N° 80

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1995.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 1996, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VII

DÉFENSE AIR

Par M. Hubert FALCO,

Sénateur

Voir les numéros :

Assemblée nationale (10 ème législ.) : 2222, 2270 à 2275 et T.A. 413.

Sénat : 76 et 77 (annexes n°46 et n°47) (1995-1996).

Lois de finances.

(1) Cette commission est composée de MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie. vice-présidents ; Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Michel Alloncle, Jacques Genton. Jean-Luc Mélenchon, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique Ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Paul Chambriard, Charles-Henri de Cossé-Brissac. Pierre Croze. Marcel Debarge. Bertrand Delanoë, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure. Gérard Gaud, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet, Yves Guéna, Jacques Habert, Marcel Henry. Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Guy Robert, Michel Rocard, André Rouvière, Robert-Paul Vigouroux, Serge Vinçon.

Pour l'armée de l'air comme pour l'ensemble de la défense, le projet de budget pour 1996 est un budget dont il est à craindre qu'il ne dépassera guère quelques mois d'existence. Tout au plus sommes-nous invités à apprécier un dispositif financier qui prend le relais d'une loi de programmation devenue obsolète avant de le passer à une future loi de programmation dont tout nous laisse à penser qu'elle posera à la défense plus de problèmes qu'elle n'en résoudra, du moins à court terme, si l'on se réfère aux intentions de réduction des crédits d'équipement.

Budget précaire, mais aussi budget aveugle puisqu'il a été conçu et est examiné par le Parlement dans l'attente des décisions importantes que le Conseil de défense sera conduit à prendre au vu des conclusions des différents groupes de travail du Comité stratégique mis en place par le gouvernement le 11 juillet dernier.

L'exercice qu'il nous est proposé de mener ensemble est donc complexe.

Votre rapporteur s'efforcera, dans un premier temps, de présenter le principal enjeu, à savoir la place dévolue à notre armée de l'air dans la stratégie globale de défense conçue pour nos armées dans le contexte international nouveau. Il présentera ensuite les grandes lignes du projet de budget de l'armée de l'air en rappelant que les équipements qui lui sont nécessaires pour ses missions doivent lui permettre, outre de confirmer son excellence, de compenser une nouvelle réduction de son format que l'on pressent inéluctable.

CHAPITRE I LA PLACE DE L'ARMÉE DE L'AIR DANS LE DISPOSITIF DE DÉFENSE

Les conclusions prochaines du Comité stratégique et de ses différents groupes de travail feront tomber les incertitudes actuelles quant au maintien ou à l'aménagement plus ou moins substantiel des missions confiées à nos armées, du format de ces dernières et surtout, des équipements qui leur seront octroyés, compte tenu des contraintes financières extrêmement rigoureuses. Ces conclusions confirmeront la caducité de la loi de programmation militaire votée en 1994. Toutefois, le Livre Blanc sur la défense publié en février 1994 devrait demeurer la référence de base quant aux missions générales attendues de nos armées et aux priorités définies dans l'environnement stratégique prévisible.

Il n'est donc pas inutile, avant d'aborder précisément le contenu du Projet de loi de finances pour 1996 concernant l'armée de l'air, de rappeler la vocation de cette armée qui tient une place primordiale dans notre dispositif de défense.

Le Livre Blanc expose, notamment dans le chapitre relatif au renouvellement de notre stratégie de défense, compte tenu des évolutions prévisibles des scénarios d'intervention de nos forces, le principe d'une nouvelle complémentarité entre la dissuasion nucléaire, garante de la protection de nos intérêts vitaux, et l'action militaire fondée notamment sur la participation de nos forces à des missions extérieures de prévention et de gestion de crises localisées.

Dans ce nouvel équilibre dissuasion/action, l'armée de l'air, partie Prenante aux deux éléments, est appelée à tenir une place centrale.

Dans le domaine de la dissuasion nucléaire tout d'abord, en particulier dans celle de ses composantes stratégiques, dont deux sur trois (Forces aériennes stratégiques des Mirage IV P et des Mirage 2000 N ainsi que les 18 missiles du plateau d'Albion) relèvent de l'armée de l'air. Des évolutions se dessineront bientôt, tant en ce qui concerne le vecteur aéroporté que pour ce qui a trait à l'éventuelle fermeture du site d'Albion.

