Avis n° 87 (1996-1997) de M. Marcel VIDAL , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 28 novembre 1996
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INTRODUCTION
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I. UNE AMÉLIORATION RELATIVE DE LA SITUATION
DU CINÉMA FRANÇAIS
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II. LE BUDGET DU CINÉMA POUR 1997
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A. LES CRÉDITS DU CINÉMA INSCRITS DANS
LE PROJET DE LOI DE FINANCES
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B. LES CONSÉQUENCES DE L'AMENDEMENT
MODIFIANT LE RÉGIME FISCAL DES SOFICA ADOPTÉ PAR
L'ASSEMBLÉE NATIONALE
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1. Une remise en cause du mécanisme des
SOFICA
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2. Un dispositif de soutien au cinéma
français qui a fait la preuve de son efficacité
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3. La suppression de fait du mécanisme des
SOFICA ne serait pas sans conséquence sur la structure du financement et
la nature de la production cinématographique française
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1. Une remise en cause du mécanisme des
SOFICA
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A. LES CRÉDITS DU CINÉMA INSCRITS DANS
LE PROJET DE LOI DE FINANCES
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III. LES ENJEUX DE LA POLITIQUE FRANÇAISE DE
SOUTIEN À L'INDUSTRIE CINÉMATOGRAPHIQUE
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I. LES CRÉDITS AFFECTÉS AU SECTEUR
PUBLIC DRAMATIQUE SONT GLOBALEMENT RECONDUITS
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II. LES MOYENS DE LA POLITIQUE DE SOUTIEN À
LA CRÉATION ET À LA DÉCOUVERTE DE NOUVEAUX TALENTS SERONT
MAINTENUS
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I. UNE AMÉLIORATION RELATIVE DE LA SITUATION
DU CINÉMA FRANÇAIS
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EXAMEN EN COMMISSION
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AMENDEMENT PRÉSENTÉ PAR LA COMMISSION
DES AFFAIRES CULTURELLES
N° 87
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1996.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires culturelles sur le projet de loi de finances pour 1997, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME II
CINÉMA - THÉÂTRE DRAMATIQUE
Par M. Marcel VIDAL,
Sénateur.
1 Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président; Pierre Laffitte, Albert Vecten, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Ivan Renar, vice-présidents; André Egu, Alain Dufaut, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires; MM. Philippe Arnaud, Honoré Bailet, Jean Bernadaux, Jean Bernard, Jean-Pierre Camoin, Jean-Claude Carle, Robert Castaing, Marcel Charmant, Marcel Daunay, Jean Delaneau, André Diligent, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller, Alain Gérard, Pierre Jeambrun, Alain Joyandet, Philippe Labeyrie, Jean-Pierre Lafond, Henri Le Breton, Jacques Legendre, Guy Lemaire, François Lesein, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin, François Mathieu, Philippe Nachbar, Sosefo Makapé Papilio, Michel Pelchat, Louis Philibert, Jean-Marie Poirier, Guy Poirieux, Roger Quilliot, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Marcel Vidal, Henri Weber.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (10ème législ.) : 2993, 3030 à 3035 et TA. 590.
Sénat : 85 et 86 (annexe n° 9) (1996-1997).
Lois de finances.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
L'année 1995 a été pour le cinéma français un « bon millésime ».
Le nombre d'entrées en salles a connu un regain important, confirmant ainsi une reprise de la fréquentation sensible depuis quelques années.
Cette embellie a, en outre, particulièrement profité aux films français dont la part de marché a sensiblement augmenté pour atteindre 37,5 % des entrées.
Après des années de crise de la fréquentation, ces résultats portent certes à l'optimisme. Mais il faut rester vigilant. La santé de l'industrie cinématographique française est, en effet, fragile.
Pour maintenir un cinéma fort et diversifié, elle doit face à la concurrence des nouveaux services audiovisuels et à l'intégration toujours plus poussée des groupes de médias multinationaux, entreprendre un effort important de modernisation.
Les pouvoirs publics devront favoriser cette modernisation mais également en limiter les effets pervers pour préserver le pluralisme qui a fait la spécificité du cinéma français. Les crédits affectés au cinéma dans le projet de loi de finances pour 1997 concourent globalement à cet objectif.
Dans le domaine de l'art dramatique, la simple reconduction du soutien accordé aux établissements et scènes publiques, aux compagnies indépendantes et aux théâtres privés exigera de leur part un effort de rigueur et d'imagination pour conquérir de nouveaux publics et mener une politique ambitieuse de création.
PREMIÈRE PARTIE : LE CINÉMA |
I. UNE AMÉLIORATION RELATIVE DE LA SITUATION DU CINÉMA FRANÇAIS
Après plusieurs années d'une baisse importante et continue de la fréquentation liée en particulier à l'augmentation de l'offre de films sur le petit écran, le cinéma français a connu de 1989 à 1993 une stabilisation des entrées en salle. Depuis cette date, la fréquentation connaît une phase de croissance irrégulière mais sensible. Cette amélioration de la situation du cinéma français s'est en outre traduite en 1995 par une augmentation du nombre de films produits et un renouvellement accru de la production nationale.
La modernisation de l'industrie cinématographique qui semble aujourd'hui porter ses premiers fruits n'est cependant pas sans bouleverser l'économie du secteur. On peut se demander en particulier si elle permettra à l'avenir de préserver, en matière d'exploitation comme de production, la diversité qui a fait l'originalité du cinéma français. Aussi les évolutions en cours exigent-elles une attention particulière des pouvoirs publics et le maintien d'une politique volontariste de soutien à l'industrie cinématographique.
A. UN NOUVEL ÉQUILIBRE POUR L'EXPLOITATION
1. Une tendance confirmée à la reprise de la fréquentation
Avec 129,5 millions d'entrées comptabilisées par les exploitants, l'année 1995 confirme une tendance de fond depuis 1993 au redressement de la fréquentation. Si l'on excepte les performances exceptionnelles de 1993, essentiellement imputables au succès du film de Jean-Marie Poire, Les Visiteurs, c'est le meilleur résultat atteint depuis 1987.
Entre 1982 et 1992, le cinéma français a perdu plus de 40 % de ses spectateurs en salle, les entrées annuelles passant de 200,5 millions à 115,4 millions de spectateurs. Après les résultats spectaculaires de 1993 (132,7 millions de spectateurs) et le niveau honorable de 1994 (126,3 millions d'entrées), les résultats pour l'année 1995, en croissance de 4,1 % par rapport à l'année précédente, portent à l'optimisme et permettent d'espérer une reconquête progressive du public.
Cette embellie a en outre particulièrement profité aux films français. Après une année 1994 peu favorable, le public des films français 1 ( * ) augmente en 1995 de 30 %, soit 10 millions d'entrées de plus que l'année précédente, pour atteindre une part de marché de 35,4 % contre 27,8 % en 1994.
Ce rétablissement continue de se poursuivre en 1996 : au cours des cinq premiers mois, les entrées globales progressent de 6,1 % par rapport à la même période en 1995 ; avec 59,7 millions de spectateurs, il s'agit de la meilleure fréquentation observée depuis dix ans. Sur cette période, les films français enregistrent une part de marché de 42,1 %.
Les performances des films français en 1995 s'expliquent par le relatif succès d'une demi-douzaine de films qui ont dépassé les deux millions d'entrées tel qu'Un indien dans la ville, Les anges gardiens, Gazon maudit ou Le hussard sur le toit. La haine et Le bonheur est dans le pré dont le succès s'est prolongé en 1996, ont également conforté ces résultats.
Si ces succès sont la preuve du dynamisme de la production française et notamment des comédies françaises, il reste que le cinéma américain bénéficie toujours d'une position dominante. Sa part de marché régresse de 60 % à 54 % avec 70 millions d'entrées. Mais ces résultats restent cependant bien supérieurs à ce qu'ils étaient au début des années 80. A cette époque, les films américains ne rassemblaient qu'un tiers des spectateurs alors que les films nationaux attiraient encore près de la moitié du public.
RÉPARTITION DES ENTRÉES SELON LA NATIONALITÉ DES FILMS (1984-1995)
2. L'apparition de la nouvelle génération de salles multiplexes bouleverse le marché de l'exploitation
La modernisation des exploitations cinématographiques et la multiplication des salles multiplexes ont probablement contribué à la reprise de la fréquentation observée depuis 1992. Réciproquement, la stabilisation puis l'augmentation de la fréquentation favorisent le maintien d'un important parc de salles, facteur d'aménagement du territoire.
Toutefois, cet équilibre reste fragile. Soucieux des conséquences du développement des multiplexes tant sur la programmation des films français que sur l'équilibre entre le centre et la périphérie des villes, les pouvoirs publics ont adopté un dispositif encadrant la création de nouveaux multiplexes.
a) Le maintien d'un important parc de salles, facteur d'aménagement du territoire
Pour la deuxième année consécutive, le nombre de salles a augmenté. En 1995, 4.614 écrans ont été autorisés par le Centre national de la cinématographie (CNC), soit 200 de plus qu'en 1994 et 4.367 salles actives ont été recensées contre 4.295 en 1994. Après dix années de baisse continue du nombre des salles, qui est passé de près de 5.100 en 1983 à près de 4.400 salles autorisées en 1993, le secteur de l'exploitation fait donc preuve d'un nouveau dynamisme.
La répartition de ces salles sur le territoire reste inégale. La quasi-totalité des communes de plus de 50.000 habitants dispose d'au moins une salle de cinéma alors que seules 3 % des communes rurales de moins de 10.000 habitants sont équipées.
La France est cependant de loin le pays le mieux équipé d'Europe. D'après une étude récente du CNC, il y a près de huit salles pour 100.000 habitants contre six au Danemark, classé record dans l'Union européenne.
Ce résultat est la conséquence de plus de dix années de maintien de l'investissement des exploitants et du retour progressif des spectateurs. Il est également le fruit d'une politique volontariste de soutien à l'exploitation tant au niveau national qu'au niveau local.
Le secteur de l'exploitation bénéficie, en effet, au niveau national du soutien automatique généré par les recettes d'exploitation en salle, du soutien sélectif destiné notamment aux salles d' « art et essai » ainsi que de primes d'encouragement allouées aux exploitants pour des actions d'animation.
En 1997, cette politique de soutien à l'exploitation sera poursuivie. Les subventions et garanties de prêts à l'exploitation inscrites au compte de soutien bénéficieront d'un crédit de 630 millions de francs soit une augmentation de 12 millions de francs destinée à financer la hausse prévue du soutien automatique à l'exploitation (+ 7,06 millions de francs) et des mesures nouvelles au bénéfice des cinémas d' « art et d'essai » (+ 5 millions de francs).
Au niveau local, l'aide des collectivités locales a également joué un rôle important, en particulier dans les zones rurales, en maintenant en activité des salles de cinéma dont la rentabilité était affectée par la chute de la fréquentation.
De nombreuses collectivités locales ont ainsi repris directement ou indirectement l'exploitation des salles de cinéma menacées de fermeture. A côté de cette intervention directe dans la gestion des cinémas qui concerne plus de 20 % du parc national des salles, les collectivités interviennent à travers différents types d'aides : exonération partielle de la taxe professionnelle, organisation de manifestations, aide à une politique d'incitation tarifaire dans les salles visant des publics spécifiques, aide à la création ou à la modernisation des salles de cinéma en complémentarité avec les aides sélectives de l'Etat.
A côté et en complément de ces interventions ponctuelles, les collectivités sont également intervenues en faveur des salles dans le cadre d'un projet global de soutien à l'activité cinématographique faisant l'objet d'une convention passée avec le CNC ou, depuis la loi du 13 juillet 1992, par l'octroi de subventions aux exploitants privés.
Les conventions de développement cinématographique passées avec le CNC permettent de développer des actions de promotion du cinéma en période de faible fréquentation, de soutenir la diffusion du cinéma de qualité et de mettre en oeuvre des actions de sensibilisation auprès du public scolaire.
De juin 1989 à août 1996, 49 conventions ont été signées ainsi que 56 avenants, soit au total 105 accords contractuels conclus avec 113 collectivités territoriales. 9 autres textes conventionnels sont en cours de négociation et devraient être finalisés pendant le second semestre 1996. 33 nouveaux projets sont déjà à l'étude pour 1997.
Depuis son lancement, 30 millions de francs ont été consacrés à ce programme par le CNC. Les collectivités territoriales ont participé au moins à parité avec le CNC au financement des opérations prévues par les conventions.
Il est proposé de reconduire en 1997 les crédits ouverts en 1996, soit 6,5 millions de francs au total afin de poursuivre l'extension des conventions aux régions (9 régions sont déjà signataires) et aux regroupements intercommunaux.
Quant à la loi n° 92-651 du 13 juillet 1992, qui correspondait aux attentes des exploitants de salles de cinéma, elle bénéficie aux salles de cinéma qui effectuent moins de 2.200 entrées hebdomadaires. Elle permet aux collectivités locales concernées :
- de soutenir le fonctionnement d'une salle qui se trouverait dans une situation conjoncturelle difficile ou solliciterait une aide pour mener un travail de programmation ambitieux et mettre en oeuvre des activités d'animation en direction de publics spécifiques ou pendant certaines périodes de l'année, comme la période estivale ;
- de participer au financement de travaux de rénovation ou de modernisation des salles de cinéma, en complément des aides de l'Etat.
