B. GRANDES INSTITUTIONS CULTURELLES : LE COÛT DE L'EXEMPLARITÉ
Les grands travaux qui s'achèvent ont doté la France d'institutions culturelles de référence : Opéra national de Paris, Grand Louvre modernisé Bibliothèque nationale de France, Cité de la musique, Cité des sciences et de l'industrie 20 ( * ) , auxquelles s'ajouteront, au tournant du prochain millénaire, le centre national d'art et de culture Georges Pompidou rénové et le musée des civilisations et des arts premiers, dont le chef de l'État a annoncé la création au Palais du Trocadéro.
Chacune de ces institutions doit, dans le domaine qui lui est propre, jouer un rôle exemplaire, servant à la fois de « locomotive » à l'égard de la vie artistique et culturelle française et de vitrine pour le rayonnement culturel international de la France.
La quête de l'exemplarité a un coût que les autorités de tutelle, préoccupées par la compression des dépenses budgétaires et par le rééquilibrage des interventions culturelles de l'État en faveur de la province, paraissent aujourd'hui éludé.
Comme le soulignait l'an passé votre rapporteur, « parce que ces institutions sont neuves, ou que leur rénovation a mobilisé d'importants crédits d'investissement, le sentiment généralement partagé à leur endroit est celui du devoir accompli » .
1. Doter les grandes institutions culturelles des moyens nécessaires à leur fonctionnement
• Imagine-t-on quel effet désastreux aurait
sur l'opinion publique la fermeture, quelques jours seulement après leur
réouverture en décembre 1997, des départements des
antiquités égyptiennes et des antiquités grecques,
étrusques et romaines ou de la Grande galerie du département des
peintures du musée du Louvre ?
C'est pourtant le risque qu'encourent les autorités de tutelle en refusant de doter cet établissement des personnels, de surveillance notamment, qui lui permettront de faire face à l'augmentation des surfaces d'exposition et à l'ouverture d'une seconde entrée pour le public, porte des Lions.
Certes, en 1997, et pendant toute la durée de réinstallation des oeuvres (six à huit mois), le Louvre pourra pallier cette insuffisance en augmentant ses effectifs de personnels vacataires. Cette solution présente cependant deux inconvénients. Elle concourra tout d'abord à accroître la proportion de surveillants vacataires, qui oscille actuellement entre 30 et 35 % des personnels en salle et atteint même 50 % de ceux-ci durant la période estivale, au détriment inévitable de la sécurité des oeuvres. Elle se révèle par ailleurs coûteuse, puisqu'elle expose l'établissement public à devoir verser, à l'expiration de contrats d'une durée maximale de neuf mois, d'importantes indemnités aux vacataires qui ne retrouveraient pas immédiatement un emploi.
Votre rapporteur réclame en tout état de cause que les 150 emplois de personnels de surveillance nécessaires à l'ouverture des nouvelles salles puissent être inscrits au projet de loi de finances pour 1998.
L'investissement consenti pour faire du Louvre le plus grand musée du monde ne saurait être justifié aux yeux des contribuables si les visiteurs devaient se heurter, à l'expiration du programme de réaménagement des collections, à des salles fermées pour raison de sécurité.
• A un mois de l'ouverture du département
« grand public » de la
Bibliothèque
nationale de France,
l'on ne dispose toujours pas d'indications
fiables sur les horaires d'ouverture du site de Tolbiac ni sur le budget
prévisionnel de fonctionnement de l'établissement en vitesse de
croisière.
D'après les informations communiquées à votre rapporteur, il semble que l'on ait aujourd'hui renoncé à ouvrir la bibliothèque au public le dimanche, alors que cette hypothèse était encore généralement admise lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1996.
L'on s'orienterait par ailleurs vers la perception d'un droit d'entrée à la bibliothèque de France, ce qui ne paraît pas totalement incongru mais impose de rester prudent dans la détermination des tarifs. L'expérience du Louvre, dont les tarifs ont augmenté le 1er janvier 1996 21 ( * ) , tend à révéler l'existence d'un seuil au-delà duquel la perception du droit d'entrée constitue un obstacle à la visite. Outre l'érosion continue du nombre de visiteurs enregistrés, les statistiques d'entrées révèlent un déplacement très net de la fréquentation du musée, du matin vers l'après-midi, que pourrait expliquer l'application d'un tarif réduit aux visites effectuées après 15 heures.
Un rapport d'enquête élaboré conjointement par l'inspection générale des finances et l'inspection générale de l'administration du ministère de la culture confirmait, en janvier 1996, que le coût de fonctionnement de la Bibliothèque nationale de France s'établirait, selon le scénario retenu par les autorités de tutelle, entre un milliard de francs (correspondant à une hypothèse volontariste de maîtrise des coûts) et 1,3 milliard de francs.
Les arbitrages définitifs n'ont toujours pas été rendus par le Gouvernement.
Le souci de contenir au maximum le coût de cet établissement pour la collectivité a toutefois conduit dès cette année à prendre des décisions dictées exclusivement par des considérations financières, et dont certaines peuvent paraître regrettables. Parmi celles-ci, la décision portant sur le déménagement de la bibliothèque de l'Arsenal et l'installation des archives du Quai d'Orsay dans les locaux qu'elle occupait depuis le XVIIe siècle rue de Sully, annoncée par le Premier ministre le 12 août dernier, et qui fait peser une menace de dislocation sur le fonds exceptionnel d'ouvrages et de manuscrits constitué par sédimentations successives à partir des collections du Duc de Paulmy.
Quoiqu'il en soit, un effort important devra être réalisé pour doter la Bibliothèque nationale de France, dans l'intervalle qui la sépare de l'ouverture des espaces réservés aux chercheurs, envisagée pour l'été ou l'automne 1998, des moyens en personnels nécessaires pour assurer son fonctionnement. A cet égard, l'on notera qu'aucune création de poste n'est prévue à cet effet en 1997 et qu'à la date du 1er octobre, 380 postes seulement sur les 550 créations d'emplois inscrites en loi de finances pour 1996 avaient été effectivement pourvus.
* 20 rattachée au ministère de la culture depuis le 1er janvier 1996.
* 21 Passant de 40 à 45 francs pour le tarif normal et de 20 à 26 francs pour le tarif réduit.