B. AU NIVEAU INTERNATIONAL

1. L'Etat d'avancement des dossiers à l'OMC

a) Le problème de la viande aux hormones

L'organe de règlement des différends de l'OMC a adopté le 13 février dernier à l'unanimité les conclusions du jugement d'appel sur l'interdiction européenne d'importer des viandes traitées aux hormones.

Dans son rapport, l'OMC indique les mesures européennes ne sont pas conformes à l'accord international sanitaire et phytosanitaire (SPS). Toutefois, l'instance d'appel reconnaît aussi le droit pour tout pays de se doter de mesures sanitaires plus sévères que celles définies dans les standards internationaux, s'il existe des données scientifiques justifiant de telles précautions.

L'Union européenne estime que, si elle est en mesure de fonder scientifiquement son embargo, celui-ci sera acceptable aux yeux de l'OMC. Selon Washington, l'Union européenne devrait avoir du mal à réunir prochainement des preuves scientifiques montrant le danger de la viande aux hormones puisqu'elle n'a pas été capable de le faire lorsque la plainte a été étudiée à l'OMC.

Tous les pays membres de l'OMC réunis le 13 février ont avalisé les conclusions de jugement d'appel, y compris l'Union européenne qui a dit " accepter et se féliciter " des conclusions du rapport. A ce stade, la Communauté n'a donné aucune indication sur la façon dont elle comptait se mettre en conformité avec le jugement, ni sur un calendrier pour cette mise en conformité.

Les Etats-Unis, ont, quant à eux, rappelé que le jugement de l'OMC n'autorisait un membre à dépasser les standards internationaux que si des preuves scientifiques existaient pour le faire. Si de telles preuves n'existent pas, des standards plus stricts " risquent de n'être que des restrictions commerciales déguisées ", avait estimé M. Andrew Stoler, représentant permanent américain auprès de l'OMC.

A la suite de ce jugement, l'OMC a donné à l'Union européenne jusqu'au 13 mai 1999 pour se conformer à son jugement d'appel. Pour justifier sa position, Bruxelles a déjà commandité des études scientifiques sur l'impact de ces substances sur la santé humaine. Celles-ci portent sur les éventuels effets cancérigènes des anabolisants et sur la question de savoir si, par truchement, les résidus de ces substances dans la viande présentent un risque pour l'homme.

Rappelons que si une modification de la législation européenne devait s'avérer nécessaire, elle nécessiterait une à deux années, puisqu'elle relèverait de la procédure de codécision du Conseil des ministres du parlement européen.

b) Les effets des contraintes GATT sur les produits laitiers

La poudre de lait entier, le lait concentré, le lait liquide, les produits frais et les produits de mélange entrent dans le contingent " autres produits laitiers " établi à environ 1,1 million de tonnes pour 1997/1998. Ce volume étant insuffisant pour répondre à toutes les demandes d'exportation avec restitution, les préfixations à l'exportation ont dues être suspendues à plusieurs reprises ces derniers mois, la dernière suspension ayant été décrétée du 20 au 27 février.

Le bilan provisoire établi à l'issue de la troisième année d'application des accords de Marrackech fait apparaître que c'est sur cette catégorie que la contrainte a été la plus forte sur la période 1er juillet 1997/30 juin 1998.

Votre rapporteur pour avis pour avis constate que, début février, la Commission européenne était déjà intervenue pour freiner les exportations. Elle avait supprimé les restitutions sur plusieurs produits en vrac (lait liquide entier et certains laits concentrés sucrés et non sucrés) dont le taux de matière grasse ne dépasse pas 8 %. L'ensemble de ces produits représente environ 60.000 tonnes d'exportation par an. En juin dernier, Bruxelles a fixé à zéro les restitutions pour les produits ayant la plus faible teneur en matière sèche (lait liquide écrémé et demi-écrémé) mais sans opérer de distinction entre le vrac et le conditionné.

En ce qui concerne le contingent Gatt " fromages " (384.400 tonnes pour 1997/1998), la Commission assure une gestion par zone géographique et par type de fromages de manière à permettre un meilleur étalement des exportations. Pour le beurre et la poudre de lait écrémé, les limites Gatt ne sont pas contraignantes pour l'instant et, seules des considérations de marché entrent en ligne de compte pour gérer l'exportation.

2. De difficiles négociations multilatérales en perspective

a) Les tensions entre Américains et européens

La fin de l'année 1997 et le premier semestre 1998 ont vu se multiplier les pressions américaines pour libéraliser les marchés agricoles.

