INTRODUCTION

Madame, Monsieur,

L'année 2015 avait été celle des conférences permettant à la communauté internationale de réaffirmer son engagement pour le développement : la conférence d'Addis-Abeba sur le financement du développement en juillet 2015, le Sommet des Nations unies sur les nouveaux objectifs du développement durable en septembre, enfin la conférence de Paris sur le climat (COP 21) en décembre avaient ainsi jalonné ce millésime riche en grands événements.

En outre, dans la continuité de cette remobilisation, le Président de la République avait déclaré que la France allait augmenter son aide publique au développement de 4 milliards d'euros à l'horizon 2020 , les dons devant augmenter à due concurrence des prêts.

L'année 2015 et le début de 2016 ont effectivement été des années de progression de l'aide au niveau international, traduisant notamment une forte augmentation des dépenses en faveur des réfugiés à la suite des crises du Moyen-Orient.

Parallèlement, on a pu observer une prise de conscience croissante de la nécessité de ne pas s'en tenir aux réponses d'urgence face aux crises humanitaires et aux mouvements internationaux de réfugiés. La nécessité de lutter à la racine contre ces phénomènes, en promouvant une aide au développement plus puissante et plus efficace, a ainsi commencé à faire consensus. Cette prise de conscience a lieu dans notre pays mais aussi, par exemple, en Allemagne et aux États-Unis, deux pays qui ont donné une nouvelle impulsion à leur APD au cours des années 2015 et 2016.

En ce qui concerne la France, les crédits d'aide au développement inscrits dans le projet de loi de finances pour 2017 pour la mission interministérielle « Aide publique au développement » s'élèvent à 2 616 millions d'euros en crédits de paiement, ce qui représente une hausse de 132 millions d'euros, soit + 5,3 %, par rapport aux crédits demandés en LFI pour 2016 (2 484 millions d'euros).

De plus, les ressources extrabudgétaires, issues de la taxe sur les transactions financières (TTF) et de la taxe sur les billets d'avion, affectées au fonds de solidarité pour le développement (FSD), s'élèveront à 738 millions d'euros, un montant identique à celui de l'année dernière compte-tenu d'un amendement des députés qui avait affecté une part de 268 millions d'euros de TTF supplémentaire à l'aide au développement.

En première lecture, à l'Assemblée nationale, les députés ont en outre adopté un amendement prévoyant une nouvelle affectation de 270 millions d'euros issus de la TTF directement à l'AFD.

Enfin, les capacités de prêt de l'agence française de développement (AFD) devraient augmenter en 2017, conférant une nouvelle dimension à l'agence. En effet, comme en 2014 et en 2015, le présent projet de loi de finances prévoit une recapitalisation de l'AFD à hauteur de 280 millions d'euros. Une loi de finances rectificative devrait ensuite convertir 2,4 milliards de Ressources à condition spéciale (RCS) en fonds propres, permettant à l'Agence de poursuivre sa progression vers le montant de 12,5 milliards d'engagement annoncés par le Président de la République pour 2020.

Au total, les financements consacrés à l'APD devraient ainsi connaître une hausse en 2017, ce qui devrait permettre de mettre en oeuvre certains des nouveaux outils préconisés par vos rapporteurs dans leur rapport « Sahel : repenser l'aide au développement » 2 ( * ) , en particulier une facilité de prévention et de gestion des crises dotée d'au moins 100 millions d'euros.

Votre commission a donc émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

I. UNE AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT (APD) FRANÇAISE EN PROGRESSION AU SEIN D'UNE APD INTERNATIONALE RELANCÉE

L'aide publique au développement internationale a connu une progression importante en 2015, en grande partie du fait d'une augmentation de l'aide aux réfugiés. L'aide française est restée stable par rapport au RNB en 2015 mais devrait connaître une inflexion positive à partir de 2016.

A. UNE APD INTERNATIONALE TIRÉE PAR LE NIVEAU ÉLEVÉ DE L'AIDE AUX RÉFUGIÉS

1. Une augmentation globale due en grande partie à l'aide aux réfugiés

En 2015, selon les données préliminaires disponibles, les dix principaux pays contributeurs en volume à l'aide publique au développement (APD) ont été, par ordre décroissant : les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, le Japon, la France, la Suède, les Pays-Bas, le Canada, la Norvège et l'Italie. L'évolution sur les cinq dernières années figure dans le tableau ci-dessous :

Pour cette même année, le volume d'APD versé par les membres du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE s'est chiffré à plus de 131,6 milliards de dollars, ce qui représente 0,3 % de leur revenu national brut (RNB) cumulé (part constante depuis 2013).

Entre 2014 et 2015, l'APD nette versée par les donateurs du CAD a ainsi baissé de 4 % en valeur.

Toutefois, en volume, compte-tenu de l'inflation et de l'appréciation du dollar, l'aide atteint un niveau de 146,7 milliards d'euros, ce qui représente une augmentation de 6,9 % par rapport à l'année précédente .

En effet, l'aide humanitaire a encore progressé de près de 11 % en 2015, après une augmentation de 22 % en 2014 et 25 % en 2013 .

Surtout, l'aide aux réfugiés a progressé de 110 % en 2015 . Elle est désormais quatre fois plus élevée qu'en 2009. La situation est toutefois très contrastée selon les pays. L'Allemagne a ainsi accru son APD en faveur des réfugiés de 2,8 milliards d'euros, soit une multiplication par 17. L'aide aux réfugiés française a en revanche diminué de 23 %.