Cette loi complète donc le dispositif des aides publiques, en permettant aux collectivités d'intervenir financièrement pour assurer le maintien en activité des salles de cinéma privées, ou concourir à la modernisation qui en est souvent la condition. Elle a ouvert ainsi une alternative à la « municipalisation » des salles lorsqu'une aide partielle et temporaire de la collectivité peut permettre la poursuite de l'activité commerciale sur des bases économiques plus saines.
Il serait d'ailleurs souhaitable de pouvoir disposer d'un premier bilan de l'application de cette loi en 1996, après avoir recensé les premières décisions d'attribution de subventions prises par les collectivités au cours de l'année 1995 qui est en fait la première année de mise en oeuvre de cette disposition, compte tenu des délais malheureusement très longs de parution du décret d'application de la loi qui n'a été publié que le 31 décembre 1994.
L'évaluation de l'ensemble de ces dispositifs est d'autant plus importante qu'ils pourraient être sollicités pour pallier les éventuels déséquilibres que risque de susciter au sein du marché de l'exploitation le développement des multiplexes.
b) Le développement des multiplexes : un nouvel équilibre à trouver
Conséquence de plus de dix années de maintien de l'investissement des exploitants, avec le soutien de l'Etat, le retour des spectateurs dans les salles correspond à de nouvelles conditions d'exploitation des films. Après le passage de la salle unique aux multisalles, qui ont permis, dans des salles de faible capacité, d'offrir aux spectateurs un plus grand choix de films, on a vu se développer dans les années 80 un nouveau type d'établissements, plus confortables, dotés d'écrans plus larges. La dernière décennie est marquée par l'apparition des salles multiplexes, qui offre au public, outre un grand nombre d'écrans, une qualité technique de projection optimale ainsi que des salles et des espaces d'accueil vastes et confortables.
En août 1996, on recensait ainsi 16 multiplexes en activité d'une capacité de 2.000 places ou plus.
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Comme le montre le tableau ci-dessus, l'année 1995 marque une accélération sans précédent des créations de multiplexes dont on commence seulement à ressentir les conséquences.
Il est cependant encore trop tôt pour apprécier l'impact à moyen terme du développement des multiplexes sur l'économie globale du secteur cinématographique. Les premiers éléments d'évaluation laissent cependant présager une incidence positive sur la fréquentation globale mais également des difficultés pour les exploitants indépendants, le maintien de l'équilibre entre le centre et la périphérie des villes, la diversité et la qualité de la programmation.
Offrant un confort et une qualité de projection sans précédent, les nouveaux équipements contribuent en effet à attirer le public et à favoriser une certaine reprise de la fréquentation comme semblent le démontrer les chiffres nationaux et les expériences étrangères. On ne peut en effet qu'être frappé par la simultanéité entre la mise en place de ces nouvelles salles et la reprise de la fréquentation. Alors que les professionnels et les pouvoirs publics se sont efforcés depuis dix ans de définir une stratégie de relance de la fréquentation des salles, l'effet stimulant de ces multiplexes sur les spectateurs n'est pas à négliger. La fréquentation des salles conditionne en effet la vitalité et la spécificité du cinéma et contribue quelle que soit la programmation, à travers le compte de soutien, au financement de la production française.
Toutefois, ces conséquences positives pourraient à terme être remises en cause par les effets de la concurrence que livrent les multiplexes aux exploitants indépendants de la même zone d'implantation. Les créations de multiplexes à l'instigation des groupes nationaux Gaumont, Pathé et UGC peuvent certes drainer vers les salles de nouveaux spectateurs mais il paraît inévitable qu'elles détournent une partie de la clientèle des exploitants indépendants qui contribuent au pluralisme et à la qualité de la programmation.
Un développement non maîtrisé des multiplexes peut en outre affecter l'équilibre urbain entre la périphérie et le centre des villes. Il est vrai que pour l'instant, 9 des 16 multiplexes existants se sont implantés en centre-ville. Mais il existe un risque que ces nouvelles salles, qui pour des raisons de superficie et de stationnement privilégient naturellement les périphéries des villes nuisent au maintien des salles de quartier dans les centres-villes. Or ces salles jouent un rôle important d'animation culturelle et leur fermeture causerait un préjudice immédiat à la population locale.
Le développement des multiplexes a également suscité la crainte qu'il ne privilégie la programmation de films américains au détriment de films nationaux ou européens. Une étude récente du CNC constate en effet qu'un établissement doté d'une salle de cinéma consacrait en moyenne en 1995, 42,5 % de ses séances à des films européens contre 39,6 % dans les complexes munis de 14 écrans. Cependant, cet écart, au demeurant assez faible, pourrait refléter plutôt une différence entre genres de film (film grand public et films d'auteur) qu'entre nationalités. En outre, la multiplication des salles dans un même établissement permet aux exploitants de financer, grâce à la diffusion de films à succès, la présentation de films réservés à un public plus restreint et pourrait donc également favoriser le pluralisme et la diversité de l'offre de spectacles cinématographiques.
Ces interrogations et ces craintes ont légitimement suscité la volonté de maîtriser la multiplication de ces équipements et d'approfondir l'évaluation de leurs conséquences sur l'équilibre fragile de l'exploitation cinématographique.
Aussi la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat a-t-elle introduit dans la loi du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat dite loi Royer, un dispositif soumettant à autorisation des commissions départementales d'équipement cinématographique la création de complexes cinématographiques de plus de 1.500 places.
Ce dispositif reprend en l'adaptant les dispositions de la loi du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier qui devaient s'appliquer pour une période transitoire de 6 mois afin d'engager une évaluation approfondie des problèmes suscités par le développement des multiplexes. Il a donc mis fin avant son terme à cette période transitoire sans que le nouvel observatoire de la diffusion et de la fréquentation créé par le ministre de la culture à cet effet n'ait pu achever ses travaux.
L'article 36.1 nouveau de la loi Royer soumet à autorisation d'une commission départementale d'équipement cinématographique « la création d'un ensemble de salles de spectacles cinématographiques comportant plus de 1.500 places résultant soit d'une construction nouvelle soit de la transformation d'un immeuble existant. » L'extension des salles de cinéma est également soumise à autorisation à partir de 1.500 places sauf pour les salles en exploitation depuis plus de 5 ans dont le seuil est relevé à 2.000 places, cette dernière disposition visant à faciliter la modernisation des exploitations existantes en centre-ville.
La loi prévoit, en outre, que la commission départementale d'équipement cinématographique statue en prenant en considération les critères suivants :
« - l'offre et la demande globales de spectacles cinématographiques en salle dans la zone d'attraction concernée ;
« - la densité d'équipement en salles de spectacles cinématographiques dans cette zone ;
« - l'effet potentiel du projet sur la fréquentation cinématographique, sur les salles de spectacles de la zone d'attraction et sur l'équilibre souhaitable entre les différentes formes d'offre de spectacles cinématographiques en salles ;
« - la préservation d'une animation culturelle et économique suffisante de la vie urbaine et l'équilibre des agglomérations ;
« - les efforts d'équipement et de modernisation effectués dans la zone d'attraction et leur évolution récente, ainsi que les investissements de modernisation en cours de développement et l'impact du projet sur ces investissements. »
Soucieux de maintenir un juste équilibre entre les salles de quartiers indépendantes offrant des programmations de qualité et le développement d'équipements modernes susceptibles de favoriser la fréquentation, votre rapporteur s'est associé à cette démarche. Ce dispositif devrait en effet permettre de prendre en compte l'intérêt collectif de l'industrie cinématographique comme le respect des équilibres urbains mieux que ne peut le faire la simple logique du marché.
Ce dispositif a cependant suscité quelques réserves qui concernent il est vrai plus la forme que le fond. On a pu en effet regretter que ce sujet particulièrement important pour l'avenir du cinéma ait été discuté dans le cadre de la loi Royer comme si le septième art pouvait être assimilé à la grande distribution.
Il ne s'agit pas seulement d'une question de principe car la discussion ainsi engagée n'a pas toujours permis de prendre en compte les enjeux culturels et industriels propres au cinéma. En témoigne le fait que les commissions départementales d'équipement cinématographique ne comptent qu'un représentant du secteur cinématographique sur huit membres.
Aussi, faut-il espérer que la procédure d'instruction des demandes d'autorisation, qui devrait faire intervenir les directeurs des DRAC et les services du CNC, permette d'éclairer les commissions départementales d'équipement cinématographique sur les enjeux propres à l'industrie cinématographique.
Sur le fond, l'avenir dira si ce dispositif est suffisant pour maintenir la richesse et la diversité du parc de salles. Il faudra en tout cas veiller à ce qu'il ne conduise pas à freiner exagérément la modernisation des grandes salles de cinéma, sans pour autant atteindre son objectif qui est de préserver les salles de quartier.
La période transitoire prévue par la loi portant diverses mesures d'ordre économique et financier du 12 avril 1996 aurait pu permettre de réfléchir à la mise en place d'un dispositif de soutien aux salles de centre-ville. L'adoption de la loi du 5 juillet 1996 ne doit cependant pas mettre fin à la recherche de nouvelles solutions pour préserver les salles de quartier. Il serait par exemple envisageable d'affecter une partie des recettes du compte de soutien à un fonds spécifique de modernisation des salles de centre-ville qui serait géré par la commission d'aides sélectives à la création et à la modernisation des salles de cinéma, ou de renforcer le caractère redistributif du compte de soutien automatique ainsi que le montant de l'aide sélective en faveur des cinémas d'« art et d'essai ».
L'évolution du secteur de l'exploitation exigera donc un examen attentif. A cet égard, votre rapporteur se félicite de l'adoption, lors du débat sur la loi relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, d'un amendement présenté par M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles invitant le gouvernement à dresser chaque année un bilan du dispositif relatif aux équipements cinématographiques et à fournir cette année un rapport sur le développement des multiplexes.
Il convient en effet plus que jamais de poursuivre la réflexion sur l'évolution du secteur de l'exploitation qui constitue aux yeux de votre rapporteur une priorité car défendre la diversité du parc de salles, c'est préserver la spécificité du septième art comme spectacle en salle.
B. LA VITALITÉ DE LA PRODUCTION NATIONALE
L'année 1995 a également été une bonne année pour la production française qui a enregistré une hausse lui permettant de retrouver le niveau du début de la décennie et de favoriser un renouvellement important de la création puisqu'un film sur deux est un premier ou second film. En matière de financement, les tendances observées ces dernières années -accroissement de la part des chaînes de télévision et internationalisation de la production- se confirment.
1. Une augmentation du nombre de films produits
En 1995, 141 films ont reçu l'agrément d'investissement délivré par le Centre national de la cinématographie contre 115 films en 1994. Cette augmentation concerne aussi bien le nombre de films d'initiative française 2 ( * ) qui atteint 97 unités contre 89 en 1994 que les coproductions minoritaires françaises (32 unités contre 22 en 1994) ou les films ayant bénéficié de l'aide aux coproductions avec les pays d'Europe centrale et orientale.
Cette évolution se traduit par une augmentation de 17 % du volume global des investissements dans la production française, qui passe de 2,3 à 2,7 milliards de francs. Comme la croissance des investissements est plus forte que celle du nombre de films, le devis moyen unitaire augmente pour atteindre 28 millions de francs contre 26 millions de francs en 1994 confirmant une tendance de long terme à l'accroissement du budget des films.
Cette tendance se traduit aussi par l'augmentation de la part relative des films à budgets élevés ou très élevés (plus de 50 millions de francs) qui passe de 44 % à 51 %.
L'augmentation du coût moyen des films n'empêche cependant pas un renouvellement important de la production nationale : un film sur deux est un premier ou un second film. Le nombre de premiers films augmente sensiblement pour atteindre 33 unités (contre 22 en 1994) dont 60 % ont bénéficié de l'avance sur recettes.
2. La tendance au renforcement du rôle des chaînes de télévision et à l'internationalisation du financement de la production cinématographique se poursuit
a) L'évolution des sources de financement des films d'initiative française
Les principales évolutions qui ont marqué la structure du financement des oeuvres cinématographiques au cours de la décennie se sont poursuivies en 1995.
•
La marginalisation de l'apport des
distributeurs,
qui jouaient il y a une dizaine d'années un
rôle déterminant, se confirme. Leur contribution, consentie sous
forme « d'à valoir » sur les recettes
escomptées, ne représente plus que 4 % des investissements
totaux réalisés en 1995 contre 23,9 % en 1985 et une moyenne
de 5 à 6 % ces dernières années.
•
Le rôle déjà
prépondérant des chaînes de télévision
dans le financement de la production cinématographique continue
de s'accroître.
Leur participation au financement des films d'initiative française est passée de 10,1 % en 1986 (6,1 % sous forme de préachat de droits de diffusion et 4 % dans le cadre d'accords de coproduction) à 36,9 % en 1995 (30,1 % correspondant au préachat et 6,8 % à des coproductions), soit 3 % de plus qu'en 1994.
Près de 60 % des films d'initiative française sont ainsi coproduits ou préachetés par des chaînes en clair. Canal Plus a pour sa part contribué au financement de 80 % des films d'initiative française produits en 1995.
•
Les autres sources de financement du
cinéma
restent proportionnellement stables, comme l'indique le
tableau ci-après.
STRUCTURE DE FINANCEMENT DES FILMS D'INITIATIVE FRANÇAISE
(1986-1995)
- La participation des SOFICA s'est maintenu au même niveau que les années précédentes, soit 5 à 6 % du financement des films d'initiative française.
