niveau d'étiage, à partir duquel les efforts de rationalisation ne suffiront plus au maintien d'un service de qualité, sera prochainement atteint.

Avant d'étudier au plus près les politiques menées par la France en matière de diplomatie culturelle et d'influence, à l'aune des crédits dont disposent les différents acteurs -les opérateurs du réseau culturel, l'AEFE et Campus France-, votre rapporteur pour avis a, dans le présent rapport, souhaité faire plus particulièrement porter son analyse sur géopolitique de la francophonie et les actions menées par les pouvoirs publics en faveur de la promotion de notre langue.

Penser, vouloir, agir, ce triptyque est essentiel à une prise de conscience lucide sur la nécessité de comprendre que la France est un combat permanent pour la diversité : la diversité linguistique et culturelle, la diversité simplement du monde. Pour nous autres Français, il nous faut ainsi oeuvrer à l'élaboration d'une stratégie de conquérants pour aborder, notamment et surtout, le projet de libre échange Europe/États-Unis, en cours de négociation, sauf à accélérer notre naufrage culturel.

PREMIÈRE PARTIE

LA FRANCOPHONIE AU COEUR
DE L'ACTION CULTURELLE EXTÉRIEURE

I. UNE AMBITION MALMENÉE

A. LA LANGUE FRANÇAISE DANS LE MONDE : UN DÉCLIN PERMANENT

1. Des chiffres en trompe-l'oeil

La promotion de la langue française constitue le fondement de l'action culturelle extérieure de la France depuis la fin de la seconde guerre mondiale. En 2008, le Livre blanc des affaires étrangères en a réaffirmé la priorité. Outre la proximité culturelle que permet la connaissance de la langue, c'est l'ensemble des échanges -universitaires, scientifiques, industriels et commerciaux- avec la France qui se voit bénéficier de la promotion du français à l'étranger.

Selon l'Organisation internationale de la francophonie (OIT), près de 220 millions de personnes utiliseraient quotidiennement la langue française, dont près de la moitié en Afrique. Ce chiffre pourrait atteindre 500 millions de personnes à l'horizon 2050, au regard des prévisions de croissance démographique de ce continent. Votre rapporteur pour avis estime toutefois qu'au regard de l'offensive des langues vernaculaires et de l'anglais en Afrique francophone, ces prévisions semblent à tout le moins très optimistes, si ce n'est irréalistes.

On compterait également 900 000 professeurs de français, dont la moitié sur le territoire national, et 100 millions d'élèves et d'étudiants francophones dans le réseau culturel français, ce qui fait du français la deuxième langue la plus enseignée après l'anglais.

Certes, à première vue, l'attractivité de la langue française semble ne rien avoir perdu de sa superbe . Les chiffres transmis par le ministère dans le cadre des documents budgétaires sont à cet égard éloquents : entre 2008 et 2012, les effectifs des établissements d'enseignement français à l'étranger ont crû de 5 % par an, tandis que le nombre d'inscrits dans les sections scolaires bilingues, avec une augmentation de 17 % sur la période, se rapproche des deux millions.

Le constat est similaire s'agissant des apprenants adultes : la progression des inscrits dans les cours de langue délivrés dans les établissements à autonomie financière (EAF) et les Alliances françaises a crû de 32 % et dépasse le million de personnes, même si, parallèlement, le nombre d'heures de cours dispensées n'a enregistré qu'une hausse de 10 % et a même diminué en 2012. Enfin, le nombre de candidats aux certifications de langue française a augmenté de 44 % pour atteindre près de 500 000 inscrits.

Toutefois, la géographie de l'apprentissage du français est mouvante et dépend de critères extrêmement variés, à l'instar de l'évolution du pouvoir d'achat local, des flux migratoires, du dynamisme du réseau mais également de l'importance donnée au français dans les programmes scolaires et universitaires, ainsi que l'analyse la Cour des comptes dans son rapport de septembre 2013 sur le réseau culturel de la France à l'étranger.

Ainsi, l'impressionnante progression du nombre d'apprenants au Bangladesh s'expliquerait par les efforts de visibilité des deux Alliances présentes sur le territoire, à Dhaka et à Chittagong, tandis que celle enregistrée au Botswana serait la conséquence du développement des perspectives d'émigration économique en Afrique francophone. De même, l'intérêt soudain des Chinois pour le français ne serait pas sans rapport avec les perspectives économiques des gisements de matières premières africains. Votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication avait établi un constat similaire, lors de son déplacement au Vietnam au mois de mars 2013, s'agissant de l'intérêt de la jeune génération vietnamienne pour le français 1 ( * ) . En revanche, le durcissement des critères d'accueil au Québec serait à la source de la diminution globale des heures de cours dispensées par les Alliances installées en Afrique, en Asie et en Amérique du sud.

L'attrait du français fluctue également en fonction de la place qui lui est réservée dans les établissements scolaires et universitaires locaux. Ainsi, le nombre d'apprenants plafonne au Brésil en raison du caractère facultatif de l'apprentissage de la langue française dans les programmes. En Corée du Sud et aux Émirats arabes unis, le nombre d'inscrits a brutalement chu lorsque le français a connu le même sort.

Mais ces chiffres encourageants masquent une tout autre réalité : le recul inexorable de la francophonie dans de nombreux pays , comme l'atteste d'ailleurs sa difficulté à s'imposer sur Internet, où le français ne représente que la neuvième langue d'usage, comme dans les médias internationaux. Elle est également malmenée dans les grandes organisations internationales des Nations-Unies et au sein de l'Union européenne, où elle constitue pourtant la deuxième langue de travail.

Dans de nombreux pays en effet, y compris des États membres de l'organisation internationale de la francophonie (OIF), les élites francophones, vieillissantes ou parfois déconsidérées, ont laissé la place à des dirigeants économiques et politiques bien davantage anglophones . C'est notamment le cas en Géorgie, au Vietnam, à Haïti, en Tunisie, au Cambodge, en Russie et dans les pays de sa zone d'influence, mais également dans certains pays d'Afrique francophone comme le Burundi et le Sénégal. Dans ce dernier pays, à rebours des idées reçues, seul un tiers de la population adulte maîtriserait le français, tandis que l'arabe et le peul voient leur bassin linguistique s'élargir. En outre, votre rapporteur pour avis a été frappé, lors d'un récent déplacement en Asie du Sud-Est, de voir combien la maîtrise de l'anglais, pour les jeunes générations, était assimilé à la réussite économique et à l'emploi.

Cette évolution inquiétante s'explique également, dans de nombreux pays, par une crise globale du système scolaire et universitaire , qui n'épargne pas, loin s'en faut, l'enseignement du français : dans certains cas, il apparaît que plus de 90 % des professeurs ne se sont jamais rendus en France et ne maîtrisent pas parfaitement la langue qu'ils enseignent.

2. La nécessaire adaptation des actions de promotion de la langue française à l'étranger

S'il ne s'agit aucunement de renoncer à la promotion du français, conformément à l'objectif traditionnel du réseau culturel extérieur réaffirmé en 2012 avec l'adoption du plan d'action pour la francophonie, force est de constater que les actions de promotion de la langue française ne peuvent être uniformes.

Au regard des évolutions constatées et de la concurrence vive de l'anglais, y compris dans les zones d'influence historiques de la France, il convient désormais d' adapter notre offre à la demande et aux besoins locaux exprimés notamment par les élites françaises non francophones de plus en plus majoritaires.

À cet effet, une réflexion doit être menée par le ministère des affaires étrangères afin de proposer au réseau un cahier des charges adapté aux réalités constatées localement mais également au bénéfice qu'il pourra être envisagé de tirer des actions menées au regard de leur coût. À titre d'exemple, si dans certains pays doit être favorisé le soutien aux établissements français, le développement de classes bilingues devra être préféré à d'autres occasions.

En tout état de cause, les décisions de rationalisation, ou plus exactement de meilleure allocation géographique des moyens , qui pourraient être prises devront s'attacher à maintenir au mieux la poursuite de l'objectif de promotion de la langue et de la culture françaises.

À ce titre, le recours au Centre national d'enseignement à distance (CNED), qui poursuit un plan de modernisation sans précédent de numérisation de ses outils, doit être renforcé en vue d'offrir un enseignement numérique de qualité à l'échelle du globe.

Votre rapporteur pour avis juge également essentiel le soutien au vecteur de la francophonie que représente TV5Monde depuis 1984, avec ses neuf signaux mondiaux et ses 243 millions de foyers raccordés. Avec des émissions cultes comme « Merci professeur », « J'aime les mots » « 64 minutes, le monde en français » ou « Destination francophonie », la chaîne offre un regard francophone sur la culture (cinéma, musique, patrimoine, livre, etc.) et l'information, mais également des outils d'apprentissage de la langue. Apprendre et enseigner le français, de manière ludique, attractive et « branchée » est un objectif de TV5Monde, qui propose en outre une nouvelle version de ses sites Internet à destination des étudiants et des professeurs de français à l'étranger.

La chaîne sait également s'adapter à son public grâce à une programmation propre à chaque zone géographique , à l'instar de la diffusion de séries africaines en Afrique ou de films français des années 50 en Asie. TV5Monde a également élargi sa diffusion en investissant la web-télévision, notamment pour des programmes jeunesse. À l'occasion du sommet de Dakar en 2014, sera ainsi dévoilée une chaîne jeunesse pour l'Afrique sur Internet.

À cet égard, votre rapporteur pour avis s'étonne que, malgré les engagements pris en 2012 au sommet de Kinshasa, la France n'ait toujours pas fait le nécessaire pour diffuser la chaîne sur la TNT . Elle investit donc aujourd'hui, sur fonds publics, dans un outil dont elle ne permet pas la visibilité sur son propre territoire. Or, la francophonie se vit aussi en France, afin de faire connaître à nos concitoyens les autres contrées du français.

B. UN BUDGET SANS RAPPORT AVEC L'OBJECTIF AFFICHÉ

1. Des moyens à nouveau réduits et saupoudrés pour la promotion de la langue française

Malgré les engagements pris par le ministre des affaires étrangères en septembre 2012, qui avait affirmé à la conférence des ambassadeurs que « la francophonie sera une de nos priorités » , et les ambitions affichées dans ce domaine par son administration -assurer la transmission de la langue aux nouvelles générations de l'espace francophone, renforcer le statut du français comme deuxième langue la plus apprise dans le monde et conforter sa place comme langue de communication internationale-, les crédits alloués à cette politique ne semblent guère en cohérence avec les objectifs poursuivis.

En effet, les moyens budgétaires, hors dépenses de personnels, consacrés à la politique de rayonnement de la langue française sur le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » du ministère des affaires étrangères connaissent une érosion continue depuis 2011, évolution que votre rapporteur pour avis juge particulièrement peu responsable au regard des chiffres inquiétants qu'une analyse fine de la place de la langue française à l'étranger fait apparaître.

Pour mémoire, à 23,4 millions d'euros en 2011, l'enveloppe consacrée aux dépenses d'intervention a été réduite à 20,5 millions d'euros en 2012, puis à 19,7 millions d'euros en 2013, pour s'établir en 2014 à 19,3 millions d'euros. En outre, mais de façon anecdotique, 363 930 euros permettront d'assurer un soutien logistique aux actions de promotion du français.

En application de la norme gouvernementale de réduction des dépenses publiques, ces crédits se verront appliquer une nouvelle diminution, portant, en 2015, leur réduction à 13 % par rapport à leur niveau de 2012 .

Sur ce total, 5,6 millions d'euros relèvent des subventions aux Alliances françaises afin de soutenir leurs activités linguistiques et 3,5 millions d'euros sont destinés au financement des bourses d'étude et de stage, notamment les bourses « français langue étrangère » (FLE), qui permettent d'intégrer un centre de formation spécialisé en France.

Par ailleurs 4,9 millions d'euros correspondent aux autres moyens bilatéraux d'influence, c'est à dire aux subventions et aux cofinancements en matière de coopération linguistique (diversification des cursus universitaires, co-conception et mise en oeuvre de plans de formation des enseignants, achat de ressources numériques, etc.) et de diffusion de la littérature française par voie de traductions. Ces interventions ont pour caractéristiques communes d'être financièrement modestes, éparpillées et en diminution . Peuvent être cités à titre d'exemple :

- les subventions à l'Office franco-allemand de la jeunesse (OFAJ) pour l'élargissement de ses programmes à l'Europe centrale et orientale et à l'Europe du Sud (270 000 euros en 2013) ;

- les subventions à la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF) (230 000 euros) ;

- ou encore l'appui au projet francophonie du réseau scolaire international de l'Alliance israélite universelle (AIU) (140 000 euros).

S'agissant de la FIPF, votre rapporteur pour avis appelle de ses voeux un renouveau de l'association au bénéfice de nouveaux cadres moins institutionnels et la reconnaissance de son utilité, et plus généralement du corps professoral étranger, par les pouvoirs publics . De fait, si la France remercie régulièrement des enseignants étrangers en fin de carrière par les Palmes académiques, elle fait bien peu en faveur de jeunes professionnels qui ont choisi de faire découvrir notre langue en terre étrangère.

En outre, en appui au plan « Le français dans la diplomatie et la fonction publique » mis en place par l'OIF, le ministère des affaires étrangères contribue, à hauteur de 160 000 euros en 2013, à des actions de formation au français visant principalement :

- les hauts fonctionnaires des pays de l'Union européenne et voisins de l'Union qui ne sont ni membres, ni associés ou observateurs de l'OIF. Des formations et séminaires sont ainsi mis en oeuvre par les établissements du réseau culturel dans des pays tels que la Biélorussie, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, l'Islande, le Royaume-Uni, la Suède et la Turquie ;

- les hauts fonctionnaires des institutions européennes : chefs de cabinet, directeurs généraux et porte-parole de la Commission, fonctionnaires des représentations permanentes des pays de l'Union à Bruxelles ;

- les formateurs du réseau des établissements culturels en charge de ces différents publics.

Le ministère organise aussi régulièrement, en collaboration avec l'École nationale d'administration (ENA), des séminaires de préparation à la présidence du Conseil de l'Union européenne. Entre 2006 et 2012, environ 230 hauts fonctionnaires portugais, slovènes, tchèques, suédois, espagnols, hongrois, polonais, danois, chypriotes, irlandais et lituaniens en ont ainsi bénéficié. En 2013, vingt hauts fonctionnaires grecs ont également été formés et vingt hauts fonctionnaires italiens le seront en décembre en vue de la présidence italienne du Conseil de l'Union européenne au second semestre 2014.

2. Les organisations multilatérales de la francophonie et l'aide au développement : vers un désengagement de la France ?

L'effort supplémentaire de réduction des dépenses publiques demandé au ministère des affaires étrangères en 2014 implique également une diminution de 5,6 millions d'euros des crédits destinés aux organisations multilatérales de la francophonie inscrit sur l'action 5 « Coopération multilatérale » du programme 209 « Aide au développement », qui étaient pourtant restés stables depuis plusieurs années.

Dans ce cadre, seules les dépenses de fonctionnement, limitées au loyer de la Maison de la francophonie , qui abrite l'OIF, sont reconduites à l'identique à 5,5 millions d'euros .

Conformément à l'engagement pris par la France dans la convention établie avec l'OIF et signée à Québec le 18 octobre 2008, la Maison de la francophonie est mise à la disposition de l'organisation pour une durée de cinquante ans, renouvelable par accord explicite. La société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM), détenue par l'État, a acquis l'immeuble auprès de l'État pour 59 millions d'euros en septembre 2008, l'a aménagé et le loue au ministère des affaires étrangères, qui le met à la disposition de l'OIF depuis 2011.

Le loyer annuel s'établit à 5,2 millions d'euros en base 2008. Il est indexé chaque année sur l'indice national du coût de la construction. La budgétisation en autorisations d'engagement a été effectuée en 2010, à hauteur de 52 millions d'euros en loi de finances initiale.

Les dépenses d'intervention sont en revanche brutalement revues à la baisse, à 50,4 millions d'euros . Elles comprennent les contributions volontaires de la France à l'OIF (11,7 millions d'euros s'ajoutant aux 14 millions d'euros de contributions obligatoires), ainsi qu'aux opérateurs de la francophonie, fondées sur des conventions d'objectifs et de moyens. Ces crédits enregistrent une diminution de 2,86 % par rapport à 2013.

En 2014, le ministère des affaires étrangères continuera également à apporter, pour 22,5 millions d'euros, son soutien à l'agence universitaire de la francophonie (AUF), qui fédère désormais 779 établissements dans quelque 90 pays. Les crédits alloués sont notamment destinés au financement d'un réseau de campus numériques, en vue d'offrir aux étudiants et aux chercheurs des possibilités nouvelles d'échanges et d'accès aux savoirs et aux compétences.

Les crédits d'intervention bénéficieront enfin à l'Association internationale des maires francophones (AIMF) pour 1,4 million d'euros, à l'Université Senghor d'Alexandrie, plus particulièrement orientée vers l'Afrique, pour 1,6 million d'euros, ainsi qu'à l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) pour 117 000 euros.

Enfin, la France inscrit traditionnellement le soutien à la francophonie dans une logique d'aide au développement et finance, à ce titre, le fonds de solidarité prioritaire (FSP) sur le programme 209 « Aide au développement », notamment pour des projets visant à améliorer la qualité de l'enseignement du français et en français. Huit projets sont actuellement en cours pour un montant total de 9,95 millions d'euros en République démocratique du Congo, à Djibouti, au Cap-Vert, au Soudan, au Sud-Soudan, en Mauritanie, au Burundi et aux Comores. Trois autres projets nationaux devraient, en outre, prochainement démarrer au profit du Maroc, de Madagascar et du Mali.

Dans cet esprit, sera prochainement lancé un projet FSP régional « 100 000 professeurs pour l'Afrique ». Il s'agira de former, de manière directe ou indirecte, des professeurs grâce à un soutien à la formation initiale dans les départements français des universités étrangères et à l'appui à la formation continue des enseignants en exercice. Ce programme bénéficiera d'un million d'euros pour sa mise en oeuvre.

Au total, les crédits destinés au FSP atteindront 47,65 millions d'euros en 2014, contre 51,74 millions d'euros en 2013, année où l'enveloppe avait déjà diminué de 8 %.

Votre rapporteur pour avis , sans remettre en cause les liens historiques entre la promotion de la langue française et l'aide aux pays en développement, constate toutefois que le nombre de projets et programmes du FSP consacrés au soutien à la francophonie ne cesse de diminuer : il représentait ainsi 9 % des crédits en 2013, contre 19 % en 2012. À titre de comparaison, les actions en faveur de la santé des femmes et des enfants ont bénéficié de 56 % des sommes allouées.

II. FOCUS : LA PROMOTION DU FRANÇAIS DANS LE MONDE PROFESSIONNEL ET AUPRÈS DES NOUVEAUX ARRIVANTS

A. LA PROMOTION DU FRANÇAIS EN ENTREPRISE : UN ABANDON PROGRESSIF

1. Un principe bafoué ?

En vue de prolonger la réflexion entamée l'an passé dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2013, votre rapporteur pour avis a souhaité se pencher à nouveau sur la promotion du multilinguisme au sein des entreprises présentes à l'international.