2. Des évolutions toutefois contrastées

Les pays du nord de l'Europe , qui se sont fixé pour objectif d'atteindre un ratio d'APD/RNB de 1 %, confirment leur détermination à maintenir leurs efforts. En 2015, la Suède et la Norvège sont les deux premiers donateurs du CAD en part du RNB. L'objectif des 1 % fait dans ces pays l'objet d'un large consensus politique et sert de cadrage à la programmation budgétaire. De même, les Pays-Bas reprennent une trajectoire ascendante vers l'objectif de 1 %, alors que leur APD avait diminué de plus de 900 MUSD entre 2011 et 2013.

Par ailleurs, l'exception britannique et le cas de l'Australie méritent d'être soulignés.

Le Royaume-Uni (RU), deuxième donateur du CAD en volume, a consacré 18,7 milliards de dollars à l'APD en 2015. Le pays se distingue ainsi par l'atteinte de l'objectif de 0,7 % depuis 2013, objectif qui est désormais consacré par la loi de programmation sur la cible d'aide publique au développement de mars 2015. Theresa May, le nouveau Premier ministre britannique, a indiqué à Paris le 21 juillet 2016 que l'objectif de 0,7 % serait maintenu . L'APD constitue ainsi une exception budgétaire au sein d'un État qui a été soumis à de sévères coupes budgétaires dans tous les autres domaines.

A l'inverse, en Australie, le gouvernement Abbott a annoncé à la fin de 2013 que le programme d'APD serait réduit d'environ 3,1 milliards d'euros sur trois ans , et les augmentations futures de l'aide indexées sur les prix à la consommation. Les budgets des trois dernières années ont donc été marqués par une forte baisse des crédits d'APD, la baisse atteignant même 20 % en 2015-2016. Le budget 2016-2017 a prévu une baisse supplémentaire de 5,5 %. En 2017-2018, il est ainsi prévu que l'APD ne représente plus que 0,22 % du RNB, soit le taux le plus bas de l'histoire australienne . Le gouvernement annonce vouloir concentrer son aide sur le développement du secteur privé, l'aide au commerce et le renforcement des institutions (en particulier de santé et d'éducation) des pays en développement.

L'Allemagne, les États-Unis, le Japon et le Canada se caractérisent par une stabilité des volumes d'APD qui se traduira toutefois par des variations de ratios sensibles.

L'Allemagne , troisième donateur du CAD en volume (plus de 17 milliards de dollars en 2015), dont le ratio d'aide se situait autour de 0,38 % jusque 2013, dépasse les 0,5 % pour la dernière année connue (0,52 % en 2015) . Cette nette augmentation est notamment liée à la crise des réfugiés que traversent les pays européens. Compte-tenu du nombre de réfugiés accueillis par l'Allemagne, celle-ci consacre 16,8 % de son APD aux réfugiés en 2015 .

Premier donateur en volume (31,1 milliards de dollars en 2015), les États-Unis se caractérisent par un ratio d'aide faible (0,17 % du RNB en 2015). Les États-Unis n'ont jamais adhéré à l'engagement international des 0,7 % et ne se considèrent donc pas comme liés par cet objectif.

Huitième donateur mondial en volume en 2015 (4,3millliards de dollars), le Canada a vu son ratio APD/RNB diminuer entre 2012 et 2015, passant de 0,32 à 0,28 % . Dans le cadre de la programmation triennale 2012-2015, l'Agence canadienne de développement international s'est fixé pour objectif de réaliser des économies sensibles (diminution de 2 % du budget total).

Après avoir légèrement diminué entre 2011 et 2012 (-482 MUSD), l'APD du Japon , s'est élevé à 0,23 % en 2013, niveau historiquement haut. En 2014 cependant, l'APD a baissé de près de 2,4 Mds USD, ramenant le ratio à 0,19 %. En 2015, l'APD connaît une légère hausse de 54 MUSD, permettant ainsi au Japon d'augmenter son ratio APD/RNB à 0,22 %. Ces fluctuations importantes des flux nets d'APD peuvent s'expliquer par la structure de l'aide du Japon, constituée à 60 % de prêts, et dont les importants remboursements perçus certaines années se déduisent des flux d'APD brute. Enfin, compte tenu des difficultés économiques et budgétaires actuelles, ainsi que des dépenses de reconstruction imposées par les catastrophes de 2011, il est de plus en plus difficile pour les pouvoirs publics d'assurer une progression durable du budget de l'APD. Le pays met dès lors davantage l'accent sur le développement durable et sur la qualité de l'aide.

Enfin, l'Espagne et les autres pays d'Europe du sud compriment fortement leur APD . L'Espagne avait entrepris ces dernières années un effort important d'augmentation de son APD mais la politique de rigueur budgétaire a conduit à de fortes réductions dans le budget de la coopération dès 2011 et à sa sortie du classement des dix premiers donateurs en volume. L'APD a atteint son niveau le plus bas en 2015, 1,6 milliard de dollars, soit 0,13 % du RNB . On observe une baisse similaire dans les autres pays d'Europe du sud frappés par la crise : Grèce, Portugal, Italie.


* 2 « Sahel : repenser l'aide publique au développement », rapport d'information de M. Henri de RAINCOURT et Mme Hélène CONWAY-MOURET, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées - n° 728 (2015-2016) - 29 juin 2016
https://www.senat.fr/notice-rapport/2015/r15-728-notice.html

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