Avis n° 79 (1995-1996) de M. Charles GINÉSY , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 28 novembre 1995
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N° 79
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1995.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 1996. ADOPTE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE.
TOME XVI
TOURISME
Par M. Charles GINÉSY,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Gérard Larcher, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, vice-présidents ; Gérard César, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Minetti, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Georges Berchet, Jean Besson, Claude Billard, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Jacques Dominati, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Philippe François, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Claude Haut, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Roger Husson, Bernard Joly, Edmond Lauret, Jean-François Le Grand, Félix Leyzour, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, René Rouquet, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Jacques Sourdille, André Vallet.
Voir les numéros
Assemblée nationale (10ème législ.) 2222, 2270 à 2275 et T.A. 413.
Sénat : 76 et 77 (annexe n°40) (1995-1996).
Lois de finances.
Mesdames, Messieurs
Après la pause de 1993, liée à la crise économique, l'économie touristique a connu une nouvelle dynamique en 1994, suivie d'une certaine stabilisation en 1995.
Première destination touristique mondiale, la France voit cependant son avantage compétitif fragilisé sur certains marchés.
En stagnation, l'excédent touristique n'en reste pas moins essentiel en termes de contribution à l'excédent de la balance des transactions courantes.
En outre, secteur toujours créateur d'emplois, le tourisme devrait voir ses effectifs salariés s'accroître de 1,6 % en 1995, pour totaliser un peu plus de 550.000 emplois salariés. Au total, il induit un million d'emplois directs.
L'État exerce un rôle significatif d'impulsion dans un secteur durablement créateur d'emploi et vecteur d'aménagement du territoire.
Les crédits affectés au budget du tourisme dans le projet de loi de finances pour 1996, en stagnation, s'élèvent à 393,2 millions de francs. Cependant, à l'issue de l'examen de celui-ci par l'Assemblée nationale, ces crédits enregistrent une légère progression de 2,24 millions de francs, représentant 0,56 % des dotations inscrites dans le projet de loi de finances initial pour 1996. Ils permettent d'affecter les moyens nécessaires aux priorités du ministère, en particulier à l'effort de promotion.
CHAPITRE PREMIER L'ÉCONOMIE DU TOURISME
I. LES RÉSULTATS DU SECTEUR
A. 1994 : UNE NOUVELLE DYNAMIQUE TOURISTIQUE
1. Une forte reprise de la mobilité touristique des Français...
Les résultats de l'année 1994 font apparaître une forte reprise de la mobilité touristique des Français par rapport à l'année 1993, tant au niveau des déplacements professionnels (+ 8 %) que des déplacements personnels (+ 6 %), les premiers retrouvant leur niveau de 1992 et les seconds marquant un retour à la normale.
Ainsi, près de 77 % des Français sont partis au moins une fois en 1994, que ce soit pour des courts séjours ou pour des vacances.
Il faut souligner que neuf séjours sur dix s'effectuent en France, même si on constate un regain d'intérêt pour les destinations étrangères (11 % de séjours supplémentaires), l'Espagne et l'Italie ayant, en particulier, exercé une réelle concurrence à la destination France.
Avec une croissance de 5 %, les séjours des Français en milieu rural ont représenté plus du tiers du total.
2. ...mais une stagnation de la fréquentation étrangère
Avec un peu plus de 60 millions de visites de touristes étrangers en 1994, la France capte 11 % du marché mondial et 19 % du marché européen, confirmant sa position de première destination touristique internationale devant les États-Unis (45 millions d'arrivées) et l'Espagne (43 millions d'arrivées). Le nombre de séjours touristiques réalisés par les clientèles étrangères ne s'est cependant pas accru de façon significative. Ce résultat n'est, en réalité, pas satisfaisant dans le contexte d'une croissance annuelle du marché mondial de + 25 millions de séjours. Dans ces conditions, on ne peut que s'inquiéter de l'érosion de la part de marché mondiale de la France, qui voit son avantage compétitif fragilisé sur certains marchés.
À cet égard, l'érosion monétaire de la lire et de la peseta explique que l'Italie et l'Espagne aient davantage attiré les clientèles d'Europe du Nord, mais qu'elle ait également incité leur clientèle nationale à se replier sur leur territoire.
• Par conséquent,
l'excédent de
la balance touristique de la France devrait stagner en 1995, comme en 1994,
autour de 60 milliards de francs,
ce qui représente une
diminution du taux de couverture.
Cette stagnation, qui se poursuit depuis quatre ans. signifie que cet excédent touristique a diminué d'environ 7 % en francs constants depuis 1992.
Or, l'enjeu est de taille : ce poste est bien supérieur à l'excédent dégagé par les produits agro-alimentaires (45 milliards de francs en 1994) et il comble à lui seul nos quatre principaux déficits commerciaux (avec le Japon, les États-Unis, la Chine et la Norvège).
Il est donc essentiel de relever ce défi et de poursuivre la politique de promotion de la destination France.
B. 1995 : UNE ANNÉE DE STABILISATION
1. La saison d'hiver 1994-1995
L'enneigement s'est montré propice à une croissance de 6,6% de la fréquentation des massifs français.
Cependant, si cette hausse a profité aux Alpes du Nord et aux Pyrénées, les Alpes du Sud ont souffert d'un enneigement tardif dans la saison et d'une diminution d'environ 14 % de leur nombre de séjours.
Il faut souligner le goût croissant de la clientèle française pour des activités autres que le ski et la capacité des stations de moyenne montagne de mieux faire valoir leurs atouts (prix intéressants, ski de proximité et autres activités).
Mais, si la France veut gagner des parts de marché auprès des clientèles européennes, déjà attirée par ses grandes stations, elle doit développer les stations villages de moyenne montagne, plus familiales et conviviales, dont la promotion devrait être mieux assurée dans les brochures des voyagistes étrangers.
2. La saison d'été 1995
Si la saison d'hiver a été globalement satisfaisante, la saison d'été 1995 est caractérisée par une stabilisation du nombre de touristes à niveau proche de celui de 1994.
On note cependant de fortes disparités régionales. En effet, quelques régions ont connu une hausse de fréquentation par rapport à l'été 1994 : Lorraine, Ile-de-France, Bretagne, Franche-Comté. Mais, d'autres régions observent un déficit plus ou moins accentué de leur fréquentation : Corse. Bourgogne, PACA hors Alpes-Maritimes, les autres régions étant stables.
