B. UN PLFRSS PORTEUR DE 1,1 MILLIARD D'EUROS D'ÉCONOMIES
Le présent projet de loi de financement rectificative porte une part substantielle des 4 milliards d'euros d'économies supplémentaires programmés pour 2014 . En effet, les mesures portant sur l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) et sur la stabilisation des prestations de retraite représentent un effort approchant 1,1 milliard d'euros.
1. Un ONDAM abaissé de 800 millions d'euros
Le présent projet de loi prévoit, tout d'abord, une consolidation de l'acquis de la maîtrise des dépenses entrant dans le champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) . L'année 2013 a été marquée par une exécution de l'ONDAM inférieure de 1,4 milliard d'euros à la prévision retenue dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2013 23 ( * ) . Toutefois, cette moindre dépense n'avait pas été intégralement prise en compte lors de la détermination de l'ONDAM pour 2014 par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2014 , la sous-consommation s'étant révélée, finalement, de 0,8 milliard d'euros supérieure au montant prévu par cette dernière au titre de l'exercice 2013.
Par conséquent, l'article 12 du présent projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale arrête un nouvel ONDAM - qui est défini en valeur - intégrant la sous-consommation constatée en 2013 , ce qui revient à accroître de 0,8 milliard d'euros le montant d'économies prévu en 2014.
Comme le fait apparaître le graphique ci-après, la LFSS pour 2014 a arrêté, sur la base de la prévision de consommation des dépenses d'assurance maladie pour 2013 (174,8 milliards d'euros), un ONDAM d'un montant de 179,1 milliards d'euros , correspondant à un taux d'évolution de + 2,4 %. Aussi, cet objectif supposait la réalisation de 2,3 milliards d'euros d'économies par rapport à la progression tendancielle des dépenses relevant de l'ONDAM, actuellement estimée à 3,8 % par an.
Graphique n° 2: Pérennisation en 2014 de la sous-consommation constatée dans le champ de l'ONDAM en 2013
(en milliards d'euros)
Note : l'évolution tendancielle de la dépense est calculée sur la base du tendanciel de croissance des dépenses entrant dans le champ de l'ONDAM, qui était estimé à 3,8 % dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.
Source : commission des finances du Sénat (à partir de l'annexe 7 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 et du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014)
Aussi, la révision à la baisse de l'ONDAM - à 178,3 milliards d'euros - par le présent projet de loi conduit à accroître le différentiel entre l'objectif et le tendanciel retenu dans le cadre de la LFSS pour 2014 de 2,3 milliards d'euros à 3,1 milliards d'euros , ce qui revient à renforcer l'effort dans le champ des dépenses relevant de l'ONDAM. Dans ces conditions, le taux d'évolution des dépenses d'assurance maladie par rapport à l'exécution demeurerait égal à + 2,4 % en 2014.
En outre, il convient de souligner que la pérennisation en 2014 de la sous-consommation constatée en 2013 demeure crédible à ce stade de l'exercice , le Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie ayant indiqué dans son avis du 27 juin 2014 24 ( * ) que « l'ONDAM, tel qu'il a été voté en LFSS pour 2014, devrait pouvoir être respecté avec une marge de plusieurs centaines de millions d'euros ».
Avastin® et Lucentis® : la solution proposée par le Gouvernement pour un traitement moins coûteux de la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) Environ 430 millions d'euros ont été dépensés par l'assurance maladie en 2013 pour rembourser les dépenses du médicament Lucentis®, seul produit disposant d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le traitement de la DMLA. Or un autre médicament, moins coûteux et remplissant le même objectif, existe - l'Avastin® - mais ne dispose pas d'AMM pour cet usage. Sur proposition du Gouvernement , l'Assemblée nationale a adopté un amendement autorisant l'usage de médicaments hors de leur AMM , dans le cadre d'une recommandation temporaire d'utilisation, tenant compte de la nouvelle jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Cet amendement devrait permettre de réaliser des économies significatives dans le champ de l'ONDAM en 2014 et dans les années à venir. |
2. La stabilisation temporaire des prestations de retraite
L' article 9 du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale prévoit une stabilisation temporaire de certaines prestations sociales . Aussi, en application de ce dispositif, les revalorisations des pensions de retraite de base 25 ( * ) n'interviendraient pas au 1 er octobre 2014 - à l'exception des petites pensions (cf. infra ).