- L'apport des producteurs français a légèrement fléchi, passant de 29 % à 26 % du financement des films d'initiative française.
- La contribution du secteur vidéographique reste marginale, alors que son intervention est déterminante aux Etats-Unis.
- Les aides publiques à la production représentent au total un peu plus de 14 % du coût des films français. Près de la moitié des films d'initiative française ont bénéficié de l'avance sur recettes, qui couvre en moyenne 11,6 % du devis des films concernés. En outre l'avance sur recettes semble jouer un rôle de catalyseur lors du montage financier des films dans la mesure où la quasi-totalité des films bénéficiaires de l'avance font l'objet d'un préachat par une chaîne de télévision.
b) La tendance à l'internationalisation de la production française s'accroît
• En 1995, plus d'un film français sur deux
est une coproduction internationale. On recense en effet, dans la production
1995, 63 films intégralement français, 34 coproductions à
majorité française et 32 coproductions à majorité
étrangère. En outre 12 films ont bénéficié
de l'aide aux coproductions avec les pays d'Europe centrale et orientale.
Ainsi, les investissements français dans les films majoritairement étrangers ont progressé de 26 % par rapport à l'an dernier (192,1 millions en 1995 contre 142,1 millions en 1995). Les investissements des producteurs étrangers dans les films majoritairement français se sont également accrus : ils passent de 253,8 millions à 298 millions soit une augmentation de 15 %.
II. LE BUDGET DU CINÉMA POUR 1997
A. LES CRÉDITS DU CINÉMA INSCRITS DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES
Le budget du cinéma atteindra 1.526,3 millions de francs en 1997 en diminution de 2,7 % par rapport aux crédits inscrits dans la loi de finances initiale pour 1996. Sur ce total, 1.227,8 millions de francs sont issus des recettes de la section « cinéma » du compte de soutien financier de l'industrie cinématographique et de l'industrie des programmes audiovisuels (COSIP) et 298,6 millions de francs correspondent aux dotations budgétaires du ministère de la culture.
1. La section « cinéma » du compte de soutien de l'industrie cinématographique et audiovisuelle
a) Les recettes de la section « cinéma » du compte de soutien continuent de progresser
Estimé en recettes à 2.292,2 millions de francs, le COSIP connaît en 1996 une progression de 6,3 % qui s'inscrit dans le prolongement de la hausse des crédits redistribués au cinéma et à l'audiovisuel ces trois dernières années.
La section cinéma s'équilibre à 1.227,8 millions de francs en progression de 5,08 % sous l'effet conjugué de trois facteurs :
- une progression sensible (+ 9,7 %) des recettes des taxes et prélèvements opérés sur le chiffre d'affaires des sociétés de télévision au titre de la redevance, de la diffusion des messages publicitaires et des abonnements.
Cette estimation table sur une assiette de l'ordre de 30,8 milliards de francs qui comprend l'augmentation prévue des ressources des chaînes et l'extension de l'assiette de la taxe à l'ensemble des services de télévision, quel que soit leur mode de diffusion. Cette évolution, actuellement étudiée par le Gouvernement, serait donc la contrepartie de l'exemption définitive des câblo-opérateurs qui est actuellement limitée à 1998. Elle permettrait en outre de clarifier et d'harmoniser les modalités de prélèvement de cette taxe.
L'application du taux de pression fiscale moyen (5,5 %) donne un produit de 1,695 milliard de francs dont 38 % abonde la section cinéma, soit 644 millions de francs ;
- une augmentation de la taxe (+ 12,5 %) sur les encaissements réalisés par la commercialisation des vidéogrammes qui atteint 76,5 millions de francs ;
- la prévision de recettes pour la taxe additionnelle perçue sur le prix des places de cinéma (TSA) est reconduite au même niveau qu'en 1996, soit 502 millions de francs.
Les estimations retenues pour l'établissement du Compte 1997 (132 millions de spectateurs - 31,50 F de recette moyenne par spectateur hors TSA) apparaissent réalistes. La fréquentation des salles de cinéma, à la mi-année 1996, est en hausse par rapport à celle de l'année 1995. Le nombre d'entrées se situe à près de 50 millions, soit une augmentation de 2,4 % par rapport à 1995, et un niveau jamais atteint depuis dix ans.
En revanche, la dotation budgétaire de 26 millions de francs affectée à la section « cinéma » par la loi de finances pour 1995, qui avait été reconduite en 1996 afin de compenser la perte de recettes résultant pour le COSIP de l'exonération de taxe accordée durant trois exercices aux câblo-opérateurs, sera supprimée en 1997.
b) Les priorités du compte de soutien pour 1997
L'augmentation globale des crédits de 59,42 millions de francs sera consacrée à hauteur de 48,4 millions de francs à des mesures nouvelles destinées aux aides à l'industrie cinématographique, 11 millions de francs étant attribués aux frais de gestion du CNC en compensation de la diminution de la subvention de fonctionnement du CNC inscrite au titre III du ministère de la culture.
Les principales mesures nouvelles sont :
-
21 millions de francs
(16,9 % des
crédits) affectés
aux soutiens sélectifs à
la production.
Cette hausse bénéficiera d'une part
à l'avance sur recettes à laquelle seront affectés 6
millions de francs de crédits supplémentaires et pour laquelle il
est prévu une augmentation des remboursements de l'ordre de 10 millions
de francs et d'autre part à l'aide au
développement et
à une procédure d'aide directe à la production,
dotées de 15 millions de francs supplémentaires.
- 12,5 millions de francs destinés aux procédures d'aides automatiques à la distribution et à la production.
- 12,06 millions de francs, affectés au soutien à l'exploitation, afin d'aider, en particulier, les salles situées en centre-ville et soumises à la concurrence des multiplexes.
- 2,8 millions de francs destinés aux subventions et garanties de recettes qui permettront d'augmenter les crédits du soutien à l'exportation du cinéma français et d'accorder une subvention non reconductible de 4 millions de francs au festival de Cannes pour permettre les opérations exceptionnelles liées au cinquantenaire du festival.
Au total, hors frais de gestion du CNC, les interventions du compte de soutien en faveur du cinéma augmenteront donc de 4,14 %.
2. Les dotations budgétaires du ministère de la culture régressent sensiblement
Les crédits inscrits au budget du ministère de la culture en faveur du cinéma s'établiront à 298,5 millions de francs, soit une baisse de 25,6 % par rapport à la loi de finances pour l'année 1996.
La dotation de fonctionnement affectée au Centre national de la cinématographie baisse de plus de 50 % pour s'établir à 12,9 millions de francs. Cette diminution qui s'inscrit dans le cadre de l'effort de rigueur poursuivi par le Gouvernement sera entièrement compensée par un prélèvement à due concurrence sur le compte de soutien au titre des frais de gestion.
Les crédits d'intervention affectés au CNC pour le secteur cinématographique seront également réduits de 285,1 à 238,6 millions de francs, soit une baisse de 16,3 %.
Cette diminution inclut la suppression de la compensation de 26 millions de francs versée au Compte de soutien en contrepartie de l'exonération des câblo-opérateurs de la taxe sur les services de communication audiovisuelle.
En contrepartie, le Gouvernement s'est engagé à réformer l'assiette des taxes et prélèvements opérés sur les services de communication audiovisuelle. Cette réforme viserait à étendre la taxe à l'ensemble des services de télévisions diffusant des oeuvres éligibles au compte de soutien, y compris les services diffusés par satellite, et à assurer le recouvrement effectif de la taxe auprès des chaînes diffusées par câble.
Votre rapporteur souligne cependant que la suppression de la dotation de 26 millions sera d'effet immédiat alors qu'aucune disposition du projet de loi de finances ne prévoit l'extension de cette taxe. Il serait donc souhaitable que cette réforme, sans laquelle les prévisions de recettes de compte de soutien ne pourront se réaliser, figure dans la prochaine loi de finances rectificative.
En revanche, les crédits affectés à l'enseignement professionnel du cinéma à hauteur de 28,5 millions de francs resteront stables par rapport à la loi de finances pour l'année 1996.
Ainsi la subvention de fonctionnement de 26,5 millions de francs accordée à l'Institut de formation pour les métiers de l'image et du son (FEMIS) sera reconduite pour la troisième année consécutive. Cette école, installée provisoirement dans les anciens studios Pathé dans le XVIIIe arrondissement, devait rejoindre le futur Palais du cinéma. L'emplacement actuel s'étant avéré à l'usage extrêmement fonctionnel, il est aujourd'hui envisagé de maintenir la FEMIS dans les studios Pathé.
On doit rappeler que par ailleurs, le Sénat a adopté, le 30 octobre dernier, lors de la discussion du projet de loi n° 512 (1995-1996) relatif à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures statutaires, un amendement déposé par le Gouvernement tendant à doter la FEMIS du statut d'établissement public à caractère industriel et commercial. Ce statut permet de rapprocher les structures de l'enseignement professionnel du cinéma et des métiers de l'audiovisuel de celles des autres secteurs artistiques (Conservatoire national supérieur d'art dramatique, Conservatoire national supérieur de musique) tout en tenant compte de la spécificité économique du secteur.
Votre rapporteur se félicite que la Femis soit doté d'un statut plus adapté à sa mission que ne l'était le régime d'association de la loi de 1901. Il regrette toutefois que cette réforme, qui résulte d'un « cavalier législatif » sans rapport apparent avec l'objet du projet de loi, n'ait pas permis un véritable débat sur l'enseignement du cinéma.
Les crédits d'investissement destinés au cinéma s'élèveront en 1997 à 47 millions de francs, en diminution de 47,7 % par rapport à la loi de finances pour l'année 1996.
Cette diminution provient de la non-reconduction des autorisations de programme destinées à l'aménagement du Palais de Tokyo qui doit accueillir le Palais du cinéma. En 1997, seuls 2 millions de francs seront consacrés à l'enrichissement des fonds et acquisitions de droits audiovisuels par la Bibliothèque de l'image, filmothèque du futur Palais du cinéma. Le projet marque donc une pause qui semble-t-il sera consacrée à la réévaluation du projet initial. Dans cette perspective, votre rapporteur s'inquiète du sort de la cinémathèque, installée au Palais du Trocadéro et menacée d'expulsion qui ne pourra visiblement être accueillie au Palais de Tokyo avant quelques années.
La poursuite du plan nitrate, destiné à transférer plus de 20 millions de mètres de films nitrates autodestructibles sur un support de sécurité, bénéficiera cette année de 42 millions de francs. Ce plan a permis entre 1991 et 1996 de sauvegarder et de restaurer plus de 5.000 films de court et long métrage. La diminution de. la dotation annuelle accordée au plan nitrate de 52 millions de francs en 1993 à 42 millions de francs en 1997 entraînera un léger étalement dans le temps du programme et exigera vraisemblablement la définition d'un ordre de priorité des oeuvres à restaurer.
Deux millions de francs de crédits de paiement seront enfin consacrés au plan de mise en conformité du site de conservation des films de Bois d'Arcy avec les normes de sécurité en vigueur, et 1 million de francs au renouvellement des équipements pédagogiques de la Femis.
Au total, votre rapporteur estime regrettable la tendance à transférer sur le compte de soutien la charge de dépenses antérieurement financées par le budget du ministère de la culture, même si elle peut s'expliquer par le contexte de rigueur budgétaire. Il juge cependant que le projet de budget préserve pour l'essentiel les moyens consacrés au cinéma.
B. LES CONSÉQUENCES DE L'AMENDEMENT MODIFIANT LE RÉGIME FISCAL DES SOFICA ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
1. Une remise en cause du mécanisme des SOFICA
Au cours de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, l'Assemblée nationale a, après un large débat, adopté un amendement présenté par le président de la commission des finances, M. Pierre Méhaignerie, visant à plafonner à 50.000 francs la déduction fiscale consentie aux personnes physiques qui investissent dans la production cinématographique et audiovisuelle par l'intermédiaire des sociétés de financement des industries cinématographiques et audiovisuelles (SOFICA).
• Le mécanisme des SOFICA destiné
à encourager l'investissement des particuliers et des entreprises dans
la production cinématographique et audiovisuelle a été
instauré par l'article 40 de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985
portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
Cette loi dispose que les apports en numéraire, effectués à l'occasion de la constitution ou de l'augmentation en capital de ces sociétés, ouvrent droit :
- pour les particuliers : à une déduction de leur revenu net imposable, plafonnée à 25 % de ce revenu, à condition que les actions soient conservées cinq ans ;
- pour les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés : à un amortissement exceptionnel de 50 % du montant de leurs souscriptions autorisé, dès la première année de leur versement.
La loi précise, par ailleurs, que chaque SOFICA doit recevoir l'agrément du ministre de l'économie et des finances. Les oeuvres financées par les SOFICA doivent être également agréées par le directeur du Centre national de la cinématographie. Un commissaire du Gouvernement est en outre nommé auprès de chacune de ces sociétés privées.
• L'objectif recherché à travers ce
dispositif est double :
drainer vers la production
cinématographique et audiovisuelle,
qui est avant tout une
industrie de prototypes ou aucune recette ne permet de garantir le
succès d'un film,
des capitaux de long terme et assurer la
diversité des financements nécessaires à une
création pluraliste.
Dans ce cadre, les SOFICA assurent un rôle d'intermédiaire financier. Elles collectent des fonds pour les investir dans la production à travers la souscription au capital de sociétés dont l'activité exclusive est la réalisation d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles ou sous la forme de versement en numéraire réalisé par contrat d'association à la production d'un film. En contrepartie, les investisseurs acquièrent un droit sur les recettes d'exploitation de l'oeuvre.
