CHAPITRE V L'EFFORT D'ÉQUIPEMENT DE L'ARMÉE DE L'AIR
A. L'AVIATION DE COMBAT, L'ÉTAT DES LIEUX : UN NÉCESSAIRE RENOUVELLEMENT
Au 1er septembre 1995, la flotte de la Force aérienne de combat avait la configuration suivante :
Mirage 2000 DA ( ( * )2) 115
Mirage 2000 N (2) 20
Mirage 2000 D (2) 30
Mirage F1 C ( ( * )3) 10
Mirage F1 CR 40
Mirage F1 CT ( ( * )4) 40
Mirage F1 B 10
Jaguar A (3) 80
Soit un total de 345 avions de combat. Il convient d'y ajouter les appareils relevant des forces aériennes stratégiques (FAS) qui se répartissent comme suit :
Mirage IV P ( ( * )5) 15
Mirage 2000 N 45
Plus les 11 C135 FR (ravitaillement) et les 4 C 160 Astarté.
La flotte d'avions de combat est donc confrontée à une double évolution : la réduction progressive de son format, établi désormais à 390 appareils en ligne (avions de combat + Mirage 2000 N des FAS) et son vieillissement moyen.
S'agissant de ce dernier point, le tableau ci-dessous décrit l'évolution depuis 1995 jusqu'à l'horizon 2002 (date initialement prévue pour la constitution du premier escadron opérationnel de Rafale), en recourant à deux critères : l'âge moyen des systèmes d'armes et celui des cellules.
Ainsi notre flotte de combat atteint-elle en 1996 un âge moyen de 11 ans, alors même que les appareils les plus anciens (Mirage III E et Mirage VF) on été retirés du service en 1994. Les prochains appareils à atteindre la date de retrait du service sont les Jaguar que l'armée de l'air prolongera jusqu'en 2003, date d'arrivée aujourd'hui prévue du premier escadron Rafale.
B. LA NÉCESSAIRE MODERNISATION DE LA FLOTTE D'AVIONS DE COMBAT
Compte tenu des retards successifs du programme Rafale, le programme de modernisation de notre flotte de combat, décidé en 1990, a permis de substituer des appareils performants aux modèles les plus anciens. Ainsi l'armée de l'air a-t-elle pu disposer de FICT puis de Mirage 2000 D et recevra-elle, à partir de 1997, les premiers Mirage 2000 DA rénovés : Mirage 2000-5 France. Votre rapporteur se propose de rappeler les principales caractéristiques de ces appareils et la dotation dont ils bénéficieront dans le projet de loi de finances de 1996.
1. Le Mirage 2000-5 (rénovation du Mirage 2000DA)
L'armée de l'air dispose, pour son besoin opérationnel air-air, du parc d'avions suivant :
- les 113 Mirage 2000RDI, doté d'un système d'armes modernes
- les 40 Mirage 2000RDM qui équipent l'armée de l'Air depuis 1984 et nécessitent une remise aux standards de leurs équipements.
La décision a donc été prise, pour améliorer nos capacités de défense aérienne, de moderniser la flotte de Mirage 2000DA en s'appuyant sur le système d'armes 2000-5, intégrant le radar multicible RDY, une cabine reconfigurée et l'associant au missile air-air Mica.
Ainsi, les Mirage 2000 RDM seront transformés en Mirage 2000 RDI et les 37 premiers RDI livrés transformés en 2000-5.
Le programme Mirage 2000-5 constitue donc, compte tenu des retards intervenus dans le programme Rafale, pour des raisons techniques financières, un enjeu essentiel sur le plan de l'équipement de l'armée de l'air. Au surplus il a déjà rencontré des succès appréciables à l'exportation, 60 appareils ont été commandés par Taïwan et 12 par le Qatar. Le coût total du programme s'élèverait à 4 588 millions de francs 95, dont 472 millions de francs pour le développement.
En 1996, 23 appareils seront commandés par l'armée de l'air, pour un objectif total de 37 appareils livrés à l'horizon 2000. La constitution du premier escadron équipé de 15 avions est prévue pour 1999. Le projet de loi de finances pour 1996 y consacrera en crédits de paiement 779 millions de francs, dont 670 millions de francs pour la production.
2. Le Mirage 2000 D
Avion biplace de pénétration et d'attaque au sol tout temps, le Mirage 2000 D est capable de tirer en aveugle les armements air-sol conventionnels, les armements guidés laser de jour comme de nuit, le missile nucléaire ASMP et à terme, d'emporter des systèmes de reconnaissance montés en nacelle.
