CHAPITRE II - LES PRINCIPAUX ÉLÉMENTS DE LA POLITIQUE INDUSTRIELLE EN 1995

I. LA POLITIQUE EN FAVEUR DE L'INNOVATION

Le ministère de l'Industrie a fait savoir qu'il avait l'intention d'étudier, à l'automne 1995, le financement de l'innovation.

Rappelant qu'aux États-Unis, 80 % des emplois créés dans la période récente l'ont été par 4 % de petite taille très innovantes, le ministère a annoncé que l'automne 1995 serait consacré à une sensibilisation des DRIRE en faveur des PME-PMI innovantes.

A. L'INNOVATION ET LE BREVETAGE : LA VULNÉRABILITÉ FRANÇAISE

Selon les chiffres publiés fin juin 1995, par l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), les entreprises françaises ont déposé, l'an dernier, 12.514 demandes de brevets d'invention. Soit presque le même chiffre qu'il y a vingt ans.

Or, si les dépôts français stagnent, les dépôts étrangers, eux, ne cessent de grimper : 86.894 en 1994, en progression de 16 % depuis cinq ans. Ce dernier chiffre représente non pas les demandes directes de firmes étrangères auprès de l'INPI (il y en a eu 3.500 l'an dernier), mais le total des brevets internationaux couvrant -entre autres- la France, qu'ils aient été déposés par la voie européenne (Office européen des brevets) ou par la voie internationale (Patent coopération treaty). Ce total inclut des dépôts internationaux effectués par des entreprises françaises, mais en quantité relative faible. Cette modestie des dépôts français, comparée à la montée de la protection étrangère en France, est préoccupante.

Il en résulte, en effet, un affaiblissement de la position concurrentielle des entreprises françaises vis-à-vis des firmes étrangères qui, elles, valorisent mieux leur patrimoine innovant. Ce déficit de protection laisse les entreprises françaises vulnérables face à la copie.

La stagnation de l'innovation dans nos entreprises montre que les campagnes des pouvoirs publics en faveur du brevetage restent largement inopérantes, en particulier auprès des PME-PMI.

Certes, en France, un mécanisme d'incitation des salariés existe, mais il est, en partie, inefficace. La loi de 1990 rend, en principe, obligatoire une rémunération spécifique du salarié-inventeur. Cependant, ses modalités sont floues et il n'est pas prévu de sanction pour l'employeur en cas de non-respect de cette disposition. De nombreuses PME-PMI ignorent jusqu'à l'existence de la loi et moins d'un tiers des salariés-inventeurs bénéficient de telles primes. Il serait donc souhaitable de renforcer la loi en précisant les sanctions en cas de non-respect de ses dispositions et faire, en outre, un effort de pédagogie en matière de valorisation des brevets en direction des PME-PMI.

B. L'ANVAR ÉTEND SES INTERVENTIONS

Malgré une conjoncture difficile, l'effort d'innovation ne s'est pas relâché en 1994. En effet, l'analyse des aides accordées révèle plusieurs éléments positifs qui traduisent une amorce de reprise économique. En outre, l'enregistrement de nouveaux projets connaît une accélération qui laisse augurer des engagements potentiels supérieurs en 1995.


• Les actions du premier semestre 1995

À fin juin 1995, 718,648 millions de francs ont été engagés, dont 532.068 millions de francs d'aides aux projets d'innovation (API) et 65,888 millions de francs d'aides aux services de l'innovation (ASI) attribué aux entreprises.

Dans le cadre de l'ouverture internationale de l'Agence, outre l'appui aux projets Eurêka qui constitue désormais une mission permanente, l'Anvar s'efforce de faciliter, conformément aux orientations de ses tutelles, l'accès des PMI françaises aux programmes spécifiques du 4ème PCRD (Programme cadre de recherche-développement).

L'Anvar poursuit ses efforts pour favoriser l'accès des PMI aux technologies :

- la part d'aides attribuée pour le recrutement de chercheurs s'élève à 58,892 millions de francs pour 370 dossiers,

- les interventions concernant le Réseau de diffusion technologique sont en augmentation et se situent 30,471 millions de francs. La Corse s'ajoute aux 13 membres du Réseau. Le principe de la généralisation du Réseau à l'ensemble du territoire a été annoncé parles ministres concernés.

Se sont tenues en mai 1995 :

- les rencontres industrielles européennes sur la mécatronique organisées par la délégation d'Anvar Midi-Pyrénées et ses partenaires espagnols à Varilhes (Ariège) ;

- les rencontres technologiques européennes sur les applications industrielles des lasers puissance, organisées par la délégation Anvar Alsace et ses partenaires du Grand-Est français, à Strasbourg, avec le Bade-Wurtemberg, la Suisse, la Wallonie et le soutien de la commission de l'Union européenne.

Enfin, s'est tenu en juin 1995 le forum européen des capitaux pour la technologie, à Stockholm.


Les perspectives pour le deuxième semestre 1995

L'Anvar a procédé fin mai à la réactualisation des perspectives d'activité en termes de projets d'innovation. Ont été recensés pour environ 600 millions de francs d'interventions. Mais le resserrement de l'action de l'Anvar, déjà nettement amorcé depuis le début 1995 (moins de subventions, plus de sélectivité, baisse du taux d'intervention....) et le montant des ressources ramené à 1.200 millions de francs ne permettra pas de financer l'ensemble des projets soumis à l'Anvar.

Par ailleurs, une évolution des missions de la Direction de la technologie est engagée avec le développement de l'Observatoire des technologies. La direction de la technologie produira deux fois par an un rapport sur l'évolution des technologies.