Dans le domaine de l'action, notre autonomie stratégique repose, hors nucléaire, sur trois fonctions clés :

- l'intelligence des situations par le renseignement

- la maîtrise des situations complexes qui, dans le cadre de gestion politique et militaire de crises régionales, nécessitent l'insertion de nos forces dans des structures multinationales et interarmées

- la mobilité stratégique enfin, et la capacité de projection de forces qu'elle entraîne.

Dans ces trois domaines d'action, l'armée de l'air joue un rôle primordial en ce qui concerne :

- l'intelligence des situations, grâce aux Mirage FICR, aux DC8

Sarigue et C160 Gabriel et à la grande qualité de ses interprétateurs et officiers spécialisés qui participent, avec les autres armées, à l'analyse du renseignement ;

- la gestion des crises régionales, dont la localisation préalable est par nature impossible, imposera des réactions rapides, pour lesquelles l'armée de l'air dispose d'atouts évidents. La nature même des opérations menées dans ce cadre nécessitera un degré plus ou moins élevé d'intégration, qui place l'armée de l'air en position favorable compte tenu de l'adaptabilité de ses structures à un commandement interallié ;

- la mobilité stratégique fait appel aussi pour une grande part à l'armée de l'air. Une projection de forces significative repose sur la capacité à transporter rapidement hommes et matériels, à des distances éloignées du territoire national.

Pour ce qui est de la projection de puissance, l'arme aérienne répond là aussi, grâce à sa capacité rapide d'intervention et de délivrance à longue distance de feux puissants, aux besoins de réponse de la nation ou de la communauté internationale (comme on l'a vu en Bosnie) face à la naissance ou l'aggravation d'une crise régionale.

Plus précisément, à partir des conclusions du Livre Blanc, on peut identifier, pour l'armée de l'air de demain, les priorités suivantes :

- le contrôle de zones étendues et/ou lointaines à l'aide du couple SDCA (système de détection et de commandement aéroporté) et avions de supériorité aérienne ;

- la projection de forces et donc le renforcement et la modernisation de nos capacités de transport ;

- l'action tout temps dans la profondeur nécessitant des appareils modernes possédant une supériorité technologique et des contremesures efficaces ;

- des armements précis, limitant les dommages collatéraux et permettant la sécurité de nos forces.

Telles sont les priorités arrêtées. A celles-ci doit correspondre un format adapté pour l'armée de l'air. Celui-ci laisse apparaître les besoins suivants :

- une vingtaine d'escadrons de combat (de 20 appareils chacun).permettant d'assurer la posture de sûreté (défense aérienne et forces aérienne stratégiques) et la projection de 6 à 9 d'entre eux sur des théâtres extérieurs).

- une vingtaine d'avions ravitailleurs.

- une centaine d'appareils de transport tactique et logistique.

Telles ont été les conclusions du Livre Blanc concernant la part de l'armée de l'air dans l'évolution de notre défense : des priorités opérationnelles, un format adapté, enfin la mise en place, sur la base d'une réflexion engagée bien avant la publication du livre blanc, d'une nouvelle organisation. Le rapport de mon excellent collègue Albert Voilquin avait, l'an passé, présenté très clairement les grandes lignes de cette réforme. Votre rapporteur n'y reviendra que succinctement pour relever que cette réorganisation de l'armée de l'air a précisément pris en compte l'évolution du contexte stratégique : la nouvelle structure de commandement qui sépare l'opérationnel de l'organique, fait disparaître la notion de commandement spécialisé et centralise, auprès du chef d'état-major de l'Armée de l'air, les instruments propres à préparer le volet militaire d'une action de gestion de crise et la direction des opérations.

C'est donc une structure assouplie qui est désormais en place, permettant la constitution de modules adaptés à chaque mode d'action.

Ainsi, sauf à remettre en cause les recommandations du Livre Blanc qui ont à peine deux ans, il convient de tirer les conséquences budgétaires de ces données, sachant que l'exercice se déroule dans le cadre d'une nécessaire contraction des dépenses publiques. Cela revient, pour faire simple, à s'interroger sur notre capacité à concilier notre ambition et nos moyens. En l'occurrence le présent projet de loi de finances sera, pour notre défense, un budget de transition dans l'attente de la prochaine loi de programmation militaire, issue des décisions du Conseil de Défense, préparées par les travaux du Comité stratégique.

Le présent rapport s'attachera donc à analyser les grandes lignes du projet de budget pour 1996 de l'armée de l'air en soulignant ses besoins, compte tenu des missions qui lui sont demandées.

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