Avis n° 79 (1995-1996) de M. Jean-Marie RAUSCH , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 23 novembre 1995
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INTRODUCTION
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CHAPITRE PREMIER - LES DOTATIONS
BUDGÉTAIRES
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CHAPITRE II - LE DÉVELOPPEMENT DE LA
RECHERCHE EN RÉGION
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CHAPITRE III - L'ACCÈS DES PETITES ET
MOYENNES ENTREPRISES À LA RECHERCHE ET À L'INNOVATION
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EXAMEN EN COMMISSION
N° 79
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1995.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 1996, adopté par l'ASSEMBLÉE NATIONALE.
TOME VII
RECHERCHE
Par M. Jean-Marie RAUSCH.
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Gérard Larcher, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, vice-présidents ; Gérard César, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Minetti, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Georges Berchet, Jean Besson, Claude Billard, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Jacques Dominati, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Philippe François, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Claude Haut, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Roger Husson, Bernard Joly, Edmond Lauret, Jean-François Le Grand, Félix Leyzour, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, René Rouquet, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Jacques Sourdille, André Vallet.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (l0ème législ ) : 2222, 2270 à 2275 et T.A. 413.
Sénat : 76 et 77 (annexe n°3) (1995-1996).
Lois de finances
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Dans le secteur budgétaire qui retient aujourd'hui notre attention, l'exercice écoulé a été marqué par l'adoption de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
Ce texte fixe en effet des objectifs, ambitieux mais raisonnables, à la politique de recherche dans ce domaine que votre commission pour avis suit avec une vigilance soutenue depuis de nombreuses années.
La situation du Fonds de la recherche et de la technologie est un autre aspect de cette politique qui a tout particulièrement retenu l'attention de votre commission des Affaires économiques au cours de l'année qui s'achève. Les retards de paiement de ce Fonds -qui soutient les travaux de recherche des entreprises menés en partenariat avec les organismes publics- atteignaient de tels niveaux qu'ils commençaient, par certains aspects, à porter atteinte à la crédibilité de ce partenariat. Or -et on ne peut que s'en féliciter- le projet de budget de la recherche traduit une nette volonté de résorption de ces retards.
Par ailleurs, l'accès à la recherche des petites et moyennes entreprises, objet de l'intérêt constant de votre commission, semble en voie de s'améliorer même si la situation n'est pas encore -loin s'en faut- satisfaisante.
C'est pourquoi, après avoir examiné les différentes dotations budgétaires attribuées à la recherche civile, votre commission s'attachera à dresser l'état de la régionalisation de l'effort national de recherche et de l'accès à la recherche des PME.
CHAPITRE PREMIER - LES DOTATIONS BUDGÉTAIRES
Depuis 1989. Les actions de l'État en faveur de la recherche sont présentées sous la forme du budget civil de recherche et de développement (BCRD), qui regroupe l'ensemble des dotations consacrées à ce secteur, à l'exception des crédits militaires.
Au sein du BCRD, sont rassemblés les crédits affectés à la recherche dans la dotation du ministère ayant reçu compétence directe en ce domaine et ceux des services des autres ministères ; les premiers méritent une attention particulière.
Le projet de loi de finances pour 1996 adoptant cette présentation traditionnelle, nous examinerons donc, successivement, l'ensemble du BCRD et l'enveloppe spécifique du ministère chargé de la recherche.
I. LE BUDGET CIVIL DE RECHERCHE ET DE DÉVELOPPEMENT (BCRD)
A. LES ÉVOLUTIONS GLOBALES
• Pour 1996, les moyens de paiement (dépenses
ordinaires et crédits de paiement) du BCRD s'élèvent
à 53,09 milliards de francs contre 52.36 milliards de francs en 1995.
Cela traduit une progression de 1,4 % par rapport à la loi de finances
initiale (LFI) de 1995 et de 2,4 % par rapport à la loi de finances
rectificative (LFR).
L'évolution en moyens d'engagement (dépenses ordinaires et autorisations de programme) fait apparaître une tendance similaire puisque le total de ces crédits passe de 51,6 milliards de francs en 1995 à 52.3 milliards de francs en 1995, soit une hausse de 1,46 %.
Au sein de ces enveloppes, il faut relever que si le montant des dépenses ordinaires (29,64 milliards de francs) augmente de 4,1 % d'un exercice à l'autre, celui des autorisations de programme (22,74 milliards de francs) et celui des crédits de paiement (23,44 milliards de francs) traduisent, tous deux, des diminutions de 1,8 %.
Ces tassements s'expliquent en grande part par l'achèvement d'un certain nombre de programmes d'aéronautique civile et par une modification de l'orientation des aides à ce secteur, destinée à répondre aux critiques formulées au plan international à l'encontre des pratiques européennes en la matière.
Le tableau ci-après permet d'inscrire dans une perspective pluriannuelle les évolutions qui viennent d'être décrites.
DOTATIONS DU BUDGET CIVIL DE RECHERCHE DEVELOPPEMENT DEPUIS 1992
• Au-delà des variations arithmétiques
des dotations, il faut souligner l'effort d'assainissement et de clarification
des engagements de l'État en faveur de la recherche auquel
procède, après les actions engagées l'an dernier, ce
projet de budget.
En effet, le décalage qui s'était accentué, d'année en année, entre les autorisations de programme (AP) et les crédits de paiement (CP) a conduit à ce que certains organismes de recherche, ayant engagé des programmes pluriannuels de dépenses sur la base des AP d'un exercice donné, se sont trouvés dans une situation délicate lorsqu'ils ont eu à faire face à ces dépenses programmées lors d'un exercice ultérieur. Les crédits de paiement correspondant aux AP sur lesquelles ils avaient fondé leur engagement se sont, en effet, révélés très sensiblement inférieurs à ces AP alors qu'ils auraient du permettre de les couvrir.
Ainsi au CNRS, à partir de 1991, la différence entre AP et CP s'est creusée au point d'atteindre, en 3 ans. 550 millions de francs.
Au total, pour l'ensemble du BCRD, le « déficit de couverture » ainsi créé a atteint trois milliards de francs au début de 1993.
Cet écart a été ramené à 2,2 milliards par la loi de finances rectificative pour 1993, puis à 0,9 milliard en 1994. En 1996, comme en 1995, les crédits de paiement deviennent supérieurs aux autorisations de programme de 700 millions de francs. Le projet de budget pour 1996 assure, de cette manière, une couverture complète des dépenses des organismes de recherche. Ceci explique la progression importante des crédits des établissements publics à caractère scientifique et technologique (+ 4,9 % en DO + CP), notamment en matière de dépenses de personnel (+ 5,7 %).
Ce choix se traduit par :
- des remises à niveau en matière de crédits de personnel pour l'INRA (80 millions de francs), l'INSERM (24 millions de francs) et surtout le CNRS (200 millions de francs) ;
- la fixation d'un montant de crédits de paiement couvrant, de manière appropriée, tant les autorisations de paiement de 1994 et 1995, que celles de 1996 ;
- la rebudgétisation partielle des investissements du CEA, dont se félicite tout particulièrement votre commission qui, dans ses précédents avis, avait jugé fort contestable certaines des orientations concernant cet organisme.
La situation du CNRS, quant à elle, a donné lieu à un audit de l'Inspection générale des finances : des premières mesures de redressement ont été prises dans le cadre de la LFR 1995 (300 millions de francs de crédits de paiement supplémentaires et 100 millions de francs de crédits de personnel). Ce redressement se poursuit à travers le budget 1996 par la remise à niveau des dotations affectées aux dépenses de personnel et un rattrapage à hauteur de 227 millions de francs des crédits de paiement correspondant aux services votés.
