N° 613

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 mai 2023

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces (procédure accélérée),

Par M. Alain RICHARD,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Thani Mohamed Soilihi, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer, secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Alain Richard, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled.

Voir le numéro :

Sénat :

531 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Réunie le 17 mai 2023 sous la présidence de François-Noël Buffet, la commission des lois a adopté avec modifications, sur le rapport d'Alain Richard, les articles 1er à 5, 8 et 11 du projet de loi n° 531 (2022-2023) visant à donner à la douane les moyens de lutter contre les nouvelles menaces, pour lesquels elle bénéficiait d'une délégation au fond ; elle a par ailleurs adopté des amendements aux articles 9, 10 et 12, dont elle s'était saisie pour avis.

La commission a souscrit aux grandes lignes de cette réforme, dictée par la nécessité de réformer le « droit de visite douanière » après une censure prononcée par le Conseil constitutionnel le 22 septembre 2022. Elle a, pour autant, estimé nécessaire de mieux encadrer l'exercice de ce droit, à la fois emblématique des prérogatives douanières et potentiellement porteur d'atteintes lourdes aux droits individuels ; s'agissant des autres dispositions qui lui étaient soumises, elle a souhaité clarifier le régime des nouveaux outils dont le Gouvernement entend doter l'administration des douanes et favoriser, dans tous les cas où des dérogations par rapport au droit commun ne se justifient pas, l'alignement du code des douanes sur le code de procédure pénale.

C'est dans cette perspective que la commission des lois a adopté 34 amendements, préfigurant les grands principes qui devront être suivis lors de l'indispensable réécriture globale du code des douanes.

I. LA DOUANE : UNE ADMINISTRATION SINGULIÈRE, DOTÉE DE POUVOIRS D'ENQUÊTE LARGES ET DÉROGATOIRES

A. LA DOUANE, ACTRICE CENTRALE DE LA LUTTE CONTRE LES TRAFICS

Souvent décrite comme une « administration de la marchandise et de la frontière », l'administration des douanes exerce un rôle majeur dans la lutte contre les trafics de toute nature (stupéfiants, armes, tabacs de contrebande...) et, plus généralement, contre la criminalité organisée. Son niveau d'activité en 2022 atteste de l'importance de ses missions : selon le ministère chargé des comptes publics, la douane a ainsi saisi 104,53 tonnes de drogues pour une valeur de revente illicite estimée à plus d'un milliard d'euros, 640,1 tonnes de tabacs et de cigarettes et 11,53 millions d'articles de contrefaçon.

Les objectifs assignés pour l'avenir aux douanes témoignent d'une ambition forte, inscrite au coeur du contrat d'objectifs et de moyens 2022-2025 et réaffirmée lors de la présentation du plan de lutte contre la fraude fiscale et douanière le 9 mai 2023 : le Gouvernement vise ainsi le démantèlement ou l'entrave de 100 filières criminelles chaque année et une priorisation de l'intervention des douanes dans le e-commerce, avec la volonté, à l'horizon 2025, de relever 32 500 infractions dans le fret express et postal par an et de scanner l'intégralité des colis postaux venant de pays non-européens.

Source : Direction générale des douanes et des droits indirects
(dossier de présentation du projet de loi)

Pour autant, l'administration des douanes fait aujourd'hui face à un double défi. D'une part, actrice essentielle en matière de trafics, elle est confrontée, comme les autres acteurs de la sécurité intérieure, à une intensification des flux illégaux, à une complexification des pratiques délinquantes et à une adaptabilité de plus en plus forte des réseaux criminels, notamment grâce à l'appui offert aux délinquants par les nouvelles technologies ; d'autre part, elle gère désormais des frontières de natures multiples puisque, aux traditionnelles frontières terrestre, maritime et aérienne, s'ajoute désormais une frontière numérique tandis que, dans un espace Schengen intégré, les douanes doivent adapter leurs méthodes d'action à la spécificité des flux internationaux auxquels sont exposées les différentes parties de notre territoire.