II. DES ENJEUX DE CONSTITUTIONNALITÉ ET D'OPPORTUNITÉ

Le secret des sources n'a pas en lui-même valeur constitutionnelle (décision n°2015-478 QPC du 24 juillet 2015) et sa protection est soumise par le Conseil constitutionnel à un examen de la conciliation entre droit à la liberté d'expression, droit à la vie privée et au secret des correspondances, droits de la défense et droit à un procès équitable.

Le Conseil constitutionnel exerce donc un contrôle poussé sur l'étendue des immunités pénales proposées pour renforcer la protection des sources, ce qui a conduit à la censure du dispositif proposé par la loi du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, dont l'article 5 de la proposition de loi reprend partiellement le dispositif.

1. Une extension de l'immunité disproportionnée

L'article 5 ne reprend pas le principe d'une immunité pénale quasi générale telle que proposée en 2016. Cette immunité a été considérée comme portant une atteinte disproportionnée aux exigences de sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation, à l'objectif de recherche des auteurs d'infractions et à la prévention des atteintes à l'ordre public (Décision n°2016-738 DC du 10 novembre 2016).

Les dispositions prévues en matière pénale par l'article 5 portent essentiellement sur la procédure, le code pénal n'étant modifié que pour aggraver les peines liées à l'atteinte au secret des sources.

Cependant, cet article entend, comme en 2016, étendre les immunités existantes aux collaborateurs de rédaction, ce dont le Conseil constitutionnel avait noté qu'il incluait « des personnes dont la profession ne présente qu'un lien indirect avec la diffusion d'information au public », rendant ainsi douteuse la constitutionnalité de la disposition.

La constitutionnalité de cette extension est donc au mieux incertaine et le risque de censure élevé.

2. Une complexification de la procédure pénale n'apportant pas de garanties supplémentaires pour la protection des sources

Par ailleurs, l'article 5 entend confier au juge des libertés et de la détention l'autorisation de tout acte de procédure susceptible de porter atteinte au secret des sources. Cette mesure ne pose pas de difficulté sur le plan constitutionnel mais avait été rejetée par la commission des lois lors de l'examen du projet de loi de 2016 pour plusieurs raisons qui emportent toujours la conviction de la commission.

Hugues Portelli, rapporteur de la commission, avait souligné que le dessaisissement du juge d'instruction ne paraissait pas opportun. Dessaisir le juge d'instruction des actes de procédure susceptibles de remettre en cause le secret des sources revient en effet à considérer qu'il ne peut en être le garant ; or cette défiance ne paraît pas fondée.

De plus, l'examen du caractère proportionné de la mesure portant atteinte au secret des sources et de l'impératif prépondérant d'intérêt public le justifiant s'éloigne de la compétence du juge des libertés et de la détention dont la vocation première est de s'assurer de la nécessité des mesures de détention provisoire, de rétention ou de contrainte. L'extension des compétences des juges des libertés et de la détention a fait l'objet de nombreuses critiques de la commission des lois et a considérablement alourdi la tâche de ces magistrats par ailleurs peu nombreux.

Enfin, la complexification qui résulterait nécessairement de l'intervention du juge des libertés et de la détention est contraire à l'impératif de simplification de la procédure pénale que soutient la commission des lois.

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page