Tout d'abord, lors de la visite de trois membres du Congrès américain -dont M. Robert Smith, Président de la commission agriculture-, reçus par votre commission des affaires économiques, les parlementaires américains ont plaidé pour une réduction des aides communautaires et le démarrage rapide des prochaines négociations commerciales sur les questions agricoles.

Par ailleurs, pour contrer l'exportation en Californie de 30.000 tonnes d'orge " subventionné " en provenance de l'Union européenne, les Etats-Unis ont eu recours au programme de soutien aux exportations américaines en soutenant l'exportation de 30.000 tonnes d'orge sur trois marchés traditionnels de l'Union européenne. Votre rapporteur pour avis rappelle qu'il y a peu de temps, l'Europe a ouvert un contingent d'importation a droit zéro d'orge pour permettre la fabrication de bière américaine au Royaume-Uni.

Les Etats-Unis ont de plus décrété le 1er juin dernier une clause de sauvegarde sur le gluten de blé qui vise presque exclusivement l'Union européenne. Le Président Clinton a, en effet, décidé d'imposer pendant trois ans à partir du 1er juin, un quota sur les importations de gluten de blé originaires de l'Union européenne et d'Australie. Cette décision s'appuie sur les conclusions de la commission pour le commerce international (ITC) selon lesquelles les importations de gluten de blé " ont infligé un dommage substantiel " à ce secteur d'activités outre-Atlantique.

Votre rapporteur pour avis considère que " cette mesure est disproportionnée et discriminatoire pour l'Union européenne ", comme l'a indiqué la Commission. Le quota alloué à l'Union européenne du 1er juin 1998 au 31 mai 1999 est, en effet, de seulement 24.513 tonnes, soit un niveau nettement inférieur à la quantité exportée en 1997 (41.329 tonnes). L'Australie, en revanche, a reçu un quota de 28.315 tonnes, correspondant à peu près au volume exporté l'an dernier par ce pays vers les Etats-Unis. Enfin, ce contingent ne s'applique pas aux pays fournisseurs que sont le Canada, le Mexique et Israël. Quelque peu prise au dépourvu par cette mesure protectionniste, la Commission a demandé à ses services d'examiner toutes les réponses appropriées que l'Union européenne pourrait apporter à cette mesure.

Pour sa part, l'Association des amidonneries de céréales de l'Union européenne (AAC) réfute les arguments des Américains selon lesquels les producteurs européens parviennent à vendre leurs excédents de gluten de blé aux Etats-Unis à des prix de dumping grâce au système complexe de subventions fourni par l'Union européenne. Pour l'AAC, les difficultés rencontrées par l'industrie américaine du gluten de blé ne sont pas dues aux importations en provenance de l'Union européenne mais à la concurrence du gluten de maïs qui est bien meilleur marché.

En outre, une première subvention de 20 millions de dollars a été octroyée par les Etats-Unis pour permettre la vente de 20.000 tonnes de poulet au Moyen-Orient, marché sur lequel la concurrence entre l'Union européenne et les Etats-Unis est très vive. En accordant cette aide, Washington entend également dédommager les producteurs américains qui n'ont plus l'autorisation d'exporter du poulet vers l'Union européenne, en l'absence d'un accord vétérinaire. Les Etats-Unis estiment avoir perdu un marché de 30 millions de dollars.

Enfin, le programme américain de soutien en vigueur dans le secteur laitier (le DEIP) va être crédité de 50 millions de dollars supplémentaires. L'objectif est d'exporter environ 30.000 tonnes de produits laitiers, en mettant surtout l'accent sur les Caraïbes et le Mexique. En outre, les Américains ont l'intention d'accorder de nouvelles garanties de crédits, notamment au Mexique et à la Turquie, pour l'achat de blé américain et d'accroître les exportations et les donations au titre programme Food for Peace (PL 480). Les crédits GSM se sont élevés à 5,9 milliards de dollars depuis octobre dernier dont 2,5 milliards pour l'Asie. M. Glickman examine aussi la possibilité d'accorder un soutien pour favoriser les exportations de farine de blé.

b) L'organisation des négociations internationales

Ces tensions entre Américains et Européens en matière agricole ont été confirmées lors de la réunion ministérielle de l'OMC les 18, 19 et 20 mai à Genève.

Rappelons que la Communauté européenne avait décidé de retirer de l'ordre du jour du sommet euro-américain de Londres du 18 mai le projet très controversé de nouveau marché transatlantique.