En tout état de cause, selon l'étude d'impact de cet article, la stabilisation des pensions de retraite devrait être limitée dans ses effets , dans la mesure où « la revalorisation qui devait intervenir était particulièrement basse (0,6 %) », ce que permet d'illustrer le tableau ci-après.
Tableau n° 11 : La revalorisation des pensions en 2014
(en %)
2011 |
2012 |
2013 |
2014 (p) |
||
Prix hors tabac estimés pour l'année N |
(1) |
1,8 |
1,8 |
1,2 |
1,1 |
Régularisation sur l'inflation N-1 |
(4)=(2)-(3) |
0,3 |
0,3 |
0,1 |
- 0,5 |
Régularisation définitive constatée pour l'année N-1 |
(2) |
1,5 |
2,1 |
1,9 |
0,7 |
Prix hors tabac estimés en N-1 pour l'année N-1 |
(3) |
1,2 |
1,8 |
1,8 |
1,2 |
Revalorisation effective |
(5)=(1)+(4) |
2,1 |
2,1 |
1,3 |
0,6 |
Augmentation en moyenne annuelle |
1,8 |
2,1 |
1,5 |
0,47 |
|
Inflation mesurée par l'Insee : prix hors tabac de l'année N |
2,1 |
1,9 |
0,7 |
- |
Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale (juin 2014)
Selon le Gouvernement, cette mesure relative aux pensions de retraite permettrait une économie de 220 millions d'euros en 2014 , en retenant une hypothèse d'inflation de 1,1 %, puis de 935 millions d'euros en 2015. Toutefois, votre rapporteur pour avis souhaiterait souligner la possible incidence d'une inflation moindre qu'anticipé en 2014 sur le « rendement » de la stabilisation de pensions de retraite. Ainsi, selon ses calculs, une évolution de l'indice des prix à la consommation de + 0,8 % - qui correspond à la prévision moyenne du Consensus Forecast de juin 2014 -, au lieu de + 1,1 %, aurait pour conséquence de diviser par deux la moindre dépense pour 2014 - qui serait alors d'environ 110 millions d'euros - résultant de ce dispositif.
Par ailleurs, la mesure proposée préservera les retraités les plus modestes . L'article 9 exclut en effet du champ de la non revalorisation ponctuelle :
- les pensions de base des retraités percevant une retraite globale inférieure ou située autour du seuil de 1 200 euros par mois . Pour ces dernières, le principe d'une revalorisation au 1 er octobre 2014 est donc maintenu selon les modalités suivantes : les retraités percevant un montant total de pensions de retraite tous régimes - de base et complémentaire -inférieur ou égal à 1 200 euros mensuels bruts verront leurs pensions revalorisées de 0,6 %, tandis que ceux percevant un montant total de pensions de retraite compris entre 1 201 et 1 205 euros verront leurs pensions augmentées de la moitié du coefficient de revalorisation prévu - soit 0,3 % - au 1 er octobre 2014 ;
- les allocations de solidarité aux personnes âgées (ASPA, anciennement minimum vieillesse). Conformément à l'engagement pris par le Gouvernement dans le cadre de la réforme des retraites, ces prestations ont été revalorisées de 0,6 % le 1 er avril 2014 . De plus, elles feront l'objet d'une seconde revalorisation le 1 er octobre 2014 , pour atteindre 800 euros mensuels.
Les difficultés techniques liées à
l'application du seuil de 1 200 euros
La multiplicité des régimes de retraite, de base et complémentaire, et la part élevée de polypensionnés (environ un tiers des effectifs de pensionnés nés en 1942) rend particulièrement difficile la connaissance du montant total de pensions perçues par les retraités en France. Un système d'information baptisé Échange inter-régimes de retraite (EIRR) a été mis en place par la Caisse nationale d'assurance vieillesse en 2009. Cependant, un certain nombre de régimes ne transmettent pas d'informations à l'EIRR ou les transmettent en retard. Aussi, l'étude d'impact annexée au présent projet de loi précise-t-elle : « l'application du plafond de 1 200 euros aura un impact significatif en gestion sur les régimes vieillesse (...). Elle nécessitera des adaptations informatiques, qui sont non négligeables (...). Ces contraintes de délais, irréductibles en raison de la nécessité d'assurer la correcte mise en oeuvre de la mesure, pourraient conduire à un différé de un ou plusieurs mois, qui ferait l'objet d'un rattrapage de la revalorisation effective »*. * Étude d'impact annexée au projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, page 69. |
Enfin, dans le champ du régime général d'assurance vieillesse, il convient de signaler le rebasage du fonds national d'action sanitaire et sociale géré par la Caisse nationale d'assurance vieillesse ( CNAV ) 26 ( * ) , à hauteur de 50 millions d'euros . Les dépenses d'intervention de ce fonds en faveur des personnes âgées ont sensiblement baissé en 2013, ce qui participe à la révision à la baisse de l'objectif de dépenses de la branche vieillesse pour 2014.
