EXAMEN DES ARTICLES

Article 28
Polycliniques olympiques et paralympiques

Cet article propose la création au sein, ou à proximité immédiate, de chaque village olympique ou paralympique d'un centre de santé géré par un établissement support de la région qu'il dessert en vue de répondre à la nécessité d'un accès immédiat à des soins primaires pour les athlètes et membres des délégations.

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article modifié par un amendement qu'elle a adopté.

I - Le dispositif proposé

A. La création d'un centre de santé au sein, ou à proximité immédiate, de chaque village olympique

1. Une polyclinique prévue par le contrat « ville hôte »

Les conditions opérationnelles du contrat ville hôte, définies en 2022, comprennent quinze points relatifs aux services médicaux1(*). Le point MED-05 prévoit la création de polycliniques « dans chacun des villages olympiques et paralympiques pour offrir un ensemble complet de soins aux athlètes et officiels ».

Les rapporteurs pour avis notent que les dispositions du présent projet de loi ont pour objectif de reproduire l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris 2024 en les adaptant aux spécificités des JOP Alpes françaises 2030 et, notamment, à l'existence de plusieurs villages olympiques et paralympiques.

Toutefois, contrairement à l'étude d'impact qui accompagnait le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions présenté à la fin de l'année 2022, celle du présent projet de loi ne comporte aucune précision relative aux services délivrés et aux prévisions d'activité au sein des centres de santé ou encore aux besoins quotidiens en professionnels de santé. Ainsi, il apparait difficile d'estimer si l'organisation proposée permettra de répondre pleinement aux objectifs fixés par le contrat ville-hôte et les lettres d'engagement du Gouvernement.

MED 05 - Polycliniques des Villages olympiques et paralympiques

• Établir une polyclinique pluridisciplinaire dans chacun des villages olympiques et paralympiques pour offrir un ensemble complet de soins aux athlètes et officiels. Les polycliniques doivent également disposer d'un espace adapté pour les bureaux et salles de réunion de la commission médicale et scientifique du CIO et du comité médical de l'IPC. Pour assurer son fonctionnement, des médecins, infirmiers, pharmaciens, dentistes, physiothérapeutes (dont kinésithérapeutes, masseurs sportifs, ostéopathes et chiropracteurs), optométristes et autres spécialistes fourniront divers services :

- 16 heures par jour, soins primaires, médecine du sport, services médicaux spécialisés (y compris en psychiatrie et psychologie [spécialistes de la santé mentale]), services pharmaceutiques (notamment stockage, administration et enregistrement des médicaments selon la législation du Pays hôte et y compris les réglementations de l'Agence Mondiale Antidopage [AMA] en vigueur), services dentaires (y compris soins d'urgence, examens de contrôle et confection de protection intra-buccale pour les athlètes), soutien à la santé mentale des athlètes coordonné avec le programme de protection des personnes du CIO/de l'IPC, thérapies physiques (y compris massage, services de prévention et de traitement en cas de blessure ou de maladie), radiologie (imagerie avec scanners, appareils de radiographie, Imagerie par résonance magnétique (IRM), tomodensitomètres et autres si nécessaire) et optométrie ;

- 24 h sur 24, services médicaux d'urgence.

Source : Extrait du contrat ville hôte

Dans le cadre des JOP 2030, trois lettres de garanties ont été signées par le Premier ministre en date du 29 mars 2024 dans le champ de la santé :

- La première concerne les services médicaux en garantissant « tous les aspects liés aux services médicaux et de santé pour les Jeux afin de protéger la santé des participants aux Jeux, des médias, des autres personnes accréditées et des spectateurs » ;

- La seconde concerne l'habilitation des médecins étrangers à exercer en France. Ces médecins d'équipe sont habilités de droit à soigner les membres de leur délégation nationale durant la période des tests et des JOP, et pourront notamment établir des ordonnances et prescrire des examens médicaux ;

- La troisième concerne la mise à disposition des services publics (notamment de la santé, des urgences et des secours) sans frais pour le comité d'organisation (COJOP).

Source : Réponse de la DGOS au questionnaire transmis par les rapporteurs pour avis

À titre d'exemples, bien que l'étude d'impact précise que certaines activités pourraient être externalisées « dans une logique d'optimisation de certaines disciplines relevant du périmètre de la polyclinique » ou encore que les patients pourraient être transférés « pour les soins qui ne pourraient être pris en charge au sein de la polyclinique » dans l'un des établissements référents identifiés, aucune précision ne figure quant aux potentielles activités qui pourraient faire l'objet d'une externalisation ou quant aux modalités de prise en charge au sein des établissements référents pour les soins qui ne pourraient être effectués au sein des centres de santé. Enfin, l'étude d'impact précise que « les services ne relevant pas, par nature, d'un centre de santé, tels que les actes chirurgicaux et les hospitalisations, sont exclus du champ de la polyclinique ». Ces actes seront donc effectués au sein des établissements de santé de la région.

De même, le calibrage des différentes polycliniques n'est, à ce stade, pas établi. Interrogée sur cette absence d'évaluation et de projection, la délégation interministérielle aux jeux Olympiques et Paralympiques a précisé que des projections précises seraient établies à l'issue des JOP de Milan-Cortina 2026 dont le nombre d'athlètes et les disciplines représentées seront comparables à ceux des JOP Alpes 2030.

Éléments chiffrés et organisation sanitaire
lors des précédents JOP d'hiver2(*)

Concernant les JOP de PyeongChang 2018 :

- 2 800 athlètes de 92 CNO dont 1 169 athlètes féminines.

- 2 polycliniques mises en place : 1 au village olympique du Cluster montagne ; 1 au village olympique de Gangneung (cluster de la côte).

- Au total, dans les deux polycliniques : 5 405 consultations médicales dont 1 639 concernant des athlètes dont 237 avec des blessures. Le service médical ayant eu à traiter le plus grand nombre de cas est celui de médecine générale.

- Les deux polycliniques disposaient de dispositifs d'imagerie médicale.

- Les disciplines pour lesquelles les athlètes ont eu le plus besoin de recourir à une assistance médicale ont été le snowboard et le ski freestyle, le bobsleigh et le hockey-sur-glace.

Concernant les JOP de Vancouver 2010 :

- Environ 2 600 athlètes.

- 2 polycliniques mises en place avec un système de soins permanents et de soins sur demande.

- 2 737 consultations médicales concernant des athlètes.

- Enfin, les disciplines pour lesquelles les athlètes ont eu le plus besoin de recourir à une assistance médicale ont été le ski alpin, le bobsleigh et le snowboard et le ski freestyle.

2. La création de ces structures sous la forme de centres de santé

· Le I de l'article 28 prévoit la création de centres de santé spécifiques à la prise en charge des membres des délégations olympiques et paralympiques et des personnes accréditées par le Comité international olympique (CIO) et le Comité international paralympique (CIP) au sein du village olympique et paralympique. Ces centres de santé sont dénommés « Polycliniques olympiques et paralympiques ».

Comme l'explique l'étude d'impact et comme l'ont rappelé les organisations entendues en audition, « l'option retenue pour les JOP de Paris 2024 ayant permis de répondre aux besoins, il semble raisonnable de reconduire le même dispositif à savoir : donner le statut de centre de santé à fonctionnement dérogatoire à chaque polyclinique ».

Ces centres de santé sont créés pour la « durée d'accueil » de ces personnes. Toutefois, à ce stade, les dates d'ouverture et de fermeture des villages olympiques ne sont pas encore connues. Pour rappel en 2024, le village olympique avait ouvert deux semaines avant le début officiel des épreuves. Il avait fermé ses portes le 10 septembre soit deux jours après la cérémonie de clôture des jeux Paralympiques.

La POP Paris 2024 a été ouverte aux dates d'ouvertures du village Olympique et Paralympique, du 12 juillet au 13 août puis du 18 août au 10 septembre 2024, avec une offre de soins réduite entre le 12 et le 17 juillet 2024 d'une part, correspondant à la préouverture olympique du village, et entre le 18 et 20 août 2024 d'autre part, correspondant à la période de préouverture paralympique du village.

Elle a été fermée pendant la période de transition entre les jeux Olympiques et les jeux Paralympiques (du 14 au 17 août).

Aux termes du I, la création et la gestion de chacun de ces centres de santé seraient confiées à un « établissement de santé de la région du village olympique ou paralympique qu'il dessert ». Le texte n'apporte aucune précision complémentaire relative aux caractéristiques de ces établissements, ou à la possibilité d'attribuer à un même établissement la gestion de plusieurs centres de santé.

Par ailleurs, l'avis du Conseil d'État sur le projet de loi indique que le Gouvernement souhaite ne pas exclure la possibilité de confier la création et la gestion de l'un de ces centres de santé à un établissement de santé privé à but lucratif.