Auditionné dans ce cadre par votre rapporteur pour avis, Jean-Loup Cuisiniez, expert de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) dans la défense des droits linguistiques des salariés, a dénoncé l'inertie, voire le non-respect des pouvoirs publics français dans la défense de la langue française dans le monde du travail , en entreprise comme dans l'administration.

L'obligation d'utiliser le français en milieu professionnel, d'abord cantonnée au contrat de travail et à l'offre d'emploi, est née avec la loi n° 75-1349 du 31 décembre 1975 relative à l'emploi de la langue française. Elle a ensuite été étendue par la loi « Toubon » n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française aux annonces d'offres d'emploi, aux formations, aux consignes de sécurité et aux relations collectives. Le non-respect de ces règles par l'employeur est soumis à sanctions. De nombreuses sociétés ne s'y conforment pourtant pas. Dans son dossier n° 185 du 9 octobre 2013, le quotidien Liaisons sociales estime ainsi que, « dans un contexte de mondialisation imposer le français comme langue régissant les relations de travail n'est pas (ou plus) une évidence ». On citera à titre d'exemple Danone, qui, bien que condamnée à faire traduire un logiciel de travail en français, préfère se soumettre à l'amende que de s'acquitter de son obligation légale.

Or, le non-respect de l'usage du français dans les relations professionnelles pénalise les salariés français qui ne maîtrisent pas l'anglais et dégradent leurs conditions de travail, comme le souligne le rapport de Claude Saint-Dizier, maître de conférences à l'Université de Corse Pascal Paoli, sur les langues de travail dans l'entreprise.

Pourtant, votre rapporteur pour avis estime que des progrès en faveur d'un renforcement de la place du français au sein des milieux économiques peuvent être réalisés au travers de trois créneaux d'intervention de l'action publique :

- la correction, par le législateur, d'une faiblesse de la loi Toubon qui exclut les documents de travail réalisés à l'étranger de l'obligation de traduction, ce qui pose notamment de nombreuses difficultés en matière de maintenance informatique où l'Inde produit l'essentiel des documents. Il est à cet égard urgent de mettre à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale la proposition de loi portée par nos collègues Jacques Legendre et Philippe Marini et adoptée par le Sénat, visant à compléter le dispositif Toubon en prévoyant que le comité d'entreprise soit informé de l'usage de la langue française dans la société ;

- l'accompagnement de la formation des employés, en particulier dans les secteurs exposés à l'internationalisation des échanges et de la coopération dans le domaine de la sécurité ;

- et la possibilité pour l'OIF de promouvoir, au niveau international, une modification des réglementations linguistiques susceptible d'avantager les entreprises francophones dans l'environnement international des affaires.

Peut cependant être saluée la publication, le 21 octobre 2013, d'un « Guide des bonnes pratiques linguistiques dans les entreprises » élaboré par la délégation générale à la langue française et aux langues de France du ministère de la culture et de la communication. Cet outil, destiné aux entreprises et aux représentants syndicaux, vise tant la gestion des compétences linguistiques des salariés que les bonnes pratiques de communication interne et externe.

Il semblerait enfin plus efficace , pratiquement et symboliquement, que la défense du multilinguisme dans le monde professionnel ressorte également des compétences du ministère du travail, et non seulement de celles du ministère de la culture . Il s'agit en effet bien, au bout du compte, de veiller à l'emploi des salariés francophones.

2. Le français comme atout commercial

Il n'empêche que, pour des fleurons de l'économie française, la langue représentent un atout, une marque de fabrique.

Ainsi, Air France pose comme un prérequis, pour le recrutement de collaborateurs en France comme en contrat local à l'étranger, une connaissance suffisante du français et propose, pour assurer un niveau de maîtrise supérieur, un certain nombre de formations internes (14 500 heures de cours dispensées entre 2006 et 2013). De fait, la langue de travail au sein de l'entreprise demeure le français, pour les relations professionnelles comme pour les procédures d'exploitation, même si celles-ci font l'objet de traductions en anglais indispensables aux relations avec les sociétés étrangères, notamment en matière d'assistance et de maintenance. Ainsi, à l'occasion de la fusion avec KLM en 2004, des cours de français ont été dispensés aux cadres néerlandais susceptibles d'être en contact avec l'entreprise française.

En outre, à bord des avions, les menus, annonces d'accueil et magazines réalisés par Gallimard sont en français avec une traduction anglophone a minima . La presse est majoritairement française. 50 % des films sont français et le sous-titrage est systématiquement préféré au doublage. Enfin, la compagnie propose une chaîne musicale intégralement francophone.

Seule entorse au principe de défense du français, la cartographie aérienne et les documents techniques des avions transmis par les constructeurs, intégralement en anglais, ne sont pas traduits, conformément à la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives, qui a entériné le renoncement à l'exigence de traduction des documents de sécurité dans le domaine de l'aéronautique .

Ce vote est allé à l'encontre des principes énoncés à l'article premier du Protocole de Londres 2 ( * ) et de l'avis de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, qui s'était opposée à l'appauvrissement terminologique de la langue française et à la perte de sa fonctionnalité . Votre rapporteur pour avis estime cependant que, dans ce cas limité, la traduction en français pouvait générer de véritables problèmes de sécurité, en raison de potentielles approximations de traduction mais également parce que les commandes des avions sont elles-mêmes en anglais. Le rapport relatif à l'accident du vol AF447 Rio-Paris, où les documents techniques étaient en français, a d'ailleurs envisagé, parmi d'autres causes, une mauvaise compréhension des procédures.

Dans un souci de promotion du français à l'étranger , Air France a également créé et finance l'Institut africain des métiers aériens (IAMA) au Mali, destiné à la formation, en français, de jeunes à ces professions. Enfin, la Fondation Air France offre une aide à de nombreuses écoles primaires francophones.

On citera également le cas du groupe LVMH où, parce que la langue française comme le « Made in France » font partie d'une image des marques de luxe que recherchent les clients, préserve, malgré son internationalisation, la place du français en son sein. Ainsi, la majorité des réunions de travail, comme le conseil d'administration se tiennent en français : les cadres sont donc francophones et les étrangers se sont vus dans l'obligation pratique d'apprendre la langue. Dans les boutiques et sur l'étiquetage des produits, les modes d'emploi et la signalétique sont également en français, même si les traductions se développent. 50 % des 120 000 salariés du groupe étant français, il s'en trouve en outre dans la très grande majorité des implantations à l'étranger.

Votre rapporteur pour avis serait favorable à la création d'un label destiné aux entreprises qui valorise la promotion du français en leur sein.

La francophonie peut enfin constituer un espace privilégié d'échanges commerciaux. Le ministère délégué en charge de la francophonie envisage d'ailleurs de développer un dispositif d'information des entreprises françaises, et notamment des PME, sur les opportunités commerciales et industrielles dans les pays francophones.

À cet effet, seraient organisées des rencontres décentralisées et individualisées entre conseillers économiques des ambassades des pays francophones et entreprises locales . Elles pourraient notamment se tenir dans les villes membres de l'AIMF (Marseille, Lyon, Lille, Bordeaux, Toulouse) avec le soutien des chambres de commerce et d'industrie.

Une expérimentation sera prochainement organisée sur ce modèle en région Midi-Pyrénées.

B. L'APPRENTISSAGE DU FRANÇAIS SUR LE TERRITOIRE NATIONAL : UN ÉLÉMENT ESSENTIEL DE LA POLITIQUE D'ACCUEIL

1. L'absence de maîtrise du français : un handicap majeur

150 000 jeunes quittent, chaque année, le système scolaire sans diplôme. Parmi eux, nombreux sont ceux qui maîtrisent mal le français, à tout le moins sa forme écrite. Il devient alors délicat de lire et de rédiger un courrier, une fiche de poste, un bulletin de salaire, une consigne de sécurité, etc.

Au-delà de l'absence de diplôme, la mauvaise connaissance de la langue et des codes de l'entreprise les tient éloignés de l'emploi dès le stade de l'entretien d'embauche voire de la candidature, les entreprises ne pouvant guère, pour un certain nombre de postes, ignorer un tel critère de recrutement.

Il apparaît, en outre, que les crédits en faveur de l'apprentissage ou de l'amélioration du niveau de français des nouveaux arrivants sur le territoire national ne cessent de s'amoindrir. Ce type de formations n'est plus systématiquement proposé et, en règle générale, les régions intègrent la linguistique aux formations professionnelles, majoritairement de courte durée et de contenu technique.

À la faveur de ces évolutions, certains quartiers sont aujourd'hui le théâtre d'une « novlangue », français de smartphones mâtiné d'expressions locales.

De fait, il demeure fréquent que la langue française soit pratiquée à l'école et que la langue d'origine de la famille reste utilisée à la maison, notamment lorsque les parents maîtrisent mal le français. Mais le bilinguisme, qui pourrait être un atout, devient un handicap, car trop souvent ces jeunes ne maitrisent réellement aucune des deux langues.

Les difficultés linguistiques deviennent alors obstacles à l'intégration et à l'emploi, tant le partage de la langue constitue un puissant facteur de cohésion sociale et d'appartenance à une même communauté.

2. La francophonie au coeur des quartiers

Face à une telle situation, l'une des composantes du plan de relance de la francophonie présenté par Yamina Benguigui, ministre déléguée chargée de la francophonie, vise à promouvoir la langue française dans les quartiers défavorisés.

Votre rapporteur pour avis salue cette initiative, jugeant particulièrement désolant qu'une partie des populations de ces quartiers soient coupées du monde professionnel en raison d'une insuffisante maîtrise de la langue française au regard des exigences posées par les entreprises.

En partenariat avec les entreprises installées dans les banlieues - comme la SNCF, BNP ou Veolia en Seine-Saint-Denis - sera ainsi mis en place un programme de formation accélérée au français en entreprise à destination de la jeunesse : « Francophonie, objectif emploi ». Le public concerné serait, dans un premier temps, celui de jeunes déscolarisés ou de jeunes possédant le Bac ou un diplôme universitaire intermédiaire (diplôme de bac+2) ayant des difficultés à trouver un stage ou un premier emploi. Les jeunes de niveau Master ne seraient en revanche pas concernés.

Après une formation de quelques semaines, les candidats obtiendront un « label francophone » attestant de leur capacité à s'intégrer dans une entreprise au regard du niveau de langue.

Les entreprises partenaires s'engageront par ailleurs à donner aux jeunes ayant obtenu le label francophone la priorité pour des stages ou des premiers emplois.

Le ministre de l'éducation nationale a d'ores et déjà donné son accord de principe pour lancer une expérimentation autour du projet de label francophone en y associant un groupement d'établissements pour adultes (GRETA) comme prestataire de service et certificateur du label.

Ce dispositif complètera utilement d'autres initiatives innovantes dans ce domaine. À titre d'exemple, Air France propose et finance des formations destinées à des élèves et étudiants issus de milieu défavorisés, en vue d'améliorer leur maîtrise de la langue française :

- avec l'association Jérémy, dont Air France est membre fondateur, au profit de l'accompagnement vers l'emploi de jeunes sortis sans diplôme du système scolaire ;

- des stages « Ouvrons naturellement la porte de l'entreprise » pour les collégiens de 3 e provenant de quartiers populaires de la banlieue parisienne ;

- avec l'association « Passeport Avenir », un tutorat pour les jeunes diplômés issus de ces mêmes quartiers.

Dans le cadre du plan de relance de la francophonie, sera également généralisée l'École des mamans , qui propose à des femmes récemment arrivées en France des cours de français afin de leur offrir une indépendance dans la vie quotidienne (liste de courses, bulletin de notes, factures, etc.) et, à terme, de leur permettre de trouver un emploi.

III. LA FRANCOPHONIE COMME SUJET DE POLITIQUE INTERNATIONALE

A. LE FRANÇAIS DANS LES INSTANCES INTERNATIONALES : AGIR AVEC NOS PARTENAIRES

1. Une langue officielle menacée ?

Dans la synthèse sur la langue française dans le monde, parue en 2010, l'OIF estime, à juste titre, que la qualité internationale d'une langue se mesure, certes à son nombre de locuteurs, mais également à sa présence dans les enceintes internationales officielles, ainsi que dans les rassemblements mondiaux.

Elle rappelle à cet égard que « pour observer la place du français dans les organisations internationales et aux Jeux olympiques, la Francophonie dispose désormais d'instruments de mesure : d'une part le Document de suivi du vade-mecum relatif à l'usage de la langue française dans les organisations internationales, d'autre part les rapports des Grands Témoins de la Francophonie pour les Jeux Olympiques. Il en ressort, surtout pour ce qui concerne les organisations internationales, un double constat : une prise de conscience croissante de la nécessité de contrer, par des mesures volontaristes la tendance au monolinguisme et la domination tout aussi croissante d'un idiome qu'on pourrait qualifier d'«anglomorphe ». En effet, issu de l'anglo-américain, il se limite néanmoins, au mieux à un corpus spécifique assez réduit, au pire à des formes franchement incorrectes que les professionnels de la traduction et de l'interprétation ont de plus en plus de mal à exploiter. S'agissant des Jeux olympiques, les évolutions constatées depuis 2006 apparaissent à la fois moins défavorables au français et plus susceptibles d'être influencées, à court et moyen termes, par la mise en oeuvre de dispositifs adaptés et de règles à suivre ».

La réalité de l'usage du français dans les organisations internationales et européennes, où il a pourtant statut de langue officielle, rappelée par notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam dans une question écrite à la ministre déléguée chargée de la francophonie 3 ( * ) , est à n'en pas douter source d'inquiétudes.

Ainsi, l'office statistique européen Eurostat ne publie plus ses résultats qu'en anglais, l'Office européen des brevets, par le biais du protocole de Londres, tente d'imposer l'anglais comme langue scientifique et technique et de nombreux documents de travail européens à destination de l'État français sont rédigés en anglais.

L'association des fonctionnaires francophones des organisations internationales a d'ailleurs déposé plainte, le 18 octobre dernier, contre la Commission européenne, en raison de l'absence de traduction prévue dans le cadre de l'appel à candidatures pour la mise en place d'une plateforme de lutte contre la fraude fiscale.

L'administration française n'est pas en reste : en janvier 2012, l'Agence française de développement (AFD) a émis un appel à projets en vue de l'organisation d'une conférence à Paris et exigeait, de la part des soumissionnaires français, des réponses exclusivement en anglais. La France a également renoncé d'elle-même au français comme langue de travail au sein de l'Agence internationale des énergies renouvelables (IRENA).

En outre, aux Nations-Unies, la maîtrise de l'anglais est exigée dans 87 % des recrutements, tandis que celle du français l'est dans moins de 7 % des cas : cette dérive a d'ailleurs été dénoncée en 2011 par le corps commun d'inspection de l'ONU.

La France n'assiste pas, immobile, à une telle évolution mais, force est de constater qu'elle ne l'enraye guère à ce jour.

Votre rapporteur pour avis salue toutefois l'initiative prise le 17 octobre 2012 par Yamina Benguigui, ministre déléguée chargée de la francophonie, qui a présenté un plan de relance pour la francophonie articulé autour de quatre axes : engager un nouvel élan en faveur de l'enseignement du français, accentuer le rayonnement de la francophonie dans le monde, promouvoir la francophonie en France et défendre la francophonie du droit des femmes.

Malgré une faible visibilité, plusieurs actions ont d'ores et déjà été mises en oeuvre, notamment en faveur de la diffusion à l'international de livres en français. Concernant le droit des femmes, le premier forum des femmes francophones s'est réuni le 20 mars 2013. En outre, sur proposition de la France, l'inscription des droits des femmes dans les statuts de l'OIF sera à l'ordre du jour du sommet de Dakar en 2014.

Il est également fort positif que l'emploi de la langue française dans l'ensemble des outils de communication publique et par les fonctionnaires français dans le cadre des relations internationales ait fait l'objet d'une circulaire du Premier ministre en date du 25 avril 2013. Il y est notamment précisé que l'usage d'une langue tierce ne doit se faire « qu'en ultime recours » . Les diplomates et autres hauts-fonctionnaires français ont en effet un devoir d'exemplarité en la matière.

Plus largement, votre rapporteur pour avis estime urgent que les pouvoirs publics prennent toute la mesure du devoir de la France en matière de francophonie, y compris sur son propre territoire. À cet égard , la journée du 20 mars pourrait se voir plus généreusement célébrée , notamment dans les communes. En outre, il pourrait être judicieux que le ministère des affaires étrangères se mobile en faveur d'un rendez-vous annuel tel qu'il existait par le passé, de l'ensemble des acteurs de la francophonie et du réseau culturel.

2. La nécessité d'un front commun

La France, si elle demeure, historiquement et financièrement, l'élément moteur de la francophonie, ne peut agir seule sur la scène internationale afin d'assurer la difficile promotion de la langue française face à l'offensive de l'anglais.

Sans négliger le rôle joué par les autres opérateurs, votre rapporteur pour avis estime que l'OIF doit, plus que jamais, constituer le fer de lance de ce noble combat en faveur du français que Claude Hagège, dans son Dictionnaire amoureux des langues , qualifie de « langue menacée ». L'organisation a d'ailleurs bien conscience des enjeux, elle qui, par la voix de son secrétaire général Abou Diouf, estimait que les francophones devaient se comporter en « indignés linguistiques », à l'occasion de l'ouverture du premier forum mondial sur la langue française qui s'est tenu à Québec en juillet 2012.

Il est, à cet égard, à souhaiter que la France, peu active lors de ce premier forum, prenne toute sa part à celui qui se tiendra à Liège en 2015.

L'OIF regroupe cinquante-sept États et gouvernements membres, ainsi que vingt observateurs répartis sur les cinq continents, rassemblés autour du partage de la langue française et des valeurs qu'elle véhicule.

L'action de l'OIF s'inscrit dans le cadre d'un plan stratégique qui lui fixe quatre missions prioritaires :

- promouvoir la langue française et la diversité culturelle et linguistique ;

- promouvoir la paix, la démocratie et les droits de l'Homme ;

- appuyer l'éducation, la formation, l'enseignement supérieur et la recherche ;

- développer la coopération au service du développement durable et de la solidarité.

S'appuyant sur les textes fondamentaux adoptés dans le cadre des sommets successifs, la francophonie multilatérale a notamment pour mission de veiller au respect de la démocratie et des droits de l'Homme dans l'espace francophone . Sur décision du conseil permanent de la Francophonie, quatre États membres sont d'ailleurs actuellement suspendus : Madagascar, le Mali, la Guinée-Bissau et la République centrafricaine.

Par ailleurs, sous l'impulsion de son secrétaire général, l'organisation a renforcé ses appuis d'intermédiation politique et d'aide à la sortie de crise. Elle a développé notamment des compétences internationalement reconnues en matière d'accompagnement de processus électoraux et est impliquée, à ce titre, dans la préparation des élections à Madagascar et en Guinée.

La programmation quadriennale de l'OIF, adoptée lors de la conférence ministérielle de décembre 2009, a mis l'accent sur deux orientations essentielles : la mission politique de la francophonie et les outils novateurs de promotion du français . Il s'agit de développer les contenus francophones, très minoritaires, sur Internet. L'OIF assiste, à cet effet, les États membres à créer leurs propres sites institutionnels en français mais lutte également pour que les supports prévoient, par exemple, un alphabet avec accents. Un programme « Afripedia » et un portail francophone devraient prochainement être lancés, ainsi qu'une plateforme de formation linguistique sur Internet ou via les applications disponibles sur smartphones .