Cette stabilité de la fréquentation se traduit cependant par un chiffre d'affaires global en rétraction et dont la répartition évolue.
En effet, on constate tout d'abord un raccourcissement des séjours estivaux : en cinq ans, la durée moyenne des vacances des Français en juillet/août est passée de 14,4 jours en 1990 à 12,3 jours en 1994.
On note ensuite une répartition du budget vacances qui privilégie les activités de loisirs ou les animations de plein air, au détriment de l'hébergement et de la restauration traditionnelle.
II. LA SITUATION DES OPÉRATEURS FRANÇAIS
A. UNE ANNÉE DE TURBULENCES POUR LES AGENCES DE VOYAGES ET TOURS-OPÉRATEURS
• La concentration du secteur de la
distribution de voyages s'est accélérée en 1994.
En effet, Havas Voyages, numéro un français dans ce
secteur, a continué à mener une politique de rachat intensive. En
outre, les réseaux américains ont multiplié les alliances
en Europe.
•
On assiste, par ailleurs, à un
renforcement de la professionnalisation et de la segmentation.
Les
réseaux se recentrent sur leurs métiers de base : les
distributeurs de voyages tendent à se séparer de leurs filiales
production et les compagnies aériennes, de leurs chaînes
hôtelières.
Les réseaux cherchent à se spécialiser, surtout sur l'activité affaires qui s'est sophistiquée, ou sur l'activité tourisme où ils sont devenus plus exigeants dans la sélection des produits commercialisés, limitant le nombre de voyagistes avec lesquels ils travaillent. En outre, on note une évolution de la demande, le voyage standardisé étant délaissé au profit des vacances « à la carte », sur mesure et des produits discountés.
•
Enfin, l'atomisation du marché des
voyagistes reste une caractéristique française.
En effet, à la différence de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne, le marché français de la production de voyages, bien que dominé par quelques grands (Fram, Jet Tours, Nouvelles Frontières) est éclaté et compte une multitude de petits voyagistes spécialisés (200 à 300), qui justifient leur existence par la recherche de diversité et de produits sophistiqués par la clientèle française.
À lui seul, le tour-opérateur allemand TUI, numéro un mondial, pèse plus que les sept premiers voyagistes français.
Il est vrai que le marché français est relativement étroit, dans la mesure où les Français privilégient l'Hexagone lorsqu'ils partent en vacances, alors que 73 % des Allemands choisissent l'étranger. En outre, 7 % seulement des consommateurs français de voyages recourent à une agence, contre 45 % pour les Britanniques et les Allemands.
B. L'INDUSTRIE HÔTELIÈRE : UN SECTEUR VULNÉRABLE
1. Des difficultés conjoncturelles...
• Après une année difficile en 1993,
l'hôtellerie a montré des
signes de reprise en 1994,
avec une amélioration de sa rentabilité, notamment dans
les catégories intermédiaires et supérieures.
Sur les premiers mois de l'année 1995, le chiffre d'affaires du secteur a progressé, surtout pour l'hôtellerie de chaîne et économique.
Cependant, la saison d'été 1995 s'est révélée morose pour l'activité hôtelière, en particulier pour l'hôtellerie de chaîne.
Ainsi, par rapport à l'été 1994, le taux d'occupation moyen a baissé de 3,1 % (à 64,1 %), tandis que le prix moyen accusait une chute de 3,7 % (à 325 francs) 1 ( * ) .
• Cette situation s'explique par de nombreux
facteurs, parmi lesquels on peut citer la
dévaluation
de la lire et de la peseta, ainsi que l'attention portée par
les Français à leurs dépenses.
• L'augmentation de deux points de la
TVA
a, par ailleurs, mécontenté les professionnels, qui
dénoncent également le problème de l'application au
secteur de deux taux de TVA, la restauration rapide bénéficiant
du taux réduit à 5,5 %.
• En outre, les
événements
politiques
(climat d'insécurité à la suite
d'actes terroristes et campagnes menées dans certains pays pour
protester contre les essais nucléaires français) semblent avoir
eu des répercussions sur l'hôtellerie haut de gamme dans la
capitale au mois d'août 1995
2
(
*
)
.
2. ... s'ajoutent aux problèmes structurels
ï Le marché hôtelier souffre d'une saturation qui entraîne, en particulier, des difficultés pour l'hôtellerie indépendante. Le parc de celle-ci, composé d'hôtels majoritairement anciens, souvent en mal de succession, subit la concurrence accrue d'une hôtellerie de chaîne en croissance exponentielle.
ï En outre, l'hôtellerie subit la concurrence -parfois déloyale- de nouveaux modes d'hébergement.
Le Gouvernement, conscient tant du problème de la surcapacité hôtelière que de celui du paracommercialisme, engage une politique de nature à y remédier.
CHAPITRE II QUELLE POLITIQUE DU TOURISME ?
Dans le contexte décrit précédemment, deux sujets d'actualité semblent particulièrement dignes d'intérêt. Il s'agit du soutien à l'hôtellerie (I) et du problème de la transmission des entreprises d'hôtellerie, de restauration et de débits de boisson (II).
En outre, avant d'évoquer le budget du tourisme pour 1996 (IV), on étudiera la politique du tourisme comme instrument de la politique d'aménagement du territoire (III).
I. LE SOUTIEN AU SECTEUR HÔTELIER
En 1993, le ministère du Tourisme a élaboré un Livre Blanc de l'hôtellerie française, qui préconisait : le renforcement du professionnalisme du secteur ; la poursuite de la modernisation de l'hôtellerie ; le renforcement de la politique de qualité ; l'élargissement de la gamme des produits hôteliers.
En 1994 et 1995, le secteur a fait l'objet d'une attention particulière des pouvoirs publics qui ont mis en place des dispositifs destinés à :
- assister les entreprises hôtelières indépendantes ;
- maîtriser l'offre hôtelière ;
- lutter contre le para-commercialisme ;
- faciliter l'accès des entreprises du secteur au financement.
Par ailleurs, le Conseil national du tourisme a récemment proposé des aides à l'hôtellerie indépendante, aux réseaux volontaires et aux groupements, qui méritent d'être évoquées.