B. LES CRÉDITS ATTRIBUÉS AUX GRANDS ORGANISMES DE RECHERCHE
L'évolution 1995/1996 de la ventilation par grands organismes de recherche se trouve présentée dans le tableau suivant :
DOTATIONS DES GRANDS ORGANISMES DE RECHERCHE
(dépenses ordinaires et crédits de paiement)
(en millions de francs)
C. LES PRIORITÉS DU BCRD POUR 1995
Les priorités du BCRD pour 1996 reflètent celles retenues par les différents ministères participant à l'effort de recherche.
Votre commission relève notamment, avec satisfaction, l'importante mobilisation budgétaire réalisée dans les domaines de l'agriculture et de l'agro-alimentaire, en raison des efforts qu'impose, en ce domaine, la réforme de la politique agricole commune et la valorisation de nos productions. Ces efforts se traduisent par une augmentation de 10,5 % des moyens de paiement et de 7,7 % en autorisations de programme. Il est à noter que les moyens d'engagement (DO + AP) de l'Institut national de la recherche agronomique progresseront de près de 5 %. Ceci devrait permettre de supporter les recherches scientifiques et techniques sur les utilisations industrielles des jachères.
Les projets -oh combien stratégiques- relatifs aux autoroutes de l'information sont soutenus, au titre de la recherche industrielle, par une enveloppe de 200 millions de francs accompagnée d'une augmentation spécifique de 100 millions de francs des crédits de l'ANVAR.
Les dotations en faveur de l'environnement seront, quant à elles, accrues globalement de 13,3 % en moyens de paiement et de 12,8 % en autorisations de programme.
II. LES CRÉDITS INSCRITS AU TITRE DE LA RECHERCHE AU BUDGET « ÉDUCATION NATIONALE, ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, RECHERCHE ET FORMATION PROFESSIONNELLE »
A. UNE ÉVOLUTION GLOBALE PARALLÈLE À CELLE DU BCRD
Les crédits inscrits au fascicule au titre de la recherche au budget « éducation nationale, enseignement supérieur, recherche et formation professionnelle » pour 1996, se présentent comme suit :
CRÉDITS « RECHERCHE » DU MENESREFP
Dans ce budget spécifique se retrouve, comme dans le BCRD, la volonté de rééquilibrer les crédits de paiement et les autorisations de programme engageant les autorités budgétaires pour les années ultérieures.
B. UNE VOLONTÉ MARQUÉE DE RENFORCER LE FONDS DE LA RECHERCHE ET DE LA TECHNOLOGIE
Lors de l'audition au mois de juillet dernier de Mme Élisabeth Dufourcq, Secrétaire d'État chargé de la recherche, votre commission s'était interrogée sur la diminution, depuis plusieurs années, des crédits du Fonds de la recherche et de la technologie (FRT) qui apporte un soutien budgétaire à la recherche menée en partenariat entre les entreprises, d'une part, et les organismes publics de recherche, d'autre part. Ce Fonds sert en quelque sorte de levier aux soutiens publics à l'effort de recherche des entreprises. Celles-ci comptent sur les aides que dispense le Fonds pour mener à bien leurs programmes.
Or, lors de l'audition précitée, il avait été indiqué que l'État n'était plus en mesure de tenir ses engagements en la matière et que le montant de ses impayés s'était progressivement alourdi, depuis 1990, pour atteindre près d'un milliard de francs à la fin de 1994. Pour les entreprises concernées, cela se traduisait par des retards de paiement atteignant deux ans et demi en moyenne et un total de 950 millions de francs.
De grandes entreprises à fort potentiel de recherche, qui furent pilotes de projets stratégiques, étaient les premières victimes de cette situation, avec d'importants arriérés pour un montant de l'ordre de 600 millions de francs. Par ailleurs, 200 millions de francs étaient dus à des établissements publics et 150 millions de francs sur des crédits déconcentrés en régions.
Votre commission pour avis s'était émue de cette contraction des moyens d'action du Fonds qui risquait de créer, à terme, une dangereuse asphyxie de certains programmes de recherche, d'autant plus préjudiciable à nos entreprises qu'elles sont confrontées à une forte concurrence internationale accrue. Il avait, en conséquence, été souhaité que, pour favoriser la création de nouveaux emplois, soient redonnés à ce Fonds d'investissement les moyens de restaurer sa crédibilité auprès des entreprises.
Aussi, est-ce avec une grande satisfaction que votre commission des Affaires économiques constate que ce souhait a été entendu.
En moyens d'engagement (DO + AP) les dotations du Fonds inscrites au budget de la recherche passent de 339 millions de francs, en loi de finances initiale pour 1995, à 525 millions dans le projet de budget. Cela traduit une hausse de 31,58 %. Dans le cadre de cette augmentation globale, le montant des autorisations de programme s'accroît de 33 %.
Cette attitude envers le FRT confirme indéniablement la volonté du Gouvernement de donner une priorité à l'effort de recherche.
CHAPITRE II - LE DÉVELOPPEMENT DE LA RECHERCHE EN RÉGION
Sans nouvelle répartition de la « matière grise » il n'y aura pas de politique d'aménagement du territoire qui vaille.
Telle pourrait être résumée l'une des constantes de la réflexion sur l'aménagement du territoire, que le Sénat a poursuivie depuis 1992. Tel est également le principe qui a inspiré le volet relatif à la recherche introduit, à l'initiative de la Haute Assemblée, dans la loi du 4 février 1995, d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
Force est toutefois de reconnaître que l'objectif ambitieux ainsi fixé à la politique nationale de recherche ne peut être atteint que de manière échelonnée. Il ne saurait en effet être envisagé de porter atteinte à la solidité et à l'efficacité de notre appareil de recherche en effectuant une brutale redistribution territoriale de ses moyens en hommes et en équipements.
Il s'agit simplement de combiner ce qui est souhaitable à moyen terme avec ce qui est raisonnable à court terme.
C'est cette démarche que préconise le Sénat. C'est cette démarche entreprise -d'abord timidement- par l'État il y a plusieurs années qui a rencontré un important écho auprès des collectivités locales. C'est elle qui commence aujourd'hui à enregistrer des résultats apparemment encourageants.
I. LES POLITIQUES ENGAGÉES PAR L'ÉTAT
A. LA LOI D'ORIENTATION POUR L'AMÉNAGEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT DU TERRITOIRE
La loi d'orientation pour le territoire comporte quatre articles définissant les contours de la politique de développement de la recherche en région qu'il convient de poursuivre jusqu'en 2005-2015 : les articles 11, 13, 14 et 15.
1. Le schéma de renseignement supérieur et de la recherche
L'article 11 pose le principe de l'établissement d'un schéma de l'enseignement supérieur et de la recherche.
L'article 13 précise l'une des obligations majeures de ce schéma, à savoir fixer les modalités de réalisation d'un objectif d'installation de 65 % de l'ensemble des chercheurs, enseignants-chercheurs et ingénieurs participant à la recherche publique en dehors de la région d'Île-de-France à l'horizon 2005.
L'article 14, quant à lui, habilite l'État à prendre les mesures incitatives qui lui paraîtraient nécessaires pour amener les laboratoires privés à choisir une localisation conforme aux orientations de schéma national d'aménagement et de développement du territoire.
Parallèlement, l'article 12 développe les principes applicables à l'enseignement supérieur et fixe les modalités de leur mise en oeuvre imposant notamment la création d'universités thématiques dans des villes moyennes.
Les ministères concernés 1 ( * ) ont engagé, au début de cette année, une procédure d'élaboration de schémas régionaux de l'enseignement supérieur et de la recherche, dont la juxtaposition constituera le schéma national.