Le sommet de Kinshasa, en octobre 2012, s'est attaché, pour sa part, aux « enjeux environnementaux et économiques dans la mondialisation », dans le prolongement de la conférence de Rio+20.

L'un des débats qui agite l'OIF concerne l'opportunité de son ouverture progressive à des pays qui n'ont qu'un rapport lointain avec la francophonie , c'est à dire dont le français n'est pas la langue officielle et n'est maîtrisé que par une proportion de la population inférieure à 20 %. On citera, à cet égard, l'exemple récent du Qatar, autrefois seulement observateur et désormais membre associé, ou celui de l'Uruguay. Cette évolution pose un problème de sens pour une communauté regroupée autour d'une langue commune.

Certes, de nouveaux entrants sont synonymes de contributions financières supplémentaires -la compagnie aérienne Qatar Airways a ainsi contribué au financement du forum de juillet 2012 à Québec-, mais il semble à votre rapporteur pour avis qu'il conviendrait utilement de recentrer l'organisation sur une stratégie d'approfondissement , à l'heure où les menaces qui pèsent sur le français nécessitent une solidarité forte entre des pays partageant des intérêts communs, préférable à une dilution sans fin.

Afin de renforcer son efficacité, l'OIF gagnerait également à poursuivre encore ses efforts en matière de diminution de ses dépenses de fonctionnement , qui ont représenté jusqu'à 44 % de son budget, au profit des dépenses de programmation. Il conviendra également, pour l'organisation, de régler définitivement la question de la gestion des arriérés de payement de certains membres peu scrupuleux. Un groupe de travail a été mis en place afin d'élaborer un calendrier de mesures visant à pénaliser, de façon échelonnée, les membres qui tarderaient à verser leurs contributions : suppression de manifestations francophones sur financements multilatéraux dans le pays concerné ou encore interdiction de prise de parole lors des sommets de la Francophonie, sans conclusion effective à ce jour.

B. FRANCOPHONIE ET EXCEPTION CULTURELLE

1. Poursuivre le combat en faveur de l'exception culturelle

Si les moyens accordés à la défense de la francophonie ne lui semblent décidément guère à la hauteur des ambitions affichées, votre rapporteur pour avis tient cependant à saluer l'action menée par le Gouvernement en cette année 2013 en faveur de la défense de l'exception culturelle , dont la langue française constitue, à n'en pas douter, un élément majeur, tant il est vrai qu'il n'est point de diversité culturelle sans diversité linguistique.

Dans le cadre des discussions relatives au « Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement, entre l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique », le mandat de négociation adopté le 12 mars 2013 par la Commission européenne n'excluait en effet pas, dans sa rédaction initiale, explicitement du champ de la négociation les biens, services et investissements en matière culturelle . Il était seulement indiqué que l'accord « ne devra contenir aucune disposition risquant de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l'Union européenne, notamment dans le secteur audiovisuel » , celui-ci incluant la musique aux termes de la nomenclature de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

La France ne pouvait se satisfaire d'une telle ambiguïté, d'autant que l'Union européenne avait toujours pris soin d'exclure la culture de toute négociation commerciale, qu'elle soit bilatérale ou multilatérale, comme elle l'a encore fait avec le Japon au début de l'année 2013.

La France en a, en effet, toujours défendu le principe avec ardeur. Elle avait ainsi fait reculer le Parlement européen après le vote, en 1993, du principe de spécificité culturelle, qui incluait de facto les biens et services culturels dans les négociations commerciales internationales. À l'issue de ce combat, les accords de Marrakech ont, en 1994, admis que la culture, porteuse d'identité, pouvait faire l'objet de dérogations dans le cadre des négociations de l'OMC. Ce compromis demeurait toutefois en-deçà des espérances de la France, qui appelait alors de ses voeux une exclusion totale et définitive du champ des négociations.

Face à la proposition inquiétante de la Commission européenne, artistes, industries culturelles et parlementaires se sont mobilisés. À l'Assemblée nationale et au Sénat, plusieurs propositions de résolution européenne ont ainsi été déposées pour inciter le Gouvernement à négocier la modification du mandat de négociation adopté.

Votre rapporteur pour avis s'est joint au texte proposé par Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, considérant, comme ses collègues membres de la commission que « la culture ne peut être considérée comme une marchandise comme les autres, sauf à accepter la disparition de la diversité culturelle. Le caractère d'universalité qui s'attache aux biens culturels ne saurait, dès lors, être remis en cause ».

Ces initiatives parlementaires avaient comme objectif commun d'inviter le Gouvernement à menacer de faire usage de son droit de véto sur un tel accord, en application de l'article 207 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne selon lequel il est possible de déroger au principe de la majorité qualifiée, lors du vote au Conseil qui entérinera le mandat de négociation de la Commission, si les accords commerciaux risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l'Union européenne.

Si la France, usant effectivement de cette menace, a obtenu gain de cause au mois de juin 2013, ce dont votre rapporteur pour avis se réjouit, il conviendra, à l'avenir, d'être attentif à toute nouvelle tentative qui viserait à affaiblir l'exception culturelle française dans le monde.

Plus largement, il convient, pour en assurer le respect, d' améliorer la visibilité de la Convention de l'Organisation des Nations-Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles , élaborée à l'initiative de la France, du Canada et du Québec et adoptée à la quasi-unanimité (exception faite d'Israël et des États-Unis) en 2005, mais par trop méconnue encore, y compris au sein du réseau culturel.

2. L'extension des exceptions au principe de l'enseignement en langue française : un débat complexe

Tout en reconnaissant la nécessité, pour l'enseignement supérieur français, de demeurer attractif pour les étudiants étrangers , votre rapporteur pour avis est beaucoup plus prudent s'agissant des dispositions votées dans le cadre de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et la recherche, dont l'article 2 introduit à l'article L. 121-3 du code de l'éducation de nouvelles dérogations au principe de l'enseignement en langue française.

Pour mémoire, en application de l'article 11 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, dite « loi Toubon », seules deux catégories d'exceptions étaient autrefois prévues : celles justifiées par les nécessités de l'enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères, d'une part, et lorsque les enseignants étaient des professeurs associés ou invités étrangers, d'autre part. Cependant, les écoles étrangères ou spécialement ouvertes pour accueillir des élèves de nationalité étrangère, ainsi que les établissements dispensant un enseignement à caractère international, n'étaient pas soumis à cette obligation.

Dominique Gillot, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, rappelait toutefois que cette disposition semblait avoir été largement contournée , indiquant que « d'après les informations fournies par Campus France, il existe aujourd'hui en France 795 programmes proposant des enseignements en anglais, dont 165 sont des formations proposées exclusivement dans cette langue ».

Finalement , aux termes de débats parlementaires passionnés, il est désormais possible de déroger à l'obligation d'enseigner en français dans deux nouveaux cas :

- lorsque les enseignements sont dispensés dans le cadre d'un accord avec une institution étrangère ou internationale ou dans le cadre d'un programme européen ;

- pour des cursus et diplômes transfrontaliers multilingues.

Votre rapporteur pour avis demeure très partagé sur les conséquences que pourrait avoir le nouveau dispositif sur l'apprentissage du français par les étudiants étrangers . Il considère, à cet égard, que l'essentiel demeure, quelle que soit la langue d'enseignement, de conserver les méthodes françaises d'apprentissage et de ne pas renoncer à la promotion de nos valeurs et de notre culture . Il se penchera avec intérêt sur les conclusions du rapport sur l'impact des modifications apportées au principe de l'enseignement en français, qui sera transmis au Parlement dans un délai de trois ans, conformément à la loi du 22 juillet 2013 susmentionnée.

Quoiqu'il en soit, et pour reprendre l'analyse d'Alain-Gérard Slama 4 ( * ) : « Sauf à considérer qu'une loi n'a pas plus de portée symbolique qu'une note de service, a-t-on mesuré à quel point peut être perçu comme humiliant le fait, unique en Europe, de donner un caractère officiel à l'organisation, jusqu'à présent informelle, de cours dispensés en anglais au sein même de notre université. C'est un étrange projet de prétendre renforcer la diffusion de notre langue en organisant par la loi la possibilité d'y renoncer . »

S'agissant des écoles de commerce, dont l'enseignement dispensé se rapproche continument du modèle anglo-saxon -à cet égard, le cursus ouvert par l'ESSEC à Singapour ne se différencie pas vraiment de ces concurrents étrangers-, votre rapporteur pour avis appelle de ses voeux le maintien, en leur sein, d'une singularité culturelle et éducative « à la française ».

Dans le domaine de l'enseignement supérieur, la France ne cesse d'ailleurs de subir la concurrence acharnée des établissements anglo-saxons, notamment avec le développement des Massive open online courses (MOOC) diffusés par les universités américaines à l'aide de millions de dollars d'investissement. Or, plus encore que la langue, ces enseignements véhiculent des valeurs et une culture qui en font un instrument de « soft power » , un outil de pénétration numérique de l'enseignement supérieur.

Votre rapporteur pour avis estime qu'il est urgent de réagir à cette offensive, notamment grâce à la diffusion et à la promotion des contenus de formation supérieurs produits par le CNED . À la différence des MOOC, ceux-ci sont interactifs et offrent la possibilité d'être corrigés, exemple concret et positif de la singularité éducative française.

Il est temps, à cet égard, que le ministère des affaires étrangères considère l'opérateur, sur lequel, certes, il n'exerce pas de tutelle, comme un outil au service du rayonnement de la France ou, pour reprendre l'expression utilisée par Marc-Antoine Jamet, président du conseil d'administration du CNED et secrétaire général du groupe LVMH, lors de son audition : « un instrument de conquête pour une politique de conquête ».

Pour mettre fin aux affrontements stériles et aux arguments à l'emporte-pièce, votre rapporteur pour avis souscrit aux propos du recteur Michel Guillou de l'Institut pour l'étude de la francophonie et de la mondialisation à l'Université Jean Moulin/Lyon III : « Il faut au plus vite disposer d'un rapport-type Rapport Gallois sur la compétitivité concernant la problématique des langues dans l'éducation et dans l'enseignement supérieur et la recherche en France . »

DEUXIÈME PARTIE :

CULTURE, ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE AU SERVICE DE LA POLITIQUE D'INFLUENCE DE LA FRANCE

I. LE RÉSEAU CULTUREL À L'ÉTRANGER : LE TEMPS DE LA RATIONALISATION

A. DIVERSITÉ DES ACTEURS, VARIÉTÉ DES MODES DE FINANCEMENT

1. Un maillage complexe
a) Les services de coopération et d'action culturelle et les établissements à autonomie financière

Le réseau culturel public de la France à l'étranger est constitué d'un ensemble hétérogène de structures . Il comprenait ainsi, en 2012, 161 services de coopération et d'action culturelle (SCAC), dont 98 disposant d'un statut d'établissement à autonomie financière, 27 Instituts français de recherche à l'étranger (IFRE) disposant également de ce statut, douze postes rattachés expérimentalement à l'Institut français et huit centres culturels binationaux (dont cinq en Afrique).

La rationalisation du réseau s'est concrétisée, de 2009 (premières opérations-pilotes) à 2013 (achèvement du processus par les dernières fusions), par la constitution, dans les postes diplomatiques où préexistaient des établissements à autonomie financière (EAF), d'un dispositif unique intégrant le SCAC et le ou les établissement(s) culturel(s) dans un périmètre commun -culture, francophonie et attractivité- géré dans le cadre de l'autonomie financière.

Ce processus s'est achevé le 1 er janvier 2013 par la fusion des derniers dispositifs aux États-Unis, au Brésil, au Japon, en Colombie et en Argentine. Au total, 84 postes ont été concernés par cette mutation. Toutefois, pour tenir compte de la spécificité de leur situation ou de la singularité de leur mission, quatre EAF ne fusionneront pas avec leur SCAC de rattachement.

Le bilan qu'en tire le ministère des affaires étrangères au regard des retours des postes locaux fait apparaître que, conformément aux objectifs fixés, la fusion s'est concrétisée par :

- un processus de mutualisation aux effets positifs

La fusion a permis de conserver des outils de coopération performants dans un contexte budgétaire contraint, tout en réalisant une meilleure programmation des activités et une mise en synergie des moyens existants. En outre, dans les pays comprenant plusieurs établissements, la fusion en un EAF unique intégrant le SCAC permet la mise en oeuvre d'une stratégie cohérente ;

- de nouveaux modes de gouvernance

La double fonction désormais exercée par le conseiller de coopération et d'action culturelle (COCAC), à la fois responsable du SCAC et de l'EAF fusionné, améliore la circulation de l'information et contribue à harmoniser les pratiques de travail ;

-  une gestion financière plus cohérente

L'élaboration d'un budget unique , l'harmonisation des procédures de suivi, l'apport de crédits complémentaires issus des recettes propres des établissements et de leurs capacités de cofinancements ont eu des effets positifs, notamment au profit des secteurs de la coopération linguistique et universitaire.

Comme il était attendu, les transferts de charges de personnel et de fonctionnement -du programme 105 vers le programme 185- et l'harmonisation des grilles de rémunération ont alourdi les coûts de fonctionnement supportés sur les budgets des établissements unifiés . La définition, l'évaluation et le calcul du coût de ces charges étant particulièrement complexes, il a été décidé que le transfert des charges de fonctionnement ne serait réalisé que lorsqu'il y avait déplacement physique des agents du SCAC dans l'enceinte de l'EAF.

Enfin, le cadre réglementaire budgétaire et comptable qui régit actuellement les EAF a dû être adapté. Ainsi, ils bénéficient, jusqu'à la fin de l'année 2013, d''un régime dérogatoire autorisant la prise en charge de dépenses d'intervention au profit de tiers nécessaires aux actions de coopération et de partenariat ;

- un cadre harmonisé de gestion des ressources humaines

Dans de nombreux cas, cette unicité de gestion des personnels s'est également accompagnée d'une harmonisation des grilles de rémunération des EAF avec la grille correspondante des ambassades. Ainsi, la fusion SCAC-EAF s'est souvent traduite, pour les agents de droit local (ADL) des établissements fusionnés, par une revalorisation salariale.

Mieux organisé, le réseau public continue à évoluer en fonction des évolutions de la stratégie de coopération de la France, les exigences de rationalisation des implantations et les impératifs de viabilité financière des établissements. En 2013, une antenne de l'Institut français d'Indonésie a été ouverte à Dili (Timor-Oriental) et un centre de certification créé à Moroni (Comores) et rattaché à l'Institut français de Madagascar. A contrario , l'antenne de Venise a été fermée.

Votre rapporteur pour avis salue la fin du processus de fusion des SCAC et des EAF au profit d'une plus grande efficacité du réseau culturel. Il rappelle toutefois que la mise en conformité nécessaire du statut des EAF n'a toujours pas été réalisée.

Les EAF, aux termes du décret n° 76-832 du 24 août 1976 pris en application de la l'article 66 de la loi de finances pour 1974, dispose de l'autonomie financière sans avoir pour autant de personnalité juridique. Ils peuvent ainsi conserver les recettes qu'ils collectent, même s'ils ne bénéficient pas du droit de fixer librement leurs tarifs pour les cours de langue et les certifications. Ce statut est contraire aux principes d'uniformité et d'universalité budgétaires posés par l'article 6 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) , en application desquels leurs dépenses comme leurs recettes devraient être enregistrées dans le budget général et ne pourraient se compenser les unes avec les autres. Dans son rapport de septembre 2013 sur le réseau culturel de la France à l'étranger, réalisé à la demande du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, la Cour des comptes estime que cette irrégularité « fait courir un risque à l'ensemble du dispositif du réseau public et accentue sa fragilité compte tenu de l'appui croissant sur la collecte de recettes commerciales ».

b) L'Institut français

L'Institut français a été créé par la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État et son décret d'application du 30 décembre 2010. Il a débuté ses activités au 1 er janvier 2011 en se substituant à l'association Culturesfrance. Il a repris, à ce titre, l'ensemble des missions de l'association : la promotion de la culture française, le soutien à la création, au développement et à la diffusion des expressions artistiques du Sud, la diffusion du patrimoine cinématographique et audiovisuel français et le soutien à la circulation des écrits, des oeuvres et des auteurs francophones. Son périmètre d'action est, par ailleurs, élargi à de nouvelles activités, notamment la promotion et l'accompagnement à l'étranger des idées, des savoirs et de la culture scientifique français ; la promotion, la diffusion et l'enseignement à l'étranger de la langue française ; l'information du réseau culturel français à l'étranger, des institutions et des professionnels étrangers sur l'offre culturelle française ; la formation des personnels du réseau culturel français à l'étranger. Parallèlement à la mise en place du nouvel opérateur a été créée la marque « Institut français » pour l'ensemble du réseau public .

Depuis sa création, l'Institut français a notamment développé des outils numériques au profit du réseau ( Culturethèque , IF Cinéma , ou encore IF Verso pour les traductions), mis en place un programme de formation pour les agents et renouvelé la politique de mécénat. Une trentaine de conventions de partenariats ont ainsi été signées ou sont en cours de négociation avec les principaux opérateurs culturels français (Fondation Alliance française, mais aussi Unifrance Film, TV5Monde, CIEP, etc.) et européens ( Goethe Institut , British Council ). Enfin, le pôle Europe, nouvellement créé, a commencé à répondre à des appels à propositions et d'offres européens et informe le réseau sur les financements européens.

L'opérateur s'appuie sur et est au service du réseau culturel français à l'étranger dans sa double composante : le réseau public des 100 Instituts français à l'étranger (et leurs 111 antennes) et le réseau associatif des près de 480 Alliances françaises conventionnées. Il a tenu à Lille, les 18 et 19 juillet 2013, ses troisièmes « Ateliers » de formation et de concertation avec le réseau, en présence de près de 450 agents et des représentants de ses principaux partenaires.

L'opérateur bénéficie d'un plafond d'emplois de 183 emplois équivalent temps plein (ETP), soit 145 ETP pour le siège et 38 ETP pour les douze postes culturels qui lui ont été rattachés au titre de l'expérimentation.

Le contrat d'objectifs et de moyens de l'Institut français pour la période 2011-2013 lui fixe quatre objectifs :

- inscrire l'action culturelle extérieure dans les objectifs de la politique étrangère de la France (promotion des échanges et des coopérations artistiques, diffusion non commerciale du patrimoine cinématographique, promotion du livre et des savoirs, promotion de la langue française) ;

- soutenir et développer l'action du réseau culturel (mise à disposition d'outils numériques, formation des agents) ;

- développer des partenariats au profit d'une action plus cohérente et efficace (conventions avec des opérateurs culturels nationaux, coopérations avec les collectivités territoriales françaises, création du pôle Europe) ;

- enfin, améliorer le pilotage et l'efficience dans la gestion des ressources (maîtrise des dépenses de fonctionnement, passage à la comptabilité publique, développement de l'autofinancement, modernisation de la gestion des ressources humaines).