A. UN DISPOSITIF TEMPORAIRE D'ASSISTANCE AUX ENTREPRISES HÔTELIÈRES INDÉPENDANTES
Les difficultés conjoncturelles du secteur hôtelier ont incité les pouvoirs publics à mettre en place, en 1994, un dispositif d'assistance adapté aux entreprises hôtelières indépendantes.
D'une durée limitée, celui-ci a pris fin en décembre 1994.
À cette date, les hôteliers concernés avaient déposés près de 600 dossiers auprès des instances départementales ou des comités régionaux créés à cet effet.
Le budget consacré par la direction du tourisme à ce dispositif s'est élevé à près de 770.000 francs, au titre du financement des audits et des diagnostics. Il faut souligner que 80 % des demandes ont pu être examinées sans qu'un audit s'avère nécessaire.
Au plan départemental, sur les 133 dossiers examinés par les « Commissions des chefs des services financiers », 73 ont bénéficié de délais de paiement des dettes sociales et fiscales et 7 dossiers ont bénéficié du dispositif de chômage partiel.
Au plan régional, le bilan est positif. Les comités régionaux d'assistance à l'hôtellerie ont permis d'identifier les causes déficitaires des exploitations et d'y apporter parfois des solutions. Ils ont aussi permis de créer un partenariat efficace et de mettre en présence les différents acteurs du tourisme : hôteliers, établissements de crédit, sociétés de garantie, assistants techniques à l'hôtellerie.
Votre rapporteur souhaite que ce partenariat continue à être encouragé.
B. LA MAÎTRISE DE L'OFFRE HÔTELIÈRE
1. L'Observatoire des industries hôtelières
En février 1994, pour répondre aux inquiétudes exprimées par les professionnels du secteur hôtelier, un Observatoire des Industries hôtelières a été mis en place, afin de suivre l'évolution de l'offre, son adéquation à la demande et de soumettre au ministre chargé du Tourisme des mesures et recommandations visant à remédier aux causes de la dégradation de l'activité hôtelière.
Après quelques mois d'activité, il s'est avéré que, si les premiers travaux furent exhaustifs et utiles quant au suivi de l'activité, les causes réelles de la surcapacité hôtelière n'étaient pas explicitement définies.
Il est donc paru nécessaire de compléter et d'étendre les missions de l'Observatoire et d'affiner les axes d'analyse, afin de proposer des solutions adaptées.
2. La Commission nationale de régulation des hébergements touristiques
• C'est ainsi qu'a été
créée la
Commission nationale de régulation des
hébergements touristiques,
qui intègre l'Observatoire
des industries hôtelières.
Cette Commission s'est vue confier deux missions : d'une part, proposer au ministre du Tourisme un ensemble de mesures visant à réguler l'offre d'hébergement touristique ; d'autre part, assurer le suivi de celles mises en oeuvre.
La Commission a poursuivi les travaux par bassin d'hébergement. Ce suivi concerne non seulement l'hôtellerie homologuée, mais également tous les autres types d'hébergement touristique. Avec l'étroite collaboration des professionnels et des instances concernées, elle est chargée d'établir et de mettre à jour une carte nationale de la capacité hôtelière, voire des autres hébergements, de mettre en oeuvre et de suivre la politique d'observation et de régulation de l'offre d'hébergements par bassin.
Elle a formulé des propositions concernant :
- la création, en son sein, d'un comité de la carte des hébergements, chargé de recevoir les demandes d'inscription en zone surcapacitaire, d'instruire ces demandes, puis d'établir la carte nationale de la surcapacité. La Commission nationale est souveraine pour décider du caractère surcapacitaire ou de la suppression du caractère surcapacitaire d'un bassin d'hébergement précis ;
- la création, au sein de la Commission départementale d'action touristique (CDAT), d'une section des hébergements hôteliers ;
- l'information de cette section spécialisée du CDAT lors de constructions et extensions se rapportant à l'ensemble des hébergements touristiques, dès lors qu'elles nécessitent la demande d'un permis de construire ;
- l'élaboration de « contrats de progression » par la Commission nationale de régulation des hébergements touristiques, par lesquels les différents intervenants économiques, participants à l'augmentation de la capacité des hébergements sur le sol national, prennent les engagements de modération sur les zones de surcapacité mentionnées par le Comité de la carte.
•
Appréciation et bilan du
dispositif
- Le problème de la surcapacité hôtelière ne pouvait pas être résolu par un dispositif malthusien, du type loi « Royer ». On peut donc se féliciter du caractère plus pragmatique du système mis en place avec la Commission nationale de régulation des hébergements touristiques.
Prévoyant un fort appui des comités départementaux du tourisme et des services déconcentrés de l'État (section spécialisée des CDAT auprès des préfets), il devrait garantir un bon « va et vient » entre le niveau national et le niveau départemental.
Les travaux de la Commission permettront d'examiner, avec l'ensemble des forces économiques participant à l'augmentation des hébergements, les perspectives à court et moyen terme de la carte de la surcapacité et d'inciter à la modération dans ce domaine, grâce aux contrats de progression.
- Depuis la mise en place de la Commission, seule une dizaine de cas de surcapacité ont été transmis à la Commission, ce faible nombre pouvant s'expliquer par la nécessaire période de « rodage » du dispositif.
Il semblerait que la Commission puisse être saisie, dans les prochains mois, de plus de 300 cas de surcapacité ressentie.
Votre commission souhaite que les pouvoirs publics soient vigilants et veillent à l'efficacité de ce dispositif de maîtrise de l'offre hôtelière, l'inquiétude tant des professionnels que des élus étant forte dans ce domaine.
C. LA LUTTE CONTRE LE PARACOMMERCIALISME
On dénombre 5 millions de lits déclarés et 1,5 à 2 millions de lits non déclarés, pour la plupart dans la catégorie des gîtes, des meublés et des chambres d'hôtes.
En réalité, 85 % des chambres d'hôtes font l'objet « d'une offre sauvage, échappant à toutes charges fiscales ou sociales » 1 ( * )
Cette offre non maîtrisée et en croissance exerce une concurrence déloyale à rencontre des gîtes déclarés et de l'hôtellerie traditionnelle.
Pour y remédier, un décret rendant obligatoire la déclaration en mairie des hébergements loués à des fins touristiques est sur le point d'être publié. Votre commission s'en félicite.
En outre, un plan plus global de lutte contre le paracommercialisme est en cours de mise en place, comme on le verra ultérieurement.