Le Mirage 2000 D sera adapté aux armements futurs tels que le missile Apache tiré à distance de sécurité dont le développement a été lancé en 1989. La flotte, fin 1995, sera de 36 appareils, auxquels viendront s'ajouter 12 appareils livrés en 1996. L'objectif total est de 90 appareils. Pour 1996, la loi de finances initiale a prévu 122 millions de francs de crédits de paiement en développement et 2 614 millions de francs en production.
C. LE REMPLACEMENT DE LA FLOTTE : L'ÉVOLUTION DU PROGRAMME RAFALE
1. Un pari technologique
Votre rapporteur ne développera pas longuement les mérites technologiques de cet appareil. Il rappellera seulement que la caractéristique majeure du Rafale est la polyvalence.
Il sera en effet capable d'effectuer les missions suivantes : pénétration et attaque au sol par tout temps, frappe nucléaire, défense et supériorité aérienne, intervention à long rayon d'action avec ravitaillement en vol. Il disposera d'un système d'arme sophistiqué dont le coeur est le radar RBE 2 doté d'une antenne à balayage électronique deux plans qui lui permet d'acquérir plusieurs cibles aériennes simultanément et d'effectuer un suivi de terrain : là réside la polyvalence élargie. A cela s'ajoute le système Spectra élaboré par Thomson CSF, Dassault électronique et Matra, capable de détecter des menaces dans un spectre très large et de mettre en oeuvre des brouillages électromagnétiques et des leurres adaptés. Le Rafale a donc vocation (dans le standard SU1), à remplacer dans un premier temps les appareils d'attaque au sol Jaguar -le plus ancien-, puis dans le standard polyvalent SU2, les Mirage FI et 2000 N, et enfin le Mirage 2000 DA. La dernière décision soumise au Parlement concernant le Rafale figure dans la dernière loi de programmation militaire. Elle prévoit la livraison totale, à terme, de 320 appareils, soit 234 pour l'armée de l'air et 86 à la Marine, le Rafale marine (version SU0) étant destiné à remplacer les anciens « crusaders » et à équiper le PAN Charles de Gaulle.
Après plusieurs retards, dus tout à la fois aux contraintes budgétaires et aussi à la complexité technologique du projet, l'année 1996, tout en préservant le développement, verra différer d'un an la phase de production du SU1 (Standard utilisateur 1), ce qui portera à 2003 la date de mise en service opérationnel du premier escadron. Alors que l'année 1996 ne verra passer aucune commande, le cumul des commandes fin 2000 devrait atteindre 49 appareils air (17 monoplaces et 32 biplaces), celui des livraisons s'élevant à 3 biplaces air.
Pour l'armée de l'air, le montant cumulé des crédits consommés depuis l'origine du programme s'élève, production plus développement, à un peu plus de 21 milliards de francs. Dans le projet de loi de finances 1996, l'armée de l'air consacrera en crédits de paiement pour le développement 2,107 milliards de francs, et 1,958 milliard pour la production, soit un total avoisinant les 4 milliards.
2. Les incertitudes concernant l'avenir du programme
Le report d'un an -pour le moment- qui affecte la phase de production du Rafale dans le standard SU1 d'attaque au sol a été l'occasion d'un débat sur la pérennité du programme. A ce stade, quelques réflexions s'imposent :
- l'armée de l'air a un réel besoin d'appareils dont la qualité, la manoeuvrabilité, la technicité devront contribuer à l'indispensable remplacement de sa flotte d'avions de combat, à l'heure où celle-ci est appelée à réduire son format. Ne faut-il pas rappeler que l'armée de l'air n'a pas procédé, pour la 4 e année consécutive, à la moindre commande d'appareils neufs si l'on excepte 2 Rafale ? Si cette évolution devait se poursuivre les rendez-vous du début des années 2000 risqueraient d'être douloureux.
- la maîtrise des techniques extrêmement complexes requises pour l'aboutissement de l'ultime standard du Rafale, qui permettra à l'armée de l'air de bénéficier du saut qualitatif représenté par le projet et qui justifiera les dépenses déjà engagées, demandera encore du temps. La modernisation de substitution, engagée avec les Mirage 2000 D et les Mirage 2000-5, justifiée par les reports passés du programme, s'avère un choix particulièrement judicieux. Elle permettrait, dans l'absolu, d'étaler les financements jusqu'à 'arrivée du standard final aux spécifications requises par l'armée de l'air, et d'augmenter parallèlement la cible de Mirage 2000 D et 2000-5.
