B. LA PROCÉDURE PROPOSÉE POUR LES LOIS-CADRES ET LES LOIS DE FINANCES IMPOSERAIT UNE TROP GRANDE RIGIDITÉ À L'ACTION PUBLIQUE
Afin de pallier le risque d'un abandon trop rapide des objectifs de retour à l'équilibre inscrits dans la loi-cadre, que l'on constate trop souvent avec les actuelles lois de programmation des finances publiques, la proposition de loi prévoit une procédure de révision différente de la procédure d'adoption, plus stricte dans la mesure où il faut une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, et non une majorité simple.
Cette procédure possède toutefois un inconvénient majeur, à savoir que la révision de la loi-cadre ne ferait pas l'objet d'un examen et d'un vote dans chacune des deux assemblées. Le texte serait directement présenté au Parlement réuni en Congrès, composé de 62,4 % de députés et 37,6 % de sénateurs. La loi-cadre pourrait donc être révisée contre l'accord du Sénat. Cela est certes possible également pour les lois de finances, mais le Sénat peut pleinement s'exprimer dans le cas de ces dernières puisqu'il examine pleinement le texte en première lecture et participe, en cas de désaccord, à une commission mixte paritaire où les députés et les sénateurs sont représentés à égalité.
S'agissant de la majorité des trois cinquièmes, elle constitue une rigidité qui limiterait les modifications, mais pas une garantie de rigueur budgétaire. Dans le cas où un choc économique ou budgétaire impose une modification rapide de la loi-cadre, une majorité aussi forte risquerait d'obliger à des compromis qui tendraient non à réduire la dépense, mais à l'alourdir.
De fait, c'est sans doute dans les cas d'urgence que la révision de la loi-cadre serait le plus nécessaire. Or elle ralentirait le processus de décision, puisqu'il faudrait réviser la loi-cadre avant de voter un projet de loi de finances rectificative.
Par ailleurs, l'obligation d'examen de ces deux textes par le Conseil constitutionnel, introduite également par la proposition de loi constitutionnelle, s'opposerait en pratique à l'engagement de mesures aussi rapides que ce que la France a pu réaliser en mars 2020 lors du premier confinement lié à la crise sanitaire : un projet de loi de finances rectificative, déposé le 18 mars, a été adopté définitivement le 20 mars et promulgué le 23 mars grâce à un accord sur l'urgence d'agir partagé entre le Gouvernement et les deux assemblées. Il prévoyait une dégradation du solde public de plus d'1,5 point de PIB par rapport à la loi de finances pour 2020.
Une procédure trop rigide ne permettrait pas de faire face à un cas d'urgence tel que la crise sanitaire de mars 2020.
S'agissant des lois de finances, un dépôt des lois de finances le 15 septembre serait certes bienvenu pour permettre aux parlementaires de disposer de plus de temps pour examiner le texte. Toutefois il représenterait une contrainte très forte pour les administrations chargées d'élaborer le projet de loi de finances, ainsi que pour le Conseil d'État et le Haut Conseil des finances publiques, chargé de son examen avant son dépôt au Parlement.
Une telle contrainte risquerait donc de nuire à la qualité du texte initial et à pousser le Gouvernement à présenter un nombre encore plus élevé de mesures par voie d'amendement, au détriment de l'information du Parlement, et non dans le texte initial, où elles bénéficient d'un avis du Conseil d'État et d'une évaluation préalable. En outre, plus le texte est présenté tôt, moins il peut fonder ses hypothèses macro-économiques sur une visibilité satisfaisante de la situation de l'année suivante.