D. FACILITER L'ACCÈS AU FINANCEMENT
De récentes mesures ont été prises pour faciliter l'accès au financement de la profession hôtelière.
Outre la mise en place d'un fonds SOFARIS de 50 millions de francs destiné au rééchelonnement de la dette dans l'hôtellerie familiale et indépendante, la garantie SOFARIS a été étendue aux entreprises de services aux particuliers et au commerce de détail, dont l'hôtellerie et la restauration.
En outre, ce secteur bénéficie des autres mesures d'urgence en faveur des PME adoptées par le Gouvernement au début de l'été 1995, à savoir :
- l'augmentation du taux de garantie de la SOFARIS. De 50 %, il est porté :
* à un taux compris entre 60 et 70 % si la garantie accompagne le financement d'un programme créateur d'emplois ;
* à 70% pour les créations d'entreprises ;
- la création d'un fonds de garantie réservé aux « très petites entreprises » (de zéro à dix salariés). Doté de 200 millions de francs, ce fonds permettra de garantir 8 milliards de francs de crédits d'investissement.
Votre rapporteur pour avis souhaiterait que la SOFARIS apporte une attention toute particulière et accélère ses procédures d'instruction pour les dossiers portant sur des travaux de mise aux normes des hôtels en matière de sécurité. Dans ce domaine, la survie de l'établissement est, en effet, bien souvent en jeu.
E. L'AIDE À L'HÔTELLERIE INDÉPENDANTE, AUX RÉSEAUX VOLONTAIRES ET AUX GROUPEMENTS : LES PROPOSITIONS DU CONSEIL NATIONAL DU TOURISME
Dans une étude récente sur « le phénomène de chaîne et de marque pour l'entreprise indépendante », le Conseil national du tourisme prône des actions spécifiques pour aider les entreprises indépendantes à exister face aux chaînes, suivant deux axes.
•
L'aide à l'entreprise
indépendante
- Renforcer la compétitivité
Il s'agit de favoriser les démarches commerciales des indépendants de l'hôtellerie et de la restauration, ainsi que les agences de voyages.
Pour ce faire, il conviendrait, d'une part, de les aider à se former à l'informatique ; d'autre part, d'aider les hôteliers à proposer de nouveaux produits, comme ils y sont autorisés par la loi du 13 juillet 1992 concernant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjours. Cette loi leur permet dorénavant de commercialiser, en direct ou au travers de structures telles que voyagistes et agences, des produits touristiques incluant l'hébergement et des prestations annexes. Cette activité est soumise à la condition que « ... dans chaque cas, les prestations qu'ils fournissent dans le cadre de leur activité principale gardent un caractère prépondérant par rapport aux autres prestations ou que ces dernières revêtent un caractère complémentaire » (article 12).
- Améliorer la qualité
Il s'agirait de favoriser, pour les indépendants, les opérations « contrôle qualité » et « zéro défaut » mises en place avec succès par certaines chambres de commerce et d'industrie, comités départementaux du tourisme ou chaînes et groupements locaux.
- Aider au choix du réseau
L'appartenance à un réseau volontaire constitue souvent une alternative intéressante à l'isolement de l'entreprise strictement indépendante.
Aussi, le Conseil national du tourisme estime-t-il qu'il est du devoir des pouvoirs publics de faciliter cette démarche lorsqu'elle est nécessaire et de proposer un outil d'aide à la décision, grâce à une information complète et efficace dans ce domaine.
•
L'aide aux réseaux volontaires et
aux groupements
- Il s'agit, tout d'abord, d'aider les réseaux volontaires et les groupements existants qui connaissent des difficultés : maillage très inégal sur le territoire national, problèmes de gestion, phase critique de développement... Des conseils dans le cadre d'opérations précises, telles que la création de centrales de réservation ou d'achat, leur permettraient de remédier à ces carences et de mieux remplir leur mission face aux chaînes intégrées notamment.
Le rapport suggère que le ministre en charge du Tourisme aide à la fois les réseaux volontaires à se développer et les hôteliers indépendants à sortir de leur isolement en recommandant, par exemple, aux chambres de commerce et d'industrie d'organiser des réunions de sensibilisation des hôteliers à l'adhésion à un mouvement volontaire.
- Il s'agirait, en second lieu, de favoriser la labellisation et l'émergence de chaînes et groupements à thème.
Les réseaux à thème constituent un potentiel intéressant pour l'entreprise indépendante et semblent mieux répondre aux nouvelles exigences de la demande. Les pouvoirs publics pourraient favoriser leur émergence, notamment dans le secteur de l'hôtellerie de loisirs. L'appui porterait essentiellement sur les réseaux volontaires (plus que sur les groupements), dans la mesure où ils sont mieux à même de lutter, en termes de marque et de notoriété, face aux réseaux intégrés.
II. LA TRANSMISSION DES ENTREPRISES DES SECTEURS DE L'HÔTELLERIE, DE LA RESTAURATION ET DES DÉBITS DE BOISSONS
Un autre sujet essentiel et d'actualité a fait l'objet d'une intéressante étude du Conseil national du tourisme, en 1994. Il s'agit du problème de la « transmission dans les entreprises d'hôtellerie, de restauration et de débits de boissons ».
Il faut, tout d'abord, se féliciter que le projet de loi de finances pour 1996 prévoit un allégement fiscal sur les transmissions d'entreprises, dans les conditions rappelées dans l'encadré ci-dessous.