L'armée de l'air est donc aujourd'hui placée devant un dilemme :
- maintenir le calendrier actuel du Rafale, et acquérir les premiers appareils SU1 dont on a vu qu'ils n'étaient qu'une version encore incomplète du Rafale définitif. Dans ce cas, l'armée de l'air devrait alors disposer annuellement de quelque 8 milliards de francs pour ce programme ;
- décider, si elle n'a pas les crédits suffisants, de retarder encore sa mise en service directement dans le standard SU2, version réellement polyvalente du Rafale, sachant que quelques obstacles techniques restent à surmonter. Elle comblerait dans l'intervalle son déficit en avions d'attaque au sol par la commande de Mirage 2000 D supplémentaires.
Cette dernière solution n'est, selon votre rapporteur, évidemment pas sans inconvénient pour le constructeur dont le plan de charge se verrait alors remis en question. En outre, le Rafale, même dans ses premiers standards, dispose d'atouts évidents à l'export, ce qui présuppose son acquisition préalable par nos forces.
Rafale S 1, voisin du standard SUI et mis en service plus rapidement (2000)
Une solution alternative pourrait consister, dans un premier temps, en l'achat par l'armée de l'air de quelques exemplaires de Rafale dans un standard spécifique , afin de conforter la démarche à l'export en attendant la livraison d'autres appareils dans les standards prévus. Si une telle option devait se confirmer, elle pourrait entraîner une redéfinition des différents standards dans leur contenu et leurs échéances respectives. Outre des crédits budgétaires anticipés, cette démarche impliquerait un engagement des industriels à prendre en charge les indispensables travaux de remise au standard souhaité par l'Armée de l'Air.
D. DÉVELOPPER NOS CAPACITÉS DE PROJECTION
1. Une flotte d'appareils de transport inadaptée aux besoins
Avec le vieillissement de la composante « d'attaque au sol » de notre flotte d'avions de combat, l'inadéquation aux besoins de notre flotte de transport est source de préoccupations pour l'armée de l'air.
Ainsi en est-il de notre flotte de transport logistique, équipée de 3 DC 8 et 2 Airbus A 310 d'occasion. Ces derniers ont permis le remplacement d'un DC 8-72 en cours de transformation en DC8 Sarrigue et d'un DC 8-55 prochainement retiré du service pour obsolescence.
Ainsi en est-il aussi de notre flotte de transport tactique composée de 12 Hercule et 68 Transall, dont les deux tiers doivent être retirés du service à compter de 2003. La rénovation de l'avionique de ces appareils est une bonne solution d'attente, mais le procédé atteindra bientôt ses limites. En 1996, 11 C160 rénovés seront livrés.
La pertinence du programme d'avions de transport futur -adjectif dont il est à souhaiter qu'il ne porte pas préjudice à sa réalisation prochaine n'en prend que plus de force. Votre rapporteur développera plus loin la problématique de ce programme essentiel.
Un nombre insuffisant d'avions ravitailleurs -11 C 135 FR- à comparer à une flotte d'avions de combat qui, depuis 1994, sont tous aptes au ravitaillement en vol. L'armée de l'air a donc entrepris un chantier de rénovation de ces appareils tendant à tripler sur chaque avion le nombre de points de ravitaillement. Sur les onze appareils à modifier, 2 seront livrés en 1996. Le budget de 1996 prévoit 9 millions de francs en crédits de paiement pour ce programme dont le coût total a été estimé à 613 millions de francs 1995, 297 millions de francs ayant d'ores et déjà été consommés à ce titre.
2. Le programme ATF
a) Le projet
Notre stratégie de défense s'est orientée depuis plusieurs années vers les interventions extérieures dans le cadre de la gestion de crises régionales. Cette politique s'est traduite par une participation active aux opérations extérieures sous l'égide de l'ONU. L'inventaire des opérations auxquelles nous avons pris part serait long : Koweït, Cambodge, Somalie, Ra? et encore aujourd'hui, l'ex-Yougoslavie. Notre capacité de projection de forces, à même de porter sur des théâtres éloignés des éléments armés significatifs, doit, pour être en cohérence avec ces missions affectées à nos armées, être singulièrement renforcée.
A l'échéance 2003-2004, lorsqu'interviendra le retrait du service des 48 C160 Transat première génération, l'armée de l'air aura besoin d'un nouvel avion tactique qui apporte un « plus significatif », en terme de capacité opérationnelle, par rapport aux appareils actuels.