Les perspectives 1996

L'année 1996 verra la poursuite et le développement des initiatives lancées et concrétisées par l'Agence dans le cadre de son projet d'entreprise.

Cinq actions majeures sont au centre de ces initiatives :

- répondre aux besoins croissants des PME en matière d'expertise économique et commerciale et de vieille technologique ;

- offrir aux PME un accès direct aux réseaux internationaux de l'innovation ;

- contribuer au renforcement en fonds propres des PME en croissance ;

- favoriser l'accès des PME aux programmes de R & D européens ;

- étendre le réseau de diffusion technologique à toutes les régions françaises sur la période 95/96.

Pour renforcer son action, l'Agence poursuivra la mise en oeuvre de collaborations avec différents partenaires, en particulier en conduisant des appels à propositions conjoints avec les départements ministériels.

C. L'INVENTAIRE DES TECHNOLOGIES-CLÉS : UN GADGET ?

Le ministère de l'industrie a présenté, à la mi-juillet 1995, un ouvrage sur les « technologies-clés pour l'industrie française à l'horizon 2000 » réalisé par deux cents chercheurs et praticiens et qui constituera un guide d'aide à la décision.

Les technologies-clés sont réparties dans une dizaine de grands secteurs industriels : santé et environnement, services et communication, transports, biens de consommation, habitat et infrastructures, technologie du vivant, technologies de l'information, énergie, matériaux et, enfin, technologies d'organisation et d'accompagnement.

Au total, sur le plan scientifique, la position de la France est jugée « forte » dans 66 technologies et « faible » dans 17 cas, sur un total de 136 technologies jugées majeures. Ces bons résultats, dans le domaine de la recherche, ne se traduisent pas toujours par un avantage au stade industriel. Les entreprises ne sont jugées « fortes » que dans 24 technologies de base, elles sont « moyennes » dans 17 domaines et « faibles » ou « inexistantes » dans 49 cas.

Votre commission s'interroge sur le concept de technologie-clé et sur l'intérêt qui s'attache à consacrer des crédits à ce type d'étude « budgétivore ».

D. LE PROGRAMME « EUREKA » : ASSOUPISSEMENT ?

EUREKA a dix ans et regroupe désormais 24 pays à la suite de l'adhésion de la Pologne et de la République tchèque en juin. Il vise à sélectionner, pour leur attribuer le label EUREKA, des projets innovants des industriels européens.

Au total, depuis le lancement du programme en 1985, 1.107 projets ont été labellisés au niveau européen ce qui représentera à terme un investissement total de recherche de 102 milliards de francs dont 33,4 milliards de francs pour JESSI et TVHD-ADTT.

403 de ces projets comportent une participation française et représenteront à terme un investissement total de recherche de 88 milliards de francs dont 29 milliards de francs en France.

La conférence interministérielle d'Interlaken (Suisse), le 30 juin dernier, a constaté la diminution de la durée et de l'importance des projets labellisés.

Les résultats du programme EUREKA illustrent le rôle accru des PME, mais aussi un déclin peu contestable des grands programmes technologiques.

Une observation sur dix ans de la réalisation de ce programme lancé en 1985 à l'initiative de la France « montre, en effet, une nette décrue de la taille et de la durée des projets labellisés ».

La France, soutenue par l'Allemagne et de nombreuses délégations, a donc formulé le souhait de voir le retour, à l'initiative des industriels, de grands programmes fédérateurs qui préparent les technologies du XXlème siècle et créent des métiers nouveaux.

La France a, en outre, demandé que le label EUREKA soit accordé en priorité aux projets créateurs d'emplois. Votre commission estime que seuls de tels projets devraient être bénéficiaires.

Parmi les 147 projets « labellisés » à Interlaken, vingt-cinq réunissent des entreprises et instituts de recherche français. Concernant majoritairement les technologies de l'information et l'environnement, les nouveaux projets à participation française représentent un montant global de 711 millions de francs. La part de l'investissement apporté par les partenaires français est de 347 millions de francs. Les industriels français sont soutenus à hauteur de 30 % en moyenne par les pouvoirs publics -ministères de la Recherche, de l'Industrie et des Transports, ANVAR, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)...

La participation financière française aux projets EUREKA est décidée dans un cadre interministériel par les ministères chargés de l'industrie et de la recherche (Fonds de la recherche et de la technologie), les autres ministères techniques concernés à l'ANVAR.

Les pistes d'amélioration passent par :

- une meilleure articulation avec l'Union européenne ;

- un appui accru sur les PME-PMI ;

- un soutien des banques en France, la Banque Nationale de Paris, le Crédit Lyonnais, la Société générale et le Crédit commercial de France ont signé la déclaration d'Interlaken.

En ce qui concerne les pays d'Europe centrale et orientale, la conférence ministérielle de la Haye s'était prononcée en faveur d'une démarche pragmatique, ce qui a fait l'objet d'un large consensus au sein d'EUREKA débouchant sur l'adhésion de la Hongrie et de la Slovénie au cours des années 1992, 1993, 1994. L'effort portera dans un premier temps sur une amélioration de l'information et un accroissement de la participation des industries et centres de recherche de ces pays à des projets EUREKA.

Il convient de préciser également le statut particulièrement favorable d'Israël, statut assez voisin de celui des pays de l'Est.

INCIDENCE SUR LE BUDGET DU MINISTÈRE DE L'INDUSTRIE DES PROJETS LABELLISÉS EUREKA EN MF (TTC)

Votre commission émet des réserves sur la maîtrise mal assurée de l'engagement des crédits au titre d'Eureka, programme dont l'exécution et la concrétisation industrielle mériteraient d'être étroitement contrôlés.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page