L'article 6 du projet de loi de finances pour 1996 propose d'instituer un abattement de 50 % sur la valeur des biens professionnels transmis entre vifs. L'octroi de cet abattement, plafonné à 100 millions de francs, est subordonné à la réunion de quatre séries de conditions : Les conditions tenant aux biens transmis. Les biens transmis doivent être des actifs professionnels, au sens de l'impôt de solidarité sur la fortune, c'est-à-dire soit des biens nécessaires à l'exercice, à titre principal, d'une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, soit des parts ou actions de sociétés. Sont donc exclus de cette catégorie les biens inscrits au bilan de l'entreprise, mais qui ne sont pas nécessaires à l'exercice de la profession comme, par exemple, des locaux à usage d'habitation loués à des tiers. Les conditions tenant aux donateurs Le ou les donateurs doivent être âgés de moins de 65 ans. Toutefois, cette condition d'âge n'est pas requise pour les donations intervenant entre le 1er janvier et le 31 décembre 1996. Enfin, le ou les donateurs doivent détenir le bien professionnel depuis plus de cinq ans. Les conditions tenant à la transmission Il doit s'agir d'une donation constatée par acte passé et enregistré à compter du 1er janvier 1996. En outre, la donation doit porter sur la pleine propriété de plus de 50 % de l'ensemble des biens professionnels. Les conditions tenant aux donataires Chacun des donataires doit prendre l'engagement, dans l'acte de donation, pour lui et ses ayants-cause à titre gratuit, de conserver pendant au moins cinq ans, les biens ou les titres reçus lors de la donation. L'Assemblée nationale a étendu ce dispositif aux transmissions par décès (successions) des actifs professionnels lorsque le défunt est âgé de moins de 65 ans. Enfin, l'Assemblée nationale a introduit, sur amendement du Gouvernement, un article additionnel (art. 6 bis) qui permet de déduire des bénéfices industriels et commerciaux, les droits de mutation à titre gratuit acquittés par les héritiers, donataires ou légataires d'une entreprise individuelle. Le bénéfice de cette déduction est subordonné à la condition que l'une de ces personnes prenne l'engagement « de poursuivre l'activité en participant de façon personnelle, continue et directe à l'accomplissement des actes nécessaires à cette activité pendant les cinq années suivant la date de transmission de l'entreprise ». |
Il est intéressant de souligner l'acuité du problème de transmission dans les secteurs de l'hôtellerie, de la restauration et des débits de boissons. En effet, une telle transmission ne peut être traitée de façon identique à celle d'un commerce quelconque, dans la mesure où il s'agit là d'investissements souvent lourds au regard du chiffre d'affaires développé. En outre, on se trouve en présence d'un centre de production et de vente de prestations spécialisées et personnalisées. C'est pourquoi, la transmission familiale est particulièrement sensible dans ce secteur et pose de délicats problèmes financiers, ainsi que des problèmes d'ordre juridique, fiscal, social et même moral.
Surtout, les exploitants indépendants manquent des conseils juridiques permanents dont bénéficient les entreprises importantes.
Or, chaque année, 400 hôtels situés en zone rurale font l'objet de transmission.
• On peut, à cet égard, souligner
l'importance du rôle joué par l'
Association de conseils
pour la transmission des entreprises hôtelières
(ACOTHEL)
L'objectif d'ACOTHEL est d'aider à sauvegarder le patrimoine hôtelier, surtout dans le secteur de l'hôtellerie indépendante, en facilitant la transmission d'affaires hôtelières, notamment en cas de succession et d'installation de jeunes professionnels. Elle intervient également dans le domaine de la restauration.
Sa mission est double :
- dispenser des conseils d'ordre général en matière de transmission d'entreprises ;
- proposer aux pouvoirs publics des mesures nouvelles susceptibles d'améliorer le dispositif actuel de la transmission des entreprises, dans les domaines financier, juridique et fiscal.
•
Dans le cadre du dispositif d'aide
à la transmission d'entreprises hôtelières en milieu rural,
on peut se féliciter des récentes mesures qui consistent
à :
- ouvrir au secteur hôtelier le fonds de garantie transmission de la SOFARIS, en vue de favoriser l'accès au crédit des repreneurs d'entreprises hôtelières en zone rurale ;
- soutenir la modernisation des entreprises hôtelières faisant l'objet de transmission. Ce soutien recouvre :
. d'une part, la modernisation de l'exploitation sous forme de subvention lors de la mise en oeuvre d'un programme comportant un audit financier, une évaluation des besoins de formation de l'exploitant et de ses salariés, un diagnostic des procédures de commercialisation et de promotion ;
. d'autre part, la rénovation du patrimoine immobilier et mobilier sous forme d'un soutien financier de l'Etat en coordination avec les interventions des collectivités locales à l'occasion d'opérations de transmission.
En raison de la régulation budgétaire, ce dispositif ne sera mis en oeuvre que dans le cadre du budget pour 1996. Il est prévu de lui affecter 5 millions de francs (1,5 million de francs d'aide à la modernisation de l'exploitation et 3,5 millions de francs de soutien aux opérations de rénovation du patrimoine).
•
Sur le plan juridique, le Conseil national
du tourisme propose des dispositions de nature à faciliter la
transmission.
On citera, notamment :
- la simplification, en faveur des entreprises familiales du secteur, des modalités de cession du bail commercial attaché au fonds de commerce ;
- la possibilité, pour le locataire d'un tel fonds de commerce qui prend sa retraite, de pouvoir changer la nature de l'activité exercée dans les locaux concernés, non seulement -comme cela existe à l'heure actuelle- dans la perspective de la cession du fonds de commerce, mais également en cas de transmission à titre gratuit, c'est-à-dire de succession ou de donation.
Ces propositions nourrissent la réflexion sur cet important dossier de la transmission d'entreprise.
III. LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE LA POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
Le tourisme est un vecteur essentiel de la politique d'aménagement du territoire, en particulier dans les zones rurales et de montagne.
A. DÉVELOPPER LE TOURISME RURAL
1. Le poids encore modeste du tourisme rural dans l'économie touristique
Comme l'illustre le tableau ci-dessous, on constate que 72 % de la fréquentation touristique de la France n'intéresse que 20 % du territoire et que sur 320 milliards de dépenses touristiques évaluées en France, 22 % seulement bénéficient au tourisme de la campagne.
La faiblesse du tourisme en espace rural, en dépit de ses nombreux atouts, réside essentiellement dans le caractère atomisé de son offre. Elle est trop souvent axée sur une seule composante, par exemple un hôtel, un club, un château, une activité de loisirs. Les expériences de regroupement des prestations touristiques dans les espaces ruraux les plus attrayants sont encore trop rares ou peu organisées.
2. Encourager la valorisation des sites naturels et du patrimoine
• Il faut donc
encourager les tentatives
d'organisation territoriale
menées par des structures telles
que les pays d'accueil touristiques, les parcs naturels régionaux, les
stations vertes ou les plus beaux villages de France, qui constituent
aujourd'hui les principaux réseaux de coordination du tourisme dans les
espaces ruraux.
Il faut favoriser la mise en valeur des potentialités des sites les plus propices au développement touristique. À titre d'exemple, on peut citer l'intéressant projet de valorisation du site naturel de la zone ostréicole de Marennes, qui s'inscrit dans une démarche d'aménagement du territoire microrégional. Il s'agirait de mieux « irriguer » une région dont la fréquentation touristique est aujourd'hui assez concentrée autour de ses plages, en valorisant le marais ostréicole et en créant une Cité de l'huître.