Si le bilan de l'activité de l'opérateur au regard des objectifs fixés ne sera rendu public qu'à la fin de l'année 2013 en vue de la préparation du prochain contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2014-2016 , votre rapporteur pour avis estime d'ores et déjà que la création de l'Institut français a apporté une réelle valeur ajoutée au réseau culturel : visibilité avec la création d'une marque unique, professionnalisation avec le développement d'un programme de formation et modernisation avec la mise en place de plusieurs plateformes numériques.

c) Les Alliances françaises

Fondée à Paris en 1883, l'Alliance française constitue, en nombre, le plus important réseau d'implantations de l'action culturelle extérieure de la France. La Fondation Alliance Française, créée en 2007 et issue de l'Alliance française de Paris Ile-de-France (AFPIF), rassemble, sous une forme associative, 812 Alliances locales à but non lucratif, dont 486 bénéficient d'un soutien direct du ministère des affaires étrangères . Ce soutien prend une triple forme : une subvention de fonctionnement, la mise à disposition d'agents expatriés pour une masse salariale d'environ 31 millions d'euros et le bénéfice des formations dispensées par l'Institut français.

Les Alliances et leurs centres associés jouent un rôle majeur dans certains pays -en Asie et en Amérique latine majoritairement-, notamment pour ce qui concerne l'offre de cours de français . Le réseau des Alliances est particulièrement dynamique sur ce créneau d'activité (86 % des Alliances dispensent des cours) : le nombre d'inscrits dans les enseignements de langue française a enregistré une augmentation spectaculaire de 53 % ces dix dernières années.

À titre d'illustration pour l'année 2012, les Alliances ont dispensé plus de trois millions d'heures de cours en Colombie et en Chine, et plus de deux millions d'heures en Inde, au Pérou et au Brésil. Ce dernier pays est ainsi doté de trente-neuf Alliances et de huit centres associés, comptant, au total, près de 35 000 élèves.

Outre les agents locaux, les Alliances fonctionnent grâce aux mises à disposition de personnels représentant, en 2013, 301 emplois dont 87 volontaires internationaux, soit une suppression de 26 postes, essentiellement dans les pays en crise.

Le réseau des Alliances a été relativement protégé de l'effort en matière de restitution d'emplois qui pèse sur le réseau culturel et de coopération depuis 2009. L'évolution des effectifs entre 2009 et 2013 fait apparaître une diminution minime de seulement 15 emplois, alors que le réseau culturel a supprimé, hors transferts, 418 emplois sur la même période.

Votre rapporteur pour avis estime illusoire d'imaginer que les Alliances françaises pourront encore longtemps s'exonérer de participer à l'effort général. Les réductions d'effectifs à venir devront cependant s'inscrire dans le cadre d'une réflexion plus globale sur la complémentarité des acteurs du réseau et la rationalisation des implantations.

Il conviendra également de clarifier la situation juridique des agents mis à la disposition des associations locales, aujourd'hui considérés à tort comme s'ils étaient affectés au sein du réseau public, en concluant des conventions avec les Alliances concernées assorties, le cas échéant, d'un remboursement des rémunérations.

2. Un éparpillement des crédits

Les crédits consacrés à l'action culturelle extérieure regroupent le fonctionnement du réseau culturel à l'étranger, la subvention pour charge de service public allouée à l'Institut Français, les instruments de coopération culturelle et de promotion du français que constituent les bourses et les échanges d'expertise, ainsi que les subventions aux Alliances françaises et les crédits d'intervention SCAC-EAF.

Poursuivant leur lente érosion , les crédits diminuent à nouveau en 2014, après avoir été réduits d'un quart entre 2007 et 2013. Ils s'établiront, selon le projet de loi de finances, à 93 millions d'euros, contre 104 millions d'euros en 2013.

Évolution des crédits culturels hors dépenses de personnels

En M€

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Fonctionnement

38

45

60

77

74

65

58

Intervention

98

90

65

43

40

38

35

Total

136

135

125

120

114

104

93

Source : Ministère des affaires étrangères

Cette nouvelle réduction résulte de l'application de la norme de réduction gouvernementale des dépenses sur le budget triennal 2013-2015, qui a toutefois été modulée afin de tenir compte des spécificités des instruments du programme.

Ainsi, s'agissant des crédits de fonctionnement , la réduction des dotations aux EAF est, comme en 2013, limitée à 4 %. Afin d'accompagner les dernières fusions des SCAC et des EAF, les crédits de restructuration nécessaires sont estimés à 1,4 million d'euros, contre 3 millions d'euros en 2013.

La subvention pour charges de service public de l'Institut français et les crédits de soutien régressent également par rapport à 2013. Pour mémoire, l'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) est passé sous comptabilité publique au 1 er janvier 2012. Depuis cette date, son budget intègre également les budgets de douze postes expérimentateurs. En 2013, son budget s'élève à 65,7 millions d'euros, soit 43,1 millions d'euros pour l'opérateur et 22,6 millions d'euros pour les centres rattachés, et affiche un résultat net de 668 000 euros. Sur ce total, les subventions de l'État représentent 44,9 millions d'euros (44,3 millions d'euros au budget initial) et ses ressources propres 20,8 millions d'euros.

En 2014, la subvention du ministère des affaires étrangères, qui s'établit à 39,5 millions d'euros, diminue de 6 % en raison de l'application des mesures d'économies dans le cadre du redressement des comptes publics, dont la norme est de - 4% entre 2013 et 2014 selon la lettre de cadrage budgétaire 2013-2015 du Premier ministre et de - 2% en 2014 au titre des mesures additionnelles appliquées aux opérateurs.

Les mesures d'économie sont également drastiques pour ce qui concerne les dépenses d'investissement , hormis pour les bourses et échanges d'expertise dont les crédits ne diminuent respectivement que de 3,5 % et 3,1 %.

La diminution des autres moyens bilatéraux d'influence (cofinancements et subventions versées par les postes culturels à l'étranger et par l'administration centrale) atteindra 5,6 % en 2014, après une baisse de 5 % en 2013.

Enfin, les dotations pour opérations aux EAF, ainsi que les subventions à la Fondation Alliance Française et aux Alliances françaises locales diminuent de 4,3 % en 2014.

À ces crédits s'ajoutent les dépenses de personnels, qui, stables, s'établiront à 126 millions d'euros en 2014 , dont 86 millions d'euros sur le programme 185.

La diminution permanente des crédits publics oblige les acteurs de l'action culturelle extérieure à développer leurs capacités d'autofinancement, (cours de langues, certifications d'examens destinés à l'accueil d'étudiants étrangers en France, mécénat, etc.), consommatrices d'énergie en termes d'investissement en temps au détriment souvent de l'action culturelle stricto sensu .

En moyenne, le taux d'autofinancement atteint 63,4 % pour les EAF , même si ce ratio varie en fonction du contexte local. Il peut notamment être réduit par l'absence de recettes de cours de langues en application du principe de non-concurrence avec les Alliances françaises (Corée du Sud, Costa Rica, Croatie, Portugal), un contexte économique général dégradé (Tchad, Togo, Rwanda) ou une diminution des activités liées à des contextes politiques particulièrement tendus (Syrie). En revanche, l'autofinancement des centres est élevé dans les pays où la demande d'enseignement en français et de certification d'examen est dynamique, notamment lorsque le réseau des Alliances n'y est que peu développé, comme en Espagne, au Japon, au Maroc ou au Qatar.

Pour ce qui concerne les Alliances, le projet de loi de finances pour 2014 prévoit une subvention de 1,35 million d'euros à la Fondation et aux délégations générales , chargées de la coordination régionale du réseau et de l'appui aux associations locales. Ce poste enregistre une baisse de crédits de près de 300 000 euros, dont votre rapporteur pour avis espère qu'elle ne nuira pas à l'indispensable action de coordination du réseau associatif menée par la Fondation. Par ailleurs, le soutien des SCAC aux Alliances s'élèvera à 5,67 millions d'euros, soit un niveau sensiblement équivalent à celui de 2013 . Les crédits publics ne représentent toutefois qu'une faible part du budget des Alliances, dont le taux d'autofinancement moyen atteint 83 % , en nette progression depuis 5 ans (il était de 75 % en 2008).

B. LES DÉFIS À RELEVER

1. L'Institut français : une réforme inachevée

L'article 11 de la loi du 27 juillet 2010 susmentionnée prévoyait le rattachement, à titre expérimental, de douze postes culturels à l'Institut français . À l'issue des études préalables nécessaires à la réforme, le rattachement a été effectif le 1 er janvier 2012.

Le rapport d'étape transmis aux commissions parlementaires compétentes au mois de mars 2013 ne permettait pas au législateur de trancher catégoriquement sur l'opportunité de généraliser le rattachement de l'ensemble du réseau culturel public à l'Institut français à l'issue de l'expérimentation.

Ainsi, les premières conclusions, qui portent sur l'année 2012, indiquaient que :

- la pleine mobilisation des équipes sur place et l'investissement des agents de l'Institut français ont permis aux postes concernés de fonctionner de manière à peu près satisfaisante, malgré des retards et des difficultés qui ne sont pas uniquement liés aux hésitations de la période de rodage, mais ont, pour beaucoup, un caractère structurel. De manière générale, les complications ont été plus facilement réduites dans les postes rompus à la notion d'autonomie financière et disposant d'équipes administratives nombreuses et expérimentées ;

- cette mobilisation et les nouvelles possibilités offertes par l'autonomie financière pour les postes qui en étaient dépourvus (Émirats, Ghana, Koweït et Singapour) expliquent les résultats obtenus en matière d'autofinancement, résultats cependant légèrement inférieurs à ceux du reste du réseau ;

- les postes passés en 2012 à l'autonomie financière en ont clairement tiré bénéfice. Pour les autres, en dehors de la nouvelle faculté d'accorder directement des subventions, le constat est très largement celui d'une régression par rapport au dispositif précédent ;

- les éléments positifs que représentent la mutualisation renforcée des outils techniques, les progrès enregistrés sur la voie de la professionnalisation du réseau et l'avantage de disposer d'une communication unifiée sont liés à la montée en puissance de l'opérateur de l'Institut français et ne constituent pas un effet de l'expérimentation en cours ;

- la visibilité accrue du réseau public pourrait affecter la relation avec la Fondation Alliance française, qui s'est inquiétée de ce qui lui est apparu, en Inde et aux Émirats notamment, comme une marginalisation du réseau associatif ;

- enfin, l'expérimentation ne permet pas d'apprécier la capacité de l'Institut français d'assurer le changement d'échelle que représenterait, même étalé dans le temps, le transfert des ressources financières et humaines entraîné par l'intégration du réseau.

Ce bilan a été complété au mois d'octobre par un troisième et dernier rapport au Parlement portant sur l'année 2013. Tout en confirmant les conclusions des rapports précédents, il complète l'analyse sur différents points :

-  si la possibilité d'accorder directement des subventions facilite la gestion des actions de coopération, la coopération universitaire et le pilotage des bourses s'en trouvent au contraire freinés , en raison du choix d'un mode de gestion à coût réel et non à coût moyen des bourses rendant délicate toute programmation ;

- l'évolution du volume d'activités (cours, manifestations, etc.) varient d'un centre expérimentateur à un autre, rendant toute comparaison sujette à caution ;

- le rattachement n'apparaît pas compatible avec la double compétence de COCAC et de directeur d'Institut , en raison de l'impossibilité, pour le directeur d'un EPIC culturel local, d'assurer parallèlement une mission de tutelle du réseau scolaire français.

En outre, le surcoût d'un rattachement intégral du réseau public à l'Institut français a été chiffré à 20 millions d'euros la première année et à 16 millions d'euros les années suivantes en raison de charges additionnelles de structure en administration centrale et du transfert de la masse salariale que constituent les expatriés.

Votre rapporteur pour avis estime, somme toute, ne pas disposer de données suffisamment précises sur l'évaluation du coût d'un rattachement généralisé . Le ministère des affaires étrangères fonde vraisemblablement son raisonnement sur l'expérience du rattachement des assistants techniques à l'Agence française de développement (AFD), qui a entrainé des charges supplémentaires en raison notamment du changement de régime d'assurance sociale.

S'agissant du rattachement des EAF à l'Institut français, il conviendrait d'examiner la possibilité d'en financer une partie via les fonds de roulement ou par d'autres dispositifs proches de ceux mis en oeuvre par l'AEFE en faveur des professeurs résidents. Il faudrait, en outre, définir une politique vis-à-vis des agents de droit local qui, en raison des contraintes budgétaires, interviennent de plus en plus fréquemment dans les Instituts, y compris dans des fonctions d'encadrement et non plus seulement d'exécution. À cet effet, ils doivent être accompagnés dans leur montée en compétences.

Par ailleurs, le rattachement des EAF à l'EPIC aurait permis de régler le problème précédemment soulevé de la non-conformité de leur statut juridique avec la LOLF : l'abandon du projet, que l'on peut souhaiter temporaire, nécessitera donc de trouver une autre solution pour résoudre cette difficulté.

2. Les Alliances françaises : la complémentarité en question

Les Alliances françaises et les Instituts français ont pour objectif commun la promotion et la diffusion de la culture et de la langue françaises dans leur pays d'implantation. Afin de préciser les modalités de relation et les champs de coopération entre les deux opérateurs, a été signée, le 12 juin 2012, une convention de partenariat tripartite entre la Fondation Alliance française, l'Institut français et le ministère des affaires étrangères.

Dans ce cadre, les parties se sont engagées à se rencontrer régulièrement pour identifier les besoins du réseau et à échanger leurs informations sur les projets innovants développés par chacun, afin de renforcer la complémentarité et l'efficacité des outils et des dispositifs . Par ailleurs, un groupe de concertation et d'échanges périodiques a été mis en place sur les programmes et calendriers respectifs de formation, dans le but de mener des actions de formation croisées ou communes pour l'ensemble des personnels.

Il convient également de rappeler que l'ensemble des programmes et des dispositifs de programmation de l'Institut français est ouvert aux Alliances, notamment les appels à projets artistiques, le Fonds d'Alembert, le plan d'appui aux médiathèques ou encore le Fonds TICE d'appui à l'enseignement du français. Les Alliances peuvent aussi bénéficier des plateformes numériques développées par l'Institut ( Culturethèque , IF Cinéma , etc.).

Toutefois, les inquiétudes de la Fondation Alliance française, dont votre rapporteur pour avis se faisait déjà l'écho l'an passé dans le cadre de son analyse du projet de loi de finances pour 2013, sont loin d'avoir disparues.

L'opérateur dénonçait alors pêle-mêle l'affichage ambigu de la marque « Institut français » , à la fois opérateur national et antennes locales aux statuts variés ; le risque d'une « guerre des marques » de l'action culturelle extérieure au niveau local ; les difficultés résultant du nouveau rôle dévolu au COCAC , à la fois conseiller culturel de l'ambassade et directeur de l'Institut français et dont les arbitrages sont souvent jugés défavorables aux Alliances ; mais également le développement de rivalités entre structures dans la recherche de mécènes .

La Fondation est ainsi opposée à la généralisation de l'expérimentation en cours, notamment s'agissant du transfert à l'Institut français de la gestion des personnels mis à disposition des Alliances.

Au-delà des craintes manifestées par les Alliances, votre rapporteur pour avis souligne que la réforme n'a pas toujours permis de mettre en oeuvre une politique d'implantation cohérente des différentes structures dans un même pays. Ainsi, a été créé un Institut français en Argentine, où l'alliance était installée depuis plus d'un siècle et témoignait d'une vitalité remarquable, mais également, dans un contexte identique, aux Émirats, en Inde et bientôt sans doute au Brésil. On observe, en outre, un redéploiement progressif des moyens attribués aux Alliances vers les Instituts comme en Pologne, au Portugal, au Mexique, en Chine, en Inde ou encore en Mauritanie. Aujourd'hui, les Alliances, qui représentent environ les deux tiers des implantations du réseau, reçoivent un tiers seulement des crédits accordés par le ministère des affaires étrangères.

Votre rapporteur pour avis appelle de ses voeux la mise en oeuvre d'une cartographie raisonnée et cohérente des implantations du réseau culturel français, en procédant à une analyse des formules les mieux adaptées localement au contexte économique, politique, juridique et social. Cette analyse pourrait utilement précéder la signature de la prochaine convention pour la période 2014-2016.

La Cour des comptes, dans son rapport précité sur le réseau culturel de la France à l'étranger, recommande également d'accroître les synergies en termes d'implantations, en application d'une sorte de principe de subsidiarité entre entités publiques et associatives. Elle fait état, à ce titre, de redondances, qui constituent une source de tensions dans certaines villes, comme à Lisbonne ou à Madrid, mais peuvent également s'avérer utiles dans les zones où la demande de cours de français est élevée à condition que les offres de formation soient complémentaires. La Cour des comptes conclut toutefois sur une mise en garde que partage votre rapporteur pour avis : « Si une optimisation des deux réseaux est envisageable, elle ne doit pas conduire à figer les situations dans une sorte de Yalta culturel » .

Une première étape d'optimisation des implantations sera franchie dans le cadre du plan de redéploiement des moyens du réseau pour les années 2014 et 2015, annoncé en mai 2013, avec la fermeture d'une vingtaine d'EAF implantés hors capitales et en difficulté financière.

II. L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER : LE TEMPS DE LA RÉFORME

A. UN RÉSEAU EN CROISSANCE

1. L'enseignement français à l'étranger : un succès constant

Le réseau scolaire français à l'étranger compte, en septembre 2013, 488 établissements (481 établissements à la rentrée 2012) présents dans 131 pays, dont 36 % en Afrique. Il emploie environ 20 000 agents (expatriés, résidents et recrutés locaux) et scolarise près de 319 000 élèves, dont 62 % d'étrangers , ce qui en fait le premier réseau d'enseignement internationalisé au monde.

En 10 ans, le nombre d'élèves scolarisés à l'étranger dans le réseau français a progressé de 30 % et celui des établissements de 17 %. Comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport précité sur le réseau culturel de la France à l'étranger, « ces 481 établissements, souvent réputés, jouent un rôle essentiel dans certains pays (comme au Liban où ils scolarisent 50 000 élèves, dont 80 % de Libanais) ou dans certaines capitales (telles Londres, Rome ou Vienne) ».

Sur ce total, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) assure la gestion directe de 75 établissements et en conventionne 156, pour un total de 188 000 élèves, dont 49 % sont Français . À la demande de l'État, l'Agence a également signé des partenariats avec les autres établissements du réseau.

Placée sous la tutelle du ministère des affaires étrangères, l'AEFE s'est vue dotée, par la loi n° 90-588 du 6 juillet 1990 portant création de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, de trois missions , dont la mise en oeuvre effective est déclinée dans le plan stratégique 2010-2013 et le contrat d'objectifs et de moyens adopté le 25 novembre 2010 pour la période 2011-2013 :

- scolariser les enfants français dont les familles résident à l'étranger ;

- accueillir des élèves étrangers , dans un but de rayonnement culturel, économique et politique ;

- contribuer aux relations entre les systèmes éducatifs français et étrangers, par la promotion du système français et une ouverture à la culture du pays d'accueil.