C'est donc avec ce souci qu'a été élaboré le projet d'avion de transport futur (ATF). Les fonctionnalités requises ont concerné la dimension de soute -capable d'emporter des matériels sans démontage- le rapport charge utile/rayon d'action, la vitesse de croisière, l'autonomie de chargement/déchargement, la maintenabilité, la capacité de ravitaillement en vol, l'aptitude à la guerre électronique.
b) Une ambition industrielle européenne
Six ÉTAT ont étudié, dans le cadre du Western European Armement group (WEAG), la possibilité d'une réalisation commune : l'Allemagne, la France, l'Italie, l'Espagne, le Portugal et la Turquie. La Belgique et la Grande-Bretagne ont participé aux travaux en qualité d'observateurs.
C'est ainsi que fut créé, en juillet 1991, le consortium Euroflag réunissant, pour les industriels, l'Aérospatiale (France), DASA (Allemagne), British Aerospace (Royaume-Uni), Alenia (Italie), Casa (Espagne), Flabel (Belgique), OGMA (Portugal) et Tusas (Turquie).
La seconde étape est intervenue lors de la fin de la phase de faisabilité. Euroflag a donc laissé la place, en juillet 1995, à une filiale d'Airbus Industrie, Airbus Military Company (AMC), pour poursuivre ce programme dont la mise en oeuvre de la phase de prédéveloppement devrait intervenir à l'été 1996 pour une période de trois ans. L'idée est de calquer l'organisation du programme sur le modèle Airbus qui a donné les résultats positifs que l'on sait : un maître d'oeuvre unique aurait ainsi la responsabilité de satisfaire le besoin opérationnel, avec toute latitude dans le choix des solutions techniques et industrielles.
c) Les observations de votre rapporteur
•
L'ATF, un projet
nécessaire
Le besoin opérationnel appelle, à l'évidence, la réalisation de l'ATF. On sait également les retombées industrielles positives dont pourrait bénéficier la France de la réalisation d'un tel projet. N'estime-t-on pas à quelque 7 000 le nombre d'emplois induits par le projet -production directe et sous-traitance ? Par-delà cette incidence concrète, une coopération industrielle européenne dans le domaine de la défense aurait une forte valeur symbolique : il s'agirait pour les parties au projet de s'unir afin de proposer aux Européens un outil dont ils sont aujourd'hui dépourvus et qui les contraint à dépendre, partiellement pour la réalisation de leur mission militaire, des États-Unis.
•
Force et faiblesse du partenariat
européen
Toutefois cette européanisation du programme, en même temps qu'elle est la force du projet et la condition sine qua non de sa naissance, porte également sa faiblesse.
Chacun sait que les Britanniques, pourtant partie prenante au programme à travers British aerospace ont déjà passé commande fin 1995 de 25 Hercule C 130 J américains pour remplacer une partie de leur flotte de transport. Qui sait s'il n'en ira pas de même, demain, pour d'autres partenaires comme l'Italie ou l'Espagne ? Si tel ou tel pays décidait de se retirer du projet, le financement imputable à chacun des pays restants serait accru d'autant.
•
Logique militaire ou logique
industrielle
?
Chaque partenaire a exprimé les besoins en quantité d'appareils de la façon suivante, qui détermine la part industrielle et la participation dans le consortium AMC :
Ces cibles n'ont que des valeurs indicatives. Ainsi peut-on a priori s'étonner du besoin de 75 appareils affiché par la République fédérale d'Allemagne, dont l'actuelle flotte de transport militaire est déjà quelque peu sous-utilisée. Ensuite sauf à ce que la RFA modifie fortement les missions de son armée, ce qui n'est pas exclu dans l'absolu, il faut bien constater que sa participation aux opérations extérieures pour un ensemble de raisons, demeure encore à ce jour relativement modeste.
Il n'est pas exclu en l'occurrence que l'ambition industrielle l'emporte sur le besoin stratégique. En tout état de cause, si les commandes effectives devaient être significativement inférieures aux besoins, on risquerait d'engager le projet vers une cible inférieure à 200 appareils, seuil en deçà duquel le coût unitaire de l'appareil priverait l'opération de toute rentabilité. Actuellement, pour un coût total de programme estimé à 40 milliards de francs ( ( * )6) , le coût unitaire de l'ATF, amorti sur un minimum de 200 avions, s'élèverait à 450 millions de francs.
Les États-Unis : concurrence ou partenariat ?