Ainsi, alors que la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions mentionnait explicitement la signature d'une convention de financement entre l'AP-HP, gestionnaire de la polyclinique, et le comité d'organisation des Jeux, il n'est pas précisé dans le présent projet de loi quelle sera la nature des liens, notamment financiers, entre les établissements de santé gestionnaires et le Comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (COJOP) Alpes françaises 2030. Interrogés sur ces éléments par les rapporteurs, le COJOP a indiqué, sans plus de précision à ce stade, que « les conditions de fonctionnement et de financement seront définies au sein d'une convention établie entre les établissements de santé concernés et le COJOP ».

Il convient également de souligner qu'à ce stade, les instances d'organisation des Jeux ne sont pas en mesure d'indiquer si la mise en place de ces centres de santé nécessitera des constructions nouvelles et, le cas échéant, de quelle ampleur seront ces constructions. Pour rappel en 2024, le centre de santé temporaire n'avait pas nécessité de construction nouvelle : il avait occupé les locaux d'un institut de formation en ostéopathie, massage-kinésithérapie et pédicurie-podologie.

B. Un régime adapté par rapport au droit commun pour tenir compte des besoins particuliers de Alpes françaises 2030

Par le présent article, il est dérogé au régime de droit commun des centres de santé sur trois aspects substantiels :

l'accessibilité au centre de santé, les centres de santé étant réservés exclusivement aux membres des délégations et personnes accréditées ;

- la facturation des actes et prestations, gratuits pour les athlètes et sans coût pour l'assurance maladie car pris en charge par le Cojop dans le cadre des conventions qui seront signées avec les établissements de santé référents ;

- la possibilité de présence d'une pharmacie hospitalière.

1. Des dispositions adaptées par rapport au régime habituel des centres de santé en matière d'accès et de tarification

Le I précise ainsi que la création du centre de santé est formulée comme dérogeant expressément aux deux derniers alinéas de l'article L. 6323-1 du code de la santé publique3(*), lesquels prévoient qu'un centre de santé :

- est ouvert à toute personne sollicitant une prise en charge ;

- réalise à titre principal des prestations remboursables par l'assurance maladie.

En revanche, à la différence du dispositif dérogatoire adopté lors des Jeux de Paris 2024, il n'est pas prévu de dérogation à la possibilité de créer un centre de santé exclusivement consacré à des activités de diagnostics. La multiplication des sites et notamment l'existence de deux villages olympiques relativement proches à Bozel et La Plagne justifie de laisser une telle possibilité dans l'organisation des soins.

Le II prévoit que le centre de santé réalise à titre exclusif des prestations à titre gratuit pour les personnes mentionnées au I, soulignant le public spécifique dérogatoire déjà établi au I d'une part, mais aussi la dérogation aux règles de prise en charge par la sécurité sociale d'autre part.

Dans ce même cadre de gratuité, le II précise que différentes dispositions relatives à la prise en charge des soins ne seraient pas applicables. Il s'agirait :

- de l'article L. 161-35 du code de la sécurité sociale (CSS) relatif à la transmission électronique des documents nécessaires à la prise en charge des soins, produits ou prestations par l'assurance maladie ;

- de l'article L. 162-32 du CSS relatif à la subvention versée par les CPAM aux centres de santé conventionnés pour les professionnels de santé qu'ils emploient ;

- de l'article L. 162-32-3 du CSS relatif à la faculté, pour les CPAM, de placer un centre de santé hors de la convention pour violation des engagements prévus par l'accord national ;

- de l'article L. 162-32-4 du CSS relatif aux conditions de remboursement, sur la base des tarifs d'autorité, des prestations des centres de santé n'adhérant pas à l'accord national ;

- de l'article L. 6323-1-7 du code de la santé publique (CSP) relatif au tiers payant dans les centres de santé et à l'absence de dépassement d'honoraires.

L'accord national régissant les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les centres de santé - mentionné aux articles L. 162-32-1 et L. 162-32-2 du CSS - ne lui serait pas davantage applicable.

2. Une gestion confiée aux établissements de santé des régions concernées mais reposant pour partie sur des volontaires olympiques

· L'article 28 précise que « chaque centre est créé et géré par un établissement de santé de la région du village olympique et paralympiques qu'il dessert ».

Ainsi, il est prévu dans le modèle présenté que l'établissement de santé « référent » recrute et salarie directement des professionnels de santé pour exercer au sein de la polyclinique. L'étude d'impact prévoit que « les personnels encadrants seront systématiquement des salariés des établissements de santé ». Les autres professionnels exerçant dans le centre, majoritaires, seront des volontaires olympiques et paralympiques4(*).

À ce stade, les besoins quotidiens en ressources humaines ne sont pas encore définis.

Comme indiqué précédemment, une convention de coopération liant le COJOP 2030 et les établissements de santé, sous l'égide des ARS Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur, précisera les modalités de fonctionnement de la polyclinique, et définira les rapports financiers entre les Parties. Comme le précise l'étude d'impact, Alpes françaises 2030 s'engage à prendre en charge « à l'euro près » les dépenses directes et indirectes des établissements dans le cadre de la polyclinique.

3. Des adaptations à venir concernant les exigences relatives au projet de santé

Aux termes du I, les articles L. 6323-1-10 et L. 6323-1-11 du CSP, relatifs au projet de santé, sont expressément signalés comme applicables, sous réserve d'adaptations prévues au III.

Suivant le même besoin d'adaptation des conditions de droit commun applicables aux centres de santé aux réalités des polycliniques, le III permet au directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) territorialement compétent d'adapter, par arrêté :

- le contenu du projet de santé et du règlement de fonctionnement qui lui est annexé, lesquels figurent à l'article L. 6323-1-10 du code de la santé publique ;

- le contenu de l'engagement de conformité et L. 6323-1-11 du même code ;

- les conditions dans lesquelles les professionnels de santé sont associés à l'élaboration du projet de santé.

4. Une autorisation d'installation d'appareils d'imagerie par résonance magnétique nucléaire et de scanographes à utilisation médicale

Le IV autorise expressément l'installation et le fonctionnement, au sein du centre de santé, d'appareils d'imagerie médicale par résonance magnétique (IRM) nucléaire et d'un scanographe à utilisation médicale.

Ces appareils sont, en principe, soumis à autorisation de l'ARS5(*). Outre l'autorisation expresse, est également formulée l'exclusion des dispositions des chapitres II et III du titre II du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique, lesquelles concernent le régime des autorisations et les conditions d'implantations de certaines activités de soins et des équipements matériels lourds.

L'utilisation de ces équipements demeure cependant, aux termes du même IV, soumise aux conditions de droit commun et doit répondre aux exigences techniques de fonctionnement6(*).

Enfin, en cas d'urgence tenant à la sécurité des patients ou du personnel, le dernier alinéa du IV précise que le directeur général de l'ARS peut prononcer l'interruption immédiate, totale ou partielle, de l'utilisation des équipements. Il est ainsi renvoyé aux dispositions de droit commun (II de l'article L. 6122-13 du CSP).

Le lieu d'implantation et le nombre d'appareils d'imagerie par résonance magnétique nucléaire et de scanographes à utilisation médicale n'étant pas encore fixé, il conviendra d'accorder une attention spécifique aux conditions d'installation de ces équipements lourds afin d'assurer le respect des exigences de sécurité attachées à ces équipements.

5. La mise en place de pharmacies à usage intérieur

a) L'autorisation d'une PUI en dehors du milieu hospitalier

Le V prévoit la possibilité pour le centre de santé de disposer d'une pharmacie à usage intérieur (PUI) par le biais d'une installation de locaux d'une PUI des établissements gestionnaires au sein de la structure.

Il s'agit notamment d'assurer la dispensation de spécialités relevant de la réserve hospitalière. Il est à cette fin dérogé à :

- l'article L. 5126-1 du code de la santé publique qui définit les missions des PUI et leur nature hospitalière ;

- l'article L. 5126-4 du code de la santé publique qui subordonne la création d'une PUI à une autorisation du directeur général de l'ARS.

Comme le précise le deuxième alinéa du V, la PUI du centre de santé est autorisée à délivrer au détail aux membres des délégations et personnes accréditées une liste de médicaments, de produits ou objets réservés au monopole des pharmaciens (article L. 4211-1 du CSP) et de dispositifs médicaux stériles. Si la délivrance de ces produits, médicaments et dispositifs n'est pas limitée aux personnes directement prises en charge par le centre de santé en question, celle-ci reste exclusivement réservée aux membres des délégations olympiques et paralympiques et aux personnes accréditées par le Comité international olympique et le Comité international paralympique. 

