RAPPORT

Mesdames, Messieurs,

Ce premier projet de budget présenté par M. Pierre-André Périssol, nommé Ministre du logement le 18 mai dernier, devenu le 7 novembre dernier Ministre délégué du logement, auprès de M. Bernard Pons, Ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme, est un budget satisfaisant sur bien des points.

Tout d'abord, le Gouvernement a entrepris, avec le collectif de l'été dernier, un effort sensible en matière de réalisation de logements d'urgence et d'insertion en faveur des plus démunis. Mettant en place des structures administratives innovantes et n'hésitant pas à recourir à la procédure de la réquisition, le ministère a utilisé la palette des moyens budgétaire à sa disposition à travers les prêts locatifs aidés « très sociaux », les crédits d'hébergement d'urgence, les subventions de l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat et les crédits des Fonds de solidarité logement, pour augmenter la capacité d'accueil des sans-abri ou des mal logés dans la perspective de la prochaine campagne hivernale.

Votre Commission a néanmoins constaté que les crédits relatifs à l'amélioration de l'habitat ou destinés aux fonds de solidarité logement ne retrouvaient pas le niveau atteint après le collectif du 4 août 1995. Elle a souhaité que le passage dans les logements d'urgence soit le point de départ d'un processus d'insertion résidentielle pour les intéressés. Elle a suggéré d'affiner les analyses sur le phénomène de l'habitat vacant afin d'ajuster les mesures incitatives à prendre pour enrayer ce phénomène.

Par ailleurs, le Ministre du logement, en créant le « prêt à taux zéro » a réformé profondément le dispositif d'aide à l'accession à la propriété. Il a élargi son champ d'application sans pour autant que la nécessaire vocation sociale de ce mécanisme ne soit négligée grâce à la mise en place d'un différé d'amortissement, modulé en fonction du revenu, et d'un dispositif de sécurisation des accédants.

Votre commission a souhaité néanmoins que les conditions de mise en jeu du « prêt à 0 % » soient assouplies pour les acquisitions dans le parc ancien. Elle a appelé de ses voeux un approfondissement ultérieur du mécanisme de sécurisation pour renforcer un climat de confiance en faveur des accédants à la propriété.

En outre, le ministre a témoigné d'un esprit novateur en matière de logements locatifs sociaux en maintenant sur le plan budgétaire l'effort déjà engagé en matière de prêts locatifs aidés et de primes à la réhabilitation tout en lançant une réforme visant à rendre obligatoire l'acquittement d'un surloyer par les locataires d'HLM dont les ressources dépassent les plafonds réglementaires.

Votre commission a approuvé le principe de l'institution du surloyer obligatoire. Si elle s'est félicitée que l'Assemblée nationale ait supprimé en première lecture le prélèvement exceptionnel envisagé sur les produits financiers des HLM, elle s'est demandée, en revanche, s'il ne serait pas opportun d'affecter en priorité au logement des plus démunis les sommes recueillies par l'État auprès des bailleurs sociaux au titre des logements donnant lieu au surloyer.

Enfin, la commission a pris note de l'abondement par le Gouvernement des dispositifs de soutien aux aides personnelles au logement tout en soulignant que la maîtrise de l'évolution de ces aides serait, pour l'avenir, un gage de leur pérennité.

Tels sont les principaux éléments de l'avis présenté sur les crédits relatifs au logement social dans le projet de budget pour 1996, à l'adoption desquels votre commission a émis un avis favorable.

I. LA MISE EN OEUVRE DES MESURES D'URGENCE EN FAVEUR DU LOGEMENT DES PLUS DEMUNIS

Le Gouvernement a clairement fait part, dès son entrée en fonctions, de son choix de mettre la politique du logement au coeur de la politique de lutte contre l'exclusion et de réduction de la fracture sociale.

