B. UNE INVERSION DE LA TENDANCE DANS LE PLF 2013
Dès lors, votre rapporteur pour avis avait salué l'an passé un projet de loi de finances pour 2013 qui constituait une rupture salutaire pour la PJJ , bien plus significative que la hausse constatée en loi de finances initiale pour 2012. En effet, celle-ci avait certes prévu une augmentation des crédits de 4,6 % en autorisations d'engagement et de 2 % en crédits de paiement, mais l'essentiel de cette progression visait à financer l'ouverture de vingt nouveaux centres éducatifs fermés (CEF) issus de la transformation de foyers « classiques » existants. Le plafond d'emplois alloués à la PJJ, quant à lui, avait d'ailleurs à nouveau diminué de 106 équivalents temps plein (ETP).
L'augmentation des crédits prévue pour 2013 était ainsi de 1,09 % en autorisations d'engagement et de 2,41 % en crédits de paiement. Le montant total du programme 182 atteignait dès lors 800,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et 790,7 millions d'euros en crédits de paiement. En outre, le nombre d'emplois effectivement créé s'est élevé en 2013 à 75 ETPT.
Évolution des crédits alloués à la PJJ en loi de finances initiale depuis 2007
(en millions d'euros) |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
Total des crédits alloués
|
796,3 |
804,4 |
784,1 |
774 |
757,6 |
772 |
790 |
Source : DPJJ
C. UNE LÉGÈRE DIMINUTION DES CRÉDITS EN 2014
En loi de finances pour 2014, la PJJ n'échappe pas à la rigueur qui pèse sur la quasi-totalité des programmes budgétaires de l'État.
1. L'évolution de la maquette budgétaire
Afin de comprendre l'évolution des crédits prévus pour 2014, il est d'abord nécessaire de noter l'évolution dont fait l'objet l'architecture budgétaire du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » par rapport au projet de loi de finances pour 2013. En effet, l'action n° 05 intitulée « Aide à la décision des magistrats : mineurs délinquants et mineurs en danger » est supprimée, tandis que les crédits jusqu'alors programmés dans le cadre de cette action sont regroupés dans l'action n° 01. Les services territoriaux de milieu ouvert mettent en effet en oeuvre à la fois des mesures d'investigation (jusqu'alors intégrées dans l'action n° 05) et des mesures pénales de suivi en milieu ouvert (action n° 01), la répartition entre ces deux actions étant dès lors quelque peu artificielle.
En outre, jusqu'en 2013, l'action n° 01 s'intitulait « Mise en oeuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants ». À compter du PLF 2014, elle se nommera « Mise en oeuvre des mesures judiciaires ». En effet, la mention des « mineurs délinquants » était le pendant, jusqu'au projet de loi de finances pour 2011, de la dénomination de l'action n° 02 « Mise en oeuvre des mesures judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs ». À la suite du recentrage de la PJJ sur la prise en charge des mineurs délinquants, l'action n° 02 a été supprimée par le projet de loi de finances pour 2011.
2. Des crédits en diminution modérée
Ainsi, le projet de la loi de finances pour 2014 prévoit une diminution de 2,3 % des autorisations d'engagement et de 0,6 % des crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2013 . Les crédits passent, en autorisation de paiement, d'environ 800 millions d'euros à environ 781 millions d'euros, et en crédits de paiement d'environ 790 millions d'euros à 785 millions d'euros.
Évolution du plafond d'autorisation des emplois (PAE) de la PJJ
LFI |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
Évolution 2014/2013 |
Plafond d'autorisation
|
9 027 |
8 951 |
8 618 |
8 501 |
8 470 |
8507 |
+ 37 |
Source : DPJJ
Le plafond d'autorisation des emplois du programme pour 2014 est de 8 507 ETPT, soit + 37 ETPT par rapport au plafond pour 2013. Il tient compte :
- de l'extension en année pleine de 2013 sur 2014 à hauteur de + 65 ETPT ;
- de la création en 2014 de 46 ETPT (78 ETP) destinés à l'ouverture de nouveaux centres éducatifs fermés et au renfort des actions menées pour la santé des mineurs ;
- d'un transfert de 28 ETPT au 1 er janvier 2014 au profit du programme 310 « conduite et pilotage de la politique de la justice » dans le cadre des plateformes inter-directionnelles CHORUS ;
- d'une correction technique de - 46 ETPT destinée à ajuster les emplois aux consommations effectives pour les précédentes années.