Les conditions de délivrance sont fixées par décret et la liste des produits de santé éligibles est arrêtée par le ministre chargé de la santé après avis de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

b) Une extension du champ des pharmaciens autorisés à exercer dans cette PUI temporaire

Toujours au titre du fonctionnement de la PUI des centres de santé, le VI prévoit une dérogation aux règles d'exercice des pharmaciens en ce qui concerne l'inscription à l'ordre des pharmaciens dans les conditions prévues aux articles L. 4221-1 et L. 4232-1 du CSP.

Ainsi, alors que les pharmaciens exerçant en PUI doivent être inscrits au tableau de la section H de l'ordre, seraient autorisés à exercer au sein de la PUI du centre de santé les pharmaciens inscrits aux tableaux des sections A, D et E, soit principalement les pharmaciens d'officine (A), adjoints ou remplaçants (D) et pharmaciens qui exercent en outre-mer (E). Une information est exigée du conseil central ou du conseil régional dont les pharmaciens relèvent, aux termes de l'article L. 4222-3 du CSP.

Contrairement au dispositif dérogatoire mis en place dans le cadre de Paris 2024, le texte prévoit également de déroger à la seconde phrase du dernier alinéa de l'article L. 5125-11 du CSP afin de permettre aux pharmaciens associés de pouvoir exercer au sein des PUI ainsi constituées. En effet, ledit article L. 5125-11 interdit aux pharmaciens associés d'exercer une autre activité pharmaceutique, à l'exception de celle de pharmacien de sapeur-pompier volontaire.

Concernant les PUI ainsi créées, le Conseil national de l'ordre des pharmaciens estime que ce choix d'organisation ne « pose pas de difficultés particulières dans la mesure où il s'agit d'un dispositif par nature dérogatoire et temporaire, et où les pharmaciens autorisés à intervenir au sein des PUI exerceront sous la responsabilité d'un pharmacien hospitalier de l'établissement de santé gestionnaire ».

II - La position de la commission

Dans le cadre de la préparation de Paris 2024, deux projets de loi avaient été adoptés par le Parlement. Le premier, définitivement adopté en mars 2018, ne comportait pas de dispositions relatives à l'organisation des soins pendant la période, celles-ci étant contenues dans le second projet de loi dont l'adoption définitive a eu lieu en mai 2023.

Fort de l'expérience de 2024, le Gouvernement a fait le choix de ne soumettre à ce stade qu'un seul projet de loi au Parlement intégrant l'ensemble des dispositions dérogatoires nécessaires en vue des JOP de 2030. Si cette anticipation ne peut être que bienvenue afin de préparer au mieux l'évènement, elle a pour conséquence d'obliger le législateur à dresser un cadre dérogatoire sans pour autant disposer de projections, d'évaluation ni d'informations précises.

En effet de nombreuses questions restent aujourd'hui en suspens notamment l'articulation entre les établissements de santé référents et les autres établissements de la région afin de permettre une organisation graduée selon les besoins, sans déstabiliser l'offre de soin dans les territoires concernés.

Les rapporteurs pour avis soulignent que le contrat ville hôte prévoit un engagement pour le système de santé qui dépasse les seuls services dus aux athlètes ou dans les villages olympiques et paralympiques.

MED 03 - Planification des services médicaux avant les Jeux

• S'assurer que le niveau des services médicaux dont bénéficie la société civile n'est pas compromis durant les Jeux. Tout problème de capacité doit être résolu durant la phase de planification afin d'assurer l'utilisation optimale des ressources sanitaires et un niveau approprié de soins pour la société civile et les acteurs des Jeux Olympiques et Paralympiques.

Ainsi, ni la DGOS, ni le COJOP ni les ARS n'ont pu indiquer aux rapporteurs pour avis des estimations d'affluences dans les centres de santé ou de besoins en professionnels de santé au sein des polycliniques. De plus, même si, comme l'indique l'ARS PACA dans sa réponse au questionnaire, le centre hospitalier de Briançon et le CHU de Nice « seront des partenaires incontournables de ces polycliniques », tout comme « le CHU de Grenoble le sera pour les sites rhônalpins », aucune information précise n'a pu être transmise aux rapporteurs pour avis concernant les établissements qui seront chargés de la gestion de ces polycliniques.

Il apparaît essentiel de pouvoir bénéficier au plus tôt d'informations précises sur ces différents points afin de permettre aux acteurs sur le terrain de pouvoir se préparer les meilleures conditions possibles sans fragiliser l'offre de soins pour les populations concernées. Ainsi l'ARS PACA a indiqué aux rapporteurs pour avis devoir anticiper des investissements lourds pour accompagner les établissements de santé concernés par les JOP 2030 dans la modernisation des infrastructures et de l'offre de soins en matière de prise en charge urgente, critique ou chirurgicale, tels que la modernisation du service d'accueil d'urgence du site de Gap ou encore du bloc opératoire du centre hospitalier de Briançon.

Si la commission reconnaît que l'organisation des JOP 2030 reste un évènement de moindre ampleur que les JOP de Paris 2024, elle souligne toutefois le risque d'un « déport » de certains professionnels vers les polycliniques et la mobilisation des hôpitaux au bénéfice des spectateurs au détriment de la population locale. Elle insiste sur le fait que les JOP 2030 se tiendront à une période où l'offre de soins dans ces régions est déjà sous tension du fait de la saison touristique et des épidémies liées aux infections respiratoires aiguës saisonnières.

Bilan de l'activité de la polyclinique durant les JOP 20247(*)

- 11 161 prises en charge sur les sites olympiques ;

- 5 448 consultations à la polyclinique olympique ;

- 283 évacuations non médicalisées vers un établissement de santé ;

- 20 interventions médicalisées par le SMUR (structure mobile d'urgence et de réanimation) ;

- 1 patient en arrêt cardio-respiratoire ;

- Aucune intervention de la CUMP (cellule d'urgence médico-psychologique).

Les retours d'expérience du SAMU de Paris ne montrent aucun impact significatif sur le nombre de passages aux urgences ou d'hospitalisations en Ile-de-France, ni sur le nombre de dossiers de régulation médicale ou d'appels « au 15 » franciliens.

Toutefois, les acteurs entendus se sont montrés rassurants, quant à la capacité pour le système de soins de faire face au renforcement des tensions sur l'offre de soins pendant la période des jeux Olympiques et Paralympique.

Ainsi l'ARS PACA, tout en soulignant que des renforts nationaux devront être mobilisés, rappelle que « le département des Hautes-Alpes a l'habitude de fluctuations saisonnières importantes chaque hiver et dispose d'un savoir-faire en la matière » et précise que « de nombreux cabinets de montagne existent sur le territoire, qui est habitué aux saisons touristiques et au secours en montagne ». Le président de l'association des maires des Hautes-Alpes indique également que le département « dispose déjà de structures de santé capables de gérer une forte affluence saisonnière » et que « la tenue des jeux Olympiques dans les Hautes-Alpes ne devrait pas perturber le fonctionnement global du système de santé ».

Dans ce cadre, la commission estime qu'il convient de veiller à ne pas mettre en tension certains services déjà fragiles dans les territoires concernés et qu'il faut pour cela disposer d'évaluations précises et évolutives des besoins et de l'offre en santé disponible.

Dès lors, les rapporteurs pour avis ont soumis un amendement COM-31, que la commission a adopté, afin de confier au COJOP une mission spécifique de suivi de la mise en oeuvre des dispositions relatives à la santé en y associant l'ensemble des acteurs sur les territoires et notamment les élus locaux.

Enfin, les rapporteurs pour avis soulignent une nécessaire vigilance sur le suivi des coûts engagés et le bon remboursement aux établissements de santé des prestations délivrées, tant dans le cadre des centres de santé qu'auprès des visiteurs étrangers, et ce alors que des difficultés de recouvrement sont connues.

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 29
Autorisation dérogatoire d'exercice de professionnels de santé étrangers concourant aux jeux Olympiques et Paralympiques

Cet article autorise certains professionnels de santé étrangers à exercer leur activité sur le territoire français dans le cadre des missions qui leur sont confiées pour les jeux Olympiques et Paralympiques Alpes françaises 2030.

Ces professionnels de santé ne pourront exercer leur art que dans certains lieux et à l'égard de publics spécifiques.

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article modifié par les trois amendements qu'elle a adoptés.

I - Le dispositif proposé

A. Dans le cadre de l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques « Alpes françaises 2030 », la France s'est engagée à autoriser l'exercice de professionnels de santé étrangers concourant à l'organisation des jeux

Le contrat hôte olympique 2030, aussi appelé contrat de ville hôte fixe les principes et les conditions d'organisation de l'accueil des jeux Olympiques et Paralympiques Alpes françaises 2030.