Ce mécanisme de soutien à l'industrie cinématographique qui s'inspire des dispositifs en vigueur au Canada et en Australie notamment permet de drainer près de 260 millions de francs par an de financement privé vers l'industrie cinématographique nationale. Il repose exclusivement sur un dispositif de déduction fiscale qui bénéficie aux contribuables les plus fortunés (environ 2.500 bénéficiaires dont le taux marginal d'imposition est en moyenne de 52 %), l'avantage fiscal n'étant réellement intéressant que pour les contribuables imposés au taux marginal le plus élevé.
• Plafonner la déduction fiscale liée
aux SOFICA à 50.000 francs reviendrait à remettre en cause
l'existence même des SOFICA. En effet, selon les informations dont
dispose votre rapporteur, 41,5 % des souscripteurs investissent plus de
50.000 francs par an dans les SOFICA, et leurs apports représentent plus
de 75 % des montants investis. Ainsi le plafonnement devrait-il toucher
plus des deux tiers des fonds collectés par les SOFICA. C'est dire que
l'amendement adopté par l'Assemblée nationale revient en fait
à une suppression du mécanisme des SOFICA. Il convient donc de
rappeler l'utilité globale des SOFICA qui milite en faveur du maintien
de ce dispositif fiscal.
2. Un dispositif de soutien au cinéma français qui a fait la preuve de son efficacité
• Depuis la mise en place de ce dispositif,
le montant total des fonds collectés s'est élevé à
2.594,5 millions de francs
pour 69 SOFICA ou augmentation de capital
agréées,
soit en moyenne 260 millions de francs par an.
Sur ce total, environ 150 millions de francs sont consacrés
exclusivement au financement de la production cinématographique de films
d'initiative française.
Les SOFICA participent chaque
année à la réalisation de 30 à 50 films soit 30
à 50 % de la production annuelle de films d'initiative
française,
comme l'illustre le tableau suivant :
Pour les trois années considérées, le nombre total de films éligibles à l'intervention des SOFICA a été respectivement de 152, 115, 141. Même si une tendance à la concentration des financements semble s'affirmer, on peut considérer que les SOFICA interviennent sur une part significative du nombre total de films éligibles. Une plus grande dispersion -qui aurait pour conséquence une diminution de la moyenne unitaire des investissements- ne serait pas forcément souhaitable.
• En outre,
la contribution des SOFICA
à chaque film représente un investissement moyen de l'ordre de 4
millions de francs, soit près de 10 % des budgets des films
concernés
ce qui s'avère parfois déterminant.
Autrement dit, l'apport global des SOFICA au financement du cinéma
français est relativement limité ; en 1995 sur 2,7 milliards
de francs investis dans des films d'initiative française, les SOFICA ont
contribué à hauteur de 153 millions de francs soit 5,3 %.
Mais la contribution des SOFICA joue, pour près de 40 % des films
français produits, un rôle important.
• Enfin, conformément à leur vocation,
les SOFICA apportent une contribution importante à la production
indépendante. Ainsi, en 1995, 61 % des investissements
réalisés par les SOFICA l'ont été dans des films
initiés et produits par des producteurs délégués
indépendants.
• Maintes fois dénoncées comme un
privilège fiscal, les SOFICA ont fait l'objet de deux
évaluations. M. Patrick Careil, chargé en 1990 d'une mission
de réflexion sur le financement du cinéma et l'avenir des SOFICA,
a conclu à l'utilité du système et a recommandé son
maintien sous réserve de quelques améliorations.
Chargés par MM. Philippe Douste-Blazy et Alain Lamassoure d'une mission de réflexion sur l'efficacité du mécanisme des SOFICA, MM. Jean-Michel Bloch-Lainé et Gérard Calderon ont confirmé, six ans après, ce jugement également partagé par les représentants des professions du cinéma que votre rapporteur a rencontrés. Le rapport souligne en effet, sous réserve de certaines critiques, que « l'outil, dans l'ensemble, est bien géré, beaucoup mieux, en tout cas, qu'il ne le fût dans sa phase de rodage. Il est utile au secteur et, à moins de considérer comme immuable -ce serait imprudent- la répartition actuelle des autres sources de fonds, on aurait tort de tarir celle-là » .
Le rapport observe en outre que les SOFICA ont bien participé à l'instauration d'une puissante industrie française de programmes : « elles ont permis et permettent aux groupes français de production :
- de bénéficier de relais de trésorerie peu coûteux ;
- d'actualiser, de concentrer, entre leurs mains, des portefeuilles de droits, assis sur leurs productions propres et sur d'autres productions ; et, à des coûts de ressources inférieurs aux taux d'intérêt des marchés monétaires et financiers. Faut-il le regretter ? non, sauf à vouloir une chose et son contraire.
Sans les SOFICA de la première génération, un film français sur cinq n'aurait pas été produit. Faut-il s'en féliciter ou s'en attrister ? C'est une question qui sera évoquée plus loin. Mais le résultat quantitatif souhaité a été obtenu.
Les SOFICA ont correctement apporté leur contribution à la diversité, au renouvellement des productions françaises. Reprocher à cette source de financement, qui ne représente que 6 % du total des apports et qui, à l'origine n'était pas garantie, de n'avoir pas bouleversé le système serait injuste. »
Les auteurs de ce rapport constatent ainsi que « le système est donc en équilibre. Son maintien est largement souhaité, sous réserve des critiques que lui adressent les producteurs dits « indépendants » et des questions légitimes que se posent les responsables de notre système fiscal » .
3. La suppression de fait du mécanisme des SOFICA ne serait pas sans conséquence sur la structure du financement et la nature de la production cinématographique française
• Si l'on considère les 260 millions de francs
que drainent chaque année les SOFICA comparés aux 2,7 milliards
d'investissements annuels dans la production cinématographique, on
pourrait estimer que la suppression de ce mécanisme envisagée par
la commission des finances de l'Assemblée nationale n'affecterait pas
outre mesure l'industrie cinématographique.
Cette analyse, purement quantitative, ne saurait être partagée par votre rapporteur. La production française ne souffre pas d'une pénurie de capitaux, comme on aurait pu le craindre il y a quelques années, lorsque, sous l'effet de la crise de la fréquentation, la contribution des distributeurs s'est effondrée. Cette évolution a, en effet, été plus que compensée par la part croissante prise par les sociétés de télévision dans la production cinématographique.
En revanche, la production française risque de souffrir à terme d'une excessive concentration des sources de financement. En effet, la croissance continue de la part des télévisions dans le financement du cinéma français, qui est passée de 11,7 % à 36,9 % des investissements annuels, comporte à terme le risque de rapprocher excessivement la production cinématographique de la production télévisuelle. Or une telle évolution aurait des conséquences néfastes non seulement sur la qualité et la diversité de la production mais également à terme, comme on a pu l'observer en Italie, sur la fréquentation du cinéma en salle.
Aussi tous les mécanismes qui peuvent favoriser la diversité des financements sont-ils aujourd'hui plus que jamais nécessaires à la richesse et au pluralisme du cinéma français. Or, de ce point de vue les SOFICA jouent un rôle important. Avec plus de 150 millions investis en 1995 dans des films d'initiative française, elles consacrent des sommes supérieures à celles qu'investissent dans ces films TF1 et France Télévision soit respectivement 149 et 133 millions de francs en 1995. C'est dire si leur rôle peut être décisif.
• Ce rôle pourrait-il être assumé
par d'autres mécanismes existants ? Certains font valoir en effet
que la contribution des SOFICA à la production nationale pourrait
avantageusement être assumée par le compte de soutien qui
gère déjà des crédits autrement plus importants que
les SOFICA. Votre rapporteur ne peut souscrire à ce point de vue qui
consiste à assimiler le compte de soutien à une subvention d'Etat
au même titre que les dotations du ministère ou les diminutions de
recettes fiscales occasionnées par les SOFICA, alors qu'il s'analyse
dans les faits comme une « épargne forcée »
prélevée sur les recettes des industries
cinématographiques et audiovisuelles.
Aussi les SOFICA s'apparentent plus volontiers aux subventions du ministère qui s'élèvent cette année à près de 300 millions de francs soit un montant comparable aux sommes mobilisées par les SOFICA. Elles présentent cependant par rapport à ces dernières l'avantage, grâce à une dépense fiscale de près de 150 millions de francs, de drainer chaque année environ 300 millions là où une subvention supposerait la mobilisation de fonds publics équivalents, et de laisser à l'initiative privée le choix des investissements, là où l'utilisation de fonds publics exigerait le recours à des commissions d'attribution.
Pour toutes ces raisons, votre rapporteur est favorable au maintien des mécanismes des SOFICA. Pour autant, une réforme des modalités de fonctionnement des SOFICA paraît nécessaire.
Les SOFICA présentent en effet aujourd'hui des dysfonctionnements qui tiennent essentiellement à l'évolution des modalités de fonctionnement des SOFICA observée depuis 1990. Depuis cette date, la grande majorité des SOFICA se sont adossées à des groupes audiovisuels ou financiers puissants offrant aux souscripteurs des garanties de rachat.
Or l'instauration des garanties de rachat a profondément transformé le système originel en créant plusieurs catégories de SOFICA.
La typologie actuelle des SOFICA relève de ce fait d'un classement à double entrée. On peut en effet distinguer d'une part les SOFICA garanties, qui sont les plus nombreuses, des SOFICA non garanties (Sofinergie pour l'essentiel), et, d'autre part, les SOFICA liées selon des modes divers à des groupes audiovisuels, qui sont également les plus nombreuses, des SOFICA dites pluralistes selon la terminologie du CNC c'est-à-dire non liées à des groupes audiovisuels.
Le Gouvernement a pris acte de ces transformations et a progressivement établi de nouvelles obligations encadrant l'activité des différents types de SOFICA.
Par un échange de lettres d'octobre/novembre 1993, le ministre du budget et le ministre de la culture ont fixé les règles d'encadrement suivantes :
- les garanties de rachat susceptibles d'être offertes, « à l'entrée », aux souscripteurs de titres de SOFICA ne peuvent jouer qu'à la fin de la huitième année ;
- les établissements qui rachèteront les actions doivent s'engager à ce que les SOFICA concernées restent soumises aux contraintes de leur statut jusqu'au terme des 10 ans statutaires ;
- afin de disposer d'une rentabilité minimale, ces SOFICA peuvent placer jusqu'à 20 % de leurs fonds, en comptes productifs d'intérêts ;
- les SOFICA non garanties peuvent cependant être dissoutes au terme de cinq ans (c'est-à-dire la durée minimale de conservation des titres) et ne pourront, par ailleurs, placer que 10 % de leur capital en comptes productifs d'intérêts.
En outre, pour favoriser le financement du cinéma indépendant, le ministère de la culture a imposé des obligations en matière d'investissement.
Depuis 1994, obligation avait été faite aux SOFICA liées à des groupes de consacrer 35 % de leurs investissements à des productions « hors groupe » pour les SOFICA garanties et 25 % pour les SOFICA non garanties.
Or en dépit de ces nouvelles obligations, le mode de fonctionnement des SOFICA présente deux types d'inconvénients :
Comme le souligne le rapport de M. Jean-Michel Bloch-Lainé, les garanties de rachat, en supprimant quasiment les risques pris par les souscripteurs, ont enlevé aux SOFICA une des justifications du dispositif fiscal et ont ainsi ouvert la voie à sa remise en cause.
Enfin et surtout, l'adossement d'une majorité de SOFICA à des groupes audiovisuels favorise la concentration des investissements des SOFICA sur les productions de ces groupes au détriment des producteurs indépendants. A cet égard, le rapport Bloch-Lainé souligne que les obligations imposées par le CNC en matière d'investissement ne semblent guère appliquées et surtout peu contrôlées. Aussi est-il probable que le dispositif SOFICA n'apporte pas la contribution qu'il pourrait au financement du cinéma indépendant.
Il importe donc de réformer au plus tôt le fonctionnement des SOFICA afin de renouer avec leur raison d'être originelle, comme le réclament depuis 1992 les producteurs par l'intermédiaire de leurs organisations syndicales.
Votre rapporteur vous propose donc de maintenir l'existence des SOFICA en supprimant le plafond excessivement bas institué par l'Assemblée nationale mais aussi de demander au Gouvernement de mettre en oeuvre avec les principaux acteurs concernés une réforme susceptible d'assurer la pérennité et l'efficacité de ce dispositif.
III. LES ENJEUX DE LA POLITIQUE FRANÇAISE DE SOUTIEN À L'INDUSTRIE CINÉMATOGRAPHIQUE
Face aux mutations importantes que connaît le secteur cinématographique, le rôle des pouvoirs publics consiste avant tout à accompagner ces évolutions et à en corriger les effets pervers. Favoriser le développement et la diversité du cinéma français exige ainsi d'adapter constamment les dispositifs de soutien à l'évolution et aux priorités du secteur cinématographique. Dans cette perspective, certains mécanismes mis en place méritent aujourd'hui un examen attentif.
Il appartient également aux pouvoirs publics de s'assurer que l'insertion de la France dans les échanges et les réglementations internationales et communautaires s'effectue dans l'intérêt de l'industrie cinématographique française et permette de préserver la spécificité d'une politique culturelle qui a contribué à faire du cinéma français le deuxième cinéma du monde.