Globalement, les dépenses de personnel de titre 2 sont en hausse de 3 %. Les autres dépenses (fonctionnement, investissement et interventions) sont en baisse de 5,2 % .
Bien que la comparaison avec les propositions du projet annuel de performances 2013 soit difficile, notamment du fait de la modification de la maquette déjà évoquée, il semble que la diminution des crédits hors titre II entre 2013 et 2014 soit essentiellement imputable à la diminution des investissements immobiliers : ainsi, les crédits du secteur public immobilier passent de 17 millions d'euros d'autorisations d'engagement en projet de loi de finances pour 2013 à 11,9 millions d'euros en 2014 et de 37 millions d'euros de crédits de paiement à 18,9 millions. Les crédits du secteur public hors immobilier passent de 66,1 millions d'euros à 63,4 millions d'euros de crédits de paiement. Enfin, les crédits destinés au secteur associatif habilité diminuent de 250 millions d'euros en crédits de paiement pour s'établir à 234,3 million d'euros.
Entendus par votre rapporteur, les syndicats de la PJJ ont manifesté des inquiétudes et parfois des incompréhensions quant à ces prévisions budgétaires . Elles portent d'abord sur les crédits de fonctionnement, qu'ils estiment avoir atteint un niveau très bas.
En outre, les évolutions en matière d'emploi font l'objet de certaines interrogations . En particulier, le fait que 78 nouveaux ETP soient fléchés en 2014 vers les centres éducatifs fermés, avec la création annoncée de deux nouveaux centres, est parfois considéré comme la manifestation d'une volonté de continuer à développer ce type de prise en charge au détriment du nécessaire soutien à la diversité des modes de placement. Toutefois, le plan de transformation de 20 établissements de la PJJ en CEF, lancé par le précédent Gouvernement, ne semble pas devoir être mené à son terme. À cet égard, votre rapporteur ne peut que rappeler les conclusions du rapport fait au nom de votre commission par MM. François Pillet et Jean-Claude Peyronnet sur les centres éducatifs fermés 5 ( * ) . Ce rapport a ainsi fait valoir la nécessité d'une meilleure évaluation globale du dispositif et a montré que les CEF ne prenaient sens qu'au sein d'une offre globale diversifiée de solutions éducatives, qui ne devaient pas être négligées au profit de ces établissements.
Effectifs en ETP du mois de décembre de chaque année |
||||
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
|
Centres éducatifs fermés |
207,88 |
241,81 |
255,98 |
336,08 |
Établissements de placement éducatif |
2 015,67 |
2 032,35 |
1 932,12 |
1 976,76 |
Milieu ouvert |
3 158,85 |
3 266,39 |
3 194,66 |
3 309,09 |
Établissements pénitentiaires pour mineurs |
257,70 |
259,60 |
279,30 |
282,29 |
Total |
5 640,10 |
5 800,15 |
5 662,06 |
5 904,22 |
Source : DPJJ
Les syndicats entendus par votre rapporteur ont également rappelé que la réforme accomplie entre 2008 et 2012 avait constitué un véritable traumatisme pour l'institution, avec une réduction d'effectifs de grande ampleur, notamment dans les fonctions administratives, de sorte que la PJJ avait désormais besoin de stabilité et de consolidation.
3. La poursuite de la diminution des crédits du secteur associatif
Par ailleurs, les syndicats et les fédérations ont également relevé avec une certaine inquiétude la poursuite de la diminution des crédits du secteur associatif .
En effet, la diminution cumulée du budget affecté au secteur associatif habilité (SAH) est de - 73,5 millions d'euros depuis 2008, soit une baisse d'environ 24 %. Le budget accordé au secteur associatif passe de 240 millions d'euros à 234 millions pour 2014.
Crédits affectés au secteur associatif habilité de 2008 à 2014
CP |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 * |
PLF 2014 |
LFI |
307 |
277,4 |
261 |
240 |
242,0 |
249,8 |
234,3 |
* les crédits LFI 2013 comprennent un abondement exceptionnel de 10 M€ pour diminuer les arriérés de paiement
Source : DPJJ
Évolution des dépenses du secteur
associatif habilité
sur les différents types de prise en
charge
Source : DPJJ
Rappelons que, depuis 2008, la sous-budgétisation, au regard du nombre de décisions judiciaires effectivement prescrites, des crédits alloués au secteur associatif habilité a conduit à l'existence d'un report de charge , qui s'est progressivement accru pour atteindre 39,5 millions d'euros en 2012 .