Son dernier avenant a été conclu en octobre 2022 par le Comité international olympique (CIO), le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Quinze articles de ce contrat concernent la santé. Parmi eux, l'article MED-11 comporte l'engagement, pour le pays hôte, de garantir le « droit de pratiquer la médecine pour les professionnels de santé étrangers ».

Il s'agit de permettre :

- aux professionnels de santé voyageant avec les comités nationaux olympiques et paralympiques (CNO/CNP) de prodiguer des soins, demander des examens médicaux ou prescrire des médicaments via les polycliniques à l'égard des membres de leur délégation. L'autorisation d'exercice doit découler d'un « processus simple n'engendrant aucun frais pour les médecins ou les CNO/CNP » ;

- aux médecins des fédérations internationales et d'autres partenaires du mouvement olympique d'exercer leur art ;

- la définition des conditions de soins pour les athlètes sur les sites des compétitions.

MED 11 - Droit de pratiquer la médecine pour les professionnels
de santé étrangers

- S'assurer, si nécessaire en coordination avec les Autorités du Pays hôte compétentes, que les professionnels de santé qui voyagent avec les CNO / CNP sont légalement autorisés à prodiguer des soins à leur délégation respective, à demander des examens médicaux et à prescrire des médicaments via les polycliniques des villages olympiques et paralympiques. Dans le cas où un enregistrement est nécessaire, il doit exister un processus simple n'engendrant aucuns frais pour les médecins ou les CNO / CNP. Des médecins des FI, des membres du groupe de la commission médicale et scientifique du CIO, du comité médical de l'IPC et des médecins traitants d'autres groupes accrédités, comme les médias et les partenaires TOP, doivent également être enregistrés ; l'enregistrement, si nécessaire, se limite au traitement des personnes étrangères. La procédure d'enregistrement doit être soumise au CIO et à l'IPC, pour approbation.

- Définir les conditions de soins pour les athlètes sur l'aire de compétition en accord avec les règles des FI et toute obligation légale applicable en matière de premiers soins à un athlète blessé, y compris l'utilisation d'analgésiques puissants et de médicaments réglementés.

Source : Extrait du contrat ville hôte

Ces stipulations sont habituelles dans les contrats de ville hôte : celui pour les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 faisait également obligation au pays d'accueil, dans une rédaction similaire, de garantir le « droit de pratiquer la médecine pour les professionnels de santé internationaux »8(*).

Le respect de cet engagement pris dans le cadre du contrat de ville hôte suppose une mesure de niveau législatif, afin de déroger aux conditions d'exercice de droit commun.

B. Afin de garantir la sécurité sanitaire et la qualité des soins, l'exercice des professionnels de santé diplômés à l'étranger est encadré par le droit en vigueur

1. Seuls sont en principe autorisés à exercer les professionnels de santé titulaires de certains diplômes reconnus comme équivalents aux diplômes français

Les professionnels de santé doivent, pour être autorisés à exercer sur le territoire national, remplir certaines conditions, notamment relatives au diplôme obtenu. Les professionnels de santé titulaires d'un diplôme étranger hors Union européenne (UE) ou Espace économique européen (EEE) doivent, en principe, obtenir un diplôme français ou reconnu comme équivalent pour pouvoir exercer.

a) L'encadrement de l'exercice des professions médicales et des pharmaciens

Afin de garantir la sécurité sanitaire et la qualité des soins, l'exercice des professionnels de santé sur le territoire français est encadré par le droit en vigueur.

L'exercice en France d'une profession médicale au sens du code de la santé publique9(*) est subordonné à la réalisation de trois conditions cumulatives10(*) :

une condition de diplôme : les professionnels doivent être titulaires d'un diplôme, certificat ou titre listé par la loi11(*). Cette liste inclut les diplômes français et les diplômes délivrés par l'un des États membres de l'UE ou l'un des États partie à l'accord sur l'EEE, parfois sous conditions12(*). Elle inclut également les États ayant passé des accords avec la France13(*), permettant l'exercice des professionnels médicaux français sur leur territoire et dont le diplôme est reconnu scientifiquement équivalent au diplôme français, sur la base d'une autorisation individuelle qui n'est accordée qu'à condition d'une maîtrise suffisante du français. La province de Québec, concernée par un arrangement de reconnaissance mutuelle14(*), rentre également dans ce cadre ;

une condition de nationalité : les professionnels doivent avoir la nationalité française, la citoyenneté andorrane, la nationalité d'un État membre de l'UE ou partie à l'accord sur l'EEE, la nationalité marocaine ou tunisienne, sous réserve de conditions découlant de la loi ou d'engagements internationaux. La condition de nationalité n'est toutefois pas requise pour les professionnels médicaux titulaires des diplômes d'État français15(*) ;

une condition d'inscription au tableau de l'ordre concerné.

Des dispositions similaires sont prévues pour les pharmaciens16(*), à la différence que la condition de nationalité est remplie de droit pour les citoyens d'un État autorisant les Français à exercer la pharmacie sous condition de diplôme, mais pas pour les citoyens marocains et tunisiens.

b) L'encadrement de l'exercice des auxiliaires médicaux

L'exercice des professions d'auxiliaires médicaux est également encadré :

-  par une condition de diplôme : en principe, seuls peuvent exercer les titulaires d'un diplôme français ou, sous condition, d'un diplôme d'un État membre de l'UE ou partie à l'EEE17(*) ;

- par une condition d'enregistrement et, pour les professions concernées, d'inscription au tableau de l'ordre.

Il n'existe pas de condition de nationalité pour ces professionnels.

2. Les médecins accompagnant des délégations sportives bénéficient d'une dérogation aux conditions d'exercice de droit commun, mais celle-ci n'englobe pas l'ensemble des professionnels de santé concourant à l'organisation des jeux

L'article L. 4051-1 du code de la santé publique prévoit que les professionnels de santé accompagnant des délégations sportives ne remplissant pas les conditions d'exercice en France peuvent, par dérogation, exercer leur art sur le territoire français à l'égard des seuls membres de ces délégations. L'exercice en établissement et service de santé leur est toutefois interdit.

Ces dispositions ne permettent néanmoins pas d'exercer à l'ensemble des professionnels de santé concourant à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques. Si ces professionnels sont « en charge du suivi des athlètes de leur délégation à titre principal »18(*), ils ne sont pas les seuls à intervenir pour l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques.

Les dispositions ne concernent par exemple ni les médecins des fédérations internationales de sport19(*), ni les professionnels de santé du CIO et du comité international paralympique (CIP), ni les professionnels de santé accompagnant les partenaires commerciaux des jeux Olympiques et Paralympiques.

3. Les dérogations aux conditions d'exercice de droit commun pour les professionnels médicaux et les pharmaciens ne permettent pas de répondre à l'engagement pris par la France

Le droit en vigueur prévoit des dérogations aux conditions d'exercice pour certains professionnels de santé ne remplissant pas les conditions de diplôme de droit commun. Leurs modalités n'apparaissent pas adaptées pour permettre l'exercice de professionnels de santé étrangers le temps des jeux Olympiques et Paralympiques.

Les professionnels médicaux et pharmaciens titulaires d'un diplôme ne jouissant pas d'une reconnaissance d'équivalence, appelés par abus de langage praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue)20(*), peuvent être individuellement autorisés à exercer au terme d'une procédure incluant des épreuves de vérification des connaissances (EVC) et, en cas de réussite à ces épreuves, un parcours de consolidation des compétences (PCC) d'une durée de deux ans pour les candidats aux professions de médecin et de pharmacien, et d'un an pour les candidats à celles de chirurgien-dentiste et de sage-femme.

Avant leur réussite aux EVC, les candidats aux professions médicales21(*) et de pharmacien22(*) peuvent, sous conditions, être autorisés à exercer provisoirement leur profession pour une durée maximale de treize mois, renouvelable une fois, sous réserve que ceux-ci s'engagent à passer les épreuves de vérification des connaissances.

Ces modalités dérogatoires, qui s'inscrivent sur une longue durée ou sur un engagement à passer des épreuves, ne sont pas appropriées pour les professionnels médicaux et pharmaciens appelés à exercer pour la seule période des jeux Olympiques et Paralympiques.

Il n'existe pas de procédure apparentée pour les auxiliaires médicaux : ceux-ci doivent donc, pour pouvoir exercer, reprendre leurs études - le cas échéant selon des modalités allégées - afin d'obtenir un diplôme français ou reconnu comme équivalent.

C. Le dispositif proposé : une autorisation d'exercice dérogatoire et encadrée pour les professionnels de santé concourant à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques Alpes françaises 2030

L'article 29 du projet de loi prévoit d'accorder une autorisation d'exercice dérogatoire et encadrée pour les professionnels de santé concourant à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques Alpes françaises 2030.

