B. L'ENGAGEMENT D'UNE MÉTHODE INÉDITE DE CONCERTATION
Dans leur rapport du 7 janvier 2015 - qu'ils sont venus présenter à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication le 18 mars 2015 -, les trois co-rapporteurs soulignent l'importance de leur méthode de travail, consistant à rétablir un cadre de dialogue entre les acteurs de l'intermittence en conflit. Réunies au Conseil économique, social et environnemental , des tables rondes thématiques ont commencé par débattre du diagnostic et des points de blocage. Devant des querelles de chiffres déjà bien éprouvées, les protagonistes ont décidé l'installation d'un comité d'expertise commun , pour parvenir à un diagnostic partagé et se doter d'un outil de simulation des propositions autour de la table.
Des experts ont été ainsi désignés, parmi les principaux organismes et services disposant d'une expertise statistique dans le domaine - Unédic, Pôle emploi, Audiens , les services des études et des statistiques des ministères de la culture et du travail -, auxquels ont été adjoints deux personnalités qualifiées, le sociologue Mathieu Grégoire et l'économiste Jean-Paul Guillot.
Ce groupe d'experts a ainsi pu tester plusieurs des hypothèses d'ajustement des paramètres , à la demande des parties prenantes à la concertation. Un échantillon de plus d'un millier de cas d'intermittents a servi de base d'étude, ce qui a constitué une première dans le secteur.
C. LES PRÉMICES D'UNE RÉFORME DE FOND DANS LA PERSPECTIVE DE LA RENÉGOCIATION DE 2016
La concertation conduite à l'automne dernier a débouché sur des propositions de réforme de fond, qui vont bien au-delà de l'assurance chômage .
Ces propositions visent la politique de l'emploi dans le secteur du spectacle, la gouvernance du système d'indemnisation du chômage et reprennent les pistes envisagées par les acteurs eux-mêmes, professionnels et interprofessionnels, pour parvenir à des règles spécifiques plus équilibrées et plus justes : l'exploration de ces pistes sera décisive pour la renégociation de la convention d'assurance chômage qui doit intervenir avant la fin de 2016.
Pour « bâtir une politique de l'emploi » dans le spectacle vivant , le rapport préconise en particulier :
- de renforcer l'encadrement juridique du CDDU, en commençant par la réalisation de bilans complets, par branche ;
- d'encourager l'allongement de la durée des contrats, en plafonnant par exemple le cumul salaires/indemnités au titre du chômage ;
- d'élaborer des règles d'assurance chômage qui annulent tout intérêt à fractionner les contrats ;
- de renforcer la responsabilité sociale de l'État et des collectivités territoriale en tant qu'employeurs et financeurs ;
- d'ouvrir les politiques d'aide à l'emploi aux entreprises du secteur (via un fonds de soutien à l'emploi) ;
- d'encourager la labellisation ou la qualification sociale des entreprises, pour donner plus de contenu à la licence d'entrepreneur de spectacle, qui se limite trop facilement à une « autorisation d'exercer » sans contrôle effectif, par exemple, de la conformité du recours aux CDDU ;
Pour garantir un système d'indemnisation chômage adapté aux métiers du spectacle , le rapport propose d'en consacrer le principe dans la loi et d'instaurer une nouvelle méthode de dialogue social :
- la reconnaissance légale de règles adaptées aux métiers du spectacle et intégrées au régime interprofessionnel d'assurance chômage est présentée comme un signe d'apaisement, « un préalable de confiance » à la réforme d'ajustement de ces règles. Elle est présentée aussi comme le gage de ce qu'une réforme large doit être envisagée, qui englobe la politique de l'emploi dans le secteur, en particulier le recours au CDDU, ainsi que l'articulation de l'assurance chômage avec les dispositifs de solidarité nationale ou professionnelle ;
- l'instauration d'une nouvelle méthode de dialogue social, pour mettre fin à ce que les auteurs appellent « la rupture entre la chose négociée et la réalité des entreprises et des intermittents ». La mission de concertation propose d'utiliser quatre outils complémentaires, qui vont bien au-delà de la négociation sur les règles d'assurance chômage : une conférence des métiers du spectacle réunissant, tous les cinq ans, les organisations représentatives des échelons interprofessionnel et professionnel, mais aussi Pôle Emploi, l'Unédic, l'État et les collectivités territoriales, pour cadrer les objectifs à moyen terme ; une négociation sociale proprement dite, avec un mécanisme où l'échelon interprofessionnel définit un cadre puis laisse l'échelon professionnel négocier les modalités, sans perdre cependant la main en cas de difficulté ; des négociations professionnelles dans chacune des neuf branches, sur les conditions de travail ; enfin, l'évaluation en continu par un comité de suivi, calqué sur le comité d'expertise de la mission de concertation et composé des organisations interprofessionnelles et professionnelles, ainsi que des services de l'État.
Pour adapter les règles des annexes VIII et X, le rapport expose les pistes tangibles en présence pour une future négociation - et pour « sortir de plusieurs années de dialogue de sourds et de suspicions réciproques » :
- l'hypothèse d'un retour à la date anniversaire et à la période de référence de 12 mois, paramètres utilisés avant 2003 ;
- les réaménagements possibles des deux annexes et l'adaptation des règles pour chacune d'elle ;
- la modulation de l'indemnisation aux revenus ;
- l'amélioration de l'assimilation d'autres activités et la coordination avec les autres régimes, en particulier l'adaptation des droits rechargeables ;
- l'augmentation des cotisations sociales.
Enfin, la mission fait des propositions pour « sécuriser les parcours professionnels et améliorer la protection sociale adaptée à la discontinuité de l'emploi », en améliorant la couverture des risques maladie et maternité, en rénovant le fonctionnement des contributions sociales des artistes du spectacle et en prenant des mesures pour sécuriser les parcours professionnels et garantir l'accès à la formation.