Une première phrase d'élaboration et de consultation a été engagée dans chaque région, sous l'égide des préfets de région et des recteurs d'académie. Elle a pris fin le 30 octobre dernier. L'évaluation des propositions, suivie des validations régionales et nationales, permettra de bénéficier en 1996 d'un document général de référence. Celui-ci servira notamment de cadre aux créations d'universités nouvelles.
Le document général devant résulter des travaux en cours servira également, conformément à l'article 13 de la loi, de point d'appui à la politique de développement de la recherche en région. Il a vocation à préciser le schéma national d'aménagement et de développement du territoire. Il est notamment prévu d'y examiner l'implantation des laboratoires des entreprises et leur rôle dans le développement scientifique régional.
2. La modulation du crédit d'impôt-recherche en fonction de la localisation des chercheurs
L'article 15 de la loi d'orientation a modifié le taux forfaitaire de prise en compte des frais de fonctionnement qui sont pris en compte dans l'assiette du crédit d'impôt-recherche, au titre des dépenses de recherche. Ce taux était antérieurement fixé, de manière uniforme pour l'ensemble du territoire, à 75 % des salaires des ingénieurs et techniciens de recherche.
Désormais, ces frais de fonctionnement seront modulés en fonction de la localisation des personnels dont les salaires sont pris en compte :
ï 100% pour les territoires ruraux de développement prioritaire et les zones d'aménagement du territoire :
ï 65 % pour la région Île-de-France ;
ï 75 % dans les autres cas.
Cette disposition nouvelle devant s'appliquer aux dépenses retenues pour le calcul du crédit d'impôt de l'année 1995 -c'est-à-dire aux dépenses qui seront déclarées par les entreprises en 1996-, le Secrétariat d'État à la recherche ne dispose pas encore d'éléments lui permettant de mesurer son impact.
Il estime toutefois que cette disposition nouvelle devrait avoir un effet limité pour les PMI bien intégrées dans leur région, surtout quand celles-ci ont procédé à un recrutement local de leurs salariés. Il considère, en revanche, que la mesure pourrait avoir un impact beaucoup plus sensible sur les entreprises en création. Ces dernières se trouvent en effet significativement incitées à s'installer dans les zones d'aménagement du territoire afin de bénéficier, d'une part, du taux préférentiel pour les dépenses de fonctionnement et, d'autre part, de l'exonération fiscale des bénéfices réalisés par les entreprises nouvelles, que la loi d'orientation a supprimée pour l'Île-de-France.
Rappelons, pour mémoire, que les entreprises nouvelles bénéficiaires du crédit d'impôt recherche représentent 8 % des entreprises d'une année.
À titre d'information, le tableau suivant présent l'évolution de la ventilation géographique des bénéficiaires du crédit d'impôt-recherche entre 1990 et 1993.
BÉNÉFICIAIRES DU CRÉDIT D'IMPÔT-RECHERCHE (1)
(par région) Évolution entre 1990 et 1993
B. LA LOCALISATION EN PROVINCE D'EMPLOIS DE CHERCHEURS
Les comités interministériels d'aménagement du territoire (CIAT) de janvier 1992, juillet 1992, février 1993 et juillet 1993 sont allés dans la direction que la loi d'orientation a décidé de pousser plus avant. Ils ont prévu avant fin 1996 la localisation en province de près de 2.600 emplois offerts par des organismes de recherche.
Cela correspond à l'implantation de 140 équipes de recherche dans 43 villes différentes.
Les organismes de recherche publique se sont employés, depuis 1992, à appliquer ces décisions. Ils ont, pour ce faire, choisi des chefs de projets, conduit des concertations avec les différents partenaires concernés et ont défini les contenus scientifiques et opérationnels des projets (par exemples l'ORSTOM à Orléans pour le projet ORAGE ou l'INRIA avec la création d'une unité à Grenoble). Une opération de localisation d'équipes existantes hors Île-de-France s'est réalisée durant l'été 1993, avec l'installation à Angers de la station nationale d'essais de semences (INRA), antérieurement domiciliée dans les Yvelines ; l'INSERM a ainsi lancé la création d'instituts fédératifs de recherche, tel l'Institut François Magendie à Bordeaux.
À la fin 1994, c'est environ 1.500 emplois qui avaient été pourvus : 40 % par mobilité de personnel et 60 % par redéploiement d'emplois vacants ou affectation d'emplois créés.
Le CNRS, l'INRA, l'INSERM, l'INRETS et l'INRIA ont rempli pour une très large part leur objectif. Pour l'ORSTOM, le CIRAD et le CEMAGREF, les opérations immobilières préalables à la localisation ont été lancées. L'affectation des personnels interviendra après l'achèvement des travaux. On peut estimer que les engagements des CIAT devraient être globalement tenus d'ici la fin de l'année 1996, à l'exception du CEMAGREF pour qui échéance a été fixée au 31 décembre 1997.
Par ailleurs, le CIAT de Troyes a prévu 1.000 transferts d'emplois de recherche supplémentaires d'ici l'an 2.000. Il est prévu que. comme précédemment, les emplois transférés puissent continuer à être soutenus par des primes octroyées au personnel. Ces emplois contribueront à conforter les spécialisations régionales seront inscrites dans les schémas de l'enseignement supérieur et de la recherche en 1996.
Le tableau ci-après détaille, organisme par organisme, le niveau de réalisation des objectifs fixés :
MISE EN OEUVRE DES OPÉRATIONS DE LOCALISATION EN PROVINCE AU 31 DÉCEMBRE 1994
Ce mouvement de transfert des activités de recherche en région devrait se traduire par la constitution de pôles de compétences structurants bien articulés avec l'enseignement supérieur et la recherche universitaire.
Certes, l'impact direct de ces localisations d'activités est faible sur l'économie locale. Site par site, le nombre d'emplois transférés reste généralement modeste. Compte tenu des spécialisations requises, il n'implique pas nécessairement une argumentation des offres d'emplois pour des personnels locaux. Mais les implantations induisent un surplus d'activités économiques par la seule présence du centre de recherche (fournisseurs...), et de ses personnels (commerce...). Surtout, il en résulte en effet d'entraînement sur le tissu industriel local, grâce notamment aux transferts de technologie qui peuvent être opérés vers les entreprises.
Enfin, le développement de la recherche d'un site donné permet, au même titre que l'enseignement supérieur ou la culture, de générer une activité intellectuelle supérieure qui ne peut être que bénéfique à l'attrait général qu'exerce une ville sur les individus et sur les entreprises.
C. LA RÉGIONALISATION DES DOTATIONS
L'orientation ainsi donnée aux actions de l'État se reflète dans l'évolution de la répartition par région des dotations du ministère.
De 1991 à 1994, le montant des crédits ventilés dans la région prépondérante (L'Île-de-France) a diminué alors que le total des crédits augmentait.
Dans le même temps, dans toutes les autres régions -à l'exception de trois comptant parmi les mieux dotées- on note une augmentation des crédits distribués par le ministère de la recherche dans une proportion souvent supérieure au pourcentage d'augmentation de l'enveloppe globale du ministère.
D. LE VOLET « RECHERCHE » DES CONTRATS DE PLAN ÉTAT/RÉGIONS
La part de l'État dans les volets « recherche et transfert de technologie » des contrats de plan signés en 1994 atteint sensiblement 2,65 milliards de francs. Elle était de 2,02 milliards de francs pour la période précédente (1989-1993). On constate donc une croissance de 30 % en francs courants, largement supérieure à la hausse moyenne des engagements mis par l'État dans le cadre des contrats de plan.
Les collectivités territoriales se sont également engagées de manière très volontariste avec un total qui se situe à hauteur de 2,85 milliards de francs.
Avec une participation financière globale de 2,30 milliards de francs, le ministère chargé de la recherche et des organismes de recherche qui lui sont directement rattachés ont apporté à ces contrats la contribution la plus importante.