A. UN PROBLEME DE PLUS EN PLUS DOULOUREUX

L'existence d'une proportion importante de personnes mal logées ou sans abri, malgré les efforts déjà entrepris, témoigne en effet de difficulté de la situation. De fait, il est peu aisé d'obtenir des informations précises sur le nombre exact de personnes « en mal de toit » pour reprendre le titre du livre que M. Pierre-André Périssol avait consacré à ce sujet ( ( * )2) avant son entrée en fonctions. Les chiffres les plus communément cités sont ceux d'une enquête réalisée en 1990 par le Bureau d'information et de prévision économique. Celle-ci recense 202.000 personnes sans abri (soit 147.000 équivalents logement) auquel il convient d'ajouter 470.000 occupants de logements dits de substitution (soit 304.000 équivalents logement) et, environ, 864.000 logements mobiles ou hors normes, pour parvenir à une estimation de 1.315.000 logements manquants pour les personnes mal logées ou sans abri sur la France entière.

Il reste que ces chiffres datent de 1990 et les principales associations caritatives font état d'une aggravation du phénomène sur le terrain au cours de ces dernières années sans que l'on dispose de statistiques d'ensemble prévues sur le sujet.

A cet égard, l'avis sur la grande pauvreté ( ( * )2) présenté en juillet 1995 par Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz devant le Conseil Économique et social présente les résultats d'une enquête menée par le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC) auprès de 754 personnes pour lesquelles existait une présomption de pauvreté :plus de la moitié des personnes interrogées est sans abri, hébergée ou mal logée (garnis ou habitations de fortune) ; les trois-quarts de ces personnes vivent en habitation de fortune (communes) depuis plus d'un an.

LES « SANS ABRI » ET LES « MAL-LOGES »

En tout état de cause, l'occupation d'un immeuble, rue du Dragon à Paris, appartenant à la société COGEDIM, le 18 décembre 1994 par l'association « Droit au logement » la rencontre de l'abbé Pierre le même jour par Édouard Balladur, Premier Ministre, et la décision prise le 19 décembre par M. Jacques Chirac, alors maire de Paris, de demander la réquisition de 48 logements inoccupés dans le cadre de l'ordonnance de 1945, ont accentué la prise de conscience par l'opinion publique de l'urgence et de la complexité de la situation.

B. LE PLAN D'URGENCE DECIDE PAR LE GOUVERNEMENT

Dans sa déclaration de politique générale du 23 mai dernier, M. Alain Juppé, Premier ministre, a déclaré que « pour remédier aux détresses les plus immédiates, 10.000 logements d'extrême urgence devront être créés dans les plus brefs délais, avec pour objectif d'être prêts cet hiver ». Par ailleurs, il a précisé que le Gouvernement lancerait en 1995 un programme de 10.000 logements d'insertion supplémentaires. Ces objectifs sont repris, au demeurant, dans la lettre de mission envoyée par le Premier Ministre à M. Pierre-André Périssol le 6 juin dernier.

La loi de finances rectificative pour 1995 du 4 août dernier assure la traduction financière du plan d'urgence pour les plus démunis toujours en cours de réalisation. Les moyens du plan d'urgence représentent au total un montant de crédits de 1.300 millions de francs qui se répartissent entre des aides à la pierre pour 90 % et des aides à la personne à hauteur de 10 %.

L'objectif du Gouvernement est ambitieux puisqu'il s'agit bien, à travers la réalisation de ces nouveaux logements, d'apporter une réponse adaptée et durable à des situations humaines et sociales très dégradées.

Les intentions du Gouvernement sont claires : M. Alain Juppé ( ( * )4) a déclaré qu'il ne s'agissait « en aucun cas de réaliser de nouveaux ghettos » et M. Pierre-André Périssol ( ( * )5) a souligné qu'il ne voulait pas « créer quoi que ce soit qui rappelle de près ou de loin les cités d'urgence ».

Bien au contraire, l'accès au logement d'urgence doit être « le premier pas » qui permette aux plus défavorisés de s'insérer dans un parcours résidentiel.

