B. DE NOUVEAUX FACTEURS D'ÉVOLUTION DE LA PROTECTION DU SECRET DES SOURCES
1. Les conclusions des états généraux de l'information
Lancés en octobre 2023, les états généraux initiés par le président de la République et destinés à formuler un plan d'action pour l'avenir de l'information à l'horizon 2050 ont rendu leurs conclusions le 12 septembre 2024. Celles-ci comportent quinze propositions dont la cinquième est relative au secret des sources.
États généraux de l'information
5. Renforcer la protection du secret des sources et légiférer contre les procédures-bâillons
Sans indépendance journalistique, le droit à l'information n'est plus garanti et l'espace public est entravé. À ce titre, la protection du secret des sources est essentielle. Si son principe est bien inscrit dans la loi, celle-ci doit également définir plus précisément les exceptions qu'elle autorise et préciser qu'aucune exception au secret de ces sources n'est possible avant d'avoir été formellement autorisée par un juge. Pour remédier à ces limites et permettre aux journalistes de faire valoir leurs droits a priori, nous proposons de clarifier, pour le réduire, le périmètre de « l'impératif prépondérant d'intérêt public » mentionné dans la loi de 2010 sur la liberté de la presse, qui peut être invoqué pour lever ce secret, et de prévoir l'autorisation préalable d'un juge des libertés et de la détention avant tout acte d'enquête ou d'instruction. Cela revient à s'aligner sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.
Pour ce qui concerne les procédures-bâillons, il est proposé d'introduire dans la loi une définition précise de ces procédures, valable également pour les affaires internes, ainsi que des dispositions permettant le rejet rapide des procédures infondées et des sanctions dissuasives en cas d'abus, couvrant les frais juridiques et le préjudice moral subi par le journaliste ou par la rédaction, comme c'est déjà le cas dans certains pays de l'Union européenne.
L'article 5 de la proposition de loi, déposée avant les conclusions des états généraux, ne répond pas à la recommandation relative au secret des sources, laquelle nécessite notamment un important travail d'examen de la jurisprudence. Un tel travail serait par ailleurs utilement conduit avec le Gouvernement. Or le devenir des propositions issues des états généraux de l'information et singulièrement les intentions du Gouvernement sur d'éventuelles évolutions législatives sont encore incertains.
2. Le Règlement européen sur la liberté des médias
Parallèlement, le Règlement du 20 mars 2024 établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur et modifiant la directive 2010/13/UE (règlement européen sur la liberté des médias) est entré en vigueur le 7 mai 2024. Plusieurs de ses mesures seront progressivement mises en place jusqu'à la pleine application du texte le 8 août 2025.
Son article 4 reprend le principe de la protection du secret des sources. Il dispose que : « Les États membres veillent à ce que les sources journalistiques et les communications confidentielles soient protégées de manière efficace » et prévoit la possibilité de lever de ce secret « à condition qu'une telle mesure :
« a) soit prévue par le droit de l'Union ou le droit national ;
« b) soit conforme à l'article 52, paragraphe 1, de la Charte et à d'autres dispositions du droit de l'Union ;
« c) soit justifiée au cas par cas par une raison impérieuse d'intérêt général et soit proportionnée ;
« et
« d) soit soumise à l'autorisation préalable d'une autorité judiciaire ou d'une autorité décisionnelle indépendante et impartiale ou, dans des cas exceptionnels et urgents dûment justifiés, soit autorisée ultérieurement par cette autorité sans retard injustifié. »
Ces dispositions correspondent largement à l'état actuel du droit. La mise en oeuvre du règlement européen appellera cependant des évolutions du droit interne. Le Règlement prévoit ainsi que :
« Les États membres veillent à ce que les fournisseurs de services de médias, leur équipe rédactionnelle ou toute personne qui, en raison de ses relations régulières ou professionnelles avec un fournisseur de services de médias ou son équipe rédactionnelle, pourrait disposer d'informations se rapportant à des sources journalistiques ou des communications confidentielles ou permettant de les identifier aient droit à une protection juridictionnelle effective, (...) »
Et que :
« Les États membres chargent une autorité ou un organisme indépendant disposant de l'expertise nécessaire de fournir une assistance aux personnes visés au premier alinéa en ce qui concerne l'exercice de ce droit. En l'absence d'une telle autorité ou d'un tel organisme, ces personnes peuvent demander l'assistance d'un organisme ou d'un mécanisme d'autorégulation. »
Ces dispositions semblent imposer une extension du nombre de personnes disposant d'une immunité liée au secret des sources et la mise en place de nouveaux mécanismes procéduraux permettant cette protection.