Sur le volet « recherche proprement dite » de ces contrats plan, les engagements respectifs de l'État et des collectivités territoriales sont très équilibrés. Ils s'élèvent à 1,76 milliards de francs pour l'État et à 1,78 milliards de francs pour les collectivités.
Sur le volet « transfert de technologie » apparaît une différence plus importante entre les contributions respectives des partenaires aux contrats. La part cumulée des collectivités sera en effet supérieure à celle de l'État : 1,07 milliards de francs pour les premières et 870 millions de francs pour le second. Il faut toutefois souligner qu'une proportion appréciable des opérations qui entrent dans le cadre de ce volet bénéficiera d'un concours européen.
Signalons aussi que les organismes publics de recherche rattachés au ministère chargé de la recherche ont pris une part très importante dans ces contrats auxquels ils consacreront près d'un milliard de francs. À titre de comparaison, la participation financière des organismes de recherche, s'élevait à 640 millions de francs seulement lors du plan précédent.
Ce sont les moyens prévus pour la recherche universitaire qui connaissent la croissance relative la plus forte, passant de 254 millions de francs dans la période 1989-1993 à 450 millions pour le nouveau plan. Ceci correspond à un accroissement de 80 %.
Enfin, ces contrats de plan comprennent un volet culture scientifique et technique qui s'élève à 61,2 millions de francs.
L'ensemble de ces crédits sera distribué au cours des cinq années du contrat. Les versements déjà effectués pour les années 1994 et 1995 correspondent à 42 % des engagements totaux. Cela traduit un taux d'exécution convenable.
II. UNE IMPLICATION CROISSANTE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Dans le cadre de son rapport pour 1995, le Conseil supérieur de la Recherche et de la Technologie souligne que les Conseils régionaux ont « pris une importance croissante dans le développement de la recherche ; en 1994, leurs budgets se sont élevés à plus de 1,1 milliard de francs et il est à noter qu'ils croissent d'années en années ; c'est une traduction claire et forte de l'intérêt porté par les régions à la recherche et à la technologie pour appuyer leur développement économique ».
De fait, 19 régions métropolitaines sur 22 se sont dotées d'un comité consultatif régional de recherche et de développement technologique et, d'une manière générale, la part du budget régional consacrée à la recherche oscille entre un peu moins de 1,5 % et un peu plus de 4 %.
L'analyse des budgets votés pour 1995 par les régions qui ont fourni les chiffres de leurs budgets « recherche » au ministère en charge du secteur confirme, d'ailleurs, leur intérêt croissant pour cette forme d'investissement. La part de leur budget consacrée à la recherche augmente de 14,9 % par rapport à l'an dernier, après une hausse moyenne de 8,4 % entre 1993 et 1994.
On relève notamment que si les régions à fort potentiel de recherche maintiennent leur effort à un niveau à peu près constant, des régions peu dotées comme le Limousin, l'Auvergne ou la Corse s'attachent à réduire leur handicap et affichent d'importantes progressions (+ 134 % pour l'Auvergne où de grosses opérations ont nécessité des investissements importants ; + 35,4 % pour la Corse ; + 33 % pour le Limousin).
Dans ces derniers cas, la première mise en oeuvre des derniers contrats de plan État/régions a vraisemblablement joué un rôle d'entraînement non négligeable.
III. DES ÉVOLUTIONS VERS UN AMOINDRISSEMENT DES DÉSÉQUILIBRES, FRAGILISÉES PAR UNE INCERTITUDE STATISTIQUE
A. UNE ÉVOLUTION POSITIVE
La répartition des chercheurs entre les régions fait l'objet d'une enquête réalisée chaque année par le ministère chargé de la recherche. À ce jour, les derniers résultats disponibles sont ceux correspondants à l'exploitation de l'enquête pour l'année 1993.
La régionalisation des effectifs de chercheurs, enseignants-chercheurs, et allocataires de recherche, telle qu'elle résulte des travaux du ministère, est retracé dans le tableau suivant.
RÉPARTITION ENTRE L'ILE DE FRANCE ET LES AUTRES RÉGIONS DES EFFECTIFS RÉGIONALISES DE CHERCHEURS, ENSEIGNANTS-CHERCHEURS ET ALLOCATAIRES DE RECHERCHE
Les chiffres fournis tendent donc à démontrer une accentuation de la régionalisation des effectifs de la recherche publique civile. En effet, même si le nombre de chercheurs installés en Île-de-France augmente quelque peu d'un exercice à l'autre (+ 131), son importance dans l'ensemble des effectifs pris en compte diminue de 0,9 %.
Votre commission ne peut que s'en féliciter.
B. UNE REGRETTABLE INCERTITUDE STATISTIQUE
Cependant, les données sur lesquelles s'appuie cette appréciation favorable n'apparaissent pas entièrement satisfaisantes pour deux raisons :
La régionalisation des effectifs est partielle.
En effet :
- les effectifs des associations, autres que les fondations Pasteur de Paris et de l'Institut Curie, sont évalués seulement au niveau national.
- la régionalisation des enseignants-chercheurs résulte d'une application de coefficients, fonction des disciplines, appliqués aux postes pourvus.
En outre, actuellement, seuls les effectifs de la recherche civile font l'objet d'une régionalisation, ceux de la Défense sont évalués uniquement au niveau national
Les indicateurs communiqués ne permettent pas de vérifier, complètement, le respect du critère de régionalisation de la recherche publique fixé par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire puisque celle-ci se réfère « aux chercheurs, enseignants-chercheurs et ingénieurs participant à la recherche publique » et que les statistiques fournies sont muettes en ce qui concerne les ingénieurs 1 ( * ) .
Il doit d'ailleurs être signalé que les éléments statistiques concernant la répartition de l'ensemble de ces personnels, en ce qui concerne la recherche publique civile, dont votre commission disposait les années précédentes au travers des chiffres publiés par l'Observatoire des Sciences et Techniques (OST) (sur la base de tableaux fournis par les services du ministère compétente), connaissent des « discontinuités » d'une publication à l'autre, qui interdisent de s'y référer de manière fiable.
Dans ces conditions, il apparaît pour le moins délicat de vérifier le respect de l'orientation définie par la loi du 4 février 1995.
Or, la production de chiffres de répartition régionale des personnels de recherche permettant un suivi précis et fiable de l'évolution de la part relative de l'Île-de-France ne semble pas, au plan statistique, relever de « l'exploit impossible ». Elle suppose simplement de fixer de manière totalement explicite les « périmètres » tant des organismes que des personnels concernés et de les reproduire strictement, d'une année à l'autre.
C'est pourquoi, votre commission des Affaires économiques demande, de manière tout particulièrement insistante que les mesures nécessaires soient prises afin qu'il soit possible au Parlement de contrôler, dans des conditions satisfaisantes, l'application de la loi d'orientation dans le domaine de la recherche.
CHAPITRE III - L'ACCÈS DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES À LA RECHERCHE ET À L'INNOVATION
I. UN ENJEU MAJEUR D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE COMPÉTITIVITÉ
Les PME pèsent d'un poids croissant dans l'industrie française : la moitié de 50 % des emplois, plus de 40 % du chiffre d'affaires et environ le quart des exportations.
Elles représentent un enjeu majeur en termes d'aménagement du territoire puisque, présentes partout, elles sont souvent les derniers atouts économiques des régions industrielles en déclin et des zones rurales. Le dynamisme des quelque 36.000 petites et moyennes entreprises que compte le pays se révèle, le plus souvent, essentiel pour l'animation des tissus économiques locaux.