1. Des objectifs ambitieux

La circulaire interministérielle du 28 juin 1995 relative au programme exceptionnel de logements d'urgence, a précisé aux préfectures les objectifs à promouvoir. Deux principes doivent être respectés :

- d'une part, assurer une bonne intégration des logements d'urgence et d'insertion dans l'environnement urbain en favorisant des projets aux dimensions restreintes et implantés de façon diffuse : c'est donc une répartition disséminée des logements dans le tissu urbain qui est préconisée en vue d'éviter un regroupement des ménages en grande difficulté en un même lieu. Cela va de pair avec l'accent mis sur la réhabilitation de l'habitat ancien dans le cadre des opérations de l'Agence Nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH).

Il est à noter que la circulaire du 28 juin 1995 précitée a précisé le contenu de la notion de logements d'extrême urgence : ils sont destinés à l'accueil temporaire de personnes se trouvant, ou menacées de se trouver, à la rue, quelles qu'en soient les raisons (SDF, jeunes en errance, familles expulsées, femmes seules avec enfant...), dans l'attente d'une solution de logement ordinaire ou de logement d'insertion. Le plan d'urgence prévoit également la possibilité de financer la rénovation ou la création des places de structure d'hébergement collectif, notamment dans les CHRS, même s'il s'agit en priorité de fournir une offre alternative à l'hébergement collectif pour certains types de ménage tels que les familles avec enfant.

- D'autre part, accompagner la création des nouveaux locaux d'un volet d'accompagnement social des personnes démunies à l'aide d'associations spécialisées capables d'évaluer les situations individuelles ou familiales et d'apporter le soutien sanitaire et social adéquat.

Dès le stade de la conception d'une opération, l'accompagnement social doit être prévu et se décliner de plusieurs manières afin de s'adapter aux besoins des personnes concernées : aide aux démarches administratives dont l'ouverture et le maintien de droits sociaux, action éducative budgétaire du ménage, actions visant à favoriser l'intégration dans le quartier et amélioration de l'accès aux soins.

10 % de l'enveloppe financière du plan d'urgence sont consacrés à ce volet social qui doit donner lieu à la conclusion de conventions d'accompagnement avec les organismes bailleurs ou les associations spécialisées ou caritatives, locales ou nationales.

2. Des procédures innovantes

Pour gagner son pari, le Gouvernement a dû se doter de structures administratives spécifiques et n'a pas hésité à recourir au procédé de la réquisition.


• Ainsi, la circulaire du 28 juin 1995 met-elle en place une architecture nouvelle pour agir sur le plan opérationnel.

Des chefs de projets départementaux pour le logement des plus démunis ont été nommés par chaque préfet de département. Ils sont chargés notamment de collecter et de centraliser les informations sur les opportunités immobilières et foncières disponibles, ainsi que d'animer et de coordonner la mise en place du plan à l'aide du comité de pilotage départemental réunissant les services de l'État concernés, les collectivités locales, les bailleurs et les associations. Au niveau central, la Mission nationale pour le logement des plus démunis assure la coordination sur le plan national et répond aux questions techniques ou juridiques posées par les intervenants locaux. Ces structures administratives souples, légères et innovantes semblent faire preuve d'une réelle efficacité.

Ce dispositif conduit à une intervention plus poussée de l'État dans le respect des lois de décentralisation.

La circulaire du 28 juin 1995 précitée dispose qu'il appartient au préfet du département d'arrêter la répartition des objectifs de création de logements entre les communes, après concertation avec l'association des maires du département, en fonction de la géographie des besoins recensés et des dispositifs existants. Il est demandé également aux préfets d'assurer « le suivi du respect de leurs objectifs par les communes et les opérateurs » et dans les cas de non-respect, notamment en cas de refus de permis de construire, de rappeler leurs responsabilités aux responsables concernés.


• Au titre des procédures inhabituelles, il faut également citer le recours aux réquisitions : le 28 août dernier, le ministre du logement a annoncé que la procédure de réquisition d'immeubles vides prévue par l'ordonnance de 1945 et qui était demeurée inutilisée depuis le milieu des années 70 serait utilisée pour assurer la mise à disposition de l'équivalent de 500 logements pour le plan d'urgence.

Au 28 septembre, 19 immeubles étaient en cours de réquisition à Paris à ce titre.