Les Etats-Unis ont ensuite souhaité obtenir à Genève un mandat de l'OMC " pour que les pays membres commencent à préparer un calendrier commercial ambitieux en vue du prochain cycle de négociations multilatérales agricoles ". Lors de cette Conférence du 18 au 20 mai à Genève, il a été décidé de lancer les négociations multilatérales du millénaire lors de la prochaine conférence ministérielle de l'OMC " vers la fin 1999 " qui devraient commencer par le dossier agricole. Néanmoins, Américains et Européens se sont montrés en net désaccord sur l'étendue et la forme des négociations.

Les Européens ont défendu un projet de négociations globales, incluant un grand nombre de sujets tels que la concurrence, l'environnement, et les normes sociales. Cette approche leur permettrait d'équilibrer de prévisibles concessions agricoles par des compensations dans d'autres domaines.

Sans rejeter une démarche multi-sectorielle, les Etats-Unis préféreraient de toute évidence boucler le dossier agricole afin qu'il ne " traîne pas en longueur ", avant de passer à d'autres sujets de négociation. La représentante américaine pour le commerce, Mme Charlene Barshefsky, a ainsi jugé prioritaire de négocier une élimination des subventions aux exportations agricoles et une ouverture des marchés européens, notamment aux biotechnologies, " le plus tôt possible ". " La PAC et ses effets restrictifs sur l'accès au marché européen est la principale source de préoccupation pour les Etats-Unis " a-t-elle insisté, ajoutant que le groupe de Cairns approuvait totalement cette position. Ce groupe de 15  producteurs (Australie, Argentine, Philippines, Canada, Chili, Indonésie, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Brésil, Uruguay, Paraguay, Thaïlande, Fidji, Colombie) est des le plus favorables à une libéralisation du commerce agricole, notamment pour exporter plus facilement vers l'Union européenne.

c) Les récents débats au sein de l'OCDE sur l'évolution des politiques agricoles

Votre rapporteur pour avis rappelle que les derniers débats au sein de l'OCDE augurent mal du prochain cycle de négociations multilatérales de l'OMC qui sera lancé en 1999. En effet, l'Union européenne tente laborieusement de convaincre ses partenaires que la libéralisation des échanges ne doit pas être le seul objectif de la réforme des politiques agricoles.

Les ministres de l'agriculture des 29 pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économique, ont réaffirmé en mars dernier leur engagement d'ouvrir de nouvelles négociations conformément aux conclusions de l'Uruguay Round et à l'objectif à long terme de réforme des politiques intérieures et internationales, afin que les signaux du marché puissent jouer un plus grand rôle. Ils ont admis, dans ce contexte, que les subventions à l'exportation restaient une question litigieuse.

Au delà de cette référence habituelle à la libéralisation du commerce, les participants ont quelque peu innové en acceptant, -du bout des lèvres pour certains-, de prendre en compte les attentes des consommateurs et les fonctions multiples de l'agriculture. C'est l'Union européenne qui a insisté pour que soient retenues ces deux préoccupations que l'on retrouve dans les orientations sur la réforme de la PAC approuvées le 19 novembre dernier par les Quinze. Les autres pays, Etats-Unis et Australie en tête, craignent en revanche que les Européens cherchent surtout, par ce biais, à maintenir des soutiens incompatibles, selon eux, avec le libre échange.

C'est donc à l'issue de difficiles tractations que les 29 ministres réunis à Paris ont convenu de la nécessité de faciliter l'amélioration des structures dans les secteurs agricole et agro-alimentaire, en tenant compte des besoins des agriculteurs concernés, en particulier ceux des régions défavorisées. Ils se sont engagés à favoriser la contribution du secteur agro-alimentaire à la viabilité de l'économie rurale et à prendre des dispositions pour assurer la protection de l'environnement et la gestion durable des ressources naturelles en agriculture en encourageant les bonnes pratiques culturales. Ils ont estimé nécessaire de tenir compte des préoccupations des consommateurs en améliorant l'efficacité et la fiabilité des réglementations concernant l'innocuité des aliments, en renforçant les normes relatives à l'origine et à la qualité et en améliorant le contenu et la disponibilité de l'information des consommateurs, dans le cadre des règles internationales. Enfin, ils ont affirmé qu'il fallait préserver et renforcer le rôle multifonctionnel de l'agriculture pour lutter contre les déséquilibres territoriaux, encourager la gestion durable des ressources naturelles et favoriser la diversité des modes de développement des exploitations.