Le réseau des établissements relevant de l'AEFE évolue en fonction de la situation politique et de la demande des pays d'accueil. Chaque année, de nouveaux établissements bénéficient ainsi d'une homologation, tandis que d'autres sont déconventionnés. À titre d'illustration, pour l'année scolaire 2013-2014, douze nouveaux établissements ont été ouverts en Albanie, au Cambodge, en Corée, en Côte d'Ivoire, en Égypte, aux États-Unis, au Liban, à Singapour, en Thaïlande et en Tunisie, tandis que cinq établissements ont perdu leur homologation en Allemagne, au Cameroun, à Djibouti et au Nigéria.

La suppression de l'homologation de l'établissement français de Djibouti, qui accueille 3 500 élèves, constitue l'aboutissement d'un processus de « nationalisation » de l'enseignement public du pays. Seul ancien État colonisé par la France à avoir conservé intégralement le modèle éducatif français, Djibouti, accompagné pendant sept ans dans cette démarche par le ministère de l'éducation nationale et l'Université de Bordeaux, dispose désormais de son propre système d'éducation publique.

La croissance régulière du réseau de l'enseignement français à l'étranger et les coûts de fonctionnement qu'elle entraîne ont conduit le ministre des affaires étrangères à confier à la ministre déléguée chargée des Français de l'étranger, Hélène Conway-Mouret, une mission sur l'avenir du réseau sous la forme d'une concertation nationale réunissant l'ensemble des acteurs, qui s'articule en deux volets :

- l'établissement d' un suivi des conclusions des États généraux de 2008 en tenant compte des évolutions intervenues depuis lors ;

- une réflexion prospective en vue d'élaborer des propositions en mesure de relever les défis multiples que le réseau rencontre à l'étranger.

Les conclusions de cette concertation nationale, au coeur de notre politique d'influence, ont été rendues publiques le 12 novembre. Elles permettent d'offrir enfin au réseau de l'enseignement français à l'étranger des perspectives de développement lisibles .

Plan d'actions en faveur de l'enseignement français à l'étranger

1-Un équilibre à préserver entre la mission de scolarisation des Français et celle de l'accueil des étrangers

Notre réseau scolaire extérieur accueille à la fois des enfants étrangers et des jeunes Français. Cela lui permet de remplir une double mission : d'une part offrir à nos compatriotes une continuité de scolarisation lorsqu'ils se trouvent hors de nos frontières, d'autre part diffuser la langue et la culture, de notre pays auprès des publics étrangers. Dans un contexte où nos communautés françaises expatriées continuent de croître et où de nouveaux publics apparaissent dans le monde émergent, nous souhaitons réaffirmer l'importance de ces deux missions et la nécessité de maintenir, entre celles-ci, un équilibre.

S'agissant de l'accueil des élèves étrangers, nous avons à :

- poursuivre l'enseignement des langues et des cultures des pays hôtes ;

- renforcer les partenariats et les passerelles avec les systèmes éducatifs locaux ;

- examiner la possibilité de faire des démarches auprès des pays dont les nationaux ne sont pas autorisés à s'inscrire dans nos écoles ;

- diversifier les publics, au besoin au moyen de dispositifs de bourses pour élèves méritants financées grâce au mécénat ou à des caisses parentales de solidarité.

Quant aux élèves français, nous devons veiller à ce que le coût de la scolarité ne constitue pas un obstacle à leur accès aux établissements. Les postes diplomatiques, à cet égard, doivent apporter la plus grande attention à la mise en oeuvre de la réforme de l'aide à la scolarité. Il importe également que nos jeunes compatriotes bénéficient pleinement, comme leurs camarades étrangers, des dispositions de la loi de refondation de l'École relatives à l'inclusion, en particulier concernant l'accompagnement des élèves en difficulté ou en situation de handicap, et l'information/orientation tout au long de la scolarité.

En dehors de ces deux missions principales, l'enseignement français à l'étranger peut apporter son appui à la coopération avec les systèmes scolaires étrangers. Cette mission sera encouragée dans les pays à fort réseau où existe une demande d'expertise des autorités locales. L'appui des professeurs devrait porter sur le développement de l'enseignement bilingue francophone ainsi que sur la formation des maîtres qui enseignent notre langue. Les proviseurs et directeurs d'école, les inspecteurs de zone, pourront apporter leur expertise en matière de gouvernance des établissements, d'encadrement, voire d'inspection.

2- Un développement équilibré et encadré du réseau, dans la discipline budgétaire

Face à la demande croissante d'éducation à la française dans le monde, notre choix est de maintenir nos ambitions et de continuer à développer notre offre d'enseignement, en particulier vers les zones de croissance de nos communautés et vers les territoires jugés prioritaires pour notre diplomatie. Mais l'obligation de ne pas créer de charges supplémentaires pour le budget de l'État nous impose un développement encadré et équilibré du réseau scolaire extérieur.

Ce développement raisonné reposera sur le partenariat avec des établissements homologués autofinancés.

Nous devons néanmoins être en mesure de répondre directement à certaines nouvelles demandes de scolarisation avec notre opérateur public, par le biais des établissements conventionnés ou en gestion directe. Cela implique d'effectuer, à enveloppe globale constante, des redéploiements géographiques de nos moyens.

3-Un pilotage politique renforcé

Une concertation interministérielle régulière sur l'enseignement français à l'étranger sera instituée chaque année sous la présidence du ministère des Affaires étrangères.

Les ambassades concernées seront invitées à présenter une stratégie locale de développement de notre offre éducative, basée sur l'analyse de la demande, un examen de la concurrence et une évaluation des moyens mobilisables. Les premiers documents de stratégie sont attendus avant l'été 2014.

Le pilotage politique renforcé du dispositif d'enseignement français à l'étranger doit également permettre de mieux articuler la politique scolaire extérieure avec les autres composantes de notre diplomatie d'influence, en premier lieu avec notre politique de coopération éducative et linguistique. Mais l'articulation doit également être améliorée avec notre politique d'attractivité universitaire. Il convient de favoriser l'orientation des élèves des établissements français à l'étranger vers l'enseignement supérieur dans notre pays.

4- Consolider l'excellence pédagogique,

Notre réseau doit pleinement tirer parti de la loi de refondation de l'école, qui renforce l'enseignement précoce des langues étrangères, introduit un nouvel enseignement moral et civique, place le numérique au coeur des apprentissages, développe la formation artistique et culturelle. Il doit aussi appliquer, dans le respect des législations et des habitudes locales, la réforme des rythmes scolaires

Le développement de l'enseignement bilingue, en particulier à travers les « sections Internationales », constituera une priorité, sans que soit négligé l'impératif de la maîtrise du français.

L'AEFE pourra également examiner la possibilité, dans certains pays, d'ouvrir des classes technologiques dans des spécialités ne nécessitant pas d'infrastructures particulières.

5- Élargir l'accès aux offres éducatives complémentaires de l'enseignement homologué

Il n'apparaît pas envisageable de répondre avec le seul enseignement homologué à l'ensemble de la demande d'éducation en français qui nous est adressée. Une partie de cette demande doit être orientée vers d'autres offres éducatives.

Le développement du labelFrancÉducation, qui permet d'identifier et de mettre en réseau les établissements étrangers proposant des classes bilingues francophones de haut niveau, constitue une priorité.

Dans le même esprit, un encouragement sera donné au développement à l'étranger de l'offre du CNED. La règle d'une distance de 50 km d'un établissement homologué pour bénéficier des services du CNED sera levée.

Enfin, le dispositif FLAM (Français Langue Maternelle), qui apporte un soutien aux initiatives extra-scolaires visant à conserver la pratique de notre langue chez les enfants français scolarisés à l'étranger dans une autre langue que la nôtre, sera renforcé.

Source : Ministère des affaires étrangères

2. Des partenaires indispensables

Le principal partenaire de l'AEFE pour l'enseignement français à l'étranger, la Mission laïque française (MLF), association à but non lucratif créée en 1902 et reconnue d'utilité publique dès 1907, intervient pour le compte des entreprises françaises et de l'État dans certaines opérations de développement. Son fonctionnement est assuré par ses ressources propres. Elle bénéficie toutefois du soutien des ministères concernés par la diffusion de la langue et de la culture françaises à l'étranger. À cet effet, elle est liée par convention avec les ministères des affaires étrangères et de l'éducation nationale, ainsi qu'avec l'AEFE.

Implantés dans 46 pays, les 107 établissements, auxquels s'ajoutent dix établissements faisant l'objet d'une action de coopération éducative, scolarisent près de 50 000 élèves, dont 77 % d'étrangers . Son réseau se compose d'établissements en gestion directe, d'établissements partenaires pour lesquels la MLF est prestataire de service pour la gestion administrative, d'écoles d'entreprises françaises ou étrangères et d'établissements faisant l'objet d'une action de coopération éducative de l'État (en Angola et Afghanistan notamment).

Autres partenaires du réseau français, une trentaine d'établissements d'enseignement locaux bénéficient du labelFrancÉducation , créé en janvier 2012 et attribué à des établissements d'enseignement scolaire étrangers qui offrent une formation d'excellence en français dans le cadre de leurs programmes nationaux. L'objectif est de labelliser cinquante établissements d'ici à 2015, notamment dans les pays d'Europe centrale et orientale où l'enseignement bilingue est actif, ainsi que dans les pays du Maghreb. Les États-Unis, La Chine, où de nombreux élèves ne sont pas scolarisés dans des établissements français, et l'Inde pourraient également constituer des zones de prédilection pour ce nouveau label.

B. UN BUDGET EN TENSION

1. Un budget grevé

L'AEFE est financée, s'agissant des crédits publics, sur l'action 5 « Agence pour l'enseignement français à l'étranger » du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence », qui capte à elle seule 57,5 % des crédits du programme . Pour 2014, la subvention pour charge de service public de l'Agence s'établit à 416,5 millions d'euros, contre 425 millions d'euros en 2013 . La diminution prévue tient compte de la stabilisation du taux de cotisation patronale au titre des pensions et des efforts de régulation des dépenses de fonctionnement demandés à l'opérateur.

L'agence bénéficie également d'une subvention de 118,8 millions d'euros destinée au financement de l'aide à la scolarité des élèves français, inscrite à l'action 2 « Accès des élèves français au réseau AEFE » du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires ».

L' intégration des pensions civiles des personnels détachés dans les charges de l'Agence à compter de 2009 a modifié de manière substantielle son périmètre de dépenses. Dès 2009, en effet, l'AEFE a dû faire face à une charge nouvelle de 120 millions d'euros , dont l'évolution annuelle dépend de la fixation du taux de pension. Une subvention de 130 millions d'euros est certes venue abonder le budget de l'Agence à compter de 2010, mais elle est vite apparue insuffisante au regard de la progressivité de la dépense (près de 10 millions d'euros supplémentaires par an).

L'Agence s'est ainsi vue dans l'obligation de développer ses ressources propres, notamment par la création, dès 2009, d'une contribution de 6 % assise sur les frais de scolarité des établissements en gestion directe et conventionnés , destinée pour près de 5 % de la somme au financement des pensions.

Il est cependant rapidement apparu que l'État ne pourrait faire l'économie d'un effort budgétaire supplémentaire pour aider l'AEFE à absorber cette charge. Une dotation de 5,5 millions d'euros, reconduite à l'identique en 2014, a donc été versée à l'Agence. Cette somme devrait atteindre 10,5 millions d'euros en 2015.

Évolution du coût des pensions civiles

Pension civile
BP 2013

Pension civile
BP 2014

Pension civile
BP 2015

Montant

163 077 104

165 321 173

167 727 612

Différentiel N-1

2 244 069

2 406 439

Source : Ministère des affaires étrangères

Le taux de pension ayant été stabilisé pour 2014 au niveau de 2013 , l'augmentation du montant prévisionnel de dépenses sera toutefois moins rapide que les années précédentes.

Par ailleurs, le fonds de roulement de l'Agence est régulièrement amputé des sommes destinées au soutien aux opérations immobilières des établissements confrontés à des besoins croissants de maintenance, de modernisation et d'agrandissement. Ainsi, en 2013, 42 millions d'euros ont été mobilisés pour ces opérations.

Le fonds de roulement s'établit désormais à 83,5 millions d'euros, soit 41 jours de fonctionnement de l'Agence, mais à seulement 57,7 millions d'euros après déduction des autorisations d'engagement de la programmation immobilière, soit l'équivalent de 29 jours de fonctionnement.

Le soutien aux opérations immobilières des établissements de l'AEFE

S'agissant des établissements en gestion directe, la programmation immobilière a représenté en 2012 un montant de dépenses de 25 millions d'euros et a généré une prévision de dépenses pour 2013 estimée à 30 millions d'euros.

Au cours de l'année scolaire 2012-2013, le conseil d'administration de l'AEFE a approuvé l'engagement de nouvelles opérations d'investissement pour les établissements de Buenos-Aires, Rome, Abou Dhabi, Casablanca, Tunis, Prague, Moscou et Vientiane.

Ces opérations totalisent un montant d'investissement s'élevant à environ 50 millions d'euros, financés par une participation des services centraux de l'AEFE prélevée sur ses fonds propres (15 millions d'euros) et par un prélèvement sur le fonds de réserve des établissements concernés pour environ 20 millions d'euros. Le solde de ce financement doit être assuré par recours aux avances de France Trésor , le remboursement de ces avances étant assuré par les établissements bénéficiaires de l'investissement.

En 2013, il est prévu de recourir à ces avances pour un montant de 8,8 millions d'euros destinés aux établissements du Caire, de Nouakchott, Tunis, Amman, Buenos-Aires et Casablanca, puis, en 2014, à hauteur de 9,5 millions d'euros.

Concernant les établissements conventionnés, l'AEFE soutient des projets immobiliers en participant à leur financement sous la forme de subventions d'investissement pour environ 6 millions d'euros. Les subventions les plus importantes ont concerné, en 2013, les établissements d'Amman, Phnom Penh, Bangkok, Mascate, Le Cap, Singapour, Brasilia et Kinshasa.

Sur le plan des responsabilités immobilières, le transfert à l'AEFE de la gestion des biens domaniaux occupés par les établissements en gestion directe a été acté par décision interministérielle datée du 15 avril 2013. Ce transfert sera effectif à la fin de l'année 2013, lorsque seront passées les conventions d'utilisation de ces biens par l'Agence. À l'issue de ce transfert, l'AEFE sera seule à assurer la gestion de ce patrimoine, le ministère des affaires étrangères n'ayant plus vocation à y investir.

2. Un recours croissant à l'autofinancement

Les ressources propres de l'Agence proviennent de deux sources : les recettes propres des établissements en gestion directe (essentiellement les frais de scolarité), soit 334,4 millions d'euros en 2013 , et les ressources propres du siège (participation des établissements à la rémunération des résidents et contribution de 6 % assise sur les droits de scolarité perçus par les établissements en gestion directe et conventionnés), soit 209,5 millions d'euros.

Depuis 2009, le taux d'autofinancement des établissements comme celui du siège n'a cessé de croître.

Évolution du taux d'autofinancement des établissements

Source : Ministère des affaires étrangères

Ce taux correspond au rapport entre les subventions allouées par l'État et l'assiette des frais de scolarité des établissements en gestion directe et conventionnés. Cette proportion devrait atteindre 58,5 % puis 59,4 % respectivement en 2014 et 2015.

Cette progression s'explique notamment par la hausse de la contribution de 6 % assise sur les frais de scolarité (+ 12 % en 2013, soit 38 millions d'euros) du fait de l'augmentation régulière du nombre d'élèves scolarisés et par la participation à la rémunération des résidents (+ 13 %).

3. La réforme attendue de l'aide à la scolarité

Les familles françaises dont les enfants sont inscrits dans un établissement homologué (en gestion directe, conventionné par l'AEFE ou partenaire du réseau) peuvent bénéficier d'une aide à la scolarité . Depuis 2007, cette aide comprenait deux instruments : des bourses sur critères sociaux et un dispositif de « prise en charge » (dit PEC), sans condition de ressources, pour les classes de lycée.

Le coût de l'aide à la scolarité n'a cessé de croître dès sa création en termes de nombre de bénéficiaires, de montant et de coût moyen par année scolaire, rendant rapidement le dispositif insoutenable pour les finances publiques (programme 151).

Montant de l'aide à la scolarité

Source : Ministère des affaires étrangères

Comme le rappelle le directeur des Français de l'étranger et de l'administration consulaire dans son rapport présenté à la XIX e session de l'Assemblée des Français de l'étranger en septembre 2013, « les problèmes soulevés par la PEC dans les lycées français de l'étranger ont déclenché une prise de conscience des limites du modèle de l'aide à la scolarité dans le réseau d'enseignement français à l'étranger. Le système des bourses ne répondait plus à l'exigence d'équité en raison de règles d'attribution privilégiant certains pays et fondés sur des « points de charge » qui permettaient à certaines familles plus aisées de bénéficier de bourses à 100 %. Ce système était en outre devenu incontrôlable : la dépense relative aux bourses a été multipliée par trois depuis le milieu des années 1990. »

Votre rapporteur pour avis avait dressé un constat identique dans son avis relatif au projet de loi de finances pour 2013 . Les défauts du dispositif avaient également été relevés par la Mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale (MECS) dans un rapport paru en juillet 2010.

La suppression de la PEC , engagement présidentiel et première étape d'une réforme plus globale de l'aide à la scolarité, a été entérinée par l'article 42 de la loi de finances rectificative pour 2012 du 16 août 2012. Cette mesure s'est appliquée à la rentrée de septembre 2012 pour les pays du rythme Nord, et début 2013 pour les pays du rythme Sud . Des instructions ont été adressées aux postes consulaires pour identifier les familles pour lesquelles la suppression du dispositif pouvait être à l'origine de difficultés financières, afin qu'elles déposent une demande de bourse, mesure diversement interprétée localement.

Suite logique et annoncée de la suppression de la PEC, une réforme des bourses scolaires a été engagée à l'été 2012, en concertation avec la Commission nationale des bourses (CNB), avec deux objectifs : la modification des règles d'attribution, afin de réserver le dispositif aux familles qui en ont le plus besoin, et la clarification des responsabilités quant à la maîtrise des coûts.

Le nouveau système de bourses scolaires élaboré dans ce cadre a été mis en place à la rentrée de septembre 2013 pour le rythme Nord et le sera à la rentrée de janvier 2014 pour les pays du rythme Sud, avec toutefois, au cours de la première année de mise en oeuvre, des mesures transitoires pour les familles pénalisées par la réforme.

De nouveaux critères d'attribution ont été fixés, l'objectif recherché étant de prendre en compte la réalité des ressources des familles (revenu net disponible par personne). L'octroi d'une bourse est donc désormais déterminé en fonction du « reste à vivre », une fois payés les impôts, les charges sociales et les frais de scolarité, par rapport au coût de la vie locale (introduction d'un indice de parité de pouvoir d'achat).