3. Favoriser l'agri-tourisme
En France, seuls 2 % des agriculteurs se livrent à des activités touristiques, contre 20 % en Suède, 7 % au Royaume-Uni et 4 % en Allemagne.
La loi de modernisation de l'agriculture du 17 janvier 1995 a levé certaines contraintes qui freinaient le développement du tourisme à la ferme, en favorisant l'exercice de la pluri-activité (tant des exploitants agricoles que des autres catégories socio-professionnelles). Diverses mesures sociales et fiscales améliorent ainsi le statut du pluri-actif et devraient, par ailleurs, faciliter la réhabilitation d'immeubles ruraux actuellement vacants ou à l'état d'abandon et destinés à la location durable.
On peut se féliciter de cette évolution positive.
Le développement de ce type de tourisme doit cependant s'effectuer dans des conditions de concurrence loyale. C'est pourquoi, il convient parallèlement de lutter contre le paracommercialisme.
4. Lutter contre le paracommercialisme
Rappelons quelques-unes des propositions du rapport Radelet sur le thème « paracommercialisme et espace rural » :
- généralisation de la déclaration en mairie de toutes les formes d'hébergement et de restauration ;
- égalité de traitement pour les aides publiques attribuées aux différentes catégories d'acteurs qui participent à la restauration dans le tourisme rural ;
- étude des mesures fiscales incitatives de nature à encourager le classement des hébergements ;
- mise à niveau des charges sociales et éventuellement fiscales à payer par l'ensemble des acteurs participant à la restauration et à l'hébergement en milieu rural (particuliers).
Sur la base des propositions de ce rapport, les pouvoirs publics ont entrepris la mise en oeuvre d'un plan de lutte contre le paracommercialisme.
- Ils ont, en premier lieu, encouragé les rapprochements récents entre, d'une part, les acteurs du tourisme vert et, d'autre part, les hôteliers et restaurateurs traditionnels (signature de protocoles, mise en place de solutions dynamiques en matière d'animation, mise en place de réseaux, valorisation du patrimoine culturel, gastronomique).
C'est ainsi qu'un protocole a été signé dans ce sens, le 6 avril dernier, entre la FNSEA, la Fédération nationale de l'Industrie hôtelière et la Fédération nationale des Gîtes de France.
- Comme on l'a indiqué, le Gouvernement s'apprête, en second lieu, à publier un décret rendant obligatoire la déclaration en mairie de toutes les formes d'hébergement et de restauration. À l'heure actuelle, il n'existe aucune obligation de cet ordre dans les communes ne percevant pas la taxe de séjour.
- Enfin, le ministre du Tourisme a arrêté un plan pour assurer une résorption progressive des formes les plus préoccupantes de cette économie touristique souterraine.
Le dispositif comprend quatre phases :
. une phase d'information ;
. une phase de recensement, possible grâce à la déclaration obligatoire. Elle prévoit également un recensement des salles communales exerçant des activités de restauration, et des tables d'hôtes ;
. une phase de contrôle des fermes-auberges, mais aussi des buvettes, des lycées hôteliers, des ventes ambulantes en bordure de routes ;
. une phase de réglementation. Outre le décret précité, une réflexion est en cours sur la réglementation fiscale et sociale.
5. Améliorer l'organisation du secteur et faciliter la commercialisation des produits
À la suite du rapport Descamps sur le tourisme rural, plusieurs actions sont en cours pour améliorer l'organisation du secteur et faciliter la commercialisation des produits touristiques. Il s'agit de :
- l'élaboration d'un plan marketing du tourisme en espace rural à partir d'études de clientèles sur des filières de produits ;
- la participation à la politique d'aménagement du territoire, en particulier à la politique du « pays » à la suite de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, avec la mise en oeuvre de« pays touristiques » ;
- l'amélioration de la commercialisation par la création d'un serveur national de réservation.
B. ENCOURAGER LE TOURISME À LA MONTAGNE
1. Grandes, moyennes et petites stations : des situations différentes justifiant des stratégies adaptées
Jadis en croissance, le marché est devenu mature et concurrentiel, désormais commandé par la demande. Il convient donc d'encourager l'effort d'adaptation indispensable aux modifications intervenues sur le marché et d'aider certaines stations en difficulté, mais ayant un bon potentiel à sauvegarder leur outil.
• Les
grandes stations
bénéficient d'un enneigement garanti, de vastes domaines
skiables et disposent d'une importante présence commerciale en France et
à l'étranger, ainsi que d'une excellente image.
C'est ainsi que sur 350 stations ou centres de ski, les 100 stations principales induisent 90 % du chiffre d'affaires total du tourisme en montagne (qui s'élève à 20 milliards de francs, dont 5 milliards en devises).
•
La situation des stations moyennes est
plus inquiétante.
Le plus souvent situées en moyenne
montagne, elles sont confrontées au risque d'une perte de
clientèle, attirée par les grands domaines skiables ou d'autres
lieux de vacances. Elles présentent souvent des atouts en terme de
qualité des paysages naturels et urbains. Mais, en dépit de
domaines skiables variés, l'insuffisance du nombre de lits
banalisés, de l'accueil, des modes de commercialisation, constituent un
réel handicap. Le financement des investissements, notamment en
remontées mécaniques performantes, a souvent été
réalisé sans fonds propres. Certaines communes connaissent
d'importantes difficultés financières qui risquent de se
répercuter sur l'emploi et le maintien de l'activité.
Ces stations représentent un enjeu important pour l'augmentation de la fréquentation touristique, qui pourra être obtenue grâce à un enrichissement de l'offre et une amélioration de la mise en marché.
Des mesures dans ce sens, concernant la moyenne montagne, sont inscrites dans la plupart des nouveaux contrats du XIe Plan (1994-1999). Elles visent à :
- développer l'observation économique ;
- développer l'organisation et la professionnalisation des acteurs ;
- organiser des actions territorialisées de manière variable suivant les massifs : soit le montage et le financement de projets de station, soit le financement de contrats d'objectifs sur une vallée ou un « pays » ;
- mener des actions par filière ayant pour vocation l'aide au développement d'une activité touristique (randonnée, espaces naturels de haute montagne, routes ou chemins touristiques à thèmes, etc.).