3. Des résultats intéressants

Il semble que le Gouvernement soit en passe de gagner le pari qu'il avait lancé en matière d'ouverture de 10.000 logements d'urgence.

Le 18 septembre, M. Pierre-André Périssol a annoncé que moins de quatre mois après le lancement du plan d'urgence, 83 % de l'objectif est d'ores et déjà en voie d'être atteint.

12.000 opportunités immobilières ont été recensées et 8.268 opérations ont été engagées ou étaient sur le point de l'être (acquisitions foncières ; travaux à l'étude, en cours ou achevés ; réquisitions). 2.995 de ces logements sont situés en région d'Île-de-France.

DIVERSITE DES OPERATIONS LANCEES AU TITRE DU PLAN D'URGENCE


• 420 logements sont recensés en Île-de-France dans le patrimoine domanial des grandes entreprises publiques (immeubles de bureaux, foyers, gares, pavillons...) ;


• 400 logements vacants seront remis en location après réhabilitation sur primes de l'ANAH et 700 logements réhabilités sur financement de l'ANAH dans le cadre des « programmes sociaux thématiques » (PST-Démunis) ;

ï 19 immeubles sont en cours de réquisition à Paris ;


• des protocoles d'accord ont été passés entre le ministère du Logement et des entreprises du bâtiment : Bouygues (1.000 logements), SGE et Phénix CIP (2.000 logements dont 900 livrables avant le 15 décembre), Lyonnaise des eaux (expertise pour 1.000 logements), Fédération française des tuiles et briques (dons de matériaux pour 200 logements).


• une convention a été conçue avec la Fondation Raoul Follereau (réalisation de 300 logements en zone urbaine et semi rurale).

Bien entendu, ces logements trouveront leur place dans l'amélioration des moyens mis à la disposition de la campagne hivernale 1995-1996 pour l'accueil et l'hébergement des sans abri.

Le Gouvernement a rappelé que 48.500 places étaient disponibles pour l'hiver 1994-1995 et envisage d'y ajouter, en 1995 et 1996, près de 14.000 lits dont 10.000 logements d'extrême urgence et 7.000 places en CHRS (500 places créées en 1995 et 500 en 1996) et 3.000 places supplémentaires en hébergement d'urgence disponibles en fonction des besoins et des conditions climatiques.

C. UNE MOBILISATION BUDGETAIRE DIVERSIFIEE

Pour faire face à ses engagements, le Gouvernement n'a pas réformé les instruments à sa disposition mais a mobilisé l'ensemble des moyens budgétaires existants, qu'il s'agisse d'aides à la pierre ou d'aides à la personne.

a) Les PLA-très sociaux

Les prêts locatifs aidés à financement très social (PLA-TS) ont bénéficié, dans le cadre du collectif du 4 août dernier, de l'inscription de 465 millions de francs supplémentaires correspondant en volume au financement de 10.000 logements indépendants ou de résidences sociales (logements-foyers) supplémentaires par rapport aux 10.000 prévus en loi de finances initiale.

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Les PLA-TS, réservés dans un premier temps aux opérations d'acquisitions avec ou sans travaux (PLA-insertion), ont été étendus par le décret n° 94-549 du 30 juin 1994 à la construction de logements neufs ainsi qu'aux logements ou immeubles cédés à bail emphytéotique et aux opérations d'acquisition et de travaux permettant de transformer en logements des locaux initialement affectés à un autre usage. Le taux majoré de subvention de l'État est de 20 % mais peut être porté jusqu'à 25 % par dérogation préfectorale.

Les plafonds de revenus des locataires en PLA-TS sont inférieurs de 60 % au plafond de ressources pour l'accès en HLM et les plafonds de loyer correspondent à 80 % du plafond PLA traditionnel.

Il est à noter que le projet de budget pour 1996 reconduit le principe du financement de 20.000 PLA-TS en année pleine sur la « ligne fongible ».