En outre, cela est prouvé, les investissements dans le domaine de la recherche-développement entraînent d'importantes retombées positives pour de telles entreprises, tant au plan de la compétitivité que de l'aptitude à développer de nouveaux produits, mais aussi pour l'ensemble de l'économie. Les statistiques internationales tendent, en effet, à démontrer qu'aujourd'hui les emplois se créent dans les PME, que la compétitivité sur le marché mondial dépend de leur performance et même -plus troublant encore pour un pays imprégné des principes du « colbertisme »- que la majorité des innovations (y compris celles qui sont très significatives) se font en leur sein.
Dans ces conditions, une accentuation de l'effort de recherche en direction des PME/PMI ne peut que contribuer à la revitalisation des économies locales et à la redynamisation de l'ensemble de notre appareil de production. Cependant, pour mener à bien une telle orientation, la France connaît un certain nombre d'handicaps.
II. LES HANDICAPS IDENTIFIÉS
A. UNE EXCESSIVE CONCENTRATION DES AIDES D'ÉTAT SUR LES GRANDES ENTREPRISES
Tous les observateurs avertis en conviennent : la politique française de recherche tend à privilégier à l'excès les grandes entreprises. Les secteurs industriels qui, au travers notamment des grands programmes technologiques définis et lancés par l'État, bénéficient de la majorité des soutiens publics, sont tenus à 60 % par ces grandes entreprises. Il en résulte que, très nettement centrée sur l'Île-de-France, la recherche industrielle française est aussi trop focalisée sur quelques types d'activité et insuffisamment vivante dans le monde des petites et moyennes entreprises.
Hors le crédit d'impôt-recherche qui n'est pas compris dans le décompte des financements publics soutenant la recherche des entreprises, les trois quarts des crédits d'État ayant cet objet étaient, en 1993, concentrés sur trois branches de l'industrie : la construction aéronautique (45 %), la fabrication d'instruments de contrôle et mesure (21 %), ainsi que la fabrication d'instruments de communication (10 %) 1 ( * ) .
Corollairement, les entreprises qui réalisent les plus importants investissements de recherche-développement sont celles qui exercent leurs activités dans les secteurs les plus soutenus par l'État. Celles intervenant dans les trois branches précitées assurent, à elles seules, plus du tiers des dépenses de recherche de l'ensemble des entreprises françaises. Bien plus, les trois quarts de ces dépenses s'imputent sur seulement huit secteurs d'activité que détaille le tableau ci-après.
PRINCIPALES AFFECTATIONS DES DÉPENSES DE RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT DE L'INDUSTRIE EN 1993
Certes, dans la plupart de ces secteurs, l'impact de la recherche-développement (R-D) sur la valeur ajoutée est exceptionnellement élevé. Il n'en demeure pas moins qu'une telle hypertrophie ne peut que jouer au détriment de technologies moins ambitieuses, mais à même de diffuser dans l'ensemble de l'appareil productif des gains de productivité et de nouvelles capacités d'emplois.
B. UNE TROP FAIBLE DIFFUSION DES ACTIVITÉS DE RECHERCHE
Au sens du concept de R-D tel qu'il est défini à l'échelon international 1 ( * ) , 5.220 entreprises réalisent des travaux de recherche-développement. Ces entreprises tiennent une place importante dans le tissu industriel français : dans l'industrie considérée au sens large, elles emploient plus du tiers des effectifs et assurent plus de 40 % de la production nationale.
À elles seules, les 100 premières entreprises, classées selon leurs dépenses intérieures de R-D, réalisent 68 % des travaux de recherche-développement effectués par les entreprises. Bien plus, en 1993, les trois quarts de l'effort de recherche industrielle des entreprises et 91 % des financements publics -hors crédit d'impôt- se trouvaient regroupés sur les quelque 150 entreprises qui emploient plus de 150 chercheurs.
À l'inverse, plus de 4.000 sociétés et organismes qui emploient moins de dix chercheurs, interviennent pour 10,6 % dans le potentiel de recherche des entreprises et reçoivent moins de 3 % des financements publics.
C. UNE INADAPTATION DES MÉCANISMES DE FINANCEMENT DE L'INNOVATION PAR LES PME
En France, si moins d'une PME sur dix fait de la recherche, deux sur trois innovent.
Le processus de l'innovation est aujourd'hui le fondement de la réussite commerciale. Il est par nature incertain. Son financement est un investissement à risque. Mais, il constitue un facteur clef de la croissance et de la création d'emplois. Or, si les PME par leur taille, leur souplesse et leur réactivité sont adaptées à la démarche de l'innovation, elles trouvent difficilement en France les moyens financiers pour développer leur créativité.
Le système financier français, tourné préférentiellement vers le crédit des banques de dépôt, s'avère mal adapté au financement de l'innovation dans les PME. C'est la faiblesse des capitaux propres des PME indépendantes qui constitue le problème clé. De fait, notre pays ne possède pas l'équivalent du « National Association for Security Dealers on Automated Quotation » (NASDAQ) 1 ( * ) et des marchés secondaires appuyés sur les grandes sources de capital pouvant s'investir sur le long terme que constituent les fonds de pension, si efficaces aux États-Unis pour les entreprises de taille moyenne.
Il en résulte qu'aujourd'hui, l'autofinancement est le principal mode d'investissement des PME alors même que le recours au financement externe serait le plus adapté, surtout lorsqu'il s'agit d'assurer le succès d'innovations radicales ou de fabriquer des produits supposant l'emploi de technologies avancées. Comme l'incertitude technologique est forte dans les premières phases du projet et qu'il existe toujours une incertitude commerciale pour la suite, les crédits bancaires ne sont pas aisés à mobiliser.
Certes, les études dites de « faisabilité » peuvent souvent être assurées par autofinancement ou grâce aux aides publiques distribuées par des organismes tels que l'ANVAR : les besoins sont rarement supérieurs à quelques millions de francs.
Cependant, lors des phases critiques d'industrialisation et de commercialisation, les besoins -fréquemment sous-estimés sont très importants, de l'ordre de plusieurs dizaines de millions de francs. Or, en France. les apporteurs de capitaux hésitent devant la prise de risques élevés et la croissance de nombre de petites entreprises innovantes s'interrompt souvent à ce stade.
Au-delà même de ce cap périlleux, en cas de succès commercial, les masses financières nécessaires au soutien du développement peuvent atteindre plusieurs centaines de millions de francs. Elles sont alors de nature à entraîner des bouleversements -parfois difficilement acceptés- dans la structure du capital qui, en l'absence d'une structure de conseil adapté peuvent perturber gravement la marche de l'entreprise.
C'est pourquoi deux types d'investisseurs différents des banques classiques font défaut en France pour accompagner la croissance des PME innovantes. Il s'agit des sociétés de « capital-risque » et de « capital-développement » qui existent aux États-Unis où elles disposent non seulement de fonds conséquents mais, aussi, de moyens d'expertise et peuvent ainsi soutenir et conseiller l'entreprise tout au long de son développement.
III. DES TENDANCES FAVORABLES
A. UNE AMÉLIORATION DE LA RÉPARTITION DU POTENTIEL DE RECHERCHE DES ENTREPRISES ET DE SON FINANCEMENT
Même si la situation ne peut encore être considérée comme satisfaisante, il faut noter que de 1991 à 1993, le nombre d'entreprises réalisant des travaux de recherche-développement est passé de 3.200 à 5.200, soit une augmentation de plus de 60 % en deux ans.
En outre, parmi ces entreprises, le nombre des PMI employant moins de 500 personnes a triplé depuis l'instauration, en décembre 1982, du crédit d'impôt-recherche, ce qui traduit bien l'efficacité de ce mécanisme.
