EXAMEN DE L'ARTICLE

CHAPITRE IER
Piloter la politique de santé au plus près des territoires
Article 1er
Renforcement du rôle du département en matière d'accès aux soins et création d'un Office national et d'offices départementaux de l'évaluation de la démographie des professions de santé

Cet article vise à renforcer le rôle du département en matière d'accès aux soins et à créer un office national et des offices départementaux de l'évaluation de la démographie des professions de santé.

La commission a adopté l'article 1er modifié par un amendement tendant à reconnaître aux départements un rôle de coordination des actions en faveur de l'installation des professionnels de santé dans les zones sous-denses et à renforcer le rôle des offices départementaux d'évaluation de la démographie des professions de santé dans la détermination des zones sous-denses.

I. Des politiques publiques d'accès aux soins et d'évaluation des besoins de soins insuffisamment territorialisées

A. Une action volontariste des départements en faveur de l'accès aux soins, mais limitée par l'absence de reconnaissance de leur rôle de coordination

En application de l'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales, le département a compétence pour promouvoir les solidarités, la cohésion territoriale et l'accès aux soins de proximité sur le territoire départemental, dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des régions et des communes.

La plupart des départements se sont saisis de cette compétence, en lançant notamment des plans départementaux afin d'améliorer l'accès aux soins. Le Loir-et-Cher, par exemple, a lancé le plan « Le 41 en bonne santé » pour améliorer la démographie médicale du territoire ainsi que l'organisation et la coordination des dispositifs de santé et de soins sur l'ensemble du territoire. Le Conseil départemental de la Meuse a également lancé le plan « E-Meuse Santé » afin de mettre la téléconsultation au service des patients souffrant de difficultés d'accès aux soins. Dans ce cadre, plus de 5 000 téléconsultations ont été effectuées depuis 2021, avec la présence systématique d'un professionnel de santé aux côtés du patient.

Cependant, les départements ne disposent pas d'une compétence de coordination. Comme l'a souligné Départements de France, « À ce jour, l'offre de soins sur les territoires se caractérise par la multiplicité des acteurs issus des secteurs public, para-public et privé, déployant des initiatives souvent volontaristes, mais trop souvent éparses et insuffisamment articulées entre elles. Cette absence de coordination nuit à la lisibilité, à la continuité et à l'efficacité des actions menées ». La réponse aux difficultés d'accès aux soins est donc insuffisamment territorialisée. Selon Départements de France, en effet, « les Agences régionales de santé (ARS) demeurent, de par leur organisation et leur périmètre d'action, trop éloignées des réalités de terrain pour répondre pleinement aux enjeux de proximité. Il apparaît donc nécessaire de renforcer le rôle des collectivités départementales dans la planification territoriale de l'offre de soins ».

B. Une évaluation des besoins de soin insuffisamment territorialisée

En application du décret du 13 juillet 2010 relatif aux missions de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS), l'ONDPS est chargé de rassembler et de diffuser les données relatives à la démographie des professionnels de santé et à l'accès aux soins.

À ce titre :

1° Il rassemble les données harmonisées nécessaires aux analyses régionales et nationale relatives à la démographie des professionnels de santé, à leur implantation sur le territoire, à leurs modes d'exercice, notamment pluriprofessionnel, et à l'accès aux soins ;

2° Il propose au ministre chargé de la santé et au ministre chargé de l'enseignement supérieur, à partir des propositions des comités régionaux, le nombre et la répartition des effectifs de professionnels de santé à former, par profession et par spécialité, et par région ou subdivision ;

3° Il définit le cadrage et apporte l'appui méthodologique pour la production de données et d'indicateurs harmonisés et contribue à leur analyse ;

4° Il synthétise et diffuse les travaux d'observation, d'études et de prospective réalisés, notamment au niveau régional ;

5° Il promeut, d'une part, les initiatives et études de nature à améliorer la connaissance des conditions d'exercice des professionnels, en particulier en cas d'exercice pluriprofessionnel, ainsi que la connaissance de l'évolution de leurs métiers et de leurs activités et, d'autre part, l'évaluation des actions engagées afin de répondre aux besoins des professionnels et des usagers dans chaque région ;

6° Il assure le secrétariat de la conférence nationale chargée de proposer les objectifs nationaux pluriannuels de professionnels de santé à former.

L'ONDPS est composé d'un conseil d'orientation et de comités régionaux présidés par les directeurs des ARS. Ces comités régionaux ne comprennent pas de représentants des départements et des communes.