La mise en oeuvre de ce nouveau dispositif s'inscrit dans le strict respect de l'enveloppe budgétaire allouée à l'aide à la scolarité : 110,3 millions d'euros pour 2013, 118,8 millions d'euros pour 2014 et 125,5 millions d'euros pour 2015 (dotations en loi de finances initiale qui intègrent la réutilisation intégrale, à l'horizon 2015, des sommes économisées par la suppression de la PEC en 2012). Pour cela, outre la substitution d'une logique d'enveloppe à une logique de guichet, ce dispositif inclut des outils de pilotage budgétaire : péréquation des moyens disponibles entre postes, dialogue de gestion entre les postes, l'AEFE et les établissements, et variation de la contribution progressive des familles.

La première année d'application du nouveau barème conduit à constater une progression du nombre de boursiers mais également une diminution parallèle des quotités attribuées . Des familles françaises à revenus très modestes, jusqu'alors boursières à 100 %, ont été contraintes de ne pas réinscrire leurs enfants dans nos établissements. Somme toute, il est encore trop tôt, moins d'un an après le début de la réforme, pour en tirer véritablement les conséquences en termes d'inscriptions . La prochaine année scolaire 2014-2015 sera certainement explicite en la matière.

C. LE DÉFI DE LA MODERNISATION ET DE L'ATTRACTIVITÉ

1. Moderniser les outils et développer les synergies

Le Centre national de l'enseignement à distance (CNED) compte, parmi ses 202 000 inscrits, 11 000 élèves français à l'étranger et 3 356 élèves étrangers.

Il proposera, à la rentrée 2014, à des élèves scolarisés ou non dans un établissement d'enseignement français un programme numérique en trois matières (français, mathématiques, histoire-géographie), venant par exemple en complément de leurs études. Les contenus du CNED viennent en effet de plus en plus souvent, à la demande des familles , en complément et non plus en substitution d'une scolarité classique .

À la fin de l'année 2014, l'ensemble des matières, de la sixième à la terminale, sera disponible sous format numérique. Il s'est engagé à cet effet dans le développement d'outils numériques : les cours et les corrections sont dématérialisés et le temps de réponse est passé à neuf jours, contre vingt-sept précédemment.

Il semble donc utile à votre rapporteur pour avis que les productions du CNED fassent l'objet d'une promotion particulière par les opérateurs du réseau culturel français à destination des expatriés comme des familles étrangères intéressés. Il salue à cet égard la diffusion d'une communication ministérielle au mois d'août auprès des établissements français à l'étranger et des familles, mais également les conclusions du plan d'action en faveur de l'enseignement français à l'étranger qui font du CNED un acteur à part entière dans ce domaine.

Les établissements de l'AEFE et de la MLF sont particulièrement demandeurs de ce type de contenus en soutien à leurs enseignements. Une centaine, à Mumbai par exemple à partir de la cinquième, comme votre rapporteur pour avis l'a constaté sur place, utilise déjà les produits du CNED dans ce cadre et ce nombre devrait être amené à augmenter dans les années à venir. Le développement de l'hybridation des contenus a d'ailleurs été abordé à l'occasion de la convention nationale de l'enseignement français à l'étranger, à laquelle a participé le CNED.

Récemment, le CNED a, par ailleurs, conclu un accord avec l'AEFE permettant à l'opérateur de scolariser gratuitement les élèves des établissements obligés de fermer en raison d'une grave grise politique, comme ce fut notamment le cas en Syrie, en Lybie ou encore en République Centrafricaine.

En outre, votre rapporteur pour avis partage l'analyse de la Cour des comptes s'agissant de l'insuffisance des relations entre les établissements de l'enseignement français à l'étranger et les autres opérateurs de la diplomatie culturelle . Des synergies pourraient à cet égard être mises en oeuvre, notamment s'agissant de la promotion de la langue française dans des zones où les établissements sont installés en nombre à l'instar du continent africain. À ce titre, il serait souhaitable que se règlent les conflits existant entre l'Institut français et les établissements de l'AEFE dans certains pays pour l'organisation des examens de certification.

En lien avec Campus France, l'AEFE aurait également avantage à s'engager en faveur de la promotion de l'enseignement supérieur français , afin d'inciter ses élèves étrangers à y poursuivre leur cursus. Seuls 50 % des bacheliers étrangers font aujourd'hui ce choix.

2. Diversifier les formes d'enseignement

La consultation lancée par la ministre déléguée en charge des Français de l'étranger au printemps 2013 sur les objectifs et le modèle économique du dispositif d'enseignement français à l'étranger et dont les conclusions viennent d'être publiées, comme l'audit de l'AEFE conduit par la Cour des comptes en 2012, ont conclu à la nécessité de diversifier, à moindre coût, l'offre éducative, notamment par le développement du labelFrancÉducation et du programme Français langue maternelle (FLAM) , destiné aux jeunes Français résidant à l'étranger mais non scolarisés dans un établissement du réseau. Il convient de rappeler, sur ce point, qu'environ 1,7 million d'élèves sont scolarisés dans l'enseignement bilingue.

Le Sénat a d'ailleurs organisé au mois de novembre 2012 les Premières rencontres internationales de l'enseignement bilingue francophone à l'initiative de votre rapporteur pour avis, qui ont réuni quatre acteurs majeurs : la direction générale de la mondialisation et des partenariats du ministère des affaires étrangères, l'AEFE, l'Institut français et le Centre international d'études pédagogique de Sèvres (CIEP).

Dans ce cadre, votre rapporteur pour avis estime, en outre, que les outils d'apprentissage du français développés par TV5Monde (près de cent exercices et trente fiches pédagogiques en lien avec l'actualité disponibles chaque semaine) et fort prisés des professeurs de français, comme des Alliances françaises et Instituts français, pourraient utilement être proposés aux filières bilingues, en soutien aux enseignements traditionnels.

L'offre éducative gagnerait également au développement de filières technologiques , très insuffisantes, dans les établissements du réseau français. À cet effet, l'annonce de la création de telles options dans le cadre du plan d'action en faveur de l'enseignement français à l'étranger constitue une avancée significative.

L'ensemble de ces objectifs pourrait utilement figurer au prochain contrat d'objectifs et de moyens de l'Agence pour la période 2014-2016, en cours de négociation.

3. Assurer un enseignement de qualité

L'AEFE assure la formation des personnels de son réseau, constitués de 11 % d'expatriés, de 50 % de résidents et de 39% de recrutés locaux des établissements en gestion directe. Les conclusions de la concertation font état d'une nécessaire amélioration de la formation des agents de droit local , qui ne bénéficient majoritairement pas d'un niveau de formation initiale identique à celui des enseignants du ministère de l'éducation nationale.

S'agissant des établissements bénéficiant d'une homologation, il semble indispensable de mettre en place des procédures de suivi, afin de contrôler la qualité de l'enseignement dispensé sur le long terme.

Plus largement, il convient de renforcer les liens du réseau avec le ministère de l'éducation nationale , afin d'optimiser les moyens de contrôle (inspections notamment) et de valoriser les avancées pédagogiques en France comme à l'étranger par un partage d'expériences.

III. CAMPUS FRANCE : LE TEMPS DE LA MATURITÉ

A. UN OPÉRATEUR RÉCENT

1. Une création tardive

Créé par le décret du 30 décembre 2011 pris en application de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 précitée, l'EPIC Campus France est placé sous la tutelle conjointe du ministre des affaires étrangères et du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .

Cette double tutelle et les mésententes persistantes qui en ont résulté expliquent en grande partie le non-respect des délais prévus par le législateur pour l'installation du nouvel opérateur , consistant au regroupement des activités du groupement d'intérêt public (GIP) CampusFrance et de l'association EGIDE et au transfert de la gestion des bourses autrefois confiée au Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS).

La mise en place de Campus France s'est déroulée en quatre étapes :

- du 1 er janvier à fin avril 2012, le GIP CampusFrance et EGIDE ont poursuivi leurs activités séparément. La dissolution de l'association est intervenue le 30 avril 2012 tandis que la convention constitutive du GIP arrivait à échéance le 28 avril 2012 ;

- du 1 er mai au 31 août 2012, l'EPIC, étant désormais opérationnel, la mise en place de sa gouvernance a été réalisée (nomination du directeur général par décret du 25 avril, puis du président du conseil d'administration par décret du Président de la République du 6 mai) malgré un périmètre de mission limité à celui des activités des deux entités fusionnées ;

- à partir du 1 er septembre 2012, Campus France a repris la totalité des activités internationales du CNOUS, conformément à l'article 8 de la loi du 27 juillet 2010. On rappellera que cette troisième phase, correspondant à l'installation effective de Campus France dans l'ensemble de son champ de compétence, aurait initialement dû être achevée le 31 décembre 2011 ;

- enfin, à compter du 1 er janvier 2013, l'EPIC a adopté une comptabilité publique concomitamment à la nomination d'un agent comptable public.

Outre un conseil d'administration de vingt-neuf membres, la gouvernance de l'opérateur comprend un conseil d'orientation de dix-neuf membres (représentants des étudiants, de la Conférence des chefs d'établissements d'enseignement supérieur et des collectivités territoriales) relatif aux modalités d'accueil des étudiants et chercheurs étrangers en France. Celui-ci ne s'est réuni pour la première fois que le 23 mai 2013. Parallèlement, le « forum Campus France », inscrit dans le décret constitutif de l'opérateur et officiellement lancé le 18 décembre 2012, rassemble 287 établissements d'enseignement supérieur autour de sept commissions thématiques, qui ont pour mission d'émettre des recommandations au conseil d'administration en vue de renforcer l'attractivité du système français.

Ainsi organisé, l'EPIC exerce ses missions selon les orientations définies conjointement par ses deux ministères de tutelle. Il permet à la France de disposer enfin, comme ses concurrents allemands et britanniques avec le Deutscher Akademischer Austausch Dienst (DAAD) et le British Council , d'un véritable opérateur au service de sa politique d'influence auprès des étudiants et chercheurs étrangers.

Trois dossiers demeurent toutefois en cours de finalisation :

- l'adoption du contrat triennal d'objectifs et de moyens de l'établissement, qui fait l'objet d'un développement spécifique dans le présent rapport ;

- la mise en place du nouvel accord d'entreprise pour l'ensemble des personnels de l'EPIC dépendant autrefois des régimes sociaux de leur entité d'origine. Les négociations entre la direction et les organisations syndicales représentatives ont abouti à la signature d'un protocole d'accord le 31 juillet dernier, qui devrait faire l'objet d'un vote lors du prochain conseil d'administration de Campus France d'ici la fin de l'année 2013 ;

- le regroupement des personnels sur le site de la Grange aux Belles dans le 10 ème arrondissement de Paris , afin de réaliser une fusion complète des services. Saisi dès sa constitution, le 16 septembre 2012, d'un projet de densification du site de la rue de la Grange aux Belles, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail n'a, à ce stade, pas émis l'avis qui lui était demandé, reportant ainsi à 2013 le lancement du projet et donc à 2014 le regroupement. Une partie du personnel du site de Denfert Rochereau a cependant d'ores et déjà été transférée sur le site de la Grange aux Belles en mars dernier.

2. Un transfert d'activités sujet à débat

Outre les difficultés malheureusement inhérentes à tout projet nécessitant la collaboration de deux tutelles, les blocages au coeur des retards observés dans l'installation de Campus France sont issus des réticences du CNOUS à transférer au nouvel EPIC ses activités internationales , attitude que votre rapporteur pour avis avait déjà dénoncée dans son rapport relatif au projet de loi de finances pour 2013.

De fait, le transfert de la gestion des bourses a occasionné, pour le CNOUS, une perte annuelle de recettes . Jusqu'en 2012, le CNOUS recevait ainsi près de 2,4 millions d'euros de subvention pour charge de service publique au titre de ses activités internationales, destiné notamment à la rémunération des 25 ETP chargés de cette mission, ainsi que des frais de gestion de l'ordre de 1,5 million d'euros.

Pour mémoire, la France a accueilli, en 2012, près de 22 000 boursiers, dont 14 500 bénéficiaires de bourses du Gouvernement français (BGF) pour un total de 74 millions d'euros. Toutefois, le nombre de bourses attribuées par la France a diminué de 10 % depuis 2008 et la dotation budgétaire correspondante de 14 %.

La convention de transfert des biens, droits et obligations afférents aux activités internationales du CNOUS n'a été signée que le 21 décembre 2012 entre les deux opérateurs et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Au préalable, entre le 1 er janvier et le 31 août 2012, le CNOUS a assuré pour le compte de Campus France la mise en oeuvre des conventions conclues au titre des programmes de mobilité internationale, avant que cette charge ne soit reprise intégralement, accompagnée du transfert des moyens humains et financiers correspondants.

Par ailleurs, une convention cadre a été signée entre les deux instances le 30 mai 2012, afin de fixer les conditions dans lesquelles les CROUS s'engagent à accueillir, dans les résidences universitaires, les étudiants boursiers gérés par l'EPIC à la demande de celui-ci.

Si le transfert des BGF s'est effectué sans difficulté majeure, le processus de transfert des bourses des gouvernements étrangers (BGE) a, pour sa part, duré de nombreux mois sans être pour autant intégralement réalisé : là réside la seconde source de critiques relatives au transfert de la gestion des bourses à Campus France, critiques dont s'est largement fait l'écho le CNOUS.

De fait, Campus France n'a pas repris en l'état l'intégralité des conventions conclues par son prédécesseur 5 ( * ) . Plusieurs raisons expliquent toutefois aisément ce résultat : l'extinction progressive de certaines conventions, l'intégration de la convention avec Total dans une convention plus large, les difficultés actuelles, en raison de la situation politique de ces pays, à négocier avec la Libye et la Syrie, mais également le choix de certains partenaires, à l'instar du Chili et du Mexique, de gérer eux-mêmes leurs programmes de mobilité.

D'aucuns estiment que la désaffection de certains pays est due à l'augmentation des tarifs de gestion opérée par Campus France à l'occasion de la renégociation des conventions. Votre rapporteur pour avis n'adhère pas à cette affirmation. Il rappelle à cet égard que la fixation des frais de gestion à 80 euros en moyenne par dossier et par mois par le nouvel opérateur est fort proche du niveau antérieurement pratiqué par le ministère des affaires étrangères pour la gestion des BGF. A contrario , les montants de l'ordre de 50 euros affichés par le CNOUS, inchangés depuis 1998, ne correspondaient manifestement plus à la réalité d'un coût horaire du travail qui avait augmenté de près de 45 % sur la période.

Votre rapporteur pour avis indique également, pour s'en féliciter, que de nouvelles conventions ont été négociées par Campus France , permettant à l'EPIC de gérer à ce jour un portefeuille de 90 conventions pour un nombre annuel de boursiers allant de 1 200 (Agence nationale des bourses du Gabon) à un seul (Université de Hanoï). Les dix principales conventions représentent toutefois 80 % du nombre total de boursiers.

B. UN BUDGET EN DIMINUTION POUR DES MISSIONS CONCURRENCÉES

1. L'accueil des étudiants étrangers : une concurrence internationale féroce

Campus France a pour missions essentielles, outre la gestion des bourses, de promouvoir l'enseignement supérieur français à l'international, mais également d'accueillir et d'informer les étudiants et chercheurs étrangers. À cet effet, il s'appuie, selon les données disponibles au 1 er juin 2013, sur un réseau de 199 espaces dédiés placés sous l'autorité des ambassadeurs, employant 300 personnes dans 112 pays pour l'organisation d'actions de promotion variées (salons, forums, visites thématiques, tournées universitaires, qui totalisent chaque année en moyenne 200 000 visiteurs), soit un réseau comparable à celui du British Council . L'EPIC dispose également d'un site Internet, décliné en une cinquantaine de versions locales, qui offre des informations sur le système universitaire français et les démarches à effectuer avant de venir en France.

Au cours de l'année scolaire 2012-2013, la France a accueilli 289 274 étudiants étrangers , soit une augmentation de 0,2 % par rapport à l'année précédente et de 30,6 % en dix ans. La population étudiante étrangère représente 12,1 % des étudiants inscrits dans l'enseignement supérieur français (contre 4 % aux États-Unis, 10 % en Allemagne et 22 % au Royaume-Uni). 75 % d'entre eux sont inscrits dans les universités , dont 43 % en licence, 45 % en master et 12 % en doctorat.

La répartition par discipline fait apparaître que les disciplines scientifiques sont choisies par 28 % des étudiants étrangers, suivies par l'administration, l'économie et la gestion (21 %), puis par les disciplines linguistiques et littéraires (20 %), les sciences humaines et sociales et les disciplines juridiques (12 % chacune). Enfin, 8 % des étudiants étrangers sont inscrits dans des facultés de médecine et de pharmacie, même si ces dernières filières sont en constante diminution.

La répartition globale de l'ensemble des étudiants étrangers par région d'origine indique que l'Afrique du Nord et sub-saharienne demeure la première région d'origine avec près de la moitié des étudiants (44,9 %) mais en diminution de 3,5 % en un an. L'Europe se situe à la deuxième place avec 26 % des inscrits 6 ( * ) . La mobilité en provenance d'Asie-Océanie représente quant à elle 15,9 % des étudiants étrangers et l'Amérique (Nord et Sud) 8,5 %. Enfin, la part des étudiants en provenance des pays du Proche et Moyen-Orient est de 4,7 %.

La dynamique en cours conduit à un certain rééquilibrage entre régions d'origine . Ainsi l'Afrique et le Moyen-Orient, dont étaient originaires 53 % des étudiants accueillis en 2007, est descendue à 49,4 % du total au profit du continent américain, en augmentation de 19 %, et de l'Asie (+ 11,6 %).

Si les comparaisons internationales doivent être approchées avec précaution, en raison de l'hétérogénéité des sources nationales, quelques grandes caractéristiques et tendances peuvent être observées.

Si les États-Unis, le Royaume-Uni, et l'Australie et les pays d'Europe de l'Ouest comme la France et l'Allemagne ont historiquement attiré le plus grand nombre d'étudiants, un nombre croissant de nouvelles destinations se positionnent en concurrents sérieux. De nombreux pays ont en effet élaboré des stratégies d'internationalisation de leur enseignement supérieur et ambitionnent de devenir des pays d'accueil d'étudiants et d'institutions étrangères d'excellence. L'Espagne et l'Italie se sont dotées d'agences de promotion de leur enseignement supérieur inspirées de leurs homologues européens, en particulier de Campus France. La Chine affiche depuis peu des ambitions fortes et entend devenir d'ici 2015 un des premiers pays d'accueil des étudiants internationaux dans le monde.

Face à cette concurrence internationale de plus en plus aiguë , la part relative de la plupart des grands pays d'accueil, notamment les États-Unis, sur le marché international de l'éducation, enregistre une régression, même si la part de la France est restée stable.

Votre rapporteur pour avis invite donc le Gouvernement à poursuivre les efforts entrepris en matière d'attractivité de l'enseignement supérieur français . À cet égard, la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, qui permettra, dans le cadre de mobilités encadrées, de dispenser des enseignements partiellement proposés dans des langues étrangères , devrait y contribuer sous les réserves évoquées précédemment par votre rapporteur pour avis s'agissant de la protection de la langue française.

De la même manière, les instructions données aux postes diplomatiques et aux préfectures prévoyant des facilitations procédurales pour des catégories ciblées d'étudiants internationaux et à potentiel de développement, ainsi que pour certains personnels académiques, devraient renforcer les coopérations universitaires. Il convient également de rappeler que, le 19 novembre 2012, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) a confirmé la suppression de la disposition du retrait du dossier d'inscription subordonné aux conditions de séjour .