Ces actions ont pour objectif le développement du tourisme d'hiver comme d'été.
•
Quant aux petites stations, elles souffrent
d'une fragilité économique,
ainsi que d'une
rentabilité et d'une base capitalistique insuffisante pour supporter des
à-coups conjoncturels. La conjonction de besoins de
réinvestissement, des aléas conjoncturels et de l'accroissement
de la concurrence les placent en situation difficile.
Heureusement, les deux dernières saisons (1993-1994 et 1994-1995), correctement enneigées, ont permis de poursuivre l'exploitation dans de bonnes conditions, sans résoudre les problèmes de fond cependant.
Ces problèmes tiennent aussi aux difficultés de commercialisation. À cet égard, les pouvoirs publics incitent les petites et moyennes stations de moyenne montage à se regrouper en « stations-villages » et à organiser leurs relations avec les distributeurs, afin de faciliter leur commercialisation.
2. Des propositions récentes
• Cette action des pouvoirs publics
s'inspire des propositions du rapport Pascal
1
(
*
)
sur les
« problèmes
structurels des stations de moyenne montagne
». Celles-ci ont pour
objet de
« sécuriser les acteurs économiques de la
moyenne montagne par un plan d'assainissement à long terme
».
Le rapport préconise notamment :
- la mise en place d'un volet « moyenne montagne » dans les contrats de plan État-région, avec le souci prioritaire de soutenir les structures intercommunales qui prendraient en charge les stations en difficulté ;
- l'incitation aux stations à pratiquer des audits et à opérer une « mise à plat » des investissements. Il s'agit de favoriser les investissements apportant des améliorations durables sans engendrer des coûts de fonctionnement importants (par exemple le reprofilage des pistes pour les adapter à l'enneigement) ;
- l'amélioration de la qualité, la professionnalisation, la promotion et la mise en marché des produits.
En outre, s'agissant du plan d'assainissement à long terme, le rapport Pascal estime que la solidarité locale doit jouer au maximum et qu'il conviendrait même d'introduire une « mutualisation minimum du risque d'exploitation ».
À cet égard, l'idée de créer un « fonds neige » -auxquels participeraient l'ensemble des stations pour aider celles qui connaîtraient des difficultés d'enneigement- est défendue par certains. Elle ne fait bien entendu pas l'unanimité, l'effort de solidarité n'étant pas nécessairement bien accueilli par les grandes stations.
Il faut pourtant souligner que ces dernières bénéficient d'un transfert de clientèle en provenance des stations de moyenne montagne en difficulté en cas d'enneigement insuffisant.
Votre rapporteur pour avis adhère à une autre suggestion du rapport Pascal : il s'agirait « d'aider le « désarmement » d'une toute petite minorité des remontées mécaniques structurellement non viables ».
Il faut avoir conscience de l'enjeu que cela représente pour les petites stations concernées et pour la politique d'aménagement du territoire.
• Un autre rapport récent émet des
propositions tendant à garantir le développement touristique des
zones de montagne. Il s'agit du
rapport Cupillard
2
(
*
)
sur les
«
perspectives économiques et sociales de la montagne française
».
Sans être exhaustif, citons quelques-unes de ses propositions :
- le réaménagement du calendrier scolaire. À cet égard, l'aménagement du calendrier scolaire permet aujourd'hui un meilleur étalement des saisons. Votre commission estime que cet effort doit être poursuivi ;
- l'aménagement de tarifs pour l'électricité des remontées mécaniques ;
- l'octroi de subventions (départementales ou régionales) pour enneigement automatique ;
- le développement les labels touristiques en montagne.
IV. 1996 : UN BUDGET DE RECONDUCTION CONCENTRÉ SUR TROIS PRIORITÉS
A. L'ÉVOLUTION GÉNÉRALE DES CRÉDITS
1. Les dotations prévues par le projet de loi de finances initial pour 1996
Le projet de loi de finances initial pour 1996 prévoit une reconduction des crédits inscrits au titre du budget du tourisme, par rapport au budget de 1995 rectifié. À 393,2 millions de francs, ils progressent en réalité de 0,07 %.
Rappelons que la majoration des crédits de 1995, votée par le Parlement, avait été annulée pour un montant équivalent par la loi de finances rectificative pour 1995.
Cette dotation, modeste, ne constitue cependant qu'une faible partie de l'effort public en faveur du tourisme.
• Les dépenses ordinaires augmentent
de 2,6 %
. Ceci résulte :
- d'une hausse de + 4 % des interventions publiques. Ces dotations représentent 59,8 % des crédits du ministère (à 235 millions de francs) et les moyens nouveaux seront consacrés aux priorités du ministère :
* 15 millions de francs supplémentaires seront ainsi consacrés au GIE « Maison de la France » pour la promotion du tourisme à l'étranger ;
* une mesure nouvelle de 5,47 millions de francs est destinée à renforcer le développement territorial du tourisme ;
* 1,6 million supplémentaire est consacré au soutien au secteur associatif.
Le GIP Agence française de l'Ingénierie touristique (AFIT) voit, en revanche, sa dotation diminuer de 22,3 %.
•
Les dépenses en capital
enregistrent, quant à elles, une forte diminution
tant en
crédits de paiement (- 40 %) qu'en autorisations de programme (- 18
%).
Ces mesures d'économie touchent essentiellement le plan patrimoine et les programmes d'aménagement touristique.
Les crédits de paiement des contrats de Plan État-régions diminuent de 20 %, mais ils sont stables en autorisations de programme.
2. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
Compte tenu de minorations de crédits de 8,3 millions de francs et de majorations de crédits de 10,54 millions de francs, les moyens du tourisme enregistrent, à la suite de l'examen du budget par l'Assemblée nationale, une légère progression de 2,24 millions de francs, représentant 0,56 % des crédits inscrits dans le projet de loi de finances initial pour 1996.
Cette hausse bénéficiera, notamment, aux programmes d'aménagement touristique et, dans une moindre mesure, au programme de rénovation des hébergements touristiques à caractère associatif.
En conclusion, la très légère progression du projet de budget du ministère du tourisme pour 1996 recouvre d'importants efforts d'économie, mais aussi des mesures nouvelles qui devraient permettre au ministère de concentrer ses moyens sur ses priorités.