La consommation de PLA-TS, relativement décevante en 1993 (6.908 logements financés correspondant à 426,4 millions de francs de subventions consommées en PLA-I), a porté en 1994 sur 11.078 logements financés. Ce chiffre devrait être en nette amélioration en 1995, le ministère du logement estimant que le nombre de logements financés devrait tendre vers 20.000 logements.

b) Les crédits relatifs à l'hébergement d'urgence

Les crédits d'urgence destinés à subventionner la réalisation d'opérations d'hébergement d'urgence et de logement temporaire ont été revalorisés de 400 millions de francs de crédits déconcentrés dans le collectif. Ces crédits ont été fixés à 100 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 1996.

Cette ligne d'urgence instituée au sein de la « ligne fongible » par la loi du 22 juin 1993 portant loi de finances rectificative pour 1993, avec une dotation initiale de 100 millions de francs, permet de subventionner, au taux maximum de 50 %, les opérations d'hébergement d'urgence et de logement temporaire ayant pour maître d'oeuvre les organismes d'HLM, les SEM, les collectivités locales et leurs groupements, les CCAS, les organismes de droit privé à vocation sociale (SONACOTRA) et les associations oeuvrant dans le domaine de l'insertion par le logement. Il s'agit généralement d'opérations difficilement ou non finançables en PLATS, mais éligibles dans les conditions de droit commun à l'allocation logement.

LES OPERATIONS RÉALISÉES SUR LA « LIGNE D'URGENCE »

Depuis juin 1993, 333 opérations ont été financées sur la « ligne d'urgence » dans 75 départements sur 100 et ont permis la création de 4.812 places ou logements supplémentaires (1.891 en Île-de-France et 2.921 en Province) ; le taux moyen de subvention est de 39 % (37 % en Ile de France et 43 % en province).

Le coût moyen par logement ou place est de 81.164 francs. Il s'agit à 43 % de la création de structures d'accueil d'urgence (centre d'hébergement, foyers, résidences ou hôtels sociaux). 57 % des opérations sont réalisées par des associations et 31 % par des collectivités territoriales ou des centres communaux d'aide sociale.

c) Une orientation nouvelle donnée à l'Agence Nationale pour l'Amélioration de l'Habitat (ANAH)

L'ANAH accorde des subventions aux propriétaires bailleurs qui effectuent des travaux et qui s'engagent à louer leur résidence pendant dix ans à un locataire qui souhaite en faire sa résidence principale.

Dès le collectif d'août 1995, l'ANAH a fait l'objet d'une rallonge de

591 millions de francs ( ( * )6) , dont 303 millions de francs spécialement destinés à compléter les incitations existantes pour la remise sur le marché des logements vacants en faveur des plus défavorisés.

L'ANAH joue un rôle de plus en plus actif pour développer une offre nouvelle de logements locatifs à vocation sociale. Ainsi, le conseil d'administration de l'ANAH du 11 juillet 1995 a prévu diverses mesures tendant à majorer la subvention versée lorsque le propriétaire privé réalise des travaux d'amélioration ou de réhabilitation dans des logements conventionnés en particulier lorsqu'ils sont inoccupés.

Votre rapporteur a relevé toutefois qu'en 1996, les crédits de l'ANAH sont portés à 2.250 millions de francs, en autorisations de programme, soit une baisse de 11 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1995.

Cette diminution est regrettable car l'ANAH joue un rôle important en matière d'amélioration du parc privé notamment au titre des opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH) particulièrement importantes en milieu rural.

En outre, il convient de ne pas oublier que l'ANAH a été créée en même temps que le produit de la taxe additionnelle au droit de bail (TADB), reversée au budget général ; il importe que le montant de la subvention d'investissement prévu pour l'ANAH ne soit pas progressivement « déconnecté » de l'évolution du projet de la TADB. Le gouvernement fait valoir que, depuis 1988, date de la budgétisation de l'ANAH, 16,3 milliards de francs ont été attribués à l'ANAH tandis que sur la même période les recettes de la TADB se sont élevées à 16,2 milliards de francs.

Il reste que dans les années récentes le décalage s'est accentué entre le produit de la TADB et la subvention d'État à l'ANAH et il sera important de veiller à ce que ce « mouvement de ciseaux » n'aille pas en s'aggravant.