Bien que ne présentant pas les mêmes spécificités, le projet ATF est concurrencé principalement par le Hercules C130J, récemment sorti des ateliers de la firme Lockheed-Martin, dont la mise en service opérationnelle est prévue pour juillet 1997. Le C17, construit par Me Donnell-Douglas, dont l'armée américaine vient de commander 120 exemplaires est certes un très gros porteur, mais au coût unitaire élevé (1 milliard de francs) et dont les capacités opérationnelles sont éloignées de celles des deux autres avions. Quelques exemplaires du C17 seraient toutefois un élément complémentaire indispensable à une flotte de C130J. La tentation est donc grande, pour certains états-majors européens, d'acquérir les C130J dont le coût unitaire est évalué aux alentours de 250 millions de francs, soit près de la moitié de l'ATF. La Grande-Bretagne a déjà succombé, qui a passé commande, en décembre dernier, de 25 appareils, il est à craindre que la liste ne soit pas close.
L'hypothèse d'une coopération euro-américaine pour la construction d'un avion de transport militaire est parfois avancée. Elle aurait, aux yeux de ses partisans, pour principal avantage d'élargir un marché relativement étroit pour 2 types d'avions (C 130 J et ATF) et de permettre le partage des coûts de développement.
La perspective pourrait apparaître séduisante s'il s'avérait, ce qui serait grave, que la coopération européenne autour de l'ATF est durablement incertaine. N'oublions pas cependant qu'elle s'inscrirait dans un contexte ancien de rivalité, voire de guerre industrielle dans le domaine de la construction aéronautique civile. Un partenariat euro-américain dans le domaine de l'industrie de défense ne risque-t-il pas par ailleurs de symboliser l'échec d'une démarche européenne qui se veut exemplaire pour l'avenir ? Quelle serait l'attitude de l'armée américaine à l'égard d'un produit qui ne serait que partiellement américain ? En tout état de cause, la décision du gouvernement des États-Unis d'acquérir un nombre important de C17 réduit la pertinence d'un nouveau projet américain en ce domaine.
L'ensemble des hypothèses doit être examiné à la lumière de trois impératifs : la nécessité opérationnelle d'un avion de transport militaire de nouvelle génération, pour les pays européens, la nécessité financière qu'il soit réalisé au moindre coût à l'heure où les dépenses d'équipement des armées seront chichement mesurées, l'impératif industriel pour l'aéronautique française et européenne d'être impliquée dans la réalisation du projet.
- Un arbitrage difficile
La France sera donc confrontée, au début des années 2000, à deux programmes majeurs pour son armée de l'air, le Rafale et l'ATF dont il sera difficile, sinon impossible, en période de restrictions budgétaires, de supporter, de front, le financement. Au poids financier annuel du Rafale, que l'option S1 à l'export contraindrait tout à la fois à anticiper, et à alourdir, s'ajouterait celui de l'ATF. Ce dernier nécessiterait, de 1999 à 2004, entre 1,5 et 2 milliards par an. puis, de 2005 à 2012. entre 2,5 et 3 milliards chaque année.
Dès lors que le budget de l'armée de l'air ne serait suffisant que pour le seul Rafale, une solution pourrait consister à prévoir un financement interarmée pour l'ATF. En effet, il paraît a priori étonnant que l'ATF, qui s'inscrit dans une logique de projection de forces et donc évidemment interarmées, relève de la seule armée de l'air pour son financement. Ne s'agit-il pas de projeter sur un théâtre donné, dans les meilleures conditions possibles, des unités des forces armées avec le maximum d'équipement, au plus près de la zone d'intervention ?
La logique interarmées qui guide désormais notre action militaire trouverait là opportunément le moyen de se traduire sur le plan des équipements mais aussi sur celui de leur financement.
E. LES ARMEMENTS
L'armée de l'air a engagé 4 programmes majeurs d'armement : le missile Apache et le SCALP, le MICA, le sol-air moyenne portée (SAMP) (Système de croisière à longue portée), nouvelle dénomination de l'armement de précision tiré à grande distance (APTGD).
L'APACHE est un missile air-sol tiré à distance de sécurité (140 km) des défenses protégeant les installations ennemies. Il constituera l'équipement tactique principal du Mirage 2000 D et du Rafale. Entre 1997 et 2000, 200 commandes devraient être passées et 40 livraisons pourraient intervenir. 341 millions de francs de crédits de paiement sont inscrits en loi de finances initiale 1996 pour ce programme.