A. ADAPTER LA RÉGLEMENTATION DU SECTEUR CINÉMATOGRAPHIQUE AUX ÉVOLUTIONS EN COURS
En 1996, plusieurs sujets -tels que le développement des multiplexes, l'évolution des sources de financement du cinéma, l'évolution des rapports entre le cinéma et la télévision ou la réforme de l'avance sur recettes- ont fait l'objet d'un débat soutenu parmi les professionnels du cinéma. Le Gouvernement a largement participé à ces débats en organisant à l'initiative du ministre de la culture plusieurs commissions de réflexion concernant aussi bien la réforme de l'avance sur recettes, les Sofica, la procédure d'agrément que la mise en place d'une aide au scénario.
Si de nombreuses questions restent en suspens, cette démarche a pour l'instant abouti à l'annonce d'un projet de réforme de l'avance sur recettes qui devrait être mis en oeuvre en 1997.
1. La réforme de l'avance sur recettes
L'avance sur recettes est le mécanisme le plus connu de la politique française de soutien au cinéma.
Elle a pour but de :
- favoriser le renouvellement de la création en encourageant la réalisation des premiers films ;
- soutenir un cinéma qui ne peut sans aide publique trouver son équilibre financier ;
- aider la production d'oeuvres qui, pour traduire une ambition culturelle affirmée, doivent prendre le risque de budgets élevés.
Cette aide sélective, d'un montant de 115 millions de francs en 1996, apparaît complémentaire et en partie correctrice de l'aide automatique à la production, assise directement sur les résultats du marché.
La dotation de l'avance sur recettes, entièrement financée par le compte de soutien à l'industrie cinématographique, permet d'aider chaque année la production d'une cinquantaine de longs métrages sélectionnés sur scénario ainsi que d'une dizaine de films choisis après leur réalisation, ce qui représente au total la moitié de la production des films d'initiative française.
En général, depuis quelques années, le montant par film des avances accordées avant réalisation s'échelonne de 1,5 à 3 millions de francs (la moyenne s'établissant à 2,5 millions de francs) ; il est fixé en fonction non seulement du coût des films mais aussi de leur besoin de financement final.
La place de l'avance sur recettes est apparue pleinement lors du dernier festival de Cannes au cours duquel ont été présentés 16 films bénéficiaires de cette aide dans les diverses sélections.
A la demande du ministre de la culture, M. Philippe Douste-Blazy, ce dispositif a fait l'objet d'une évaluation par la commission de réforme de l'avance sur recettes créée à cet effet et présidée par M. Jérôme Deschamps qui a remis son rapport en juillet dernier.
Tout en soulignant les qualités incontestables de l'avance sur recettes, le rapport de Jérôme Deschamps souligne les trois principales lacunes du système actuel :
- l'insuffisance de l'investissement initial dans l'écriture et le développement de projets ;
- la baisse de la contribution moyenne de l'avance sur
recettes au
financement de chaque film ;
- les difficultés de distribution des films ayant bénéficié de l'avance sur recettes.
Le rapport préconisait quatre types de mesures reprises par le ministre de la culture :
- la création d'un collège spécifique d'aide à la réécriture
Il a tout d'abord proposé la création d'un nouveau collège qui aurait pour objet de favoriser la réécriture de scénarios prometteurs, mais encore susceptibles d'améliorations. La candidature directe à un nouveau guichet spécifique à la réécriture devrait en outre permettre de désengorger les comités de lecture des 1er et 2e collèges. L'aide à la réécriture serait renforcée par une procédure d'accompagnement, de la part du CNC et des membres de l'avance sur recettes, afin d'apporter une aide réelle aux auteurs, notamment à ceux qui ne disposent pas de producteur ou sont à la recherche de co-scénaristes ou de consultants.
- la modification du système de remboursement afin d'augmenter la dotation
Puisqu'il est désormais acquis que les sommes remboursées complèteront la dotation de l'avance sur recettes, augmenter les remboursements est la condition sine qua non pour une revalorisation conséquente du montant des avances.
L'inefficacité du système actuel qui entraîne un déséquilibre des remboursements obtenus (une petite minorité supporte le poids des remboursements effectifs) et un faible taux de remboursement global d'environ 7 à 10 % est en partie liée à la rigidité du dispositif régissant le remboursement.
La réforme instaurerait un dispositif qui laisserait le choix aux bénéficiaires entre deux possibilités de remboursement :
- soit un pourcentage de 10 % minimum sur toutes les recettes au premier franc (pourcentage à déterminer en fonction de l'importance de l'avance dans le total du financement du film), porté à 30 % après amortissement ;
- soit un taux de remboursement à déterminer, prélevé sur le soutien généré par le film, en laissant à chacun une franchise de départ uniforme sur le soutien obtenu, cette solution permettant de laisser aux producteurs l'entière possession de toutes les recettes du film (RNPP, ventes étranger...).
- création d'une aide à la distribution spécifique afin de faciliter l'accès aux salles des films soutenus par l'avance sur recettes
La commission de réforme a proposé une mesure spécifique d'aide à la distribution des films bénéficiaires de l'avance sur recettes.
Ce nouveau mécanisme pourrait consister à aider les distributeurs de certains films bénéficiaires de l'avance sur recettes, sous la forme d'une garantie : en cas de non-remboursement des frais d'édition, l'avance sur recettes rembourserait au distributeur 50 % des frais engagés dans la limite, d'un plafond de 500.000 francs.
Cette aide, accordée après visionnage par les membres de la commission, permettrait d'encourager les distributeurs à sortir ces films souvent plus difficiles que les autres dans des conditions plus favorables, en limitant leur risque.
- une modification des modalités de fonctionnement de la commission
Le rapport s'est prononcé en faveur d'une clarification des missions de la commission plénière et du comité de chiffrage qui seraient respectivement chargés de l'octroi d'une promesse d'avance en ne prenant en compte que les qualités artistiques du scénario et de l'évaluation du montant de l'avance nécessaire au financement des films.
Par ailleurs, afin d'éviter toute interruption des activités de l'avance sur recettes en fin d'année lors du renouvellement des membres de la commission, un système de « membres tournants » a été préconisé. Enfin, il est apparu utile que la procédure générale de l'avance sur recettes fasse l'objet d'un règlement intérieur écrit, afin de mettre un terme à la diversité des traditions et des jurisprudences fluctuantes d'une commission à l'autre, de pérenniser les nouvelles mesures adoptées et de confirmer les principes de déontologie stricte que doivent respecter les membres de la commission.
Votre rapporteur se félicite de cette réforme qui est de nature à renforcer l'efficacité des interventions de l'avance sur recettes et la qualité de la production française. La création d'une aide à la distribution de films bénéficiaires de l'avance sur recettes constitue notamment une réponse attendue aux problèmes de l'accès aux salles des films français aidés.
2. Des questions en suspens
De nombreuses questions concernant l'avenir du cinéma français restent en suspens et mériteront un examen attentif en 1997. Mise à part une éventuelle réforme de la procédure d'agrément qui définit notamment l'accès aux dispositifs de soutien automatique pour laquelle le ministre de la culture a mis en place un groupe de réflexion présidé par M. René Bonnel et Mme Margaret Menegoz, deux questions relatives à la réglementation régissant les rapports entre les exploitants et les diffuseurs en matière de prix des places d'une part et les relations entre l'industrie du cinéma et la télévision, d'autre part, ont retenu cette année l'attention de votre rapporteur.
a) La fixation du prix des places de cinéma
Le problème soulevé par l'incohérence des textes applicables à la fixation du prix des places de cinéma révélé à l'occasion de la sortie nationale du film Léon de Luc Besson en septembre 1994, n'a toujours pas connu de règlement au cours de l'année écoulée.
A l'époque, le tribunal de commerce de Paris, saisi du conflit qui opposait un exploitant et un distributeur sur les modalités de fixation du prix des places avait dans son ordonnance de référé soulevé un problème de compatibilité entre l'ordonnance du 1er décembre 1986 fixant les règles générales applicables en matière de concurrence, qui prohibe l'intervention des fabricants ou des fournisseurs dans la fixation du prix de vente par le détaillant, et le code de l'industrie cinématographique qui semble au contraire admettre l'éventualité d'une concertation entre l'exploitant et le distributeur dans la détermination du prix des places de cinéma.
Face à cette situation conflictuelle, le ministre de la culture et de la francophonie de l'époque avait confié à M. J.-M. Galabert, président de la section du rapport et des études au Conseil d'Etat, une mission d'analyse juridique et économique sur cette question.
M. Galabert a conclu par l'impossibilité de maintenir le statu quo, c'est-à-dire la rémunération des ayants-droit distributeurs, producteurs et auteurs, en pourcentage de la recette de la salle sans dispositions limitant la liberté de fixation du prix des places par l'exploitant. Après avoir passé en revue les différentes réformes envisageables, il avait préconisé de confirmer le principe de la rémunération des distributeurs et, en amont, des producteurs et auteurs en pourcentage de la recette d'exploitation des films en salle, en l'assortissant toutefois, ne serait-ce que pour les sorties nationales, de garanties offertes aux distributeurs et aux producteurs contre le risque de « bradage » du prix des places par l'exploitant. A cette fin, il suggérait de rendre obligatoire, parmi les éléments devant impérativement figurer au contrat de location écrit signé entre le distributeur et l'exploitant, la fixation d'une fourchette (prix plancher, prix plafond) à l'intérieur de laquelle l'exploitant conserverait une marge de liberté pour déterminer le prix des places.
Un texte prévoyant d'une part que le contrat conclu entre distributeurs et exploitants pour la représentation publique des oeuvres cinématographiques doit être constaté par écrit et, d'autre part, que les prix payés par le public, convenus entre les parties sont stipulés au contrat, pourrait sans doute recueillir l'accord des organisations professionnelles directement concernées.
On ne peut dès lors que souhaiter qu'il soit soumis au Parlement le plus rapidement possible. Cela d'autant plus que les difficultés engendrées par l'incohérence des textes risquent de se reproduire dans le cadre de la concurrence entre les multiplexes liés aux grands groupes de distribution qui disposent d'une surface financière suffisante pour mener des politiques de prix agressives et les salles de quartier indépendantes qui ne disposent évidemment pas des mêmes moyens.
b) Les relations entre la télévision et le cinéma
Les relations entre la télévision et le cinéma sont progressivement devenues depuis 10 ans un des éléments clefs de l'équilibre économique de l'industrie cinématographique française.
Les liens étroits qui se sont ainsi instaurés entre le cinéma et la télévision constituent une des spécificités du système français qui a largement participé au maintien d'une industrie cinématographique française.
Cette situation est en grande partie le résultat de la volonté des pouvoirs publics d'imposer aux télévisions une réglementation tant en matière de diffusion des oeuvres cinématographiques qu'en matière d'investissement dans la production. Cette réglementation a permis à l'économie du cinéma de surmonter la crise de fréquentation des salles dans les années 80 et de s'adapter à l'apparition des nouveaux services -télévision commerciale, télévision à péage, chaînes thématiques- qui sont venus modifier le paysage audiovisuel.
Dans les années à venir, la concentration des industries de la communication, le développement et la mondialisation des nouveaux services constitueront autant de nouveaux défis à prendre en compte. C'est pourquoi, il convient dès à présent d'évaluer les évolutions en cours pour préparer les éventuelles adaptations de la réglementation qu'elles rendraient nécessaires.
Or, l'évolution de la diffusion et de la production d'oeuvres cinématographiques par les chaînes de télévision n'est pas sans susciter quelques inquiétudes.
• En effet,
les grandes tendances de la
programmation
des films sur les chaînes hertziennes font
apparaître que si les chaînes programment le maximum de films
autorisés par les réglementations (1.501 films ont
été diffusés sur les chaînes hertziennes en 1995),
on observe une diminution du nombre de films français.
Ainsi, depuis 5 ans, la part consacrée par les chaînes
à la diffusion d'oeuvres cinématographiques européennes
tend à se rapprocher de plus en plus du minimum réglementaire de
60 %. La diffusion de films français accuse ainsi une diminution de
9 % en 5 ans alors que celle de films américains augmente de
22 %. A cette tendance s'ajoute
une plus grande concentration de
l'offre de films.
L'étude du CSA montre en effet que le nombre de films français en première diffusion diminue fortement sur la plupart des chaînes. (77 films en première diffusion en 1995 contre 95 films en 1991). Ce phénomène est accentué en seconde partie de soirée. Par ailleurs, 75 % des films français programmés en première diffusion par les chaînes sont, en 1995, des coproductions des chaînes, alors que cette proportion n'était que de 50 % en 1991. Un tel processus pourrait donc aboutir à fermer l'accès à l'antenne à une partie non-négligeable de la production.
Ces évolutions ne se sont, pour l'instant, pas traduites par un changement important de la politique de coproduction des chaînes. Leur participation au financement de la production n'a cessé en effet de se renforcer pour atteindre 36,9 % des investissements totaux réalisés en 1995. La même année, près de 60 % des films d'initiative française ont ainsi été coproduits ou préachetés par des chaînes. Toutefois, certaines évolutions font craindre une moindre participation des chaînes au renouvellement de la création. Ainsi en comparaison avec l'année 1992, le nombre de films coproduits par des chaînes en clair en 1995 diminue de 61 à 53 dont seulement 12 premiers films en 1995 contre 16 en 1992.