LOGEMENTS VACANTS : DES SUBVENTIONS MAJOREES POUR LES REMISES EN LOCATION

A la demande du Gouvernement, l'Agence Nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) a majoré plusieurs de ses subventions pour travaux. Elles sont destinées aux propriétaires privés remettant sur le marché un logement vacant pour le louer à des personnes défavorisées. Trois cas sont envisagés :


• Le propriétaire réalise des travaux d'amélioration dans un logement pour le louer à un prix conventionné, dans le cadre d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat (OPAH). La subvention (35 % à 50 % du montant des travaux) qui lui est versée s'il le loue à une personne bénéficiant de l'aide personnelle au logement (APL) est augmentée d'un montant forfaitaire de 20.000 F. Le logement doit être inoccupé depuis le 1er juillet 1994 et le coût des travaux doit s'élever à 100.000 F minimum.


• Le propriétaire fait appel à une association pour remettre en état et louer le logement, l'organisme prenant en charge le versement du loyer. La subvention actuelle pour les légers travaux de remise aux normes (70 % de la dépense, dans la limite de 40.000 F) est alors complétée par une prime forfaitaire de 10.000 F. Le logement doit être inoccupé depuis le 1er juin 1995.


• Le propriétaire réhabilite un logement pour le louer dans le cadre d'un programme social thématique (PST). En plus des subventions majorées de l'ANAH (jusqu'à 70 % du montant des travaux), il bénéficiera d'une prime de 20.000 F. Le PST permet de réhabiliter le parc privé pour l'accueil de populations défavorisées, dans le cadre d'une convention État- ANAH-collectivité locale.

S'agissant encore du secteur de la réhabilitation, votre rapporteur a noté avec satisfaction qu'en revanche, les crédits de la prime à l'amélioration de l'habitat demeuraient fixés à 600 millions de francs.

Ces primes destinées aux propriétaires occupants dont les niveaux de ressources sont modestes et qui souhaitent améliorer le niveau de confort de leur logement, bénéficient en particulier aux ménages installés dans des communes de moins de 2.000 habitants. Le maintien à un bon niveau témoigne du souci du Gouvernement de prendre en compte la longueur des listes d'attente pour la PAH dans de nombreux départements.

d) Le volet d'accompagnement social du plan : les fonds de solidarité logement

L'aide relative à l'accompagnement social des locataires de logement d'urgence ou d'insertion passe essentiellement par les Fonds de solidarité logement. Ces fonds qui sont financés -il faut le rappeler- à égalité par l'État et les conseils généraux, ont une compétence très large puisqu'ils accordent des aides destinées aussi bien à permettre l'accès au logement de publics précaires qu'à favoriser le maintien dans les lieux ou à subventionner les associations spécialisées en matière d'hébergement d'urgence.

Les FSL rendus obligatoires par la loi du 31 mai 1990 ont fait l'objet d'une signature de convention dans tous les départements. Les fonds sont financés, outre la dotation d'État, par les départements, à même hauteur que la dotation de l'État, ainsi que par les caisses d'allocations familiales (59 millions de francs en 1994 soit 10,6 % des dotations), les organismes d'HLM (40 MF soit 6,8 % des dotations) et les communes (30,6 millions de francs en 1994 soit 5,5 % des dotations). Il convient pour être complet d'ajouter les organismes collecteurs du « 1 % logement » et les caisses de mutualité sociale agricole.

En 1994, sur un montant total de dépenses de 845 millions de francs, 765 millions de francs ont été consacrés :

- à l'aide au maintien dans les lieux (338 millions de francs soit 44 % des aides) ;

- à l'aide à l'accès (247 MF soit 32,3 % des aides) ;

- aux missions d'accompagnement social lié au logement (147 millions de francs soit 19,2 % des aides) par l'intermédiaire des baux leur sous des associations.

53.800 ménages ont bénéficié d'une aide au maintien d'un montant moyen de 6.360 francs et 88.100 ménages ont obtenu une aide à l'accès d'un montant moyen de 3.060 francs.