Cette autorisation d'exercice dérogatoire est provisoire et assortie de conditions tenant au lieu d'exercice et à la patientèle. L'exercice des professionnels de santé sur des patients autres que les athlètes et les personnes accréditées n'est pas autorisé. De plus, aucun de ces professionnels ne pourra exercer au sein d'un établissement de santé, d'une maison de santé pluriprofessionnelle ou d'un centre de santé hors polycliniques olympiques et paralympiques.

Le IV de l'article 29 précise également que les professionnels autorisés à exercer à titre dérogatoire devront se conformer aux conditions d'exercice applicables en France.

Les dispositions de l'article 29 rejoignent, pour l'essentiel, celles prévues pour les JOP de Paris 2024 par l'article 2 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.

1. L'autorisation d'exercice des médecins des fédérations sportives internationales sur les sites des compétitions

Le I de l'article 29 autorise, sur les seuls sites des compétitions et à l'égard des seuls athlètes y participant, l'exercice des médecins des fédérations sportives internationales ne remplissant pas les conditions d'exercice de droit commun.

Dans certaines disciplines, conformément aux règlements édictés par les fédérations internationales pour encadrer les compétitions sportives, les médecins de la fédération internationale seront les premiers à intervenir auprès des sportifs blessés ou choqués. Leur action est en principe limitée « à des gestes de diagnostic et de premier soin »23(*) : il leur appartient, par exemple, de déterminer l'aptitude d'un sportif à poursuivre une compétition après un choc24(*) ou d'effectuer les premiers secours avant, le cas échéant, que le sportif soit pris en charge par les médecins de sa délégation pour des soins complémentaires ou soit évacué du site de compétition et pris en charge par les services médicaux du COJOP Alpes françaises 2030.

2L'autorisation d'exercice des professionnels de santé accompagnant les délégations des fédérations internationales, des organismes du mouvement olympique ou des comités paralympiques

Le II de l'article 29 prévoit d'accorder une autorisation dérogatoire d'exercice aux professionnels de santé accompagnant les délégations des fédérations internationales, des organismes du mouvement olympique ou des comités paralympiques. L'exercice n'est autorisé qu'à l'égard des personnels et des membres de la délégation accompagnée.

Il est précisé que les professionnels de santé concernés par cette dérogation ne pourront pas exercer dans un établissement de santé, ni dans un service de santé tel qu'un centre de santé ou une maison de santé pluriprofessionnelle. L'étude d'impact indique que ces professionnels sont susceptibles d'exercer dans « les enceintes sportives pérennes ou temporaires, les parcours sur route, ou plus généralement tous sites dédiés aux épreuves sportives, les lieux d'hébergements, ou encore les centres des médias ».

Un arrêté fixera la liste des fédérations et organismes dont les professionnels de santé seront habilités à exercer dans les conditions fixées au II de l'article 29. En tout état de cause, leur autorisation d'exercice ne pourra courir après le 30 juin 2030.

Liste des organismes concernés pour les JOP 2024

Pour les jeux Olympiques et Paralympiques Paris 2024, l'arrêté25(*) avait autorisé à exercer les professionnels de santé accompagnant les délégations des organismes suivants :

- le Comité international olympique et le Comité international paralympique. La commission médicale de ces deux instances regroupe des experts médicaux de certaines professions26(*). Ses membres ont essentiellement un rôle de coordination, mais peuvent « être amenés, de façon exceptionnelle, à prendre part à la prise en charge d'un sportif ou d'un membre d'une organisation concourant à l'organisation des Jeux »27(*) et à participer à la prise en charge des personnels et membres de leur organisation ;

- le Comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (« Paris 2024 ») ;

- les Services olympiques de radiotélévision (« Olympic Broadcasting Services ») ;

- les fédérations sportives internationales ;

- les délégations participant aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ;

- le Tribunal arbitral du sport ;

- l'Agence mondiale antidopage ;

- l'International Testing Agency ;

- l'Académie internationale olympique ;

- les comités d'organisations des Jeux Olympiques et Paralympiques de Los Angeles, Milan et Brisbane ainsi que tout autre comité d'organisation auquel serait attribué l'organisation de jeux Olympiques et Paralympiques par le Comité international olympique à compter de la date de publication du présent arrêté ;

- toute personne morale de droit public ou de droit privé ayant conclu un contrat de partenariat marketing avec Paris 2024, avec le Comité international olympique ou le Comité international paralympique, ou qui fournit des biens ou des services dans les catégories de produits concernées par ce contrat de partenariat marketing ;

- les diffuseurs détenteurs de droits, entendus comme toute personne morale de droit public ou de droit privé ayant acquis les droits de diffusion, de couverture et de présentation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 auprès du Comité international olympique ou du Comité international paralympique à la suite de la signature d'un accord de diffusion, y compris leurs filiales médias et les détenteurs autorisés de sous-licences.

3L'autorisation d'exercice des professionnels de santé exerçant en qualité de volontaires olympiques et paralympiques

Depuis les jeux Olympiques de Londres en 1948, un programme de volontaires participe bénévolement à l'organisation des Jeux. Ce programme comprend, notamment, des professionnels de santé de diverses nationalités. Le service médical du CIO coordonne notamment un programme de formation des médecins du sport volontaires pour participer aux Jeux.

Le III de l'article 29 prévoit d'autoriser à exercer les professionnels de santé relevant du programme des volontaires olympiques et paralympiques, après une procédure de vérification de leur diplôme définie par arrêté. Les volontaires ne pourront exercer leur art que dans les polycliniques créées à l'article 29, au seul bénéfice des membres des délégations olympiques et paralympiques et des personnes accréditées par le CIO ou le CIP.

L'étude d'impact précise que les professionnels de santé inscrits dans le programme des volontaires olympiques et paralympiques seront proposés par le CIO ou cooptés par le COJOP.

Celle-ci rappelle également que « dans l'exercice de leur mission, les bénévoles sont considérés comme étant les préposés du gestionnaire de la polyclinique, au sens du 5e alinéa de l'article 1242 du Code civil ». En conséquence, le gestionnaire précité assume la responsabilité des actes des volontaires.

La direction générale de l'offre de soins fait savoir que parmi les volontaires, seule « une très faible proportion de professionnels est concernée (environ une vingtaine pour les JOP de Paris 2024) » par l'autorisation d'exercice dérogatoire prévue.

Récapitulatif des autorisations d'exercice dérogatoire envisagées

Professionnels concernés

Lieux d'exercice

Public concerné

Médecins accrédités des fédérations internationales

Sites des compétitions

Athlètes participant à un entraînement ou une compétition

Professionnels de santé accompagnant les délégations des fédérations internationales

Sites des compétitions, parcours sur route, sites dédiés aux épreuves sportives, lieux d'hébergement

Personnels et membres de la délégation accompagnée

Professionnels de santé accompagnant les délégations des organismes du mouvement olympique ou des comités paralympiques

Sites des compétitions, parcours sur route, sites dédiés aux épreuves sportives, lieux d'hébergement, centres des médias

Personnels et membres de la délégation accompagnée

Professionnels de santé accrédités en tant que volontaires olympiques et paralympiques

Polycliniques olympiques et paralympiques

Délégations olympiques et paralympiques, personnes accréditées par le CIO ou le CIP

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

II. La position de la commission

Conformément à sa position exprimée lors de l'examen de l'article 2 du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 202428(*) et portant diverses autres dispositions, la commission des affaires sociales a accueilli favorablement les dispositions de l'article 29.

Cette position est renforcée par les témoignages de la direction générale de l'offre de soins (DGOS) et du Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom), qui ont informé les rapporteurs qu' « aucun dysfonctionnement »29(*) lié à la pratique des professionnels de santé autorisés à exercer de manière dérogatoire n'avait été porté à leur connaissance lors des JOP de Paris 2024.

Il apparaît donc pertinent de reconduire, en l'assortissant de quelques ajustements, les dispositions de l'article 2 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 202330(*) pour les jeux Olympiques et Paralympiques d'hiver des Alpes françaises 2030.

L'adoption de cet article est, du reste, une condition sine qua non pour respecter le contrat de ville hôte signé par les régions accueillant les jeux, plus spécifiquement sa stipulation MED-11 précitée.

À ce titre, la DGOS fait savoir qu'elle « estime que le droit en vigueur et la rédaction actuelle de l'article 29 du projet de loi permettent de garantir les conditions de soins des athlètes dans l'aire de compétition »31(*).

Les dispositions de l'article 29, nécessaires à l'organisation et à la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques d'hiver des Alpes françaises 2030 apparaissent équilibrées, en ce que les autorisations dérogatoires d'exercice accordées sont encadrées dans le temps, quant aux lieux d'exercice et quant à la patientèle, ce qui permet de préserver la qualité des soins et la sécurité sanitaire.