De fait, les petites entreprises (moins de 100 millions de francs de chiffre d'affaires) réalisent un peu moins de 15 % des dépenses en recherche-développement et obtiennent près du tiers du crédit d'impôt, alors que les grandes sociétés (plus de 500 millions de francs de chiffres d'affaires) totalisent la moitié des frais de recherche mais ne bénéficient que de 35 % du crédit d'impôt.
Parallèlement, en douze ans, le nombre d'entreprises employant plus de dix chercheurs a été multiplié par 4,5, passant de 900 en 1981 à 4.000 en 1993.
Enfin, la part des travaux de recherche financés directement par les entreprises tend à augmenter (+2,3% en 1993), tandis que -confirmant la tendance amorcée en 1992- les apports de fonds publics continuent à décroître (- 10 % en 1993). En 1993, les entreprises ont financé 72 % de leurs travaux de recherche. Les administrations y ont participé pour 17 % sous forme de contrats ou de subventions, le complément étant principalement assuré par des flux financiers provenant de l'étranger et des organisations internationales.
Or, est généralement considéré comme un signe de fragilité de notre recherche, le fait que parmi les cinq grands pays de recherche, la France est celui dont les entreprises financent la plus faible partie de la recherche civile. L'évolution en cours est donc, de ce point de vue, tout à fait positive.
B. UN RECOURS CROISSANT À LA RECHERCHE SOUS-TRAITÉE
Trois raisons essentielles motivent le recours à la sous-traitance de travaux dans les projets de recherche :
- l'absence dans les entreprises d'équipe de recherche structurée et permanente capable de conduire les travaux requis ;
- l'appel à des connaissances et à des outils de recherche extérieurs aux domaines de compétences des équipes maison ou excédant leurs moyens techniques alors disponibles ;
- la concentration des moyens de recherche d'un groupe dans un nombre réduit d'entreprises du groupe.
En 1993, les entreprises ont dépensé 27,9 milliards de francs en achats de services externes de recherche-développement. L'intensification du recours aux exécutants extérieurs s'observe dans la majorité des activités.
En général, les entreprises font appel à d'autres entreprises pour la réalisation des travaux externes de recherche-développement : les organismes publics et les organismes professionnels reçoivent moins de 10 % des contrats. Les dépenses externes de recherche-développement effectuées à l'étranger ne sont importantes que dans un petit nombre d'activités très internationalisées : l'agro-alimentaire, l'aérospatiale, la construction automobile, l'industrie du caoutchouc et des matières plastiques.
De ce fait, se constitue progressivement un tissu diversifié de professionnels du développement et du transfert de technologies à même de faciliter la propagation du mouvement d'innovation dans une grande partie de l'appareil de production.
C. UN DÉVELOPPEMENT DES AIDES À LA MOBILITÉ DES CHERCHEURS
1. Les subventions au développement des emplois de chercheurs dans les PME
Depuis 1987, l'ANVAR a instauré une procédure spécifique visant à favoriser le développement de la recherche et de l'innovation dans les petites et moyennes entreprises en encourageant l'embauche de salariés formés par la recherche ou de personnel de haut niveau scientifique.
Sont concernées par cette mesure les PME indépendantes de moins de 2.000 personnes. Chacune de ces entreprises peut bénéficier, dans la limite d'un recrutement et à condition qu'il soit à durée indéterminée, d'une aide plafonnée à 200.000 francs et représentant au maximum 50 % des frais occasionnés par le recrutement et la formation du salarié.
L'ANVAR, après avoir versé cette aide pour l'embauche d'un personnel de très haut niveau (Baccalauréat + 8 ou 7 avec expérience), a progressivement réajusté son dispositif pour mieux répondre aux demandes des PME, telles que celles appartenant aux secteurs traditionnels (agro-alimentaire, métaux, textile). C'est ainsi qu'à compter de 1994, le niveau de formation minimum requis a été fixé à BAC + 5, ce qui a eu pour effet d'augmenter sensiblement le nombre des aides : de 371 en 1993 à 603 en 1994.
Le bilan global de cette procédure, destinée à encourager l'embauche par les PME de salariés formés par la recherche, est positif puisqu'elle a permis de soutenir près de 3.400 recrutements de 1987 à août 1995.
Les entreprises destinataires de cette aide, en 1994 comme les années précédentes, sont en grande partie de jeunes entreprises comptant moins de dix personnes (46 %) ou de 11 à 50 personnes (30 %).
Les principaux secteurs de recrutement sont relativement stables. Il s'agit au premier chef de l'électronique et de l'informatique (35 % en 1994, contre 28 % en 1993), puis par ordre décroissant, de la chimie et de la pharmacie, de la mécanique, du biomédical et des industries agro-alimentaires (de 10 à 6 %).
Les recrutements concernent essentiellement les titulaires d'une thèse ou d'un diplôme d'ingénieur complété par une expérience de recherche de trois ans au moins dans un laboratoire.
2. Les aides attribuées aux chercheurs désireux de créer leur propre entreprise
Au-delà des appuis apportés à tout créateur, notamment par l'Agence nationale pour la création d'entreprises (ANCE) ou ses missions régionales (aides méthodologiques, formation), le chercheur créateur d'une entreprise peut solliciter des aides de l'ANVAR. Ces aides, limitées généralement à 50 % des dépenses, peuvent soutenir :
- l'étude de projets innovants ;
- la mise au point de produits ou procédés nouveaux ;
- les frais de conseil ;
- les coûts de réalisation d'un partenariat technologique européen.
Souvent, d'ailleurs, les régions complètent cet ensemble d'aides surtout lorsque le projet correspond à une demande locale.
Le chercheur bénéfice également, comme tout créateur d'entreprise, exonération de l'impôt sur les sociétés et d'exonération partielle de la taxe professionnelle. Il peut également bénéficier, dès la première année, du crédit-impôt recherche sous forme d'une restitution qui fait l'objet d'un versement trois à six mois après réception de la déclaration.
Si le chercheur est issu du CNRS ou de la fonction publique, il profite, pour toute création d'activité, de la garantie statutaire qui lui assure le retour dans son corps d'origine en cas d'échec. Cet avantage est d'autant plus important qu'il accompagne la pratique de ce que l'on appelle « l'essaimage », à savoir l'utilisation par les chercheurs tentés par l'aventure entrepreneuriale des infrastructures de leur laboratoire ou de leur université d'origine pour préparer la création de l'entreprise : études techniques, projet pilote, projet d'entreprise, éventuellement même engagement d'une production expérimentale. Il s'agit d'une aide significative qui peut réduire la prise de risque.
Les entreprises créées par des chercheurs sont, dans la majorité des cas des entreprises de technologies avancées. De ce fait, la création d'activité par les chercheurs est un moyen particulièrement efficace de diffusion de l'innovation dans le tissu industriel.
Une étude réalisée avec le soutien du Ministère chargé de la recherche a toutefois montré que ces entreprises de « haute technologie » étaient parfois confrontées à des difficultés spécifiques.
Cette étude du Centre de Sociologie de l'Innovation a reposé sur trois vagues successives d'enquête menées de 1988 à 1993, auprès de 202 entreprises créées par des chercheurs entre 1984 et 1991.
Elles démontrent que lesdites entreprises s'en sortent plutôt bien : alors que dans le secteur de l'industrie et des services une société sur deux disparaît dans les cinq ans, ce taux n'est que d'une sur quatre parmi les entreprises fondées par des chercheurs. Cinq ans après leur création, ces entreprises emploient 11 salariés et ont une propension à créer des emplois environ trois fois supérieure à la moyenne nationale. Elles interviennent beaucoup dans les secteurs des biotechnologies (28 %) et dans le logiciel informatique (27 %).
Autre observation intéressante : les créateurs de ces entreprises sont essentiellement originaires de la recherche publique. Et, le plus souvent, ils se lancent dans l'aventure à deux : avec un collègue ou une personne extérieure.
