II. UNE STABILITÉ AFFICHÉE DES DOTATIONS DES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES, QUI MASQUE UNE PRESSION CROISSANTE SUR LE FINANCEMENT DE LEUR FONCTIONNEMENT

Les crédits sollicités pour 2026 au bénéfice de l'Assemblée nationale et du Sénat demeurent strictement identiques, en volume, à ceux des exercices précédents. Cet apparent maintien des moyens pourrait donner à croire à une forme de continuité budgétaire maîtrisée. Il appelle toutefois une lecture politique : le gel répété des dotations traduit moins une sobriété de gestion qu'une stratégie d'affichage budgétaire, dont les pouvoirs publics supportent en réalité les contraintes structurelles. En renonçant à l'indexation de leur dotation sur l'inflation, les assemblées prennent part à l'effort national, mais ce choix, devenu récurrent, atteint désormais ses limites.

Il revient au Parlement d'apprécier avec rigueur les conséquences de ces évolutions, qu'il s'agisse, d'une part, de l'entretien du patrimoine institutionnel - dont les besoins ne sauraient être comprimés sans exposer la sécurité des personnes, la conservation des bâtiments, les conditions d'accueil du public et la transition écologique de ces derniers -, d'autre part, de la qualité du travail législatif et de contrôle, qui suppose des effectifs suffisants pour garantir la continuité et l'efficacité de l'action parlementaire. S'y ajoute la question de la soutenabilité pluriannuelle des équilibres internes, fragilisée par des déficits désormais structurels, compensés par des prélèvements croissants sur les disponibilités. La contraction progressive des marges budgétaires affecte ainsi non seulement la capacité d'investissement, mais aussi le financement des personnels - et notamment les collaborateurs parlementaires -, indispensables à l'exercice du mandat parlementaire.

Dans un contexte budgétaire national contraint, le Parlement doit contribuer à l'effort collectif. Mais le rapporteur considère que la reconduction mécanique des dotations, sans prise en compte de l'inflation ni des besoins d'investissement, revient à restreindre progressivement les moyens de la démocratie représentative, au détriment de l'indépendance du Parlement, de la qualité du travail législatif et de contrôle de l'action du Gouvernement.

A. L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE RECONDUCTION DES MOYENS QUI S'ACCOMPAGNE D'UN DÉFICIT STRUCTUREL

1. Un budget 2025 ajusté, construit autour d'un effort de maîtrise interne

Le budget révisé de l'Assemblée nationale pour 2025 a connu deux ajustements déterminants :

· la création d'un onzième groupe politique au début de la XVIIe législature a nécessité une augmentation de 2,4 millions d'euros des crédits de fonctionnement des groupes. Cette dépense nouvelle a été intégralement compensée par des économies équivalentes sur d'autres postes ;

· le gel de la dotation, décidé par la présidente et les questeures qui ont renoncé à toute indexation de la dotation sur l'inflation, qui l'a maintenue à 607,6 millions d'euros, soit son niveau de 2024.

Dans ce cadre, les dépenses totales sont arrêtées à 643,2 millions d'euros (-1,2 %), dont 606,0 millions d'euros de fonctionnement (-1,7 %) et 37,1 millions d'euros d'investissement (+9,5 %), notamment pour la modernisation de l'accueil du public. Les recettes propres atteignent 2,1 millions d'euros. Le gel de la dotation conduit à un déficit prévisionnel de 33,4 millions d'euros, appelé à être couvert par un prélèvement sur les disponibilités.

Évolution du solde budgétaire de l'Assemblée nationale depuis 2017
au 31 décembre de chaque année
(en millions d'euros)

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

Solde budgétaire

-58,4

-17,7

-22,8

-20,7

-37,3

-39,3

-26,7

-12,7

-33,4

-34,1

Titres immobilisés

270,3

261,1

283,2

285,9

277,6

203,9

218,2

183,2

-

-

Source : Annexes aux projets de loi de finances depuis 2019

2. Un budget 2026 stable dans son périmètre mais marqué par un déficit persistant

Pour 2026, l'Assemblée nationale prévoit un budget de 644,01 millions d'euros, en progression marginale (+0,1 %) et donc inférieure à l'évolution prévisible des prix. Les dépenses de fonctionnement diminuent légèrement (604,8 millions d'euros, -0,2 %), tandis que les investissements augmentent (39,3 millions d'euros, +5,7 %), portés par la poursuite de chantiers structurants : rénovation de l'accueil du public, modernisation informatique (+26,4 %). Les charges parlementaires (347 millions d'euros, -1,2 %) bénéficient de la réforme des frais de mandat. À l'inverse, la masse salariale progresse (203,2 millions d'euros, +1,9 %), en raison du recours accru aux personnels contractuels.

La dotation de l'État est stable (607,7 millions d'euros), les recettes propres atteignant 2,2 millions d'euros. Le solde budgétaire demeure négatif (-34,64 millions d'euros). Hors investissements spécifiques de rénovation, le déficit structurel se maintient à près de 18,8 millions d'euros, révélant une contrainte croissante sur la stabilité financière de l'Assemblée.

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