B. LE CONTRÔLE DU FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES : DES AVANCÉES LÉGISLATIVES NOTABLES EN 2013

L'adoption de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a conduit à une amélioration des dispositions législatives relatives au contrôle du financement des partis politiques. Introduites par voie d'amendement au sein d'un texte qui ne comportait à l'origine aucun article relatif au financement de la vie politique, certaines de ces dispositions marquent, en ce domaine, un meilleur encadrement des dons des personnes physiques, la fin des effets d'aubaine liés au rattachement de parlementaires à des micros-partis ultramarins et un renforcement des pouvoirs coercitifs de la CNCCFP.

1. Un meilleur encadrement des dons aux partis ou groupements politiques

Modifiant l'article L. 11-4 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988, l'article 15 de la loi du 11 octobre 2013 encadre davantage les dons des personnes physiques à destination des partis ou groupements politiques.

Ainsi, le plafond annuel de 7 500 euros ne s'applique non plus par parti ou groupement politique mais par donateur. Jusqu'alors, le calcul par parti politique permettait en effet à une même personne de donner pour une même année à plusieurs partis politiques, ce qui a pu être dénoncé par la CNCCFP, comme une incitation à multiplier les micro-partis dans une seule fin de collecte des financements privés et ce, d'autant plus, que ces dons ouvrent droit à un avantage fiscal.

En outre, l'assiette prise en compte pour le calcul du plafond de 7 500 euros a été élargie en intégrant les dons et les cotisations acquittées par les adhérents afin d'éviter, comme l'a souligné le rapporteur de l'Assemblée nationale au cours des débats, de « possibles contournements du plafonnement des dons, qui consisteraient à fixer des montants de cotisation très élevée pour, de fait, dépasser le seuil de 7 500 euros ».

Les cotisations des élus locaux et nationaux sont néanmoins exclues de ce dispositif, une participation plus importante de leur part au financement d'un parti politique étant apparue justifiée.

Enfin, les associations de financement et les mandataires financiers qui forment les structures financières des partis politiques devront communiquer chaque année à la CNCCFP la liste des personnes ayant consenti des dons dont le montant minimal sera fixé par décret, ce qui devrait notablement faciliter le contrôle de la CNCCFP à l'égard des donateurs.

Si ces modifications marquent une avancée indéniable que votre rapporteur salue, il reste néanmoins conscient qu'il existe toujours pour une personne physique la possibilité, pour contourner la limitation des dons ouverts aux personnes physiques, pour les campagnes électorales comme pour les partis politiques, d'effectuer ses dons par le truchement de plusieurs donataires.

2. Une législation plus efficace pour mettre un terme au contournement des règles liées au versement de la seconde fraction de l'aide publique

Les conditions d'affiliation d'un membre du Parlement à un parti ou groupement politique pour le calcul de l'aide publique versée aux formations politiques ont également été encadrées par l'article 14 de la loi du 11 octobre 2013.

En effet, le bénéfice de la première fraction de l'aide publique repose sur les résultats obtenus par les candidats d'un même parti politique lors du renouvellement général de l'Assemblée nationale. Or, il est bien plus aisé de satisfaire les conditions requises pour bénéficier de cette fraction d'aide publique pour les candidats dans les circonscriptions ultramarines que pour les candidats en métropole et à l'étranger.

En effet, plutôt que d'exiger d'avoir présenté des candidats ayant obtenu chacun au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins 50 circonscriptions, les candidats doivent se contenter d'avoir recueilli pour chacun des candidats présentés au moins 1 % des suffrages exprimés. Outre-mer, l'éligibilité n'est pas conditionnée à des candidatures dans un nombre minimal de circonscriptions. Dans l'absolu, un seul candidat ayant obtenu 1 % des suffrages exprimés suffit à faire bénéficier le parti auquel il se rattache de la première fraction.

L'attribution de la seconde fraction est réservée aux partis pouvant bénéficier de la première fraction, proportionnellement au nombre de parlementaires s'y étant rattachés.

Or, comme le relevait le rapporteur de la loi du 11 octobre 2013 à l'Assemblée nationale, « ce dispositif a fait l'objet d'utilisations plus ou moins opportunes, confinant parfois au détournement de procédure ».