La DGOS confirme ainsi que « l'exercice des professionnels de santé sur des patients autres que les athlètes et les personnes accréditées n'est pas autorisé. De plus, aucun de ces professionnels ne pourra exercer au sein des structures de santé »32(*).

Quant aux athlètes et aux personnels concourant à l'organisation des jeux, le Cnom estime qu'il est « justifié » de prévoir des autorisations d'exercice dérogatoires dans le cadre de cet événement, et que leurs modalités « paraissent satisfaisantes dans la mesure où il a été convenu entre le Conseil national de l'Ordre des médecins et le Comité d'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 que ces médecins devront apporter la preuve de leur qualification de médecin en exercice dans leur pays d'origine et notamment qu'ils possèdent les diplômes nécessaires et qu'ils sont en situation légale d'exercice ».

Toutefois, les rapporteurs pour avis ont noté trois points d'amélioration potentielle du texte, afin de renforcer la coordination entre les acteurs et la sécurité sanitaire.

D'abord, à l'initiative des rapporteurs pour avis, la commission a adopté un amendement COM-32 afin de requérir l'avis des ordres professionnels compétents sur la procédure de vérification des diplômes envisagée pour les volontaires olympiques et paralympiques susceptibles de bénéficier d'une autorisation dérogatoire d'exercice au sein des polycliniques. Cet amendement apparaît nécessaire afin d'assurer la coordination entre les acteurs dans la mesure où les ordres sont chargés de veiller à la vérification des diplômes des médecins exerçant sur le territoire français. Et ce, d'autant plus que le Cnom assure que « les modalités du processus de vérification [prévues pour les JOP de Paris 2024] n'ont pas été effectives puisque le Conseil national n'a pas été destinataire des documents ni de la liste des médecins pour les médecins des fédérations ». Il apparaît donc opportun de tirer les leçons de l'expérience des JOP de Paris 2024 et d'associer en amont les ordres professionnels à la définition de cette procédure.

Les rapporteurs pour avis ont également soumis à la commission, qui l'a adopté, un amendement COM-33 prévoyant que la procédure de vérification des diplômes des volontaires olympiques et paralympiques susceptibles de bénéficier d'une autorisation dérogatoire d'exercice au sein des polycliniques soit étendue, plus largement, à la vérification de leur droit à exercer au sein de leur État d'exercice. Il convient, en effet, de s'assurer que les professionnels de santé intervenant dans les polycliniques ne soient pas frappés, dans l'État dans lequel ils exercent, d'une interdiction d'exercice temporaire ou définitive.

Enfin, les rapporteurs pour avis souhaitent, par l'amendement COM-34, également adopté par la commission, que soit établi un registre sur lequel sera enregistrée l'identité des professionnels de santé bénéficiant d'une autorisation dérogatoire d'exercice lors de la période olympique et paralympique, afin de disposer d'une meilleure traçabilité et d'une meilleure connaissance des professionnels susceptibles de pratiquer leur art sur le territoire national lors de la période olympique et paralympique.

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 30
Création d'une dérogation exceptionnelle au repos dominical

Cet article permet aux préfets, du 1er janvier au 30 mars 2030, d'accorder des dérogations au repos dominical au bénéfice d'établissements de vente au détail s'ils se situent dans les communes d'implantation des sites de compétition des jeux Olympiques et Paralympiques ou dans des communes limitrophes ou situées à proximité. Une procédure de consultation préalable serait prévue et des garanties légales, dont le respect du volontariat, seraient assurées pour les salariés.

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé

A. Le principe du repos dominical est assorti de dérogations prévues dans le code du travail, lesquelles ont toutefois étaient complétées d'une dérogation spécifique pour les Jeux de Paris 2024

1. Un repos donné le dimanche et des dérogations insuffisantes pour les circonstances particulières des Jeux de 2024

Issus de la loi du 13 juillet 1906 établissant le repos hebdomadaire en faveur des employés et ouvriers, les articles L. 3132-1 et suivants du code du travail interdisent de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine. Il en découle un repos hebdomadaire, d'une durée minimale de vingt-quatre heures, qui doit être donné, dans l'intérêt des salariés, le dimanche33(*). Depuis 1906, toutefois, le législateur a prévu des dérogations au sein du code du travail34(*).

Les dérogations au repos dominical prévues dans le code du travail

• En vertu de l'article L. 3132-12 du code du travail, une dérogation permanente de droit est accordée aux établissements « dont le fonctionnement ou l'ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l'activité ou les besoins du public ». Listés par voie réglementaires35(*), les commerces concernés comprennent notamment les jardineries, les commerces d'ameublement, les commerces de bricolage, les débits de tabac, les commerces fabriquant des produits alimentaires destinés à la consommation immédiate, comme les boulangeries, ou encore les hôtels, cafés et restaurants. Cette dérogation, qui implique que le repos hebdomadaire soit alors attribué par roulement, ne prévoit aucune contrepartie légale pour le salarié, ni la nécessité de son volontariat.

• Une autre dérogation permanente de droit est prévue, en application de l'article L. 3132-13 du code du travail, pour les commerces de détail alimentaires, au sein desquels le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de treize heures. Dans les commerces d'une surface supérieure à 400 m2, la rémunération des salariés est majorée d'au moins 30 %. Les salariés bénéficient d'un repos compensateur, par roulement et par quinzaine, d'une journée entière.

• Les articles L. 3132-14 et suivants du code du travail permettent à un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, un accord de branche étendu d'organiser le travail de façon continue pour des raisons économiques et d'attribuer le repos hebdomadaire par roulement dans les industries ou les entreprises industrielles. Pour ces entreprises, de tels accords peuvent également prévoir la mise en place d'équipes de suppléance destinées à remplacer les autres salariés pendant leurs jours de repos. Le repos hebdomadaire des salariés de l'équipe de suppléance est alors attribué un autre jour que le dimanche36(*).

• Pour les établissements de vente au détail, les articles L. 3132-24 et suivants du code du travail prévoient des dérogations sur un fondement géographique en ciblant :

- des zones touristiques internationales, délimitées par les ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce ;

- des zones touristiques caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes ;

- des zones commerciales caractérisées par une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes, dont la délimitation tient notamment compte de la proximité immédiate d'une zone frontalière ;

- des emprises de gares connaissant une affluence exceptionnelle de passagers.

Les commerces alimentaires ne sont pas concernés par ces dérogations, hormis ceux implantés dans une zone touristique internationale ou dans une gare d'affluence exceptionnelle.

La mise en oeuvre de ces dérogations est conditionnée au volontariat du salarié qui bénéficie de contreparties, notamment salariales, déterminées par accord collectif d'entreprise ou, à défaut, de branche37(*).

• Le dispositif dit « dimanches du maire », prévu à l'article L. 3132-26 du code du travail, permet au maire, après avis du conseil municipal, d'autoriser les établissements de commerce de détail, dans lesquels le repos hebdomadaire a normalement lieu le dimanche, à supprimer ce repos pour des dimanches désignés. Le nombre de ces dimanches ne peut excéder douze par année civile et leur liste est arrêtée avant le 31 décembre, pour l'année suivante.

Les salariés concernés bénéficient d'une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement perçue, ainsi qu'un repos compensateur équivalent en temps38(*).

• Enfin, en application de l'article L. 3132-20 du code du travail, le préfet peut exceptionnellement accorder des dérogations au repos dominical s'il est établi que ce repos donné à tous les salariés d'un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de l'établissement.

Le préfet peut autoriser l'établissement à accorder le repos des salariés, soit toute l'année, soit à certaines époques de l'année, suivant l'une de ces modalités :

- un autre jour que le dimanche à tous les salariés de l'établissement ;

- du dimanche midi au lundi midi ;

- le dimanche après-midi avec un repos compensateur d'une journée par roulement et par quinzaine ;

- par roulement à tout ou partie des salariés.

L'autorisation préfectorale est donnée pour une durée qui ne peut excéder trois ans, après avis du conseil municipal et, le cas échéant, de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI) dont la commune est membre, de la chambre de commerce et d'industrie, de la chambre de métiers et de l'artisanat, ainsi que des organisations professionnelles d'employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées de la commune.

L'application de cette dérogation est également soumise au volontariat des salariés concernés. Les salariés acceptant de travailler le dimanche bénéficient de contreparties déterminées par accord collectif. En l'absence d'accord collectif applicable, une décision unilatérale de l'employeur approuvée par référendum auprès du personnel concerné fixe les contreparties applicables, qui doivent prévoir le doublement de la rémunération et des repos compensateurs39(*). Cette autorisation peut être étendue à plusieurs ou à la totalité des établissements de la même localité exerçant la même activité, s'adressant à la même clientèle.