Par ailleurs, des évolutions législatives et réglementaires (titre de séjour pluriannuel) sont attendues et faciliteront les déplacements et les séjours en France et dans l'Union européenne des étudiants et chercheurs internationaux.

2. Des perspectives budgétaires qui n'échappent pas à l'effort de maîtrise des dépenses publiques

Comme l'indiquent les documents budgétaires, l'EPIC Campus France se rattache à trois programmes différents :

- le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » du ministère des affaires étrangères dans le cadre de son action 2 « Coopération bilatérale », pour 9,96 millions d'euros destinés aux bourses et échanges d'expertises en 2014 ;

- le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche pour une dotation pour charge de service public de 1,8 million d'euros ;

- le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » du ministère des affaires étrangères pour une dotation de 7,09 millions d'euros sur l'action 2 « Coopération culturelle et promotion du français » et de 3,57 millions d'euros sur l'action 3 « Enjeux globaux » destinée aux bourses et échanges d'expertises. En outre, 77 millions d'euros sont inscrits sur l'action 4 « Attractivité et recherche ». Au sein de cette dernière action, il convient de distinguer la subvention pour charge de service public (4,06 millions d'euros en 2014) des transferts destinés au financement des bourses (72,94 millions d'euros).

Si l'opérateur devrait donc recevoir, selon le projet de loi de finances pour 2014, 99,5 millions d'euros de financements publics, les sommes destinées aux bourses par les programmes 150 et 185, soit un total de 93,6 millions d'euros, n'apparaissent pas à son compte de résultat , hormis pour ce qui concerne les frais de gestion.

S'agissant de la subvention pour charges de service public de l'EPIC versée par le ministère des affaires étrangères, le montant de 4,06 millions d'euros prévu pour l'année 2014 correspond à une diminution de 3,7 % des moyens de fonctionnement alloués par l'État.

Cette perspective correspond aux engagements pris par les tutelles dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens conclu pour la période 2013-2015. Ainsi, si la subvention pour charge de service public inscrite sur le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » du ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur restera stable à 1,8 million d'euros par an, celle du ministère des affaires étrangères, qui est son principal contributeur, diminuera progressivement : 4,062 millions d'euros en 2014 puis 3,992 millions d'euros en 2015 (soit une nouvelle baisse de 1,7 %), contre 4,218 millions d'euros en 2013.

Selon les informations fournies par Campus France à votre rapporteur pour avis, ces restrictions budgétaires devraient conduire l'opérateur à diminuer de 120 000 euros environ les moyens disponibles en 2014 pour les activités de promotion de l'enseignement supérieur français à l'international. 59 opérations de ce type ont été menées en 2013, contre 46 en 2012. Compte tenu de l'ampleur des défis à relever et de l'aggravation de la concurrence, votre rapporteur pour avis ne peut que regretter le désengagement progressif de l'État en faveur du fonctionnement de Campus France.

C. UN OPÉRATEUR À CONFORTER

1. Des facteurs de progrès

Malgré une subvention pour charge de service public en diminution constante, Campus France doit poursuivre ses efforts et renforcer son positionnement auprès des acteurs universitaires français et étrangers.

À cet égard, le rapport précité de la Cour des comptes sur le réseau culturel de la France à l'étranger formule une série de propositions destinées à améliorer l'attractivité universitaire de la France. Deux d'entre elles semblent particulièrement intéressantes à votre rapporteur pour avis :

- mettre en place un outil de suivi efficace des bénéficiaires de bourses sur le modèle du Club France Maroc ou de l'annuaire constitué par l'ambassade de France au Brésil, afin de faciliter les prises de contacts. Un tel outil existe déjà, avec des résultats encourageants, en Allemagne et au Royaume-Uni ;

- renforcer l'information aux étudiants étrangers , compte tenu des limites, malgré les progrès enregistrés, des espaces Campus France, dont l'efficacité varie en fonction de la fréquentation. La Cour propose sur ce point que Campus France s'appuie sur des enseignants des universités locales chargés, contre un complément de rémunération, de promouvoir le système français d'enseignement supérieur.

Force est toutefois de constater que la première difficulté rencontrée par l'opérateur dans la promotion des études supérieures en France réside dans le manque de lisibilité du système d'enseignement supérieur français (universités, grandes écoles, écoles spécialisées, etc.) et dans l'hétérogénéité des modalités d'accès . A contrario l'organisation du système de nos concurrents semble bien plus limpide. À titre d'exemple, au Royaume-Uni, l'ensemble des filières est organisé en bachelor , master et PhD . La seconde difficulté provient du manque d'empressement de certaines universités dans ce domaine (sites Internet incomplets, absence de lisibilité des formalités d'inscription et hétérogénéité de celles-ci selon les UFR, etc.). Pourtant, ce premier contact est déterminant dans un contexte universitaire très concurrentiel à l'international.

Votre rapporteur pour avis appelle également de ses voeux un renforcement des politiques mises en oeuvre dans le cadre de la « diplomatie scientifique » en direction des chercheurs étrangers, ainsi que le développement de partenariats de recherche internationaux . Il souhaite, de plus, le rétablissement des « stages enseignants » en France avec l'appui de la coopération décentralisée.

Les objectifs et actions du ministère des affaires étrangères
en matière de recherche

1/ Avec les pays industrialisés : contribuer à maintenir la recherche française à son meilleur niveau et l'insérer dans la recherche mondiale par le renforcement de partenariats scientifiques avec nos grands partenaires (Allemagne, États-Unis, Canada, Japon, Corée). La participation d'équipes de recherche française aux programmes européens entre dans ses priorités. Des programmes de recherche conjoints tels que les Partenariats Hubert Curien facilitent la mobilité des chercheurs, notamment celle des jeunes, et valorisent l'excellence scientifique. Des fonds franco-américains et franco-canadiens permettent de développer des liens privilégiés avec des universités de premier plan (MIT, Chicago, Berkeley, Stanford) par le financement de mobilités croisées, de recherches et d'événements scientifiques à forte visibilité ;

2/ Avec les pays émergents : renforcer les partenariats scientifiques de haut niveau qui favorisent la formation à et par la recherche tout en développant l'attractivité de la France auprès des jeunes chercheurs . La mise en place de laboratoires conjoints dans des domaines de pointe (mathématiques, informatique, eau, environnement) est recherchée. Ainsi, le Centre franco-indien pour la recherche avancée (CEFIPRA), cofinancé par le ministère des affaires étrangères et l'Inde à hauteur de 1,55 millions d'euros par an chacun, a permis de soutenir près de 400 projets conjoints de recherche depuis 25 ans ;

3/ Avec les pays du sud, notamment en Afrique sub-saharienne : encourager la formation et le transfert de capacités et la structuration de la recherche, en soutenant la réforme des systèmes nationaux d'enseignement supérieur et la création de pôles de compétence à vocation régionale. Ainsi, l'Agence nationale de recherche sur le Sida et les hépatites virales (ANRS ) a créé au Cameroun un centre d'excellence de recherches sur le VIH et les hépatites virales , incluant une formation des personnels, avec pour partenaires l'Institut de recherche pour le développement (IRD), l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), l'Institut Pasteur, l'Hôpital central de Yaoundé, le Centre Pasteur du Cameroun, l'Institut de recherches médicales et d'études des plantes médicinales du Cameroun. En 2012, le ministère des affaires étrangères a mobilisé 1,9 million d'euros pour la mise en oeuvre du Programme d'appui à la recherche en réseau en Afrique (PARRAF) d'une durée de trois ans : sept projets de réseaux scientifiques ont été sélectionnés dans les domaines de la santé, de l'agriculture et du développement urbain.

Source : Ministère des affaires étrangères

2. Un contrat d'objectifs et de moyens réaliste

Afin d'adapter l'exercice de la tutelle de l'État -des ministres des affaires étrangères et de l'enseignement supérieur et de la recherche en l'espèce- aux exigences d'évaluation de l'efficacité de l'action publique telle que prévues par la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) et conformément aux dispositions de l'article 1 er de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 précitée, l'EPIC Campus France est soumis à l'obligation de conclure un contrat d'objectifs et de moyens.

Le texte adressé au Secrétariat général du Gouvernement le 12 août 2013 pour transmission aux commissions parlementaires compétentes pour avis a fait l'objet, lors de son élaboration, d'un consensus des deux ministères de tutelle de l'établissement , comme des ministères cosignataires que sont le ministère de l'intérieur et celui de l'économie et des finances.

Le premier contrat d'objectifs et de moyens de Campus France propose, pour la période 2013-2015 , dont on peut regretter que la première année d'application soit déjà pratiquement écoulée , quatre objectifs stratégiques :

- la valorisation et la promotion des établissements d'enseignement supérieur et de recherche , ainsi que du système d'enseignement supérieur et de formation professionnelle français à l'international ;

- l'amélioration de l'accueil des étudiants et des chercheurs étrangers ;

- le suivi régulier et l'animation d'un réseau d'étudiants et de chercheurs ayant accompli tout ou partie de leur cursus dans l'enseignement supérieur français ou le réseau d'enseignement français à l'étranger ;

- l'amélioration de l'efficience dans la gestion administrative et financière des programmes de mobilité et d'attractivité.

Comme le veut l'exercice et afin de permettre à la tutelle de juger des actions menées pendant la période de référence du contrat au regard des objectifs fixés, des indicateurs de performance et d'activité sont associés à chacun de ces quatre objectifs, eux-mêmes divisés en sous-objectifs plus opérationnels.

Ainsi, le premier objectif stratégique comprend quatre sous-objectifs : développer les actions de promotions à l'étranger des études en France (augmentation du nombre d'établissements concernés et de manifestations organisées) ; développer des outils au service de la promotion des études en France (création de fiches de présentation des diplômes et des établissements, développement d'un moteur de recherche des Écoles doctorales, augmentation de la fréquentation du site Internet Campus France et des sites locaux) ; informer et conseiller les établissements français d'enseignement supérieur et de recherche en matière d'attractivité (développement de l'activité du Forum Campus France) ; enfin, optimiser la formation des personnels des ambassades chargés de la coopération universitaire.

Le deuxième objectif stratégique est également partagé en quatre sous-objectifs : mettre en place en 2014 un système d'information partagé avec le CNOUS sur l'accueil des étudiants boursiers de Campus France dans les résidences universitaires ; aider à la mise en place de guichets uniques pour l'accueil des étudiants étrangers dans les établissements ; développer une offre de services d'accueil et d'information à destination des étudiants étrangers (renforcement du dispositif d'accueil dans les aéroports parisiens, création d'un site Internet dédié) ; enfin, étudier les synergies possibles en matière d'accueil, notamment avec le réseau Euraxess France créé par la Commission européenne au profit des chercheurs (création de guichets uniques).

Le troisième objectif stratégique ne comprend, pour sa part, que deux sous-objectifs : concevoir un site Internet de mise en réseau des étudiants et chercheurs étrangers concernés pour une ouverture en 2014 avec une augmentation progressive du nombre de pays et d'actifs répertoriés ; animer parallèlement le réseau des anciens boursiers de Campus France en les incitant à adhérer au dispositif mis en place.

Enfin, le quatrième objectif stratégique est divisé en cinq sous-objectifs visant tous à améliorer l'efficience de la gestion de l'EPIC pour, respectivement, les moyens attribués au titre de la promotion de l'enseignement supérieur français à l'international, des crédits des bourses et des programmes gérés par Campus France. Il s'agit ici d'améliorer la productivité de l'établissement, mais également sa gestion interne dans un contexte de diminution progressive de la subvention pour charge de service public reçue par le ministère des affaires étrangères.

Au regard de la diminution annoncée des crédits publics, le contrat d'objectifs et de moyens présenté a le mérite d'un grand réalisme : les ambitions affichées apparaissent raisonnables, d'autant qu'il est prévu de les atteindre grâce à des gains de productivité et à une rationalisation de la gestion de l'opérateur , philosophie saluée par votre rapporteur pour avis.

Deux points méritent également d'être soulignés : d'une part, la décision de mettre en place un outil de référencement commun avec le CNOUS , avec lequel les relations n'ont pas été des plus apaisées à la création de Campus France, dont on peut souhaiter qu'il contribue à améliorer la collaboration entre les deux opérateurs ; d'autre part, la mise en place d'un véritable suivi des étudiants et des chercheurs étrangers ayant effectué tout ou partie de leurs cursus en France, qui constitue une recommandation forte de la Cour des comptes dans son rapport précité. Il est toutefois regrettable que cet outil ne concerne que les boursiers.

Par ailleurs, votre rapporteur pour avis partage les observations de Campus France quant à la composition de ses organes de gouvernance , même si ce point ne ressort pas du contrat d'objectifs et de moyens.

Si l'ensemble constitue une construction équilibrée en termes de représentation des acteurs de la mobilité internationale, on peut cependant regretter une surreprésentation des administrations au conseil d'administration . De même, la présence du CNOUS , qui n'a pris part que deux fois aux délibérations du conseil, ne se justifie guère .

En revanche, l'absence totale de représentants du monde économique , au conseil d'administration comme au conseil d'orientation, est dommageable. De la même manière, il serait souhaitable, compte tenu du rôle de Campus France en matière de délivrance des visas, que le ministère de l'intérieur y dispose d'un siège .

Enfin, il aurait été préférable que le Président soit nommé en dehors du conseil d'administration, afin d'éviter qu'un président démissionnaire en demeure membre.

Pour l'ensemble des raisons exposées et en dépit de ces quelques remarques, votre rapporteur pour avis recommande à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication de donner un avis favorable à ce premier contrat d'objectifs et de moyens, dont il suivra avec attention la mise en oeuvre.

CONCLUSION

L'effort de rationalisation des dépenses demandé à l'ensemble de l'administration française a pour conséquence qu' il n'est guère, pour l'année 2014, de politique protégée.

La diplomatie culturelle est d'influence de la France n'échappe pas à la règle. Quel que soit l'opérateur concerné, les subventions de l'État diminuent et la tendance devrait se confirmer dans les années à venir : tous sont amenés à trouver d'autres sources de financement pour maintenir, voire développer, leur activité.

En outre, la France ne pourra plus longtemps faire l'économie d'une réflexion sur l' allocation géographique des moyens de son réseau culturel , afin d'établir la meilleure stratégie en faveur de la promotion de la langue, de la culture et de l'économie françaises, dans un contexte budgétaire durablement déprimé.

La France ne doit en effet pas renoncer à sa mission sur la scène internationale : elle doit seulement adapter les moyens d'y parvenir à la réalité de sa puissance financière .

Dans l'attente de cette mutation, les acteurs de la diplomatie culturelle et d'influence resteront, à n'en pas douter, mobilisés. Comme à leur habitude, ils poursuivront avec passion leurs projets, oeuvrant sans relâche pour que l'esprit français demeure au-delà des frontières.

Les Français vivent certes mal la mondialisation. La question est pourtant de savoir si nous voulons être des « mondialisateurs » ou des « mondialisés ». À des élites démissionnaires, qui misent sur l'unicité linguistique, source de réduction des créativités, il faut d'abord opposer une confiance renouvelée . « Puissance d'influence », la France doit réapprendre à aimer sa langue contre une impuissance qui s'installe dans un laisser-aller indigne et fautif.

En conséquence de l'ensemble des critiques développées ci-avant sur un projet de budget décevant, votre rapporteur pour avis recommande à votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication, de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État » .

Contrairement à l'avis de votre rapporteur pour avis, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État » .

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 13 NOVEMBRE 2013

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - En l'absence de notre collègue Louis Duvernois, empêché pour raison de santé, Jacques Legendre a accepté -et je l'en remercie- de présenter devant la commission les crédits du projet de loi de finances pour 2014 relatifs à l'action culturelle extérieure de la France ainsi que le projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) de Campus France pour les années 2013 à 2015.

M. Jacques Legendre . - Madame la présidente, chers collègues, les sujets abordés dans le présent rapport me tiennent particulièrement à coeur. C'est pourquoi j'ai accepté avec plaisir de représenter notre collègue Louis Duvernois.

L'action culturelle extérieure présente des visages aussi variés que les acteurs qui y concourent : elle concerne aussi bien l'éducation et la promotion de la langue française que les échanges artistiques et scientifiques.

Le ministère des affaires étrangères joue bien logiquement un rôle majeur en matière d'animation et de financement du vaste dispositif que constitue l'action culturelle extérieure, même si d'autres ministères, et en particulier celui de la recherche et de l'enseignement supérieur, y participent activement.

Pour la dixième année consécutive, le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État » du ministère des affaires étrangères est affecté, dans le projet de loi de finances pour 2014, d'une réduction des moyens qui lui sont alloués. Après une diminution maîtrisée de 0,54 % en 2013, l'année 2014 s'annonce plus austère pour le réseau culturel français, qui enregistre une contraction de 3,3 % des crédits, à 724,7 millions d'euros.

Ces crédits sont répartis entre les six actions, de périmètre fort inégal, du programme : l'animation du réseau (44,1 millions d'euros), la coopération culturelle et la promotion du français (73,6 millions d'euros), les enjeux globaux (8,9 millions d'euros), l'attractivité et la recherche (101,8 millions d'euros), l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (416,5 millions d'euros), enfin, les dépenses de personnel (79,6 millions d'euros).

L'ensemble des dispositifs participe à l'effort d'économie. Ainsi, dans le cadre de la participation des opérateurs à la réduction de la dépense publique, leurs subventions ont été révisées : Campus France contribuera à hauteur de 0,16 million d'euros et l'Institut français pour 2,5 millions d'euros.

La subvention à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) diminue, pour sa part, de 8,5 millions d'euros, compte tenu de la stabilisation des taux des pensions civiles et des économies de fonctionnement jugées possibles. Pourtant, le nombre d'élèves scolarisés ne cesse de croître : après une augmentation de 30 % au cours des dix dernières années, la rentrée 2013 a induit près de 3 500 inscriptions supplémentaires. Cette croissance, dont il convient cependant de se réjouir dans la mesure où elle signe la reconnaissance de la qualité de l'enseignement français à l'étranger, engendre des coûts importants, notamment en termes immobiliers, que la dotation de l'AEFE peine désormais à couvrir.

S'agissant du réseau des instituts culturels, l'achèvement de la fusion des services de coopération et d'action culturelle (SCAC) et des établissements à autonomie financière (EAF) permet de réduire les crédits exceptionnels de restructuration du réseau à 1,4 million d'euros, soit une diminution de 53 % par rapport à 2013. La réduction des dotations de fonctionnement aux EAF s'établit à nouveau à 4 % en 2014 (40,7 millions d'euros), tandis qu'ils bénéficient de 12,6 millions d'euros pour leurs opérations. Par ailleurs, les subventions aux alliances françaises diminuent de 4,3 % pour s'établir à 7,02 millions d'euros. Enfin, les crédits dédiés à l'animation du réseau communication, missions d'évaluation, informatique, formation des agents, frais de missions et de représentation baissent de 4,3 %.