Est-ce l'amorce d'un recentrage des choix de production des chaînes sur un nombre plus restreint de films grand public destinés à être diffusés en première partie de soirée ? Il est encore trop tôt pour le dire. Mais il est certain que la stratégie des sociétés de production, filiales des chaînes de télévision, a inévitablement tendance à refléter les préoccupations de programmation des chaînes.
• Aussi,
la principale interrogation porte
aujourd'hui sur le rôle des filiales
« cinéma » des chaînes.
La
création de ces filiales correspond pour les chaînes de
télévision à la volonté d'accroître les
investissements dans la production, dans un contexte marqué notamment
par la création de nouvelles chaînes thématiques et
l'expansion du marché vidéo. Ces filiales permettent en outre aux
chaînes de télévision de s'acquitter de leurs obligations
annuelles d'investissement dans la production (3 % de leur chiffre
d'affaires net à la production d'oeuvres cinématographiques
européennes dont 2,5 à la production d'oeuvres
cinématographiques d'expression originale française) à
travers des sociétés dont la politique de production est de fait
liée à leurs besoins de diffuseur.
Ces filiales présentent également, pour les chaînes de télévision, l'avantage de pouvoir bénéficier de recettes en provenance du compte de soutien. Ces recettes permettent donc aux chaînes de diminuer leur apport d'argent frais à leurs filiales et par là même de respecter leurs obligations de production sans que l'effet dynamique sur la production voulu par les pouvoirs publics lors de la création de la règle des 3 % du chiffre d'affaires soit réellement garanti. Ce détournement du dispositif s'est d'autant plus développé que ces filiales ont pu jusqu'à présent négocier avec leur partenaire avec rétrocession de recettes du soutien automatique plus que proportionnel à leur apport.
Enfin, malgré les mesures prises pour assurer l'indépendance des producteurs à l'égard des filiales des télévisions, la tendance des chaînes à concentrer leurs investissements sur un nombre restreint de films et à acquérir par contrat des droits d'exploitation toujours plus étendus constituent des facteurs menaçants pour le maintien d'une production cinématographique forte et indépendante.
Pour votre rapporteur, cette situation mérite qu'on s'interroge sur l'opportunité d'adapter la réglementation prévue par le décret n° 90-67 du 17 janvier 1990 qui fixe les obligations des chaînes en matière de contribution à la production cinématographique et audiovisuelle, afin de parvenir à un meilleur équilibre des relations entre producteurs et diffuseurs en donnant aux premiers les moyens de se renforcer sans remettre en cause le rôle économique des seconds.
Ce rééquilibrage aurait pu s'effectuer lors de la renégociation par le CSA des conventions de TF1 et de M6. On peut en effet penser que la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication donne au CSA la faculté d'adapter les obligations des chaînes en matière de financement des producteurs indépendants. L'issue de la négociation a montré que le rapport de force, comme les questions de principe que soulèverait l'application de nouvelles règles à deux chaînes hertziennes nationales sur cinq, ont poussé le CSA à maintenir le statu quo. Aussi est-ce par la voie du règlement, si possible après un accord préalable des acteurs concernés que la question pourrait être tranchée.
• De même, l'évolution récente de
la programmation des chaînes en matière de cinéma et les
profonds bouleversements que ne manquera pas de provoquer le
développement de nouveaux services audiovisuels doivent conduire
à s'interroger sur
les évolutions souhaitables de la
réglementation applicable à la diffusion des oeuvres
cinématographiques à la télévision.
La
réglementation en vigueur, qui fixe les obligations des chaînes
concernant le nombre maximal de films de long métrage diffusables
annuellement, la proportion d'oeuvres européennes et d'expression
originale française, la grille de diffusion et les délais de
diffusion, a jusqu'à présent permis un équilibre
satisfaisant destiné à limiter la concurrence
télévision-salles.
Dans quelle mesure la mondialisation des médias et le développement de nouveaux services rendent-ils nécessaires une évolution de la réglementation ? La diminution du répertoire de films dans lesquels puisent les programmateurs de chaînes hertziennes peut-elle justifier un assouplissement de la réglementation applicable à la diffusion ? Autant de questions auxquelles les pouvoirs publics en étroite concertation avec les professionnels concernés devront répondre rapidement.
B. DÉFENDRE LE DISPOSITIF FRANÇAIS DE SOUTIEN À L'INDUSTRIE CINÉMATOGRAPHIQUE DANS LES NÉGOCIATIONS INTERNATIONALES
1. L'accord multilatéral sur les investissements : un risque pour le dispositif français de soutien à l'industrie cinématographique
L'insertion d'une clause d'exception culturelle dans les accords du GATT avait grâce à la mobilisation du Gouvernement permis de maintenir la spécificité de la politique culturelle française. Or depuis un an et demi, les pays de l'OCDE ont, à l'initiative des Etats-Unis, engagé la négociation d'un accord multilatéral sur l'investissement qui met à nouveau en jeu le système de protection du secteur culturel français et particulièrement le mécanisme du compte de soutien de l'industrie cinématographique et des programmes audiovisuels ainsi que le système des quotas de diffusion d'oeuvres françaises et européennes.
En effet, la majorité des membres de l'OCDE sont favorables au démantèlement progressif des systèmes de protection afin de favoriser les investissements directs. Ils réclament pour ce faire l'application de la clause de la nation la plus favorisée et celle dite du traitement national. Aux termes de ces clauses, un Etat membre de l'OCDE serait obligé d'accorder à tout Etat signataire de l'AMI, les avantages les plus favorables qu'il a pu consentir à une autre nation et devrait en outre faire bénéficier les pays ayant ratifié le traité du système de protection mis en place en faveur des nationaux.
Or, sur plusieurs points la réglementation française du secteur audiovisuel et cinématographique pourrait s'avérer incompatible avec ces clauses. D'une part, il existe des restrictions directes à l'investissement dans les domaines de la presse, de la radio et de la télévision. D'autre part, des mécanismes tels que le compte de soutien qui est financé pour partie sur une taxe prélevée sur l'ensemble des tickets de cinéma ne bénéficient qu'aux films d'initiative française et constituent des restrictions indirectes incompatibles avec la clause du traitement national.
La France a de ce fait demandé, comme elle l'a fait lors des négociations du GATT, l'insertion d'une clause d'exception culturelle. Les Etats membres peuvent en effet déroger aux principes de libéralisation des investissements à travers deux modalités le dépôt d'une réserve spécifique ou celui d'une exception générale.
Dans la continuité des négociations menées au sein du GATT, la France a choisi de déposer une demande d'exception générale en faveur du secteur audiovisuel.
Une première discussion informelle a eu lieu au cours du mois de juin. Le Canada, la Belgique, l'Italie, l'Irlande et le Portugal ont soutenu la position française. Le Royaume-Uni et les Pays-Bas ne sont pas opposés à une exception à condition que celle-ci soit précise. Les Etats-Unis ont accepté de discuter et d'évaluer les problèmes que posait un tel accord dans ce secteur. En revanche, la Suède, la Finlande, l'Allemagne, l'Autriche, la Turquie, le Danemark, la Suisse, l'Islande et le Japon sont hostiles au principe d'une exception générale. Ces pays considèrent que les préoccupations françaises peuvent être traitées par le dépôt d'une réserve spécifique.
La France a par ailleurs organisé une rencontre bilatérale avec la direction générale chargée des relations extérieures (DG-I) et la direction générale chargée de l'information, de la communication, de la culture et de l'audiovisuel (DG-X). Si la DG-I se montre réticente à l'égard d'une exception générale, la DG-X y est, en revanche, plus favorable. Elle a d'ailleurs accepté de convoquer un groupe de travail afin de sensibiliser nos partenaires et faciliter les négociations au sein de l'OCDE.
Les négociations qui ont repris au mois de septembre devraient se conclure au cours du printemps 1997. Votre rapporteur souhaite donc que les efforts du Gouvernement pour obtenir l'insertion d'une clause d'exception culturelle soient soutenus comme ils l'ont été lors des négociations du Gatt.
2. La révision des règles communautaires relatives à la chronologie des médias
L'an dernier, votre rapporteur avait dans ces mêmes lignes attiré l'attention des pouvoirs publics sur l'enjeu que constituait la révision des règles communautaires relatives à la chronologie des médias. Force est aujourd'hui de constater qu'aucune réponse n'a encore été apportée à cette question sur laquelle il paraît important de revenir.
La réglementation de la diffusion des oeuvres cinématographiques par les autres médias poursuit à travers la chronologie des médias un objectif essentiel qui est de préserver une fenêtre d'exploitation de l'oeuvre sur chaque support (cinémas, télévisions, vidéo) et en particulier d'assurer aux salles de cinéma, une période d'exploitation suffisante.
Or le texte de l'article 7 de la directive 89/552/CEE « télévision sans frontière » du 3 octobre 1989 est de nature à compromettre l'efficacité de cette politique.
a) L'article 7 de la directive du 3 octobre 1989
Cet article définit les règles communautaires applicables à la chronologie d'exploitation des oeuvres cinématographiques par les différents médias.
Il prévoit que les oeuvres cinématographiques ne peuvent faire l'objet d'une diffusion sur le petit écran pendant un délai de deux ans à compter de la date de la première sortie du film en salle dans un pays membre de l'Union européenne. Ce délai est ramené à un an lorsque le film est coproduit par le diffuseur. En outre, des délais plus brefs peuvent être négociés par voie d'accords contractuels entre les détenteurs de droits et les diffuseurs.
b) Des règles susceptibles de compromettre l'avenir du cinéma français
Au regard des préoccupations nationales la réglementation communautaire comporte trois inconvénients de portée inégale.
Le plus dirimant tient incontestablement dans les règles de comptabilisation des délais séparant l'exploitation des films sur les différents médias : l'article 7 fixe la date de la première projection de l'oeuvre dans une salle de l'Union européenne comme point de départ de la computation.
Ce choix pourrait avoir des effets pervers désastreux sur l'économie du cinéma.
Dès lors qu'un film américain aura été projeté en salle dans un Etat membre de l'Union européenne avant sa sortie en France, sa diffusion télévisuelle pourra intervenir, en France, à une date rapprochée de cette sortie, voire même la précéder.
Or, ce cas de figure, qui ne peut être exclu, ne risque pas seulement de faire obstacle à l'application de la réglementation nationale relative à la chronologie des médias, portant ainsi gravement atteinte à l'équilibre déjà fragile du secteur de l'exploitation cinématographique.
Il occasionnait également un grave préjudice au compte de soutien à l'industrie cinématographique, dont les recettes proviennent pour partie du produit de la taxe additionnelle perçue sur le prix des places de cinéma. En effet, les films américains attirent désormais près de 60 % du public des salles de cinéma et contribuent ainsi indirectement à l'alimentation de ce compte.
En ouvrant expressément une possibilité de déroger contractuellement aux délais prescrits pour l'exploitation des films sur les différents supports, la directive semble méconnaître l'inégalité des rapports de force qu'entretiennent les producteurs et certains diffuseurs, et qui justifiait précisément la protection accordée aux ayants droit. Il est à craindre que cette faculté profite largement aux diffuseurs, et qu'elle ne permette pas en particulier de ménager une fenêtre suffisante d'exploitation des films en salle.
Il est vrai toutefois que la possibilité reconnue aux Etats membres par l'article 3 de la directive d'édicter sur le plan national des règles plus strictes devrait permettre d'envisager un encadrement des dérogations contractuelles.
Enfin, les règles communautaires n'établissent aucune distinction entre les différents services de télévision (paiement à la séance, chaînes cryptées, chaînes en clair) et rendent donc difficile le maintien de règles différenciées à l'échelon national.
c) La position commune adoptée le 11 juin dernier par le Conseil sur la proposition de la commission ne tient pas compte des préoccupations françaises sur ce point
La proposition de directive modifiant la directive « télévision sans frontière » adoptée par la commission en 1995 n'avait pas apporté d'amélioration sensible à la réglementation en vigueur. Les seules modifications proposées par la Commission à l'article 7 portaient en effet sur l'introduction des services de paiement à la séance et des télévisions à péage dans la chronologie des médias, avec des délais minimum d'exploitation plus courts que ceux qui prévalent pour la diffusion sur les chaînes généralistes en clair, et qui sont eux-mêmes ramenés de deux ans à dix-huit mois.
En revanche, la possibilité de déroger contractuellement aux délais réglementaires subsistait, et surtout, aucune modification n'avait été apportée à la définition du point de départ de la computation des délais.
Pour la Commission européenne, cette méthode de comptabilisation est la seule qui permette d'assurer la sécurité juridique des diffuseurs et qui leur garantisse une égalité de traitement dans l'ensemble des Etats membres.
Après avoir été examinée par le Parlement européen, la directive a fait l'objet au sein du Conseil d'une position commune arrêtée le 11 juin dernier. En ce qui concerne plus particulièrement le régime de la chronologie des médias, le texte adopté par le Conseil donne la priorité aux accords contractuels, le dispositif ne s'appliquant qu'à défaut d'accords contractuels. Le considérant 23 prévoit de façon explicite la possibilité de conclure des accords collectifs. Cette priorité élargie aux accords collectifs constitue une amélioration par rapport au texte de 1989, mais la question du point de départ de la chronologie des médias reste posée.
La position commune a été transmise au Parlement européen qui dispose d'un délai de trois mois pour émettre un avis. Le texte définitif sera adopté dans le cadre de la procédure de co-décision.
