II. LA POSITION DE LA COMMISSION DES LOIS
A. CONSOLIDER LE DISPOSITIF DE TAXATION AFIN D'ÉTABLIR UN MODÈLE ROBUSTE ET TRANSPOSABLE, À L'AVENIR, AUX AUTRES COLLECTIVITÉS INTÉRESSÉES
1. Garantir à la CEA des marges d'adaptation aux réalités locales dans le respect du cadre juridique européen
La commission des lois s'est attachée à garantir, d'une part, la libre administration de la CEA et, d'autre part, un accompagnement adéquat des services de l'État dans la mise en oeuvre de la taxe. S'agissant de ce premier volet, elle a tout d'abord élargi dans le respect des dispositions du cadre européen applicable, les marges de manoeuvre accordées à la CEA dans la mise en oeuvre concrète de la taxe. Pour ce faire, elle a :
- ouvert à la CEA, par l'amendement COM-28 proposé par le rapporteur, la possibilité d'utiliser le « ticketing » - technologie spécifique de taxation déjà mise en oeuvre en Allemagne - pour les redevables occasionnels ;
- précisé, par l'amendement COM-25 de son rapporteur, les périodes sur lesquelles la CEA est susceptible d'apporter des modulations aux taux kilométriques qu'elle fixe, afin de garantir la bonne transposition du cadre européen de la directive dite « Eurovignette » en droit national.
S'agissant de l'accompagnement par les services de l'État, la commission a adopté les amendements COM-27 et COM-37 de son rapporteur , tendant à contraindre l'État à transmettre à la Commission européenne des informations dont dépend la prise par la CEA de certaines de ses délibérations, à octroyer un droit d'information à la CEA pour la conduite des évaluations et contrôles qu'elle est tenue de réaliser, ainsi qu'à préciser le chaînage des délibérations prises par celle-ci.
2. Bâtir une taxe « modèle », transposable, à l'avenir, aux collectivités territoriales intéressées
a) Sécuriser le dispositif pour faciliter sa transposition ultérieure à d'autres collectivités territoriales
La commission s'est en outre attachée à ce que les dispositions régissant la taxe mise en oeuvre par la CEA, premier dispositif permettant à une collectivité de mettre effectivement en oeuvre une taxation des poids lourds , puissent être transposables à de futures contributions similaires et adaptables aux prochaines évolutions du droit européen.
Dans le contexte particulier de révision de la directive « Eurovignette », la commission a souhaité assurer, dans la mesure du possible, l'adaptabilité de la taxe à cette révision de la directive pour éviter la caducité de tout ou partie de ses dispositions lors de son édiction par la CEA. Elle a, pour ce faire, adopté l 'amendement COM-26, soumis par son rapporteur , tendant à ouvrir à la CEA la possibilité de tenir compte d'une des principales orientations futures de la directive : l'abandon des classes dites « EURO » au profit d'une taxation à la distance parcourue.
Par ailleurs, la commission a souhaité, par l'adoption des amendements COM-27 et COM-29, sur proposition de son rapporteur , sécuriser les décisions de la CEA, afin de bâtir un modèle de taxe locale robuste, au regard du cadre européen applicable, le cas échéant en levant d'éventuelles incertitudes juridiques .
Elle a également proposé de renforcer les responsabilités de l'État vis-à-vis de la CEA , en le contraignant à définir au niveau national les diverses méthodologies d'évaluation de l'efficacité de la taxe puisqu 'il a paru primordial au rapporteur d'en prévoir l'harmonisation, au niveau national dès à présent, afin d'éviter à l'avenir toute disparité en la matière entre collectivités territoriales concernées.
L'amendement COM-39 du rapporteur prévoit enfin la remise d'un rapport d'étape au Parlement au plus tard deux ans après la mise en oeuvre de la taxe afin de bénéficier d'une évaluation rapide de la contribution mise en oeuvre par la CEA, dont pourraient éventuellement bénéficier les collectivités souhaitant déployer d'un dispositif similaire.
b) Assurer une mise en oeuvre concertée, respectueuse de la libre administration de la CEA, d'une taxe source d'inquiétudes pour les départements limitrophes
En l'état de sa rédaction, l'ordonnance ne prévoit aucun mécanisme de concertation avec les collectivités territoriales limitrophes ou susceptibles d'être affectées par la mise en oeuvre de la taxe. Si l'entrée en vigueur de « l'écotaxe » alsacienne, attendue de longue date, ne saurait être davantage retardée, le rapporteur rappelle la nécessité d'une telle concertation. C'est pourquoi, l' amendement COM-38, adopté par la commission sur proposition du rapporteur, vise à créer un comité ad hoc , chargé de faciliter la concertation des acteurs publics locaux en matière de taxation des poids lourds et dans lequel siègeraient les collectivités territoriales intéressées.
3. Garantir l'effectivité des contrôles et sanctions relatifs à la taxe pour en assurer le rendement
a) Des moyens de contrôle mieux encadrés mais nettement renforcés
Par l'adoption de l'amendement COM-34 de son rapporteur , la commission a souhaité ouvrir aux services de police et de gendarmerie nationales ainsi qu'aux agents assermentés de la CEA la possibilité de mettre en oeuvre des dispositifs de contrôle automatisé , afin de faciliter la constatation des infractions.
De manière à garantir la proportionnalité des dispositifs de contrôle, la commission a contrebalancé cet élargissement des moyens de contrôles à disposition des agents de la CEA et des forces de l'ordre, par l'ajout de plusieurs garanties qui encadrent de manière plus précise leurs prérogatives :
- en les soumettant à une procédure d'agrément par le procureur de la République (amendement COM-32), sur le modèle de dispositions prévues pour agents titulaires ou contractuels de l'État et des communes chargés de la surveillance de la voie publique ;
- en restreignant l'accès au fichier du système d'immatriculation, ouvert par l'ordonnance aux agents assermentés de la CEA ainsi qu'aux agents des prestataires engagés par cette dernière (amendement COM-28 ) ;
- en précisant les agents de l'État, autres que les forces de l'ordre, habilités à procéder à de telles constatations et verbalisations ( amendement COM-32) .
b) Sanctions en cas d'infraction aux dispositions relatives à la taxe : simplifier les procédures et rétablir la proportionnalité des sanctions encourues
S'agissant des sanctions, la commission a souhaité, en premier lieu, rendre applicable certaines procédures alternatives aux poursuites pénales. Elle a ainsi introduit, par un amendement COM-30 de son rapporteur , une procédure de régularisation sans pénalité au bénéfice des seuls redevables occasionnels de la taxe , modelée sur celle prévue par la LKW-Maut allemande, faisant l'objet d'un encadrement strict .
Par ailleurs, la commission a souhaité, par l'adoption de l'amendement COM-33 de son rapporteur, permettre à la CEA de bénéficier d'un mécanisme de transaction pour recouvrer le montant des amendes prononcées en cas de non-paiement de la taxe. Cette transaction, alignée sur les procédures ouvertes aux exploitants des sociétés concessionnaires d'autoroutes, éteindrait l'action publique à condition que le contrevenant s'acquitte du paiement de la somme transigée.
En second lieu, les sanctions encourues ont paru à la commission insuffisamment dissuasives et cohérentes . Aussi, a-t-elle, par l'adoption d'un amendement COM-31 du rapporteur , rehaussé et rendu proportionnel le montant de la majoration de retard et doublé, par un amendement COM-35 du rapporteur, le montant de l'amende due en cas de fraude intentionnelle, prévoyant par ailleurs les sanctions applicables à ces comportements commis en état de récidive (amendement COM-36) .