B. LES TROIS PRIORITÉS DU MINISTÈRE DU TOURISME
Exerçant essentiellement un rôle d'impulsion, le ministère du Tourisme a dégagé trois priorités pour 1996.
1. Renforcer l'action de promotion de la France à l'étranger
La subvention accordée au GIE « Maison de la France » sera portée à 152,3 millions de francs, en progression de + 7 %.
L'effort en matière de promotion portera, d'une part, sur les pays à forte croissance d'Asie du Sud Est et d'Amérique du Sud et, d'autre part, sur les pays européens (Allemagne. Grande-Bretagne), afin de consolider nos parts de marché.
Au total, l'ensemble des moyens consacrés par l'État à la promotion à l'étranger s'élèveront de 188 millions de francs (subvention à la Maison de la France et personnels pour les services à l'étranger), c'est-à-dire 48 % du budget du ministère.
Cependant, en dépit des efforts considérables accomplis ces dernières années, le budget consacré par la France à sa promotion est inférieur à celui de ses concurrents, avec 0,002 % de son produit intérieur brut.
En pourcentage de leur PIB, on constate en effet que l'Irlande, par exemple, consacre un budget vingt cinq fois supérieur à sa promotion ; l'Espagne, neuf fois supérieur ; la Grande-Bretagne, 2,5 fois supérieur.
Il faut toutefois nuancer ce constat par le fait que les collectivités territoriales développent également d'importantes actions de promotion, en France comme à l'étranger.
Il n'empêche que les efforts doivent être poursuivis si la France veut participer à la croissance de la demande mondiale de tourisme. À cet égard, le bilan d'activité de la « Maison de la France » s'avère très positif.
2. Poursuivre la mise en valeur touristique des sites
À cet effet, les programmes d'aménagement touristique seront poursuivis, soit dans le cadre des contrats de plan État-régions, soit par intervention directe du ministère sur les crédits destinés au développement territorial du tourisme (environ 20 millions de francs). Ces programmes concerneront tant le littoral et la montagne que le monde rural.
Avec un budget en diminution, l'Agence française de l'Ingénierie touristique (AFIT) verra son action recentrée sur la réalisation de projets concrets sélectionnés sur quelques thèmes porteurs. Les moyens de l'AFIT seront d'environ 21 millions de francs, dont 10 millions de subventions pour l'intervention directe.
3. Maintenir le soutien aux industries touristiques et à l'emploi
Les actions visant à développer les industries et l'offre touristiques bénéficieront globalement de 27,2 millions de francs (+ 6 %) au titre des interventions publiques et de 6,9 millions de francs, au titre des subventions d'investissement.
Trois types d'actions principales sont prévus :
- le soutien aux entreprises du secteur (8 millions de francs) par des mesures d'aide à la gestion et à la modernisation de l'exploitation, dans le prolongement du plan en faveur de l'hôtellerie de 1994 ;
- l'amélioration de la formation dans le secteur (10,5 millions de francs), dans le but de favoriser l'insertion des jeunes et de réduire la précarité de l'emploi ;
- le renforcement de l'efficacité du secteur associatif. Ces interventions directes (8 millions de francs) seront effectuées dans le cadre de conventions d'objectifs visant à mieux utiliser le secteur associatif comme outil de développement économique, social et d'insertion des jeunes. En outre, une enveloppe de 6,9 millions de francs en autorisations de paiement au titre des subventions d'investissement est prévue pour la poursuite du programme de rénovation des hébergements touristiques à caractère social et familial.
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours de sa réunion du mercredi 15 novembre 1995, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Charles Ginesy sur le budget du tourisme pour 1996.
Après l'exposé du rapporteur pour avis, la commission a procédé à un large échange de vues.
M. Bernard Joly a rappelé que, répondant à ses propositions en matière de tourisme, au cours de la séance des questions d'actualité du 19 octobre dernier, l'ancien secrétaire d'État au tourisme avait annoncé un plan tourisme-emploi, avant d'interroger le rapporteur pour avis sur le devenir de ce plan.
Après avoir indiqué que le tourisme était la première activité dans son département, Mme Josette Durrieu a estimé que les actions prioritaires du Gouvernement n'apporteraient rien en terme d'aménagement du territoire, dans la mesure où elles ne bénéficieraient qu'aux grands sites touristiques et non à l'espace rural. Elle a regretté que la dotation touristique soit dorénavant englobée au sein de la dotation forfaitaire de fonctionnement, ce qui va à l'encontre de la reconnaissance de la spécificité du tourisme. Elle a. par ailleurs, avec M. Gérard Larcher, souhaité qu'on ne fasse pas la « chasse aux tables d'hôtes », qui jouent un rôle essentiel en matière de tourisme rural.
À cet égard. M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis, a indiqué qu'on en était au stade du recensement des différentes formes d'hébergement et de restauration et qu'il faudrait veiller à ce que l'application du plan ne nuise pas aux acteurs du tourisme rural.
M. Jacques de Menou a souhaité disposer d'un bilan consolidé des actions touristiques menées par les comités départementaux et régionaux du tourisme et par l'État. Il s'est inquiété de certains chevauchements de compétences dans ce domaine.
En réponse, M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis, a rappelé qu'une loi de 1992 avait défini la répartition des compétences entre les différents échelons territoriaux en matière de tourisme.
Après s'être félicité que la France soit la première destination touristique du monde, M. Gérard Larcher a insisté pour qu'un équilibre soit trouvé entre les abus dénoncés par les professionnels en matière de paracommercialisme et leur position qui pourrait nuire au tourisme rural. Il a dénoncé certains excès en matière d'avantages fiscaux, qui ont créé de véritables « jachères hôtelières ». Il a estimé que la multiplication des hôtels super-économiques avaient, en effet, entraîné des difficultés pour l'hôtellerie familiale et il a souhaité qu'une réflexion soit menée sur ce sujet.
Conformément aux conclusions de son rapporteur pour avis, la commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits au titre du tourisme dans le projet de loi de finances pour 1996.
* 1 Selon l'étude du Cabinet spécialisé MGK Conseil
* 2 Selon une étude réalisée par le Cabinet Horwath Axe Consultants, qui porte sur un échantillon de 5.000 chambres
* 1 Selon les termes du rapport Radelet sur le thème « paracommercialisme et tourisme rural ».
* 1 Rapport remis en juillet 1993 au Ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.
* 2 Rapport remis au Premier ministre en 1994.