B. LE CHOIX D'UN CORPUS ENVIRONNEMENTAL COMPLÉTÉ, PLACÉ SOUS L'ACTION MOTRICE DE LA CHARTE DE L'ENVIRONNEMENT

Notre pays a fait le choix, en 2005, d'adosser à sa Constitution un ensemble de droits et devoirs environnementaux, qu'une partie de la doctrine désigne sous le terme de « droits de la troisième génération 15 ( * ) ». Comme le relevait Guy Carcassonne, le constituant a ajouté un complément naturaliste à un texte jusqu'alors humaniste . Les droits et les devoirs que la charte reconnaît sont au même niveau que les droits de l'homme et le principe de souveraineté : la charte crée des droits fondamentaux à visée universelle . Elle contribue à l'évolution du droit de l'environnement vers un droit nouveau qui n'est plus seulement un droit technicien, réservé à des experts, mais devient de plus en plus un droit universel, le droit commun d'une société.

Partant de ce constat, la commission a estimé qu'il était opportun de conforter la Charte de l'environnement , qui a fait la preuve de sa capacité à répondre aux nécessités de notre temps, en confirmant sa vocation à servir de socle aux politiques environnementales et climatiques de la France. Plutôt que de modifier la charte, la commission a préféré réaffirmer son rôle central et moteur et s'appuyer sur la dynamique conciliatrice qu'elle insuffle aux politiques environnementales.

Soucieuse de ne pas perturber l'équilibre constitutionnel, la solution retenue par la commission, fruit d'une concertation étroite avec la commission des lois , présente l'avantage d' éviter une possible contradiction entre la charte et la nouvelle rédaction de l'article 1 er de la Constitution . En outre, le dérèglement climatique ne sera plus le grand absent de notre édifice normatif suprême.

Ainsi rédigée, cette réforme constitutionnelle constitue une invitation politique et symbolique forte à mener des politiques environnementales plus ambitieuses . La France préservera l'environnement ainsi que la diversité biologique et agira contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l'environnement de 2004, c'est-à-dire en faisant du développement durable un principe cardinal . Il s'agit de réaffirmer la nécessaire conciliation entre la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social, qui doit sous-tendre l'ensemble des décisions publiques en matière environnementale et climatique.

En retenant cette formule, le Sénat assure par ailleurs au législateur le respect de la plénitude de sa compétence et de son domaine . L'article 34 de la Constitution confie à la loi le soin de déterminer les principes fondamentaux de « la préservation de l'environnement » : dans son avis, le Conseil d'État considère que le maintien sans changement de cette disposition introduirait un doute sur la compétence du législateur en matière de préservation de la diversité biologique et d'action contre le dérèglement climatique. En faisant référence à la Charte de l'environnement, qui confie à la loi le soin de déterminer les conditions d'application de certains devoirs et droits, il ne subsiste plus de doute sur la compétence du législateur.

En cas de contentieux, la volonté du constituant sera donc clairement affirmée, sans effort d'interprétation : l' obligation juridique d'agir pour l'environnement et le climat , inscrit dans notre texte fondamental, permettra de garantir l'effectivité du droit de l'homme à un environnement sain, sans affecter ni le développement économique ni le progrès social.

Avec cette formule, qui tient compte des défis climatiques de plus en plus impérieux, notre pays porterait un message symbolique fort en ajoutant un objectif de valeur constitutionnelle ne figurant pas expressément dans la Charte de l'environnement. La France ferait figure de modèle pour l'engagement climatique des États du Nord , en devenant le premier pays de cette zone à y faire référence dans sa constitution.

La commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi constitutionnelle sous réserve de l'adoption de son amendement .


* 15 Dans cette approche, les droits de la première génération sont les droits civils et politiques, les droits de la deuxième génération les droits économiques, sociaux et culturels et les droits de la troisième génération les droits de solidarité (droits au développement, à la paix, à un environnement sain, à l'assistance humanitaire, etc.).

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