Le SCALP, dérivé de l'Apache avec une plus longue portée, a pour mission la destruction à grande distance (400 km) d'objectifs stratégiques dans la profondeur d'un territoire ou d'un dispositif adverse. L'arme équipera le Mirage 2000 D et les Rafale air et marine. Propulsé par turboréacteur, son système de navigation par inertie lui permettra d'effectuer des approches à très basse altitude en suivi de terrain programmé. Les premières livraisons de série devraient intervenir début 2003. 100 exemplaires sont prévus au total. Aucune commande n'est prévue avant l'an 2000. Le développement bénéficiera en 1996 de 326 millions de francs en autorisations de programme et 103 millions de francs en crédits de paiement pour un coût total estimé pour 100 missiles de 1 255 millions de francs.
Le MICA est un missile air-air d'interception, de combat et d'autodéfense destiné à succéder aux missiles super 530 D et Magic 2. Il sera l'armement principal du Rafale et du Mirage 2000-5 dans leurs missions de défense aérienne et constituera l'armement d'autodéfense dans les missions d'intervention et d'attaque au sol du Rafale. 2 300 exemplaires sont prévus pour l'armée de l'air et 420 pour la marine. Entre 1997 et 2000, 180 livraisons devraient être effectuées pour 660 commandes. Le projet de loi de finances initiale 1996 consacre 211 millions de francs de crédits de paiement pour le programme (développement et production).
Le programme MICA a déjà rencontré de substantiels succès à l'exportation, à Taiwan et au Qatar (en complément d'acquisition de Mirage 2000-5).
Le SAMP/T est un missile sol-air destiné à répondre à la menace aérienne des années 2000 (tout temps), avions et missiles supersoniques et manoeuvrants, guerre électronique intense. Dans le cadre de ce programme réalisé conjointement par Thomson/CSF et Aérospatiale pour la France et Alenia pour l'Italie, sont prévus 15 conduites de tir ainsi que 50 lanceurs et 900 missiles Aster 30. Les premières livraisons de série devraient intervenir vers 2005. Aucune commande n'a, à ce jour, été passée, aucune n'est prévue en 1996. Le développement de ce programme bénéficie en loi de finances initiale 1996 de 240 millions de francs en crédits de paiement.
F. LES AUTRES PROGRAMMES
Le système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA) a pour objectif de recueillir, gérer, traiter et diffuser l'information concernant l'ensemble des missions conventionnelles de l'armée de l'air en temps de paix et de crise, soit sur le territoire national, soit sur un théâtre extérieur. Il s'agit également d'un système sophistiqué de radars permettant de couvrir la totalité du territoire national.
Le programme devrait permettre la disposition de 6 radars, dont 1 radar pour l'ACCS, d'un système de communications, d'un outil informatique et notamment d'une version améliorée du logiciel STRIDA (système de traitement et de représentation des informations de défense aérienne) et de 4 centres complets d'opérations.
Compte tenu de l'importance opérationnelle du programme, qui est bien plus qu'un simple système d'information et de commandement (SIC), pour l'Armée de l'Air, celle-ci s'est efforcée de lui accorder un financement adapté. La première phase, SCCOA1 bénéficiera dans le projet de loi de finances 1996 de 462 millions de francs en autorisations de programmes et 889 millions de francs en crédits de paiement, SCCOA2, de 428 millions de francs en autorisations de programme et 55 millions de francs en crédits de paiement. Le coût total des 3 tranches du programme SCCOA est évalué à 17,6 milliards de francs.
- MTBA : moyen de transmission des bases aériennes
Il permettra de répondre à tous les besoins en communications fixes des sites de l'armée de l'air en succédant au réseau actuel RA 70. Ce programme concerne 102 sites de l'armée de l'air répartis sur 44 bases aériennes. Des commandes pour 6 bases seront passées en 1996, un réseau expérimental pourrait être livré à 3 bases prototypes cette même année. Le projet de loi de finances 1996 prévoit 308 millions de francs en autorisations de programme et 208 millions de francs en crédits de paiement pour un coût total du programme de 3,222 milliards de francs.
* (2) Avion de nouvelle génération
* (3) Avion ancienne génération
* (4) Avion rénové par équipement de systèmes d'armes nouveaux
* (5) 10 Mirage IV P seront retirés du service en 1996. 5 resteront en ligne pour effectuer les missions de reconnaissance stratégique.
* (6) Sur la base d'une participation française à 30%. Dans l'hypothèse d'une participation à 20%, le coût global serait, pour la France, de 35 milliards