II. Une meilleure territorialisation des politiques d'amélioration de l'accès aux soins et d'évaluation des besoins de soins

A. La reconnaissance d'un rôle de coordination des conseils départementaux en matière d'installation des professionnels

Le texte propose que le département coordonne, avec les agences régionales de santé et les caisses primaires d'assurance maladie, les actions en faveur de l'installation des professionnels de santé dans les zones sous-denses. Une telle mission prolongerait la compétence reconnue au département en matière d'accès aux soins de proximité et permettrait de mieux articuler les initiatives menées par les collectivités territoriales, les administrations déconcentrées et l'Assurance maladie. De surcroît, comme le met en avant Départements de France, « les politiques sociales mises en oeuvre par les départements constituent un levier essentiel pour l'observation et l'analyse des besoins de santé à l'échelle territoriale ».

B. La création d'un Office national et d'offices départementaux de l'évaluation de la démographie des professions de santé

L'article 1er crée un Office national de l'évaluation de la démographie des professions de santé, chargé de rassembler et de diffuser les données relatives à la démographie des professions de santé et à l'accès aux soins.

Il aurait pour mission de dresser un bilan annuel des besoins identifiés pour chaque profession de santé, le cas échéant par spécialité, aux niveaux national et territorial. Il lui reviendrait également de déterminer les objectifs nationaux d'admission en première année de deuxième cycle d'études de santé.

Le texte prévoit également la mise en place d'un office à l'échelle départementale, présidé par le président du conseil départemental. Cet office comprendrait des représentants des délégations départementales des agences régionales de santé et des caisses primaires d'assurance maladie. Il associerait les représentants des structures territorialement compétentes des ordres et consulterait les représentants des conseils territoriaux de santé.

Il aurait pour rôle d'identifier les besoins en professions de santé des territoires de santé concernés. Les schémas régionaux de santé devraient s'appuyer sur les observations de ces offices départementaux.

L'Office national et les offices départementaux rendraient un avis annuel sur l'offre de stage tout au long des études de médecine dans les zones médicales sous-denses, en particulier sur la réalisation des stages des internes en quatrième année de médecine générale, les « docteurs junior », dont la première cohorte sera déployée à partir de septembre 2026.

Cet office national et ces offices départementaux auraient pour vocation de se substituer à l'ONDPS.

III. La position de la commission : un dispositif bienvenu, sous réserve d'un renforcement supplémentaire du rôle des collectivités territoriales dans l'évaluation des besoins de soins

Pour la commission, une meilleure territorialisation de l'évaluation des besoins de soins et des politiques d'accès aux soins est nécessaire. Le renforcement du rôle des conseils départementaux permettrait de tirer profit de leur connaissance du territoire, liée en particulier à l'exercice de leurs compétences sociales.

La commission, qui avait proposé dès 2022 de créer une quatrième année de troisième cycle pour la médecine générale avec une affectation prioritaire des internes dans les zones sous-denses5(*), approuve en particulier le rôle confié aux offices départementaux en matière d'évaluation de l'offre de stage de médecine dans les zones sous-denses.

Les premiers « docteurs junior » effectueront en effet leurs stages au cours de l'année scolaire 2026/2027. Évaluer avec précision l'offre de stage dans les zones sous-denses permettrait de garantir le respect de la volonté du législateur. L'article 37 de la LFSS pour 2023 a en effet prévu à l'initiative du Sénat la création d'une quatrième année de troisième cycle pour la médecine générale, en priorité dans les zones sous-denses.

Pour la commission, il est nécessaire de renforcer le rôle des collectivités territoriales dans l'évaluation des besoins de soins. Elle a donc adopté l'amendement  COM-45 du rapporteur pour avis, identique à l'amendement COM-4 de la rapporteure de la commission des affaires sociales. Cet amendement :

- renforce le rôle des offices départementaux d'évaluation de la démographie des professions de santé dans la détermination des zones sous-denses en prévoyant que le directeur de l'agence régionale de santé détermine ces zones après avis conforme des offices départementaux concernés ;

- prévoit que ce zonage est révisé tous les ans, et non tous les deux ans, comme en dispose actuellement l'article L. 1434-4 du code de la santé publique ;

- précise que le diagnostic médical partagé prévu au III de l'article L. 1434-10 du code de la santé publique s'appuie sur les travaux des offices départementaux d'évaluation de la démographie des professions de santé concernés ;

- indique que les représentants des communes et de leurs groupements concernés sont associés aux offices départementaux d'évaluation de la démographie des professions de santé. Il assure ainsi une meilleure représentation des collectivités territoriales.

La commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 1er ainsi modifié.


* 5 Recommandation 19 du rapport d'information n° 589 (2021-2022), déposé le 29 mars 2022 « Rétablir l'équité territoriale en matière d'accès aux soins : agir avant qu'il ne soit trop tard ».

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