Il convient que le Gouvernement français, dans la ligne de la résolution n° 32 (1995-1996) adoptée par le Sénat, en application de l'article 88-4 de la Constitution, sur le rapport de M. Adrien Gouteyron, président de la commission sénatoriale des affaires culturelles, s'attache à faire prévaloir au cours des prochaines négociations, une évolution positive sur ce point. Si tel n'était pas, comme votre rapporteur le craint, il conviendrait au niveau national d'évaluer le préjudice que subira le secteur déjà fragile de l'exploitation ainsi que l'ensemble du dispositif de soutien à l'industrie cinématographique et de prendre des mesures en conséquence.
DEUXIÈME PARTIE : LE THÉÂTRE DRAMATIQUE |
L'intervention de l'Etat dans le domaine de l'art dramatique poursuit plusieurs objectifs complémentaires : promouvoir la diffusion du spectacle vivant et élargir les publics du théâtre ; encourager la création dramatique et favoriser l'émergence de nouveaux talents.
Pour assurer ces missions, le ministère de la culture, à travers la direction du théâtre et des spectacles, dispose de plusieurs instruments parmi lesquels se distingue en premier lieu le réseau des scènes publiques.
Des subventions sont directement accordées d'une part, aux six grandes institutions nationales que sont le conservatoire national d'art dramatique et les cinq théâtres nationaux (Comédie Française, théâtre national de Chaillot, théâtre national de la Colline, et théâtre national de Strasbourg) et d'autre part, au réseau de la décentralisation dramatique qui se compose des centres dramatiques nationaux et régionaux et, des scènes nationales qui rassemblent une soixantaine d'établissements de droit privé aux statuts divers.
Le soutien à la diffusion et à la création passe en second lieu par l'aide accordée à plus de 600 compagnies dramatiques indépendantes ainsi qu'au fonds de soutien au théâtre privé. Plusieurs dispositifs visant l'écriture et les auteurs dramatiques ainsi que l'enseignement de l'art dramatique viennent compléter les moyens de la politique du théâtre.
Au total, l'ensemble des crédits consacrés au théâtre s'élèvera à 1308,1 millions de francs en dépenses ordinaires et autorisations de programme en 1997, en baisse de 6,2 % par rapport aux crédits votés en 1996. Cette diminution s'explique essentiellement par la baisse des autorisations de programme (-89,6 millions de francs), les moyens affectés aux titres III et IV régressant légèrement (-3 millions de francs).
I. LES CRÉDITS AFFECTÉS AU SECTEUR PUBLIC DRAMATIQUE SONT GLOBALEMENT RECONDUITS
A. UNE STABILISATION DES MOYENS ACCORDÉS AUX THÉÂTRES NATIONAUX
1. L'évolution des crédits
En 1996, les subventions de fonctionnement accordées aux cinq théâtres nationaux et au conservatoire national supérieur d'art dramatique ont atteint 339,4 millions de francs. En 1997, elles régressent légèrement pour s'établir à 338,4 millions de francs.
Le tableau suivant retrace l'évolution des subventions d'exploitation des cinq théâtres nationaux.
SUBVENTIONS D'EXPLOITATION DES THÉÂTRES DRAMATIQUES NATIONAUX 3 ( * )
Les théâtres nationaux bénéficieront par ailleurs de 30 millions de francs de crédits d'équipement en 1997 contre 91 millions de francs en 1996. Cette diminution s'explique essentiellement par l'achèvement des travaux de rénovation du théâtre national de Strasbourg. Les autorisations de programme seront cette année destinées au réaménagement du théâtre national de l'Odéon et à l'installation du centre de réserve de costumes de scènes à Moulins.
BILAN D'EXPLOITATION DES THEATRES NATIONAUX DRAMATIQUES
2. La rénovation du théâtre de l'Odéon
La rénovation du théâtre de l'Odéon devrait débuter en 1998. Ce projet prévoit la mise en conformité du théâtre avec les normes de sécurité en vigueur, la rénovation de la salle, de ses circulations et de la loge de scène. Il intégrerait également la construction d'une deuxième salle d'environ 200 places sous le parvis du théâtre.
Le projet en est au stade des études de faisabilité. Le bâtiment étant classé, les travaux de rénovation sont soumis à l'autorisation de la commission supérieure des monuments historiques. La durée du chantier est estimée à environ un an et demi pendant lesquels le théâtre devrait fermer.
Le coût total de l'opération devrait atteindre 150 à 200 millions de francs. Pour 1997, 20 millions de francs sont prévus pour les frais d'études nécessaires à la réalisation du dossier de consultation des entreprises et à la mise en place des procédures d'appel d'offres.
3. L'ouverture de la troisième salle de la Comédie Française
Votre rapporteur ne peut que se féliciter de l'ouverture de la troisième salle de la Comédie Française qu'il avait appelée de ses voeux l'année dernière. Cette nouvelle salle, dite « studio », devrait permettre de remédier à la régression du nombre de pièces présentées chaque année par le Théâtre français et d'élargir son audience à de nouveaux publics.
Installée au Carrousel du Louvre, elle abritera une salle de spectacle de 130 places et une boutique commercialisant des livres de théâtre et divers produits liés à la Comédie Française.
Le studio programmera des oeuvres brèves du XXème siècle, à l'instar du Petit-Odéon des années 70 et 80, lorsque la Comédie Française était associée au théâtre national de l'Odéon. A ces créations contemporaines s'ajouteront les « classiques en 1 acte », qui ne sont plus joués depuis l'abandon des « levers de rideau » dans la salle Richelieu, mais aussi des lectures et autres manifestations littéraires, ainsi que des projections de programmes audiovisuels produits par la Comédie Française.
L'aménagement de la salle et de sa boutique a coûté 8 millions de francs dont 4 financés par le ministère de la culture et 4 apportés par les sociétaires de la Comédie Française.
Cette nouvelle salle sera gérée par une filiale, au statut de société anonyme, détenue par l'établissement Comédie Française et ses sociétaires. Le budget global annuel avoisinera les 5 millions de francs. Le besoin en financement justifiera une subvention d'équilibre annuelle, d'environ 2 millions de francs, que lui attribuera l'établissement Comédie Française. Cette subvention versée à la société anonyme apparaîtra en dépenses au budget de la Comédie Française qui la financera par des redéploiements internes.
B. LE MAINTIEN DES MOYENS ACCORDÉS AU RÉSEAU DE LA DÉCENTRALISATION DRAMATIQUE
Après quatre années d'augmentation faible mais continue du soutien accordé aux établissements de la décentralisation dramatique, le projet de loi de finances pour l'année 1997 prévoit une légère baisse. En effet, les crédits correspondants s'élèvent à 566,2 millions de francs, soit une diminution de 0,20 % par rapport à 1996. Cette diminution se traduit par la stabilisation en valeur nominale des moyens affectés aux centres dramatiques nationaux (326,8 millions de francs) et une légère baisse de 1,6 million de francs des crédits accordés aux scènes nationales et à l'Office National de Diffusion Artistique (239,4 millions de francs).
En 1996, la dotation de décentralisation de 326,8 millions de francs aux centres dramatiques nationaux s'est répartie de la façon suivante :
- Les 27 centres nationaux dramatiques ont bénéficié globalement de 265,5 millions de francs. Les 9,4 millions de francs de mesures nouvelles ont ainsi permis de conforter sélectivement quelques centres porteurs de projets nouveaux ou souffrant d'un manque de financement tels que ceux de Dijon, Lorient, Marseille, Bordeaux, Orléans et Limoges.
- Les 6 centres nationaux pour l'enfance et la jeunesse ont bénéficié de 19,5 millions de francs.
- 30,2 millions de francs ont été également attribués aux 8 centres dramatiques régionaux ainsi qu'à deux établissements à statuts particuliers. En outre, le théâtre du Vieux Colombier et l'Union des théâtres de l'Europe ont été financés sur le budget pour respectivement 10,5 millions de francs et 1,2 million de francs.
Le projet de budget pour 1997 ne permettra aucune mesure nouvelle et n'assurera que le maintien des moyens déjà mis à disposition des centres nationaux en 1996.
La mise en oeuvre du nouveau contrat-type de décentralisation dramatique devrait se poursuivre en 1997. Les contrats signés avec les théâtres, qui stipulent notamment le nombre minimum de représentations exigées non seulement dans les communes d'implantation mais aussi en tournée de proximité et précisent les missions d'accueil auxquels s'engagent les centres, ont été passés avec les nouveaux directeurs nommés en 1996 à Montluçon, Orléans, Dijon, Bordeaux et Limoges.
Les scènes nationales, qui regroupent 62 établissements sur l'ensemble du territoire, ont bénéficié quant à elles d'une subvention de 231,9 millions de francs. Les subventions de l'Etat représentent ainsi 27 % des ressources totales des scènes nationales, le reste étant assuré par les collectivités territoriales (49 %) et par autofinancement (23 %).
La politique d'encouragement aux théâtres dramatiques missionnés qui se distinguent par la qualité de leur programmation et l'importance de la fréquentation devrait être étendue en 1997. Cette année cinq nouveaux théâtres à Blanquefort, Bourg-en-Bresse, Châlon-sur-Saône, Epernay et Lyon se sont vus accorder le label de théâtre missionné. En 1997, le ministère envisage de reconnaître 6 nouveaux théâtres missionnés.
Les établissements de la décentralisation dramatique bénéficieraient également de 38,9 millions de francs de subventions d'équipement en 1997, soit une baisse de 42,3 %.
*
* *
En 1997, les moyens consacrés aux réseaux des scènes publiques d'art dramatique seront donc globalement reconduits. Cette stabilisation des budgets exigera donc un surcroît de dynamisme pour renouveler la production, accroître la diffusion et conquérir de nouveaux publics. Ce défi suppose une gestion encore plus rigoureuse des budgets alloués par le ministère mais aussi un regain d'initiative pour renforcer les liens entre les théâtres publics et leurs spectateurs.
II. LES MOYENS DE LA POLITIQUE DE SOUTIEN À LA CRÉATION ET À LA DÉCOUVERTE DE NOUVEAUX TALENTS SERONT MAINTENUS
La politique en faveur du théâtre passe non seulement par l'entretien d'un réseau important d'institutions publiques mais également par le soutien à la création et à la recherche de nouveaux talents. Dans cette perspective, diverses formes d'aide sont accordées aux compagnies dramatiques indépendantes, aux théâtres privés ainsi qu'aux auteurs dramatiques.
A. L'AIDE AUX COMPAGNIES DRAMATIQUES
En 1996, le montant global des crédits affectés aux compagnies indépendantes s'est élevé à 184 millions de francs dont 103 millions de francs ont été déconcentrés à l'échelon régional. Ainsi, en France métropolitaine, 597 compagnies auront bénéficié du soutien de l'Etat en 1996 contre 589 en
1995. Le nombre de compagnies aidées reste donc relativement stable. Cette politique sera poursuivie en 1997 avec un budget constant.
Votre rapporteur se félicite que pour la troisième année consécutive ces crédits n'aient finalement pas fait l'objet d'annulations en cours d'année. Il faut cependant noter que le gel en avril dernier de 8 % des crédits du ministère de la culture a encore une fois pénalisé les compagnies indépendantes. L'incertitude quant au montant et à la date du versement des subventions entraîne non seulement des difficultés de programmation des opérations artistiques mais également des difficultés de trésorerie qui se traduisent par une augmentation sensible de leurs frais financiers.
Pour une partie des compagnies dramatiques, les conséquences de la régulation budgétaire sont toutefois atténuées par la contractualisation des subventions.
En effet, depuis 1991, les modalités de soutien aux compagnies indépendantes ont été différenciées pour garantir aux compagnies les plus expérimentées un plan de financement stable. Parmi les dispositifs, on distingue :
- la contractualisation sur deux ou trois ans, définie par un cahier des charges que la compagnie s'engage à respecter et renouvelable après évaluation des résultats. Cette contractualisation, par les garanties qu'elle offre, tend à faciliter l'élaboration d'une programmation à long terme et à conforter l'implantation des compagnies auprès des collectivités locales qui accordent souvent un complément de subvention. En 1996, 201 compagnies ont bénéficié de ce type de conventions contre 181 en 1995 ;
- l'aide annuelle au fonctionnement, accordée aux compagnies dont le travail est jugé satisfaisant mais dont la notoriété ou l'implantation n'a pas encore atteint le niveau qui leur permette d'accéder au conventionnement. Après avis du groupe d'experts assistant les directions régionales des affaires culturelles, 216 aides de ce type ont été accordées en 1996 contre 219 en1995 ;
- les aides ponctuelles versées aux projets de jeunes compagnies débutantes ou aux projets de personnalités confirmées qui ne souhaitent pas avoir d'activité régulière de mise en scène. 180 aides ont été attribuées en 1996 contre 168 en 1995.
Le tableau ci-après retrace l'évolution du nombre de compagnies indépendantes soutenues, par région, et par type d'aides, entre 1991 et 1996 en France métropolitaine.
RÉPARTITION DES AIDES ATTRIBUÉES AUX COMPAGNIES INDÉPENDANTES EN FRANCE MÉTROPOLITAINE (1991-1996)
On observe qu'en 1996, 36 % des compagnies indépendantes subventionnées sont concentrées en Ile-de-France. Sur le long terme, la province bénéficie cependant d'une évolution favorable. En effet, en 1991, les compagnies implantées en Ile-de-France représentaient 44 % des compagnies aidées.
