B. LA MISE EN PLACE D'UN TAUX RÉDUIT DE COTISATION D'ALLOCATIONS FAMILIALES ENTRE 1 ET 1,6 SMIC

1. Un financement de la branche famille reposant à plus de 60 % sur des cotisations employeurs

En France, les cotisations affectées à la branche famille de la sécurité sociale ne comprennent que des cotisations patronales . Comme l'a rappelé Jérôme Guedj dans le cadre des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) de l'Assemblée nationale sur le financement de la branche famille, cette spécificité du système français est liée à l'origine des prestations familiales, conçues comme des « sursalaires » alloués par certains employeurs à leurs salariés 44 ( * ) .

L'universalisation des prestations familiales en 1978, sans condition d'activité professionnelle, a posé la question de la légitimité d'une telle structure de financement et a entraîné un mouvement de baisse des cotisations employeurs dans le financement de la branche famille : correspondant à 95 % en 1990 , la part des cotisations patronales représente 61,7 % des ressources de la branche famille en 2014 . Les autres principales ressources de la branche famille sont constituées d'environ 20 % de contribution sociale généralisée (CSG), de 15 % d'autres impôts et taxes affectées (ITAF) et de 2 % de transferts de l'État.

Chargé par le Premier ministre d'étudier les voies possibles de clarification du financement de la protection sociale - en particulier de la branche famille - le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) a conclu que le maintien d'une fraction de cotisations acquittées par les employeurs était justifié au regard de la contrepartie que les entreprises peuvent trouver à la politique familiale française, qui facilite la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle 45 ( * ) . Néanmoins, une évolution vers un mode de financement de la branche famille moins largement fondé sur les revenus du travail a été jugée pertinente.

Dans ce contexte, il semble logique de cibler la baisse des cotisations patronales de sécurité sociale sur la branche famille. Ce choix se situe d'ailleurs dans la continuité de la baisse de 0,15 point du taux des cotisations d'allocations familiales entrée en vigueur le 1 er janvier 2014 afin de compenser la hausse équivalente du taux des cotisations d'assurance vieillesse pour les entreprises 46 ( * ) .

2. La baisse du taux des cotisations patronales d'allocations familiales jusqu'à 1,6 SMIC

L' article 2 du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale propose de rétablir un nouvel article au sein du code de la sécurité sociale. Ce nouvel article L. 241-6-1 prévoit une réduction de 1,8 point du taux des cotisations d'allocations familiales à la charge des employeurs.

Le taux des cotisations famille, qui s'élève à 5,25 % au 1 er janvier 2014, sera donc, en principe, de 3,45 % entre 1 et 1,6 SMIC à compter du 1 er janvier 2015 . Ce taux réduit de cotisation s'appliquera :

- aux employeurs bénéficiant de la réduction générale de cotisations de sécurité sociale (dite réduction « Fillon »), c'est-à-dire les employeurs du secteur privé soumis à l'obligation de cotiser au régime d'assurance chômage, les employeurs des régimes spéciaux de sécurité sociale des marins, des mines et des clercs et employés de notaires ainsi que certains employeurs du secteur parapublic ;

- pour les rémunérations ou gains versés à leurs salariés inférieurs ou égaux à 1,6 fois le montant annuel du SMIC (soit 27 751 euros bruts), que les salariés soient à temps plein ou à temps partiel, en contrat à durée déterminée ou indéterminée ;

- de façon uniforme jusqu'à 1,6 SMIC .

Cette mesure tend à accroître la progressivité des cotisations famille. En principe proportionnelles à l'ensemble des rémunérations ou gains perçus par les salariés en vertu de l'article L. 241-6 du code de la sécurité sociale, elles sont en réalité déjà partiellement progressives sous l'effet de la réduction générale de cotisations sociales . Après application de la réduction « Fillon », au niveau du SMIC, les entreprises de moins de vingt salariés n'acquittent pas de cotisation d'allocations familiales et les entreprises de plus de vingt salariés payent une cotisation au taux de 0,4 %. En moyenne, pour les salaires situés entre 1 et 1,6 SMIC, le taux des cotisations d'allocations familiales s'élevait à 2,6 % en 2011, au lieu des 5,4 % affichés facialement 47 ( * ) .

En tout état de cause, la réduction de taux jusqu'à 1,6 SMIC nécessitera un aménagement des modalités d'imputation de la réduction « Fillon ». Le nouveau « barème » de cotisations effectives tel que résultant de l'application de la réduction générale n'a toutefois pas été défini à ce stade.