Ces dérogations n'avaient toutefois pas été jugée suffisantes pour répondre à tous les besoins d'ouverture de commerces résultant de la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris 2024. Comme le notait Florence Lassarade, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales : « les zones géographiques visées ne correspondent pas forcément aux lieux d'affluence attendue du fait de l'organisation des compétitions. Les catégories d'établissement visées par les dérogations permanentes ne permettront pas à certains commerces d'ouvrir le dimanche »40(*). En conséquence, un dispositif dérogatoire spécifique avait été promulgué à l'article 25 de la loi du 19 mai 202341(*), pour la période comprise entre le 15 juin 2024 et le 30 septembre 2024.

2. La dérogation spécifique prévue par l'article 25 de la loi du 19 mai 2023

1. Le dispositif juridique

Pour les JOP de 2024, le législateur avait habilité les préfets à accorder des dérogations spécifiques aux établissements de vente de détail situés dans les communes d'implantation des sites de compétition, ainsi que dans les communes limitrophes ou situées à proximité de ces sites.

Ces dérogations au repos dominical, applicables supplétivement aux autres dérogations déjà prévues par le code du travail, étaient accordées à un établissement avant qu'un arrêté préfectoral d'extension ne puisse autoriser à déroger tout ou partie des établissements situés dans les mêmes communes du département et exerçant la même activité. Le respect du volontariat et des contreparties en termes de repos et de rémunération étaient garanties par la loi aux salariés des commerces éligibles à cette dérogation.

En parallèle de ce dispositif, il convient également de noter qu'un décret du 23 novembre 202342(*) a permis aux employeurs directement concernés43(*) par l'organisation des Jeux ou la captation audiovisuelle et la retransmission des épreuves de suspendre le repos hebdomadaire des salariés du 18 juillet au 14 août 2024. Ainsi que le rappelle la direction générale du travail (DGT), entendue en audition par les rapporteurs, il s'agissait d'une dérogation très ciblée sur l'organisation du JOP, sur le fondement de laquelle 136 informations de suspension du repos hebdomadaire ont effectivement été formulées auprès de l'inspection du travail, dont une majorité d'entreprises étrangères.

2. La mise en oeuvre du dispositif pendant les jeux de 2024

Selon le bilan à la disposition du Gouvernement44(*), dix-sept arrêtés d'extension ont été pris dans neuf départements (Paris, Yvelines, Seine et Marne, Seine saint Denis, Val de Marne, Isère, Rhône, Nord, Bouches-du-Rhône). Parmi ces arrêtés, huit ont autorisé à déroger au repos dominical pour une période ciblée plus courte que celle comprise entre les bornes légales. Les secteurs d'activités visés ont par ailleurs été conformes aux attentes ; si les commerces alimentaires ont été les plus concernés, des librairies, des papeteries, des commerces de sport ou d'habillement ont également été bénéficiaires de l'autorisation.

Un décret du 12 avril 202445(*) est venu préciser que la méconnaissance par les employeurs des garanties légales encadrant la dérogation était sanctionnée suivant le régime répressif applicable aux dérogations prévues dans le code du travail46(*).

Les remontées d'informations ne permettent pas d'avoir un bilan exhaustif de l'application de la procédure d'autorisation à déroger. Toutefois, selon la DGT, aucune difficulté particulière quant aux saisines préalables ou à l'application des dérogations n'est à signaler. Quelques refus ont été opposés à des demandes, comme certaines sollicitations de cavistes, preuve que les préfets ont ainsi fait une application parcimonieuse de leur pouvoir. En outre, cette procédure, mise en oeuvre sous le contrôle du juge administratif, n'a que peu fait l'objet de contentieux : quatre référés suspension dirigés contre des arrêtés parisiens ont été recensés sans qu'il ne soit fait droit à aucune de ces requêtes.

3. Un respect satisfaisant de la durée du travail et des repos hebdomadaires

Par la conclusion, en 2018, d'une Charte sociale des JOP de Paris 2024, le Comité d'organisation, les partenaires sociaux, et la Solideo se sont engagés à protéger les conditions de travail des salariés et à faire respecter les normes internationales de travail.

La convention n° 106 de l'OIT sur le repos hebdomadaire

Cette convention de 1957, qui s'applique notamment à tout le personnel employé dans les établissements commerciaux, a été ratifiée par la France en 1971. L'article 6 de cette convention consacre le principe d'un jour de repos hebdomadaire, d'une durée minimale de vingt-quatre-heures, et, aux termes de son paragraphe 3., stipule que « la période de repos hebdomadaire coïncidera, autant que possible, avec le jour de la semaine reconnu comme jour de repos par la tradition ou les usages du pays ou de la région ».

Son article 7 assortit néanmoins ce principe de dérogations possibles « lorsque la nature du travail, la nature des services fournis par l'établissement, l'importance de la population à desservir ou le nombre des personnes employées ne permettent pas l'application des dispositions de l'article 6 ». Ces dérogations ou « régimes spéciaux » devront s'accompagner d'un repos prévu un autre jour d'une durée égale à celle supprimée et d'une mise en oeuvre décidée en consultation avec les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs intéressées.

À l'aune de ces objectifs, un guichet unique a été mis en place, à compter du 1er juin 2023, par la direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Drieets) Île-de-France afin de traiter les demandes de dérogations aux durées quotidiennes ou hebdomadaires maximales de travail, au repos quotidien et à la dérogation au repos dominical de droit pour certaines activités. Ce guichet a ainsi reçu 470 demandes de dérogations dont 52 % ont été acceptées, 13 % rejetées et 35 % ont fait l'objet d'un classement sans suite47(*). Ce guichet unique et le réseau des référents JOP, présents dans les services déconcentrés d'autres territoires, ont également mené un travail de sensibilisation et de pédagogie auprès des entreprises, notamment étrangères, pour que la durée du travail français soit respectée.

Enfin, une instruction du directeur général du Travail du 19 mars 2024 adressée aux services déconcentrés précisait les attendus quant à la mobilisation particulière de l'inspection du travail. Il était ainsi demandé de « rappeler aux entreprises les règles en matière de durée du travail et de repos » et cibler les contrôles avec une forte attention sur la lutte contre le travail illégal et le respect des durées maximales du travail. D'après les informations transmises par la DGT aux rapporteurs, ce sont ainsi 151 lettres de rappel à la règlementation qui ont été transmises, principalement à des entreprises de cafés, hôtels, restaurants, ainsi que dans le secteur de la sécurité. Toutefois, aucune procédure pénale ou de sanction administrative n'a été engagée à ce stade sur le respect de la durée du travail.

B. Reconduire un dispositif analogue à celui mis en oeuvre en 2024

Le présent article propose de reconduire, du 1er janvier au 31 mars 2030, une habilitation, similaire à celle mise en oeuvre en 2024, permettant au préfet d'autoriser des dérogations au repos dominical, dans les communes d'implantation des sites de compétition des JOP 2030, ainsi que dans les communes limitrophes ou situées à proximité.

Le premier alinéa donne ainsi la possibilité au préfet, dans ces communes et durant cette période, d'autoriser un établissement de vente au détail qui met à disposition des biens ou des services à déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement. Cette dérogation est autorisée « compte tenu des besoins du public résultant de l'affluence exceptionnelle attendue de touristes et de travailleurs » et ne peut être mise en oeuvre qu'à défaut d'application d'une autre dérogation déjà prévue par le code du travail.

Le deuxième alinéa prévoit que cette autorisation ne peut être accordée qu'après le recueil de l'avis du conseil municipal, de l'organe délibérant de l'EPCI à fiscalité propre, de la chambre de commerce et d'industrie (CCI), de la chambre de métiers et de l'artisanat (CMA), des organisations syndicales et patronales intéressées. Les différentes personnes consultées disposent d'un délai d'un mois après la saisine du préfet pour rendre leur avis.

Le troisième alinéa précise que, pendant les périodes de mises en oeuvre de la dérogation, le préfet peut suspendre les arrêtés prévoyant la fermeture d'un établissement. Cette disposition, déjà prévue pour les Jeux de 2024, est rendue nécessaire, selon la DGT, par le régime complexe de ces arrêtés dont la suspension sans risque juridique nécessite une base légale.

Les arrêtés préfectoraux de fermeture au public des établissements

Issu d'une loi du 29 décembre 192348(*), l'article L. 3132-29 du code du travail permet aux partenaires sociaux d'une même profession, dans une zone géographique donnée, de déterminer les conditions de mise en oeuvre du repos hebdomadaire. Sur la base d'un accord entre représentants des salariés et des employeurs, le préfet du département prend un arrêté de fermeture au public de tous les commerces concernés pour toute la durée du repos. Selon la jurisprudence du Conseil d'État49(*), ce type d'accord « a pour seul objet de permettre l'édiction d'un arrêté préfectoral réglementant la fermeture hebdomadaire des commerces de la profession concernée » et n'est donc pas régi par les dispositions du code du travail concernant les accords collectifs de travail.