La réforme des modalités d'attribution des aides aux compagnies s'est traduite par une augmentation de 22 % du nombre de compagnies conventionnées entre 1991 et 1996. Dans la même période, le nombre d'aides annuelles au fonctionnement a régressé de 17 % et les aides ponctuelles sont restées globalement stables. Ainsi, cette réforme a sans doute favorisé une professionnalisation des compagnies indépendantes en les incitant à définir un projet artistique pluriannuel et à allonger la durée de diffusion des spectacles.
B. LE SOUTIEN AU THÉÂTRE PRIVÉ
Le soutien accordé par l'Etat au secteur privé dramatique est assuré par le fonds de soutien pour le théâtre privé. Ce fonds, géré par les professionnels, est principalement alimenté par quatre types de recettes : une taxe parafiscale prélevée sur les recettes d'exploitation des adhérents, une cotisation volontaire des théâtres souhaitant bénéficier de l'aide à l'équipement, des subventions versées respectivement par l'Etat et la Ville de Paris.
En 1995, le budget de l'association pour le soutien au théâtre privé s'est élevé à un montant de 85,8 millions de francs. Le produit de la taxe parafiscale et des cotisations volontaires représente un peu moins de la moitié des recettes de l'association, le restant étant assuré par la subvention de l'Etat et celle de la Ville de Paris. Le concours de l'Etat pour l'exercice 1995 a. atteint 23,3 millions de francs, soit 31,5 % des recettes contre 16,5 millions de francs pour la Ville de Paris, soit 22,3 % des recettes. Cette année encore, la parité avec l'Etat à laquelle s'était engagée la municipalité n'a pas été respectée.
En 1996, la subvention de l'Etat a été portée à 24,8 millions de francs, elle sera reconduite au même niveau en 1997.
A travers l'exploitation permanente des spectacles qu'ils produisent et les tournées qu'ils organisent, les théâtres privés accueillent un public numériquement comparable à celui de l'ensemble du secteur public. Toutefois, ils subissent depuis 1990 les effets d'une régression de près de 30 % de leur fréquentation.
Pour faire face à cette évolution défavorable, de nombreux théâtres privés ont réagi pour se constituer, soit en théâtres de répertoire, dépendant prioritairement d'auteurs contemporains et de la qualité d'interprétation, soit en théâtres-producteurs, se donnant pour mission d'assumer les risques de spectacles à budget élevé qui, pour être « grand public », n'en sont pas moins représentatifs de l'art dramatique.
Il est cependant à craindre que l'effet conjugué de la baisse de la fréquentation et de l'inflation des budgets de production ne fasse renoncer les théâtres privés à une politique de création pour se contenter d'une fonction d'accueil. Dans ce contexte le soutien de l'Etat apparaît particulièrement justifié car il permet de maintenir la diversité et la qualité de l'offre de spectacles dramatiques.
C. L'AIDE AUX AUTEURS DRAMATIQUES
L'effort effectué en faveur des auteurs dramatiques s'est poursuivi en 1996 dans le cadre des nouvelles modalités d'aides à la création dramatique mises en place par l'arrêté du 2 janvier 1995.
Comme nous l'indiquions l'année précédente, la réforme opérée tend d'une part à recentrer l'aide à la création sur l'auteur et d'autre part à accroître la mission de la commission compétente en matière de repérage de nouveaux auteurs. Ainsi, les critères de recevabilité des dossiers ont été assouplis et les modes d'intervention de la commission ont été modifiés afin de mieux prendre en considération la diversité des dossiers. Le dispositif de soutien aux auteurs dramatiques s'appuie désormais sur quatre types d'aides :
- l'aide au montage, réservée aux textes recueillant l'unanimité des lecteurs, dont le montant est fixé en fonction de l'importance du projet et qui est mis à disposition de l'auteur pendant un délai de trois ans ;
- l'aide d'encouragement à l'auteur comprise entre 30.000 et 4.000 francs, destinée aux jeunes auteurs dont le talent a été jugé prometteur.
Parallèlement à ces deux dispositifs directement issus de la réforme de 1995, ont été maintenues :
- les aides à « la recherche théâtrale » destinées à soutenir les projets associant plusieurs modes d'expression ;
- les aides à la première reprise dont la vocation est d'encourager la reprise de texte qui ont bénéficié de l'aide à la création dramatique lors de leur montage.
En 1996, la commission n'a attribué une aide lors de sa première session qu'à 40 projets sur les 341 dossiers examinés pour un montant de 2,6 millions de francs (contre 64 projets sur 490 dossiers en 1995 pour un budget de 4,65 millions de francs). Les crédits de la commission d'aide à la création dramatique ont en effet fait l'objet dès la fin de la première année de la mise en oeuvre de la réforme d'une annulation de 2,8 millions de francs, soit plus de 60 % de son budget. Contrainte de différer sur le budget pour l'année 1996 le versement des subventions, la commission a dû en 1996 réduire le nombre des projets soutenus. 205 dossiers déposés pour la seconde session sont actuellement en instance. Mais il apparaît déjà acquis que sur les 6,4 millions de francs inscrits dans la loi de finances pour l'année 1996 par la commission d'aide à la création dramatique, 2,8 millions de francs contribueront à épurer le solde de l'exercice 1995.
Observant les conséquences que peuvent avoir sur plusieurs années ces mesures d'annulation, votre rapporteur souhaiterait que les crédits prévus pour cette action ne soient pas cette année encore remis en cause en cours d'exercice.
Pour les mêmes raisons, le nombre d'auteurs ayant bénéficié d'une commande des pouvoirs publics a régressé de 33 en 1995 à 17 auteurs en 1996 pour un montant total de 700.000 francs contre 1,2 million de francs en 1995. Le nombre des commandes pourrait toutefois augmenter à l'issue de l'examen des dossiers déposés pour la seconde session actuellement en instance.
En revanche, les organismes dont l'activité est consacrée à la création et aux écritures contemporaines ont dans l'ensemble maintenu leur activité. La Chartreuse de Villeneuve-les-Avignon, où est installé le Centre national des écritures, accueille des auteurs bénéficiant d'une commande de la Direction du théâtre et des spectacles, d'une bourse du Centre national des lettres ou de la Fondation Beaumarchais. A ce titre, elle a bénéficié d'une subvention de 6,1 millions de francs en 1996 qui sera reconduite en 1997.
D.. L'ENSEIGNEMENT DE L'ART DRAMATIQUE
En soutenant les écoles spécialisées et les classes d'art dramatique dans les conservatoires, le ministère de la culture contribue non seulement à la formation de futurs professionnels mais surtout à l'orientation première de la politique culturelle, celle de faire partager au plus grand nombre une expérience artistique.
Pour assurer cette mission, le ministère dispose de plusieurs types d'actions :
En matière d'initiation et de sensibilisation, la direction du théâtre et des spectacles a mis en place des « enseignements obligatoires » conduisant au baccalauréat option « théâtre et expression dramatique » proposé dans plus d'une centaine de lycées.
La formation initiale des jeunes comédiens relève des conservatoires nationaux de région et des écoles nationales de musique, qui comprennent 50 classes d'art dramatique.
L'enseignement professionnel est assuré par deux Ecoles nationales d'art dramatique placées sous la tutelle du ministère de la culture :
- le Conservatoire national supérieur d'art dramatique dispense un enseignement gratuit de formation au métier de comédien. Il a bénéficié en 1996 d'une dotation de l'Etat de 5,269 millions de francs.
- l'Ecole du théâtre national de Strasbourg dispense également un enseignement gratuit pour les comédiens et techniciens du spectacle. Elle a la particularité d'être associée à l'activité du théâtre national de Strasbourg. En 1996, elle a bénéficié d'une subvention de l'Etat de 5,085 millions de francs.
- D'autres enseignements à caractère professionnel sont cofinancés par l'Etat et les collectivités locales, par voie de convention :
. les conservatoires de région de Bordeaux et de Montpellier,
. les écoles des centres dramatiques nationaux, du Théâtre national de Bretagne et de la Comédie de Saint-Etienne,
. l'Ecole régionale d'acteurs de Cannes.
Au total, les crédits consacrés par le ministère de la culture aux enseignements et aux formations se sont élevés à 60,6 millions de francs en 1996.
Ces crédits budgétaires apparaissent toutefois insuffisants par rapport à une demande croissante. Si bien qu'une très grande partie de l'enseignement d'art dramatique est aujourd'hui assurée par les collectivités locales qui ont fait preuve d'un exceptionnel dynamisme dans ce secteur. Cette situation conduit cependant à faire peser sur les communes des charges parfois très importantes et a abouti à créer un réseau d'enseignement d'une grande disparité aussi bien en termes de moyens que de qualité ou d'accès.
De ce point de vue, votre rapporteur se félicite de l'intention du ministre de la culture de déposer prochainement un projet de loi sur l'enseignement spécialisé de la musique, de la danse et de l'art dramatique qui viserait à développer le financement et l'organisation de ces établissements locaux. L'enseignement de l'art dramatique doit en effet constituer le socle d'une politique du théâtre plus ambitieuse mais également plus proche du public.
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En conclusion de cette partie consacrée au théâtre, votre rapporteur estime que ce budget préserve, dans un contexte de rigueur budgétaire, les moyens affectés à l'art dramatique.
EXAMEN EN COMMISSION
Lors d'une réunion tenue le 13 novembre 1996, la commission des affaires culturelles a examiné le rapport pour avis de M. Marcel Vidal sur les crédits du cinéma et du théâtre dramatique inscrits au projet de budget pour 1997.
. Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.
M. Ivan Renar a observé que les SOFICA étaient la troisième source de financement du cinéma français et a estimé que la mesure adoptée par l'Assemblée nationale réduirait de 300 millions de francs le financement de la production nationale alors que par ailleurs les subventions du ministère de la culture au CNC diminuent. Il a jugé que cette évolution risquait de pénaliser le cinéma français au moment même où il connaissait un regain de dynamisme. Il s'est également associé aux propos du rapporteur sur les multiplexes en jugeant que s'ils offraient effectivement une qualité de projection et d'accueil optimale, leur développement ne devait pas conduire à une désertification des salles de centre-ville. Il a par ailleurs souhaité obtenir un bilan des interventions des collectivités locales en faveur des salles de cinémas. Il s'est également interrogé sur l'ampleur des crédits déconcentrés affectés aux compagnies dramatiques et a souhaité avoir des informations sur la répartition des compagnies subventionnées. Il a enfin demandé les raisons pour lesquelles l'avis du rapporteur ne concernait que le théâtre dramatique.
M. Jean-Paul Hugot, s'associant aux propos du rapporteur pour avis sur les SOFICA et les enjeux de la réglementation relative aux relations entre le cinéma et la télévision a souligné la nécessité de maintenir l'effort en faveur de la production française qui est une composante importante de la culture française.
M. Robert Castaing a estimé qu'il ne fallait pas réduire l'effort en faveur du cinéma en milieu rural qui constituait un enjeu important de l'aménagement du territoire. Il a par ailleurs souhaité que les crédits affectés aux classes théâtres proposées dans certains lycées à partir de la seconde soient augmentés afin de favoriser l'éclosion de nouveaux talents.
Mme Danièle Pourtaud a souligné que le développement des nouveaux services audiovisuels engendrerait des besoins considérables en matière de fiction auxquels la production française n'était pas en mesure de répondre, ce qui constituait un argument important en faveur des dispositifs de soutien à la production française tels que les SOFICA. Elle a, par ailleurs, regretté que certaines mesures concernant directement la culture aient été insérées dans des projets de loi dont la commission n'était pas saisie.
M. Adrien Gouteyron, président, a rappelé que l'amendement instituant un plafond de 50.000 francs à la déduction fiscale dont bénéficient les souscripteurs qui investissent dans les SOFICA n'avait été voté qu'à une très faible majorité. Après avoir indiqué qu'à l'occasion du débat d'orientation budgétaire du 22 mai au Sénat, il s'était prononcé en faveur d'une réforme des SOFICA, il a souligné que la disposition votée par l'Assemblée nationale aurait quant à elle pour effet de supprimer ce dispositif. Il a estimé que la solution proposée par le rapporteur pour avis consistait à affirmer une position ferme de soutien aux SOFICA tout en engageant le Gouvernement à réformer leurs modalités de fonctionnement. Il a toutefois jugé qu'il paraîtrait raisonnable que la commission accepte, lors de la discussion de la deuxième partie de loi de finances, de soutenir une solution de compromis plaçant le plafond à 200.000 francs, ce qui représente un niveau acceptable pour les professionnels du secteur.
Répondant aux intervenants, M. Marcel Vidal, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :
- le théâtre lyrique relève de l'avis budgétaire sur les crédits de la culture ;
- un bilan des interventions des collectivités locales en faveur des salles de cinéma a déjà été demandé au ministère ; cette demande sera réitérée.
A l'issue de ce débat, la commission a adopté l'amendement proposé par son rapporteur pour avis puis a décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits pour 1997 du cinéma et du théâtre dramatique.
AMENDEMENT PRÉSENTÉ PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES
Article 2 bis
Supprimer cet article.
* 1 Les statistiques de fréquentation des films français du CNC concernent l'ensemble des films produits intégralement ou partiellement par des partenaires français.
* 2 Il s'agit des films dont le financement est entièrement français et des coproductions majoritairement françaises.
* 3 subventions d'exploitation des crédits du chapitre 36.60
2 et caisse de retraite