En toute légalité, des partis politiques pouvaient donc passer des accords afin de « capter » une part du financement public. Pour ce faire, un parti qui ne pouvait pas prétendre grâce à ses seuls parlementaires à la seconde fraction incitait lesdits parlementaires à se rattacher à un parti politique ultramarin bénéficiant de la première fraction dans le seul but de percevoir la seconde fraction. En échange, le parti ultramarin reversait une partie de la somme ainsi collectée au premier parti.

Aussi, afin de revenir sur ce dévoiement des règles de financement public s'apparentant à un mécanisme d'optimisation financière, le rattachement d'un parlementaire élu dans une circonscription en métropole ou à l'étranger ne sera plus possible auprès d'un parti ayant présenté des candidats uniquement dans des circonscriptions ultra-marines.

En outre, la loi prévoit dorénavant la publication au Journal officiel du rattachement annuellement décidé par chaque parlementaire pour calculer la part de la seconde fraction. Cette obligation légale fait suite à l'initiative prise par les présidents des deux assemblées parlementaires de publier en 2012 le rattachement des parlementaires, dans un souci de transparence.

3. Des pouvoirs coercitifs de la CNCCFP renforcés

À la suite d'amendements adoptés par votre commission à l'initiative de votre rapporteur, deux dispositions, prévues à l'article 17 de la loi du 11 octobre 2013, facilitent le contrôle exercé par la CNCCFP sur les comptes des partis politiques.

En premier lieu, un complément apporté à l'article L. 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 permettra de lever une difficulté issue de la jurisprudence du Conseil d'État qui autorise un parti dont les comptes n'ont pu être validés de continuer à faire bénéficier ses donateurs d'un avantage fiscal alors même qu'il ne bénéficierait plus du droit à recevoir une aide publique directe. Seraient ainsi concernés les partis politiques qui n'auraient pas déposé leurs comptes, qui auraient déposé des comptes non certifiés, ou qui auraient fait l'objet d'un refus de certification par les commissaires aux comptes.

Rappelons que jusqu'en 2007, la Commission estimait qu'une formation politique qui se plaçait dans l'illégalité ne pouvait continuer à faire bénéficier ses donateurs ou cotisants de l'aide publique indirecte que constituent les avantages fiscaux attachés aux dons et cotisations versés au mandataire. En conséquence, elle retirait l'agrément octroyé aux associations de financement des partis politiques en cause et refusait de délivrer des formules numérotées de reçus-dons aux mandataires financiers.

Le Conseil d'État 7 ( * ) a suivi ce raisonnement et a annulé les décisions de la CNCCFP de retrait d'agrément de deux associations de financement. Cette décision, bien que conforme à l'esprit comme à la lettre de la loi, a mis en lumière les limites apportées par le législateur aux pouvoirs de la CNCCFP et la quasi-impossibilité d'appliquer des sanctions à certaines formations politiques, même en présence de comportements manifestement illégaux.

Votre rapporteur se félicite donc de la correction d'une disposition législative qui entravait le pouvoir de contrôle de la CNCCFP

En second lieu, la CNCCFP pourra désormais demander communication de toutes les pièces comptables ou de tous les justificatifs nécessaires au bon accomplissement de sa mission de contrôle, ce qui lui permettra d'aller au-delà du simple contrôle formel auquel elle se borne actuellement.

La CNCCFP ne pouvait jusqu'alors accéder aux comptes des partis politiques certifiés par les commissaires aux comptes, ni a fortiori aux pièces justificatives qui les accompagnent, et se trouvait ainsi dans l'impossibilité de substituer son appréciation à celle des commissaires aux comptes. Cette situation la conduisait à ne pouvoir sanctionner certaines irrégularités (dépassement des plafonds fixés aux dons individuels, versement d'une aide par une personne morale non soumise à la loi sur les partis, etc.) dès lors que celles-ci avaient été jugées conformes à la loi par les commissaires aux comptes. Cette situation était d'autant plus paradoxale que la CNCCFP, compte tenu de son rôle de contrôle sur les mandataires et celui de dépositaire unique de l'ensemble des comptes des formations politiques, dispose de fait, sur une part importante des recettes des partis, d'une capacité de contrôle que n'ont pas matériellement les commissaires aux comptes.


* 7 CE, 6 juillet 2007, Free Dom et Rassemblement pour la Guyane dans la République

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