Comme les fédérations d'associations l'ont fait valoir auprès de votre rapporteur, une telle situation a des conséquences néfastes pour les associations dont l'activité repose souvent en grande partie sur l'exécution des mesures prescrites par l'autorité judiciaire : dégradation de leur trésorerie les obligeant parfois à emprunter pour pallier les retards de paiement, dégradation des fonds propres lorsque les associations doivent financer elles-mêmes des charges désormais non prises en compte par une PJJ sous forte contrainte budgétaire, report de charge sur d'autres financeurs, comme les conseils généraux (lorsque les juges prennent en compte les difficultés des associations et prononcent des actions éducatives en milieu ouvert au lieu de mesures d'investigation).
La DPJJ ayant pris conscience de ces difficultés, elle a engagé une réforme afin de financer les services par dotation globale de financement, le budget déterminé en début d'année étant financé indépendamment du niveau d'activité 6 ( * ) . Ainsi, un décret en Conseil d'État visant à permettre à la PJJ d'assurer le financement des centres éducatifs fermés gérés par dotation globale de financement a été publié le 26 décembre 2011. Un groupe de travail conjoint PJJ - fédérations associatives a élaboré au premier semestre 2012 les modalités de mise en oeuvre de cette réforme, appliquée aux CEF à depuis le 1 er janvier 2013. Le décret prévoit la possibilité d'étendre ce mode de financement à d'autres dispositifs que les CEF à partir de 2014, en fonction du retour d'expérience.
Par ailleurs, le Gouvernement a décidé, dans le projet de loi de finances pour 2013, d'allouer spécialement 10 millions d'euros à la résorption des arriérés de paiement de l'État. Un nouvel effort d'ajustement des crédits est prévu pour 2014 . Les associations craignent toutefois que cet effort ne permette pas de résorber totalement la « dette » de l'État, comme cela avait été pourtant annoncé en 2012.
En outre, les fédérations associatives ont attiré l'attention de votre rapporteur sur la diminution des mesures budgétées pour le secteur associatif. Ainsi, en 2013, le nombre de réparations pénales prévues avait baissé de 6 %. Il diminuera de nouveau de 6,3 en 2014.
Réparation pénale |
2013 |
2014 |
Évolution |
|
AE = CP |
7.6 M€ |
7.2 M€ |
- 0,4M€ |
- 5,2 % |
Volume(en journées) |
8 587 |
8 041 |
- 546 journées |
- 6,35 % |
Source : PAP PJJ 2014
Or, comme l'avait déjà souligné votre rapporteur, la réparation pénale semble efficace en termes de prévention de la récidive.
Les fédérations associatives ont enfin attiré l'attention de votre rapporteur sur une présentation parfois imparfaite des coûts des mesures judiciaires dans l'indicateur 3.3 de l'objectif 3 du PAP, donnant l'impression que les mesures prises en charge par le secteur associatif habilité sont beaucoup plus coûteuses que celles mises en oeuvres par le secteur public . En effet, non seulement la présentation des mesures d'investigation du secteur public est celle d'un prix de journée tandis que celle des mesures du secteur associatif habilité est unitaire (pour une mesure de plusieurs mois), mais en outre, même en ramenant la présentation pour le secteur public à l'unité, on obtient un coût de 1 440 euros, contre 2 729 euros pour le SAH. Cette discordance est due à l'impossibilité pour la PJJ, du fait de la polyvalence de ses services, de distinguer les mesures d'investigation des mesures de milieu ouvert, le chiffre présenté constituant en réalité une moyenne. En conséquence, les associations suggèrent d'une part, de différencier les activités du SP et du SAH dans la présentation des indicateurs, d'autre part, de construire des indicateurs communs aux deux secteurs.
*
5
« Enfermer et éduquer : quel bilan pour les centres
éducatifs fermés et les établissements
pénitentiaires pour mineurs? » Rapport d'information de MM.
Jean-Claude Peyronnet et François Pillet, fait au nom de la commission
des lois n° 759 (2010-2011) - 12 juillet
2011
http://www.senat.fr/rap/r10-759/r10-759.html
* 6 Actuellement, le paiement intervient mensuellement, soit à service fait, avec des délais de paiement de moins d'un mois, soit de manière anticipée lorsqu'une convention de financement par douzième mensuel existe entre l'association et la PJJ.