L'étude souligne que c'est le partenariat qui est garant de réussite. Non seulement les chercheurs créateurs d'entreprises doivent éviter de rompre avec leur milieu d'origine s'ils veulent rester au fait de la recherche fondamentale mais, en outre, ils ont intérêt à créer des liens étroits avec les pouvoirs publics et d'autres entreprises. C'est à cette condition qu'ils peuvent bénéficier des informations les plus complètes sur les divers types d'aide et ne pas connaître le « syndrome du client unique », facteur de fragilité commerciale dont de nombreuses PME issues de la recherche sont atteintes.
Malgré les profils différents des entreprises enquêtées, la corrélation entre l'intégration dans un réseau et la réussite du parcours est bien établie. Ce n'est pas l'archétype de « l'entrepreneur schwnpétérien, héroïque et solitaire » qui est facteur de succès mais plutôt la construction d'une structure en réseau, entretenant des liens durables avec une pluralité d'acteurs.
En outre, nonobstant la diversité des expériences, des constantes semblent se dégager :
- l'importance du bon choix de la niche technologique ;
- la nécessité d'un chiffre d'affaires comportant une part non négligeable à l'exportation, car le créneau sur lequel opère la firme est souvent étroit.
Par ailleurs, les difficultés rencontrées ont souvent pour origine une méconnaissance des lois du marché lors de la commercialisation du produit. Aussi, est-il particulièrement important pour le chercheur désireux de réussir, de mobiliser autour de lui, dès avant le lancement de son entreprise, des compétences en gestion et en marketing.
Cependant la plus importante source de vulnérabilité est financière. Souvent, la réussite de telles entreprises se résume souvent à une course de vitesse entre rentabilité et pertes d'exploitation.
L'enquête confirme ainsi que l'absence de marché des capitaux spécialisé pour les PME de haute technologie et le faible développement des sociétés de capital-risque en France pénalisent la dynamique technologique. Celle-ci demeure trop dépendante des soutiens publics (ANVAR, régions), et bancaires.
D. DE NOUVELLES PROPOSITIONS POUR ADAPTER LE SYSTÈME DE FINANCEMENT FRANÇAIS À L'INVESTISSEMENT D'INNOVATION DANS LES PME
La convergence des analyses sur les carences des modes de financement des PMI innovantes a conduit à confier à un groupe de travail animé par Robert Chabbal, conseiller auprès du directeur général de la recherche et de la technologie, le soin de proposer des solutions permettant d'y remédier.
Pour « débloquer » le système français de financement de l'innovation, ce groupe de travail a proposé onze mesures dont certaines commencent à être mises en oeuvre :
1. Créer un nouveau marché européen des sociétés à fort potentiel de croissance.
Deux projets pourraient aboutir début 1996. Un projet européen « EASDAQ-EUROBOURSE », équivalent du NASDASQ et un projet national à l'initiative des bourses françaises dénommé « société du nouveau marché » dont le comité d'orientation comprend le directeur général de la recherche et de la technologie, ainsi que le directeur général de la stratégie industrielle.
2. Organiser des réseaux régionaux de « financeurs » de l'innovation.
Ces réseaux réunissant les « financeurs » de haut et de bas de bilan avec les services d'aides publiques (DRIRE, ANVAR, Conseil régional. DRRT) devraient permettre d'améliorer l'expertise des risques. Les régions Alsace et Auvergne expérimentent de tels réseaux.
3. Renforcer les études de faisabilité.
Aidées par l'ANVAR, ces études de faisabilité pourraient être conçues et expérimentées par les réseaux précités.
4. Faire bénéficier d'une aide publique l'instruction et le suivi des petits dossiers.
Les sociétés de capital-risque pourraient recevoir des aides réduisant de 25 % les frais d'études par rapport aux sommes investies. Cette mesure transitoire devrait favoriser les petites « affaires ».
5. Prévoir des conditions particulières de garantie par la SOFARIS.
Le fonds de garantie capital PME mis en place par la Caisse des dépôts s'adresse aux apports en fonds propres dans les PME non cotées réalisant moins d'un certain chiffre d'affaires.
6. Titriser les créances garanties par la SOFARIS.
La SOFARIS étudie actuellement la titrisation de paquets de créances classées par catégories de risques qui pourraient intéresser des investisseurs à long terme cherchant à diversifier leur portefeuille.
7. Garantir des possibilités de « sortie » aux personnes physiques.
Les particuliers qui investissent pour diverses raisons dans les PME innovantes, même s'ils acceptent parfois des rémunérations modestes, doivent être assurés de pouvoir céder ultérieurement leurs titres à un organisme régional. La Bretagne et la Lorraine semblent prêtes à expérimenter un tel système.
8. Accorder des avantages fiscaux aux personnes physiques et morales investissant dans l'innovation.
Pour les personnes physiques, des mesures existent déjà qui pourraient être approfondies, soit en augmentant le plafond de la réduction fiscale liée à l'investissement dans les PME (loi Madelin), soit en ouvrant les possibilités d'investissement via des sociétés de capital risque (SCR) ou des fonds communs de placement à risque (FCPR) ou encore des sociétés financières de l'innovation (SFI). Pour les personnes morales, le statut des SFI devrait être amélioré et ceux des SCR et des FCPR spécialisés dans l'innovation devraient être adaptés.
9. Lever les obstacles fiscaux au renforcement des fonds propres des entreprises.
Des réflexions à long terme sont engagées pour réduire l'avantage fiscal donné indirectement à l'endettement.
10. Abonder les capitaux « patients » par des fonds publics.
La Caisse des dépôts et consignations a engagé depuis mi-1994 une action dans ce sens.
11. Améliorer la conversion en fonds propres des aides ANVAR.
Une amélioration du dispositif actuel a été décidée par le conseil d'administration de l'ANVAR et est en cours d'expérimentation sur 60 entreprises pour un montant global de 30 millions de francs.
En conclusion, pour les auteurs de ces propositions, la clef de voûte du système de financement de l'innovation dans les PME est la création, à l'échelle européenne, d'un marché boursier des sociétés de technologies avancées et/ou à fort potentiel de croissance. Ce marché serait caractérisé non seulement par la présence de capital « patient » mais également par l'existence d'un corps d'experts proche des milieux financiers.
Cependant, pour beaucoup de PME, ces dispositions peuvent apparaître comme quelque peu « surdimensionné » car, dans un premier temps, la réalisation de leurs ambitions ne nécessitent pas d'accéder à un tel marché. C'est pourquoi, la mise en oeuvre des autres mesures proposées est indispensable pour accompagner les débuts de leur développement.
Au total, votre commission juge nombre de ces orientations tout particulièrement dignes d'intérêt et apprécierait vivement que les débats budgétaires permettent au Gouvernement d'exposer l'état de ses réflexions et les actions qu'il envisage de conduire en ce domaine.
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours de sa réunion du mercredi 8 novembre 1995, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis sur le budget de la recherche pour 1996.
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis, a tout d'abord indiqué que, pour 1996, les moyens de paiement du budget civil de recherche et de développement (BCRD) -qui regroupe l'ensemble des dotations consacrées à ce secteur, à l'exception des crédits militaires- s'élevaient, en dépenses ordinaires et crédits de paiement, à 53,09 milliards de francs contre 52,36 milliards de francs, soit une progression de 1,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1995 (LFI) et de 2,4 % par rapport à la loi de finances rectificative du mois de juillet. Il a ensuite mis en évidence que l'évolution en moyens d'engagement (dépenses ordinaires et autorisations de programme) faisait également apparaître une hausse de l'ordre de 1,4 % par rapport à la LFI.