Compte tenu de son champ d'application identique à celui des allègements généraux, la mesure proposée concernera environ 1,56 million d'employeurs et 10,36 millions de salariés (soit environ 37 % de la masse salariale du secteur privé), pour un coût estimé à 3 milliards d'euros .

La réduction générale de cotisations patronales de sécurité sociale dite « Fillon »

La réduction générale de cotisations patronales de sécurité sociale instaurée par la loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et à l'emploi, s'est substituée, à compter du 1 er juillet 2003, à deux exonérations dégressives (l'une destinée à abaisser le coût du travail entre 1 et 1,3 SMIC et l'autre à atténuer le coût pour l'employeur de la mise en place des 35 heures).

La réduction maximale est de :

- 28,1 points de cotisations au niveau du SMIC dans les entreprises de moins de vingt salariés ;

- 26 points de cotisations au niveau du SMIC dans les entreprises de vingt salariés et plus .

La réduction diminue progressivement pour s'annuler à 1,6 SMIC .

Bénéficiaires : les employeurs du secteur privé soumis à l'obligation de cotiser au régime d'assurance chômage, les employeurs des régimes spéciaux de sécurité sociale des marins, des mines et des clercs et employés de notaires ainsi que certains employeurs du secteur parapublic*. En revanche, sont exclus les particuliers employeurs, l'État, les collectivités territoriales et les établissements publics administratifs.

Cotisations entrant dans le champ de la réduction générale : les cotisations patronales d'assurance sociale (maladie, maternité, invalidité, vieillesse, décès) et d'allocations familiales. Sont exclues de la réduction les cotisations AT-MP, les cotisations et contributions finançant le Fonds national d'aide au logement (FNAL), la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA), les cotisations de retraite complémentaire, d'assurance chômage et le versement transport.

Mode de calcul : depuis 2011, la réduction est calculée sur la base de la rémunération annuelle afin d'éviter de faire bénéficier de ce dispositif les entreprises qui rémunèrent leurs salariés en-dessous de 1,6 SMIC une partie de l'année seulement.

Règles de cumul : la réduction générale n'est pas cumulable avec une autre exonération de cotisations patronales, à l'exception de la déduction forfaitaire des cotisations dues au titre des heures supplémentaires dans les entreprises de moins de vingt salariés et du CICE.

Cette politique bénéficie aujourd'hui à 10,36 millions de salariés et 1,56 million d'employeurs . Son coût total a diminué à la suite de l'exclusion, en 2013, des heures supplémentaires du calcul du taux d'exonération ; il s'élève en 2012 à 20,6 milliards d'euros , soit 1 % du PIB.

* Notamment les sociétés d'économie mixte, les entreprises nationales où le secteur public détient au moins 30 % du capital social et les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) des collectivités territoriales.

Source : annexe 5 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014

3. La poursuite de la baisse des cotisations d'allocations familiales en 2016

Dans le cadre du pacte de responsabilité, le Premier ministre a annoncé, le 8 avril 2014, que la réduction du taux des cotisations d'allocations familiales de 1,8 point serait étendue aux rémunérations égales ou supérieures au seuil de 1,6 SMIC (27 751 euros bruts annuels) mais n'excédant pas 3,5 SMIC (60 706 euros bruts annuels), à compter du 1 er janvier 2016 .

Cette mesure complémentaire - qui n'est pas inscrite dans le présent projet de loi - permettra d'abaisser le coût du travail pour 90 % des salariés du secteur privé et d'atteindre ainsi l'industrie et les services à haute valeur ajoutée , dans lesquels les niveaux de rémunérations sont plus élevés. Elle rejoint ainsi l'une des propositions clefs du rapport de Louis Gallois 48 ( * ) , remis au Premier ministre en novembre 2012, consistant à créer un choc de compétitivité en transférant une partie des charges sociales jusqu'à 3,5 SMIC vers la fiscalité et la réduction de la dépense publique.

La perte de recettes liée à cette mesure s'élèvera à 4,5 milliards d'euros en année pleine pour la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF).


* 44 Rapport d'information n° 1918 (XIV e législature) établi par Jérôme Guedj en conclusion des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale de l'Assemblée nationale sur le financement de la branche famille.

* 45 Haut Conseil du financement de la protection sociale, Rapport d'étape sur la clarification et la diversification du financement des régimes de protection sociale , juin 2013.

* 46 Cf. Rapport pour avis n° 76 (2013-2014) sur le projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, fait par Jean-Pierre Caffet au nom de la commission des finances du Sénat.

* 47 Cour des comptes, Le financement de la branche famille (second cahier) , mai 2013, page 19.

* 48 Louis Gallois, Pacte pour la compétitivité de l'industrie française , novembre 2012.

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