Au total, les économies supplémentaires consenties dans le champ de la branche vieillesse s'élèveraient à 270 millions d'euros environ en 2014.
3. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale : l'exclusion de l'allocation de logement familial du gel des prestations
Initialement, l' article 9 du présent projet de loi prévoyait également la non revalorisation des paramètres de calcul de l'allocation de logement familial (ALF) . Une mesure identique a été présentée en projet de loi de finances rectificative pour le calcul de l'allocation personnalisée au logement (APL) et de l'allocation de logement social (ALS).
Comme l'APL et l'ALS, l'ALF est versée sous conditions de ressources aux foyers modestes afin de réduire le montant de leur loyer ou la mensualité de leur emprunt immobilier. Toutefois, l'ALF est attribuée essentiellement aux ménages ayant des personnes à charge (enfants, personnes âgées) et qui n'habitent pas un logement conventionné ouvrant droit à l'APL. Elle est financée intégralement par la branche famille de la sécurité sociale, soit un montant de 4,4 milliards d'euros en 2013 pour 1,3 million d'allocataires.
Aux termes de l'article L. 542-5 du code de la sécurité sociale, les paramètres de calcul de l'ALF (notamment les plafonds de loyers et le montant forfaitaire des charges 27 ( * ) ), sont révisés chaque année au 1 er octobre en fonction de l'évolution de l'indice de référence des loyers (IRL), établi par l'Insee.
Afin de contenir les dépenses de la branche famille, le PLFSS pour 2014 avait déjà proposé l'absence de revalorisation de ces prestations au titre de l'année 2014. Cette mesure avait néanmoins été remplacée par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, par un report de la date de revalorisation du 1 er janvier au 1 er octobre. Il en avait résulté une révision à la baisse des économies prévues de 46 à 34,5 millions d'euros.
À l'initiative de notre collègue député Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis de la commission des finances, et des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements identiques à l'article 9 du présent projet de loi, visant à exclure du champ du « gel » l'ALF , par cohérence avec les amendements similaires adoptées dans le cadre du projet de loi de finances rectificative relatifs à l'ALS et à l'APL. Le maintien de la revalorisation des paramètres de calcul de l'ALF au 1 er octobre 2014 entraîne une révision à la baisse des économies dans le champ de la sécurité sociale de l'ordre de 8,75 millions d'euros en 2014 et de 35 millions d'euros en 2015 .
* 23 L'écart des dépenses constatées par rapport à l'objectif national d'assurance maladie (ONDAM) voté dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2013 résulte essentiellement du sous-objectif portant sur les soins de ville, qui a été sous-exécuté à hauteur de 1,1 milliard d'euros.
* 24 Cf. avis du Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie n° 2014-2 du 27 mai 2014 sur le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.
* 25 Les pensions de retraite des régimes complémentaires sont fixées selon des modalités distinctes. Pour mémoire, en vertu de l'accord du 13 mai 2013, l'Association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) et l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (Arrco) ont prévu une sous-indexation de 1 point des pensions complémentaires par rapport à l'inflation en 2014 et 2015 (sans indexation négative possible).
* 26 Le fonds national d'action sanitaire et sociale de la CNAV finance des aides à la personne (aide-ménagère à domicile, portage de repas etc.) et des actions de prévention (aide à l'amélioration de l'habitat, aide au retour à domicile après hospitalisation, installation de téléalarme etc.).
* 27 Les cinq paramètres de calcul de l'ALF listés à l'article L. 542-5 du code de la sécurité sociale sont : les plafonds de loyers, les plafonds des charges de remboursement des contrats de prêts dont la signature est postérieure à la date de révision du barème, le montant forfaitaire des charges, les équivalences de loyer et de charges locatives et le terme constant de la participation personnelle du ménage.