La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a précisé que ces arrêtés étaient abrogés par le préfet, sans que cette abrogation ne puisse prendre effet avant un délai de trois mois, à la demande des partenaires sociaux de la zone géographique concernée exprimant la volonté de la majorité des membres de la profession50(*).

L'article 25 de la loi du 19 mai 2023 a prévu la possibilité pour les préfets de suspendre leurs arrêtés de fermeture d'établissement, si nécessaire, pendant la période du dispositif dérogatoire au repos dominical.

En application du quatrième alinéa, l'autorisation sera mise en oeuvre par l'employeur dans le respect du volontariat du salarié, qui pourra revenir à tout moment sur sa décision sous réserve d'en informer par écrit son employeur en tenant compte d'un délai de dix jours francs.

Par un renvoi à l'article L. 3132-25-4 du code du travail, il est également garanti au salarié que son refus de travailler le dimanche ne pourra justifier une mesure discriminatoire dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail ni constituer une faute ou un motif de licenciement. Il conviendra également aux employeurs de prendre des dispositions pour permettre aux salariés d'exercer personnellement leur droit de vote au titre des scrutins nationaux et locaux si certains sont organisés un dimanche travaillé.

Le salarié volontaire bénéficiera des contreparties définies au premier alinéa de l'article L. 3132-27 du code du travail : rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent en temps.

En vertu du cinquième alinéa, lorsqu'une autorisation de déroger au repos dominical est accordée à un établissement, tout ou partie des établissements exerçant une activité identique et situés dans la même commune, dans une commune limitrophe ou située à proximité pourra également y déroger dans les mêmes conditions, si le préfet le décide par voie d'arrêté d'extension.

II - La position de la commission : une dérogation utile pour un évènement d'ampleur

La commission a accueilli favorablement les dispositions du présent article qui doivent permettre de répondre aux besoins du public nés de l'affluence exceptionnelle de touristes, de bénévoles et de professionnels pour la préparation et la tenue des Jeux des Alpes françaises 2030.

Comme la commission le jugeait lors de l'examen parlementaire de la loi du 19 mai 2023, le mécanisme adopté pour les Jeux de Paris, dont s'inspire le présent article, a été conforme à l'intention du législateur et s'est avéré utile. C'est bien la réussite constatée du dispositif qui a motivé, selon la DGT, sa reconduction proposée au présent article.

Si les organisations d'employeurs ont mentionné quelques difficultés initiales dans la délimitation des zones concernées à Paris par la dérogation, après échanges avec le préfet, ces problèmes ont vite étaient résolus. Aucune difficulté majeure n'a été relevée ni par les services déconcentrés de l'État dans la marche de la procédure d'autorisation ni dans les entreprises concernées par le travail exceptionnel demandé le dimanche, selon les organisations d'employeurs.

En outre, le dispositif est demeuré exceptionnel et bien encadré. Les demandes n'ont pas été si nombreuses, ce qui est naturel pour un régime juridique qui se veut supplétif aux dérogations existantes du droit du travail. L'acceptation des demandes par les préfets n'a pas non plus été systématique ; le dispositif a donc pris en compte les besoins réels à l'échelle locale et n'a pas ouvert la porte à une remise en cause générale du principe du repos dominical.

Dans ces conditions, les rapporteurs pour avis estiment que le présent article est bienvenu y compris dans son champ d'application. Il reviendra à l'État d'associer les partenaires sociaux, au niveau national et interprofessionnel, comme au niveau local, pour la mise en oeuvre de cet article. Certaines organisations syndicales ont pu s'étonner d'une certaine précipitation dans laquelle elles ont été consultées avant l'introduction de ces dispositions pour 2030. Il est vrai que ce projet de loi intervient bien en amont de l'organisation des jeux. Les rapporteurs pour avis ont toutefois bien pris note de l'engagement de Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative, de signer une nouvelle charte sociale pour les JOP 2030.

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.


* 1 Avenant au conditions opérationnelles du contrat hôte olympique, octobre 2022.

* 2 Délégation interministérielle aux jeux Olympiques et Paralympiques.

* 3 « Les centres de santé sont ouverts à toutes les personnes sollicitant une prise en charge médicale ou paramédicale relevant de la compétence des professionnels y exerçant. »

* 4 Voir commentaire de l'article 29.

* 5 Articles L. 6122-1 et R. 6122-26 du code de la santé publique.

* 6 Article L. 6124-1 du code de la santé publique.

* 7 Réponse de la direction générale de l'offre de soin au questionnaire transmis par les rapporteurs pour avis.

* 8 Stipulation MED-12 des conditions opérationnelles du contrat de ville hôte pour la XXXIIe Olympiade 2024.

* 9 Les professions concernées sont celles de médecin, de chirurgien-dentiste et de sage-femme.

* 10 Article L. 4111-1 du code de la santé publique.

* 11 L'article L. 4111-1-1 prévoit toutefois une exception à la condition de diplôme pour les internes en médecine.

* 12 Article L. 4131-1 du code de la santé publique pour les médecins, article L. 4143-3 du code de la santé publique pour les chirurgiens-dentistes, article L. 4151-5 du code de la santé publique pour les sages-femmes.

* 13 Article L. 4111-3 du code de la santé publique.

* 14 Article L. 4111-3-1 du code de la santé publique.

* 15 Hors le diplôme français d'État de docteur en maïeutique.

* 16 Article L. 4221-1 du code de la santé publique.

* 17 Articles L. 4311-3 et L. 4311-4 du code de la santé publique pour les infirmiers ; articles L. 4321-3 et L. 4321-4 du code de la santé publique pour les masseurs-kinésithérapeutes, notamment.

* 18 Étude d'impact du projet de loi.

* 19 Médecins accrédités par la Fédération internationale de ski (FIS), l'International Biathlon Union (IBU), ou la Fédération internationale de hockey sur glace (FIHG), par exemple.

* 20 Article L. 1411-2 du code de la santé publique pour les professions médicales, article L. 4221-12 du code de la santé publique pour les pharmaciens.

* 21 Article L. 4111-2-1 du code de la santé publique.

* 22 Article L. 4221-12-1 du code de la santé publique.

* 23 Étude d'impact du projet de loi.

* 24 Cas du hockey sur glace, par exemple.

* 25 Arrêté du 29 décembre 2023 portant application de l'article 2 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.

* 26 Médecine du sport, médecine d'urgence, dentiste, pharmacien, kinésithérapeute.

* 27 Étude d'impact du projet de loi.

* 28 Devenu la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.

* 29 Réponses écrites de la DGOS au questionnaire des rapporteurs.

* 30 Loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.

* 31 Réponses écrites de la DGOS au questionnaire des rapporteurs.

* 32 Réponses écrites de la DGOS au questionnaire des rapporteurs.

* 33 Art. L. 3132-3 du code du travail.

* 34 Depuis, ces dérogations ont bien sûr été modifiées ou complétées à plusieurs reprises et notamment par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 35 Art. R. 3132-5 du code du travail.

* 36 Art. L. 3132-16 du code du travail.

* 37 II de l'art. 3132-25-3 et art. L. 313225-4 du code du travail

* 38 Art. L. 3132-27 du code du travail.

* 39 I de l'art. L. 3132-25-3 et art. L. 3132-25-4 du code du travail.

* 40 Avis de la commission des affaires sociales, p. 36.

* 41 Loi n° 2023-3980 du 19 mai 2023 relatives aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.

* 42 Décret n°2023-1078.

* 43 Aux termes de l'article 1er du décret, il s'agit des « établissements connaissant un surcroît extraordinaire de travail pour les besoins de la captation, de la transmission, de la diffusion et de la retransmission des compétitions organisées » ainsi que « pour assurer les activités relatives à l'organisation des épreuves et au fonctionnement des sites ».

* 44 Étude d'impact du projet de loi, p. 277.

* 45 Décret n° 2024-338 du 12 avril 2024 relatif à la dérogation au repos dominical prévue par l'article 25 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.

* 46 Aux termes de l'article R. 3135-2 du code du travail, la méconnaissance de ces garanties « est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. Les contraventions donnent lieu à autant d'amendes qu'il y a de salariés illégalement employés ».

* 47 Direction générale du travail, Rapport d'activité 2024, p. 57.

* 48 Loi du 19 décembre 1923 modifiant le livre II, chapitre IV du code du travail et de la prévoyance sociale.

* 49 CE, 15 mai 2006, Société Cesagui, n° 277361, publié au Recueil.

* 50 Article 255 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015.

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