Fixé à 220 millions de francs en loi de finances initiale pour 1995, la dotation de l'État aux FSL a été revalorisée de 110 millions de francs dans le collectif. La dotation dans le projet de budget pour 1996 a été fixée à 250 millions de francs.

D. LES OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION

S'agissant de ce volet, on regrettera peut-être, sur le plan strictement budgétaire, que les dotations de l'ANAH et celles des FSL aient été fixées au plus juste, c'est-à-dire en léger recul au regard notamment du niveau résultant du collectif budgétaire.

En-dehors de cet aspect financier, qu'il soit permis à votre commission d'émettre un voeu et de formuler une recommandation :

- un voeu tout d'abord : sur un plan qualitatif, il est clair que le succès du plan d'urgence se mesurera à la réussite du rétablissement d'un véritable parcours d'insertion résidentiel : l'objectif devrait être de ne donner qu'un caractère transitoire au passage dans les locaux d'accueil d'extrême urgence, sans quoi l'on risquerait de créer des facteurs d'exclusion supplémentaire.

Les ménages en situation de dérive sociale accueillie dans ces locaux, destinés à répondre aux détresses les plus immédiates, doivent avoir vocation à intégrer dans un délai normal, soit un logement d'insertion, soit un logement HLM. Si le passage dans un local d'urgence n'était pas transitoire, la rotation dans ces sites se trouverait rapidement freinée et c'est toute la logique d'insertion qui s'en trouverait durablement affaiblie.

- une recommandation ensuite : des encouragements devraient être donnés pour éviter les phénomènes de vacance dans le parc privé, phénomène sur lequel il faudrait disposer d'éléments d'analyse plus précis.

En effet, selon l'enquête générale réalisée par l'INSEE lors du recensement de 1990, 1.895.000 logements seraient vacants sur la France entière, soit 7,2 % du parc et le nombre de ces logements atteindrait 311.494 en Île-de-France soit 6,6 % des logements franciliens. Toujours selon l'INSEE, les 118.000 logements vacants parisiens représenteraient 9,1 % du parc parisien.

Il est à noter que les sources ne sont pas toujours concordantes : pour la seule ville de Paris, le fichier EDF des logements vacants depuis moins de trois ans fait ressortir 78.000 logements inoccupés tandis que le fichier de la taxe d'habitation fait apparaître 142.000 vacances.

Encore, faut-il noter que la notion de vacance mériterait souvent d'être explicitée puisqu'elle peut correspondre à un délai normal entre deux locataires ou encore à la nécessité d'effectuer des travaux avant de relouer. Mais il peut s'agir aussi d'une vacance à caractère géographique dans les zones où la demande locative est faible, d'une vacance de vétusté lorsqu'il s'agit d'un logement qui n'est pas en état d'être mis sur le marché, ou encore d'une vacance de sécurité lorsqu'une personne âgée laisse vide un appartement afin de le maintenir disponible pour ses enfants.

Il conviendrait d'affiner les analyses dont on dispose sur le phénomène de la vacance. Ceci permettrait sans doute de mettre en place des dispositifs incitatifs innovants à l'image de celui qui a été mis en place dans la région d'Île-de-France en 1995. Le Conseil régional attribue une prime de 10.000 francs à tout propriétaire bailleur possédant au moins trois logements locatifs qui accepte de louer un logement de plus de 20 mètres carrés vacant depuis au moins le 31 décembre 1993.

* (2) En mal de toit - Pierre-André Périssol - Paris, l'Archipel, 1995.

* (2) Evaluation des politiques publiques de lutte contre la grande pauvreté - Avis présenté par Mme Geneviève de GAULLE-ANTHONIOZ - séances des 11 et 12 juillet 1995

* (4) Déclaration de politique générale du Premier ministre

* (5) Entretien donné au journal « Libération », 10-11 juin 1995

* (6) Il est à noter toutefois que l'ANAH avait fait précédemment l'objet d'une mesure de redéploiement de crédits à hauteur de 575 millions de francs ; en définitive les crédits se sont établis à 2.476 MF en AP pour 1995.

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