Plus encore que l'an passé, le réseau culturel français devra donc déployer des trésors d'imagination pour poursuivre la rationalisation de son fonctionnement sans renoncer à ses ambitions au bénéfice de l'influence de la France dans le monde. Sur ce point, j'estime fort dommageable l'abandon du projet, expérimenté depuis 2012, de rattachement des EAF à l'Institut français. Certes coûteuse dans un premier temps, la réforme aurait utilement permis de rationaliser les actions du réseau et de mutualiser certains coûts, notamment en matière de formation des agents.

Quoi qu'il en soit, la restriction continue des moyens dédiés à la diplomatie culturelle conduira prochainement le réseau à son niveau d'étiage, à partir duquel les efforts sur les coûts de fonctionnement ne suffiront plus au maintien d'un service de qualité.

Au-delà de la traditionnelle analyse des crédits alloués au programme 185 pour 2014, j'ai souhaité, cette année, orienter mes travaux dans une double direction : la francophonie et la promotion de la langue française d'une part, l'activité et les perspectives de l'opérateur Campus France, au sujet desquelles notre commission doit se prononcer à l'occasion de l'examen du prochain contrat d'objectifs et de moyens, d'autre part.

Selon l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), près de 220 millions de personnes utiliseraient quotidiennement la langue française, dont près de la moitié en Afrique. Ce chiffre pourrait atteindre 500 millions de personnes à l'horizon 2050, en fonction des prévisions de croissance démographique de ce continent. J'estime toutefois qu'au regard de l'offensive des langues vernaculaires et de l'anglais en Afrique francophone, ces prévisions semblent à tout le moins très optimistes, si ce n'est irréalistes.

Certes, à première vue, l'attractivité de la langue française semble ne rien avoir perdu de sa superbe : on compterait ainsi 450 000 professeurs de français à l'étranger et 100 millions d'élèves et d'étudiants francophones, ce qui ferait du français la deuxième langue la plus enseignée après l'anglais.

Toutefois, la géographie de l'apprentissage du français est mouvante et dépend de critères extrêmement variés, à l'instar de l'évolution du pouvoir d'achat local, des flux migratoires, du dynamisme du réseau mais également de l'importance donnée au français dans les programmes scolaires et universitaires.

En outre, ces chiffres encourageants masquent une tout autre réalité : le recul inexorable de la francophonie dans de nombreux pays, y compris des États membres de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), où les élites francophones, vieillissantes et parfois déconsidérées, ont laissé la place à des dirigeants économiques et politiques bien davantage anglophones.

La réalité de l'usage du français dans les organisations internationales et européennes, où il a pourtant statut de langue officielle, est également source d'inquiétudes.

Ainsi, l'office statistique européen Eurostat ne publie plus ses résultats qu'en anglais, l'Office européen des brevets, par le biais du protocole de Londres, tente d'imposer l'anglais comme langue scientifique et technique et de nombreux documents de travail européens à destination de l'État français sont rédigés en anglais.

L'association des fonctionnaires francophones des organisations internationales a d'ailleurs déposé plainte, le 18 octobre dernier, contre la Commission européenne, en raison de l'absence de traduction prévue dans le cadre de l'appel à candidatures pour la mise en place d'une plateforme de lutte contre la fraude fiscale.

En outre, aux Nations-Unies, la maîtrise de l'anglais est exigée dans 87 % des recrutements, tandis que celle du français l'est dans moins de 7 % des cas : cette dérive a d'ailleurs été dénoncée en 2011 par le corps commun d'inspection de l'Organisation des Nations unies (ONU).

Dans ce cadre, je souhaite saluer l'initiative du Premier ministre, qui a rappelé dans une circulaire en date du 25 avril dernier, l'obligation d'emploi de la langue française dans l'ensemble des outils de communication publique et par les fonctionnaires français dans le cadre des relations internationales. Il y est notamment précisé que l'usage d'une langue tierce ne doit se faire « qu'en ultime recours ».

Toutefois, dans ce contexte, la diminution de 5,6 millions d'euros des crédits destinés aux organisations multilatérales de la francophonie inscrit sur l'action 5 « Coopération multilatérale » du programme 209 « Aide au développement », qui étaient pourtant restés stables depuis plusieurs années, me semble particulièrement malvenue.

L'opérateur Campus France, qui fait l'objet de mon second « focus », est placé sous la tutelle conjointe du ministre des affaires étrangères et du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Il a pour missions essentielles, outre la gestion des bourses, de promouvoir l'enseignement supérieur français à l'international, mais également d'accueillir et d'informer les étudiants et chercheurs étrangers. À cet effet, il s'appuie sur un réseau de 199 espaces dédiés placés sous l'autorité des ambassadeurs, employant 300 personnes dans 112 pays pour l'organisation d'actions de promotion variées (salons, forums, visites thématiques, tournées universitaires, qui totalisent chaque année en moyenne 200 000 visiteurs), soit un réseau comparable à celui du British Council. L'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) dispose également d'un site Internet, décliné en une cinquantaine de versions locales, qui offre des informations sur le système universitaire français et les démarches à effectuer avant de venir en France.

Au cours de l'année scolaire 2012-2013, la France a accueilli 289 274 étudiants étrangers, soit une augmentation de 0,2 % par rapport à l'année précédente et de 30,6 % en dix ans. Ils représentent 12,1 % des étudiants inscrits dans l'enseignement supérieur français (contre 4 % aux États-Unis, 10 % en Allemagne et 22 % au Royaume-Uni). 75 % d'entre eux sont inscrits dans les universités.

La répartition globale de l'ensemble des étudiants étrangers par région d'origine indique que l'Afrique du Nord et sub-saharienne demeure la première région d'origine avec près de la moitié des étudiants (44,9 %) mais en diminution de 3,5 % en un an. L'Europe se situe à la deuxième place avec 26 % des inscrits.

Si les comparaisons internationales doivent être approchées avec précaution, en raison de l'hétérogénéité des sources, on observe qu'un nombre croissant de nouvelles destinations, à l'instar de l'Espagne et de l'Italie en Europe, se positionnent en concurrents sérieux. La Chine affiche également des ambitions fortes et entend devenir d'ici 2015 un des premiers pays d'accueil des étudiants internationaux dans le monde.

Face à une concurrence internationale de plus en plus aiguë, il est heureux de constater que la place de la France est restée stable.

Pour autant, les restrictions budgétaires imposées à Campus France en 2014 devraient conduire l'opérateur à limiter ses activités de promotion de l'enseignement supérieur français à l'international, ce qui apparaît fort regrettable au regard de l'ampleur des défis à relever et de l'aggravation de la concurrence.

Il pourrait, en outre, être utile, comme le propose la Cour des comptes dans son rapport de septembre 2013 sur le réseau culturel de la France à l'étranger, de :

- mettre en place un outil de suivi efficace des bénéficiaires de bourses sur le modèle du Club France Maroc ou de l'annuaire constitué par l'ambassade de France au Brésil, afin de faciliter les prises de contacts. Un tel outil existe déjà, avec des résultats encourageants, en Allemagne et au Royaume-Uni ;

- renforcer l'information aux étudiants étrangers, compte tenu des limites, malgré les progrès enregistrés, des espaces Campus France, dont l'efficacité varie en fonction de la fréquentation. L'opérateur pourrait s'appuyer à cet effet sur des enseignants des universités locales chargés, contre un complément de rémunération, de promouvoir le système français d'enseignement supérieur.

Au-delà de ce rapide bilan, nous sommes saisis, mes chers collègues, du premier projet de contrat d'objectifs et de moyens de Campus France, qui couvre la période 2013-2015. Il a fait l'objet, lors de son élaboration, d'un consensus des deux ministères de tutelle de l'établissement, comme des ministères cosignataires que sont le ministère de l'intérieur et celui de l'économie et des finances.

Ce document, dont on peut regretter que la première année d'application soit déjà pratiquement écoulée, propose quatre objectifs stratégiques :

- la valorisation et la promotion des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, ainsi que du système d'enseignement supérieur et de formation professionnelle français à l'international ;

- l'amélioration de l'accueil des étudiants et des chercheurs étrangers ;

- le suivi régulier et l'animation d'un réseau d'étudiants et de chercheurs ayant accompli tout ou partie de leur cursus dans l'enseignement supérieur français ou le réseau d'enseignement français à l'étranger ;

- enfin, l'amélioration de l'efficience dans la gestion administrative et financière des programmes de mobilité et d'attractivité.

Comme le veut l'exercice et afin de permettre à la tutelle de juger des actions menées pendant la période de référence du contrat au regard des objectifs fixés, des indicateurs de performance et d'activité sont associés à chacun de ces quatre objectifs, eux-mêmes divisés en sous-objectifs plus opérationnels.

Au regard de la diminution annoncée des crédits publics, le contrat d'objectifs et de moyens présenté a le mérite d'un grand réalisme : les ambitions affichées apparaissent raisonnables, d'autant qu'il est prévu de les atteindre grâce à des gains de productivité et à une rationalisation de la gestion de l'opérateur, philosophie que je salue.

Deux points méritent également d'être soulignés : d'une part, la décision de mettre en place un outil de référencement commun avec le Centre national des oeuvres universitaires et scolaire (CNOUS), avec lequel les relations n'ont pas été des plus apaisées à la création de Campus France, dont on peut souhaiter qu'il contribue à améliorer la collaboration entre les deux opérateurs ; d'autre part, la mise en place d'un véritable suivi des étudiants et des chercheurs étrangers ayant effectué tout ou partie de leurs cursus en France, qui constitue une recommandation forte de la Cour des comptes. Il est toutefois regrettable que cet outil ne concerne que les boursiers.

Par ailleurs, je partage les observations de Campus France quant à la composition de ses organes de gouvernance, même si ce point ne ressort pas du contrat d'objectifs et de moyens.

Si l'ensemble constitue une construction équilibrée en termes de représentation des acteurs de la mobilité internationale, on peut cependant regretter une surreprésentation des administrations au conseil d'administration. De même, la présence du CNOUS, qui n'a pris part que deux fois aux délibérations du conseil, ne se justifie guère.

En revanche, l'absence totale de représentants du monde économique, au conseil d'administration comme au conseil d'orientation, apparaît dommageable. De la même manière, il serait souhaitable, compte tenu du rôle de Campus France en matière de délivrance des visas, que le ministère de l'intérieur y dispose d'un siège.

Pour l'ensemble des raisons exposées et en dépit de ces quelques remarques, je vous propose de donner un avis favorable à ce premier contrat d'objectifs et de moyens, dont il conviendra de suivre avec attention la mise en oeuvre.

En revanche, vous l'aurez compris mes chers collègues, compte tenu du sous-dimensionnement de l'enveloppe budgétaire aux ambitions culturelles françaises à l'étranger, je ne puis vous proposer de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 185 « diplomatie culturelle et d'influence » au sein de la mission « Action extérieure de l'État ».

Par ailleurs, j'aurais souhaité que nous puissions entendre la ministre déléguée à la francophonie avant de nous prononcer.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Le responsable de ce programme est le ministre des affaires étrangères lui-même.

Mme Françoise Cartron . - Je comprends parfaitement les réticences exprimées sur les réductions de crédit proposées lorsqu'il s'agit de culture et de rayonnement de la France à l'étranger mais ce domaine, comme les autres, doit se confronter à la réalité d'un environnement économique difficile et faire l'effort de participer également au redressement des comptes publics. Il me semble, en outre, que le projet de budget pour 2014 permet encore à la France d'assumer des ambitions culturelles élevées.

M. Pierre Bordier . - Il y a quelques années, à l'occasion d'un déplacement dans le Caucase, un interlocuteur m'avait fait cette remarque : « Nous n'aimons pas les Américains mais ils nous aident. Nous aimons les Français mais ils ne nous aident pas. » Dans le contexte actuel de réduction des crédits destinés au rayonnement de la France à l'étranger, cette affirmation n'en a que plus de sens. Il me paraît d'ailleurs révélateur d'avoir été récemment interpellé par un ambassadeur de cette région en vue de participer, dans le cadre de la réserve parlementaire, au financement d'une association locale de promotion de la langue française.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Certes, l'environnement économique est difficile mais la fuite en avant dans l'austérité que propose le projet de budget pour 2014 ne représente pas une solution efficace pour revenir à la croissance. J'estime à cet égard particulièrement regrettable que les crédits destinés aux politiques culturelles soient à nouveau sacrifiées alors même que ces dernières sont indispensables au « vivre ensemble ».

M. André Gattolin . - Il est exact que certains domaines de l'action extérieure de la France, notamment pour ce qui concerne l'immobilier diplomatique, peuvent encore être rationalisés. En revanche, il ne faut pas négliger la diplomatie d'influence au bénéfice de la seule diplomatie économique. À long terme, les effets négatifs d'une telle politique sur le rayonnement de la France et du français pourraient bien être définitifs, d'autant qu'à la faiblesse des crédits s'ajoute l'absence de grandes fondations françaises à l'international, à l'instar de celles qui existent en Allemagne et au Royaume-Uni. À titre d'exemple, la commission des affaires européennes du Sénat a récemment reçu une délégation du Sénat italien. Il y a 20 ou 30 ans, l'ensemble des parlementaires invités auraient maîtrisé la langue française. Aujourd'hui, seul le président de la délégation possédait quelques notions de français.

M. David Assouline . - Si nul ne peut contester la priorité donnée par le Gouvernement aux politiques culturelles, la nécessité globale de réduire les dépenses publiques ne peut non plus être occultée, comme le fait notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin. Je m'étonne également de la position paradoxale de notre collègue Jacques Legendre, qui critique la réduction des crédits alloués en 2014 à l'action culturelle extérieure, tout en approuvant ceux qui contestent toute augmentation de la pression fiscale.

J'estime, s'agissant du présent programme, que des économies supplémentaires peuvent encore être réalisées par la poursuite des efforts de rationalisation afin d'éviter de réduire par trop les investissements.

Mme Marie-Annick Duchêne . - Je partage entièrement l'analyse de notre collègue André Gattolin : la francophonie ne se limite pas à la culture ; elle transmet également des valeurs. Toutefois, la diplomatie économique ne doit pas être négligée. Lors d'un déplacement au Cambodge, j'ai ainsi constaté que, depuis le financement de cours d'anglais dans les écoles par Toyota en lieu et place des anciens coopérants français, les voitures Peugeot avaient disparu.

M. Jacques Legendre . - Si le rapport que je vous ai présenté est celui de notre collègue Louis Duvernois, il ne diffère en rien de l'opinion qui est la mienne. Je m'inquiète en effet depuis de nombreuses années de l'érosion progressive des crédits destinés à l'action culturelle extérieure, et ce quelle que soit la majorité au pouvoir. J'ai notamment déjà dénoncé devant notre commission les difficultés de fonctionnement de certains postes culturels à l'étranger.

Plus largement, les gouvernements successifs ont réduit, ces dix dernières années, les moyens alloués à la diplomatie française profitant du caractère légitimiste des diplomates. Or, l'exercice atteint aujourd'hui ses limites : le budget du ministère des affaires étrangères ne correspond plus aux ambitions affichées. C'est pourquoi je vous propose, chers collègues, d'aider le ministère à défendre les moyens de son action en donnant un avis défavorable aux crédits du programme 185 inscrits au projet de loi de finances pour 2014.

Contrairement à la position du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » .

Mme Dominique Gillot . - La création de Campus France devait constituer un facteur de rationalisation des coûts en matière de coopération universitaire et d'accueil des étudiants étrangers. Toutefois, force est de constater que l'installation de l'opérateur fut quelque peu agitée entraînant même la démission de son président Christian Demuynck. Ces temps difficiles ont passé : la nomination d'une nouvelle présidente, la modernisation de l'organisation interne et l'élaboration d'un contrat d'objectifs et de moyens en sont la preuve.

Ce premier contrat est le résultat d'un rapprochement des deux ministères de tutelle et du développement bienvenu d'une concertation efficace avec la Conférence des présidents d'université (CPU), qui contribue également à la politique de rayonnement universitaire de la France grâce à des partenariats avec des établissements étrangers.

En outre, un accord d'établissement a été signé avec les représentants des personnels, il instaure une grille unique de classification des emplois de l'opérateur.

Par ailleurs, la situation financière de Campus France ne constitue pas à ce jour une source d'inquiétude : si les ressources issues des produits d'exploitation diminuent le résultat net de l'établissement demeure positif et devrait s'établir à 1,5 million d'euros en 2014. À cet égard, il convient de rappeler que les contraintes budgétaires qui s'imposent à l'opérateur ne sont pas sans rapport avec les conditions chaotiques de son installation, d'une part, et l'assouplissement récent des conditions d'accueil des étudiants étrangers, d'autre part.

Si des progrès demeurent nécessaires, notamment en matière de formation des agents locaux, j'estime que le bilan d'activité de Campus France est positif et que les crédits dont il disposera en 2014 devraient, grâce à un effort de rationalisation du fonctionnement, être suffisants.

Conformément à la position du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable au contrat d'objectifs et de moyens 2013-2015 de Campus France.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

- M. Jean-Loup CUISINIEZ, spécialiste de la confédération française démocratique du travail (CFDT) en matière de francophonie et diversité linguistique

Ministère des affaires étrangères

- Mme Anne-Marie DESCÔTES, directrice générale de la mondialisation, du développement et des partenariats

-  M. Jean-Baptiste LESECQ, directeur adjoint des programmes et du réseau

- Mme Anne GRILLO, directrice de la coopération culturelle, universitaire et de la recherche

Cabinet de Mme Yamina BENGUIGUI, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée de la francophonie

- M. Boris FAURE, conseiller

- M. Mustapha BAYADROUN, conseiller

Centre national d'enseignement à distance (CNED)

- M. Marc-Antoine JAMET, président du conseil d'administration

- M. Serge BERGAMELLI, directeur général

Air France

- M. Franck RAIMBAULT, directeur juridique

- Mme Patricia MANENT, directrice adjointe des affaires publiques

Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE)

- Mme Marie-Hélène FARNAUD-DEFROMONT, directrice

- Mme Raphaëlle DUTERTRE, chargée des relations avec le Parlement

TV5Monde

- M. Ivan KABACOFF, responsable communication

Contributions écrites

- Service des affaires francophones du ministère des affaires étrangères

- Institut français

- Fondation Alliance française

- Campus France


* 1 Culture et recherche au coeur des années croisées France-Vietnam, rapport d'information n° 27 (2013-2014).

* 2 Accord conclu en octobre 2000 entre des pays de l'Office européen des brevets (OEB), c'est-à-dire signataires de la convention de Munich de 1973. Ce protocole a pour objet de simplifier le régime linguistique des brevets en Europe, en invitant les pays à renoncer à une partie des exigences de traduction au stade de la validation des brevets européens délivrés.

* 3 Question écrite n° 05068 publiée dans le JO Sénat du 28/02/2013 - Réponse du ministère chargé de la francophonie publiée dans le JO Sénat du 21/03/2013.

* 4 Le Figaro du 28 mai 2013.

* 5 Selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis par le ministère des affaires étrangères, 33 conventions n'auraient pas été reprises.

* 6 Il faut cependant souligner que les étudiants du programme Erasmus, qui restent inscrits dans leur établissement d'origine, ne sont pas toujours recensés ce qui minimise la part des étudiants en provenance des 26 pays adhérents.

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