Après avoir fait remarquer qu'au sein de ces enveloppes, le montant des dépenses ordinaires augmentait de 4,1 % d'un exercice à l'autre, tandis que celui des autorisations de programme et celui des crédits de paiement traduisaient, tous deux, une diminution de 1,8 %. Il a expliqué que ces tassements résultaient, en grande partie, de l'achèvement d'un certain nombre de programmes d'aéronautique civile.
Au-delà des variations arithmétiques des dotations, M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis, s'est attaché à souligner l'effort d'assainissement et de tarification des engagements de l'État en faveur de la recherche. Ainsi, en 1996, se trouvera résorbé le décalage qui s'était accentué, d'année en année, entre les autorisations de programme et les crédits de paiement et qui, au total, pour l'ensemble du BCRD, avait conduit à la création d'un « déficit de couverture » de trois milliards de francs au début de 1993.
Le rapporteur pour avis a ensuite signalé que les crédits inscrits au titre de la recherche au budget « éducation nationale, enseignement supérieur, recherche et formation professionnelle » connaissaient une évolution globale tout à fait parallèle à celle du BCRD. S'élevant à 28,8 milliards en dépenses ordinaires et crédits de paiement, ils enregistrent une hausse de 3,1 %.
Il a considéré que ces dotations traduisaient, notamment, une volonté marquée de renforcer le fonds de la recherche et de la technologie (FRT) dont la situation alarmante avait été confirmée à la commission, lors de l'audition, au mois de juillet dernier, de Mme Élisabeth Dufourcq, alors secrétaire d'État chargé de la recherche. Sous l'effet de la diminution au cours des années antérieures des crédits l'abondant, ce fonds -qui apporte un soutien à la recherche menée en partenariat entre les entreprises et les organismes publics de recherche- n'était plus, au mois de juillet dernier, en mesure de tenir ses engagements. Le montant de ses impayés s'était progressivement alourdi, depuis 1990, pour atteindre près d'un milliard de francs à la fin de 1994.
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis, a rappelé que cette contraction des moyens d'action du fonds, très préjudiciable à nos entreprises, risquait de créer, à terme, une dangereuse asphyxie de certains programmes de recherche et que cette situation avait amené la commission à souhaiter que la crédibilité du fonds soit restaurée. Aussi, s'est-il satisfait que ce souhait ait été étendu, les dotations, pour 1996, du FRT augmentant de plus de 30 % en moyens d'engagement et en moyens de paiement.
Puis le rapporteur pour avis a fait le point sur le développement de la recherche en région qui est l'un des axes importants de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. Il a déclaré avoir, en ce domaine, trois motifs de satisfaction et un motif d'interrogation.
Le premier motif de satisfaction réside dans la bonne mise en oeuvre des décisions des derniers comités interministériels de l'aménagement du territoire (CIAT) concernant la localisation en province d'emplois de chercheurs. Sur un objectif de plus de 2.200 emplois à implanter hors de l'Île-de-France, avant fin 1996, près de 1.500 étaient déjà occupés à la fin de 1994.
Le deuxième motif de satisfaction découle de l'évolution, de 1991 à 1994, des affectations géographiques des dotations du ministère chargé de la recherche, puisque cette évolution va dans le sens d'un meilleur équilibre territorial des moyens de recherche. Alors que l'ensemble des dotations affectées par le ministère augmente de 7 % sur l'ensemble de la période, celles réservées à la région qui s'en voit attribuer près de la moitié -l'Île-de-France diminuaient de 2 %, tandis que dans les autres régions -à l'exception de trois comptant parmi les mieux dotées-, on note une augmentation des crédits distribués dans une proportion très souvent supérieure au pourcentage d'augmentation de l'enveloppe globale.
Enfin, pour le rapporteur pour avis, un troisième motif de satisfaction découle de l'implication croissante des collectivités locales dans l'effort recherche. De fait, 19 régions métropolitaines sur 22 se sont dotées d'un comité consultatif régional de recherche et de développement technologique et, d'une manière générale, la part du budget régional consacrée à la recherche oscille en un peu moins de 1,5 % et un peu plus de 4 %.
C'est, en revanche, la qualité des statistiques permettant d'apprécier la mise en oeuvre de l'objectif fixé pour la recherche par la loi d'orientation relative à l'aménagement du territoire qui a été la source de son interrogation.
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis, a indiqué qu'à première vue, là encore, la tendance apparaissait orientée dans le sens souhaité par le Parlement, puisque les chiffres fournis par le ministère en réponse à ses questions tendent à démontrer une accentuation de la régionalisation des effectifs de la recherche publique civile : entre 1992 et 1993, dernières années connues, le nombre de chercheurs installés en Île-de-France avait augmenté faiblement (+ 131), mais son importance dans l'ensemble des effectifs pris en compte diminuait de 0,9 %.
Cependant, les données sur lesquelles s'appuie cette appréciation favorable ne lui sont pas apparues entièrement satisfaisantes, notamment du fait que la connaissance de l'affectation régionale des chercheurs est encore partielle. De fait, les effectifs de plusieurs fondations de recherche civile et ceux participant à la recherche pour la défense nationale sont évalués uniquement au niveau national.
Dans ces conditions, le rapporteur pour avis a jugé qu'il était pour le moins délicat de vérifier le respect de l'orientation définie par la loi du 4 février 1995.
En conséquence, M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis, a déclaré que, lors des débats budgétaires, il demanderait, avec la plus grande insistance, que les mesures nécessaires soient prises, afin qu'il soit possible au Parlement de contrôler, dans des conditions satisfaisantes, l'application de la loi d'orientation dans le domaine de la recherche.
Il a conclu son propos en demandant à la commission de donner un avis favorable pour le vote des crédits de la recherche.
À l'issue de cette présentation, M. Rémi Herment a souhaité savoir si les moyens dont disposait l'association nationale pour les déchets radioactifs relevaient du budget de l'État. Le rapporteur pour avis s'est engagé à interroger le ministre à ce propos.
M. Félix Leyzour s'est, quant à lui, demandé s'il était possible d'obtenir le montant des crédits de recherche civile participant indirectement et, en partie, à des programmes de recherche militaire. Il a, par ailleurs, souhaité obtenir des précisions sur la place de la recherche française dans le monde.
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis, a indiqué que la recherche française occupait la quatrième place dans le monde et que le « jaune » consacré à l'effort de recherche, publié à la fin de chaque exercice, fournissait des informations détaillées sur ce point. En ce qui concerne la première question, il a expliqué que la distinction entre recherche civile et recherche militaire était souvent délicate à opérer. S'agissant de la demande de M. Rémi Herment, il s'est engagé à interroger le Gouvernement sur les moyens dont disposait actuellement l'association nationale pour les déchets radioactifs.
La commission a ensuite, au vu de l'ensemble des éléments exposés et conformément à la proposition de son rapporteur, décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la recherche inscrits dans le projet de budget pour 1996.
* 1 À savoir : le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'insertion professionnelle, et le ministère de I aménagement du territoire, de l'équipement et des transports.
* 1 En l ' espèce, les investigations complémentaires menées par votre rapporteur pour avis laisseraient supposer que les ingénieurs participant à l'effort de recherche sont comptés parmi les chercheurs. Mais, encore faudrait-il que cela apparaisse nettement.
* 1 En regroupant ces deux derniers postes, on constate que l'industrie électronique dans sa totalité mobilise 31 % des aides d'État.
* 1 Il exclue les activités situées en aval du processus d'innovation et de valorisation
* 1 Rappelons que le NASDAQ est un second marché américain, spécialisé dans les sociétés entrepreneuriales de croissance ; il est doté d'une réglementation précise et est extrêmement actif. Il propose à ses partenaires une plate-forme de négociations adaptée à leurs problèmes de financement de l'innovation.