M. Franz Fischler, Commissaire européen à l'agriculture, a estimé que ce texte apportait un fort soutien à ses propositions de réforme de la PAC. Tout aussi satisfait, M. Dan Glickman, le secrétaire américain à l'agriculture, a déclaré : " l'essence même du communiqué final est la reconnaissance du fait qu'il faut poursuivre la réforme, faire beaucoup plus, pour réduire substantiellement les subventions, et aussi du fait que le marché doit être le principal élément des négociations à venir ". A l'issue d'une rencontre à Paris avec ses homologues australien, canadien, japonais et européen, M. Glickman a considéré que l'Agenda 2000 de Bruxelles était un pas en avant. Mais il s'est empressé d'ajouter : " ce programme ne va pas aussi loin que je le voudrais, mais, au moins, il ne s'agit pas d'un recul, et je pense qu'il va dans la bonne direction 25( * ) .

C'est donc sur un fonds de divergences persistantes entre les deux côtés de l'Atlantique, notamment, que sera lancé, en 1999, le nouveau cycle de négociations multilatérales.

Certains pays savent très bien, d'ores et déjà, ce qu'ils attendent de ces pourparlers qui se poursuivront en 2000. M. Richard Grant, H aut commissaire de la Nouvelle Zélande auprès du Royaume-Uni, a ainsi décrit la ligne que compte suivre Wellington lors de ces discussions : élimination et même interdiction des subventions à l'exportation dans le secteur agricole, conformément aux règles actuelles pour les produits industriels ; suppression des restrictions quantitatives, de la protection douanière, des crédits à l'exportation et de la clause de sauvegarde.

De son côté, s'adressant à une commission de la Chambre des représentants, M. Peter Scher, négociateur spécial pour l'agriculture du représentant américain pour le commerce, a expliqué que Washington mettrait à profit le nouveau cycle de pourparlers multilatéraux pour obtenir notamment : une réduction globale des tarifs à l'importation ; une transparence et des disciplines renforcées pour les entreprises commerciales d'Etat ; des règles améliorées pour les organismes génétiquement modifiés ; des dispositions plus strictes pour la gestion des quotas tarifaires d'importation.

Les deux prochaines années s'annoncent donc houleuses pour l'OMC dans le domaine agricole.

3. Les effets des phénomènes climatiques sur les récoltes mondiales

" El Nino " signifie " l'enfant ". Les pêcheurs péruviens ont appelé ainsi ce phénomène, car il a lieu durant les fêtes de Noël. Apparu en mars 1997, il se manifeste par un réchauffement de l'océan Pacifique sur la côte sud américaine et un refroidissement sur la côte asiatique.

Aucun bilan global n'a encore été dressé sur l'ensemble des conséquences d'El Nino notamment sur la santé humaine, les pertes économiques et les dégâts écologiques.

Rappelons que le précédent El Nino en 1982-1983 avait fait plus de 2.000 morts et que son coût avait été évalué entre 10 et 13 milliards de dollars. Le bilan d'El Nino 1997-1998 risque d'être beaucoup plus lourd.

Les pays les plus touchés sont l'Indonésie et les Philippines.

En Indonésie, plus de 80 % des récoltes de la province du Kalimantan-est ont été détruites par la sécheresse qui sévit depuis 10 mois. Au total, plus de 84.000 hectares de terres cultivables ne porteront pas de récolte cette année, et le pays est menacé par une pénurie alimentaire record. L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM) estiment que la production de 1998 s'établira à 47,5 millions de tonnes de riz non décortiqué, soit une baisse de 3,6 % par rapport à l'an passé, et de 6 % par rapport à 1996. L'effet de la sécheresse a été aggravé par une explosion des prix des engrais et semences de qualité suite à une dévaluation de 70 % de la roupie.

L'Indonésie va devoir effectuer des importations record d'au moins 3,5 millions de tonnes de riz d'ici à la fin de la présente campagne en mars 1999. Le Gouvernement indonésien ne pourrait importer que 1,5 million de tonnes, ce qui laissera un déficit de deux millions que l'assistance internationale sera appelée à combler. Quelques 7,5 millions d'Indonésiens se trouvent dans une situation de pénurie alimentaire et des milliers de personnes sont déjà mortes.

Aux Philippines, ce bilan de la sécheresse affectant le sud du pays est monté à une cinquantaine de morts, tandis que 1,5 million de personnes souffrent de sous-nutrition. La sécheresse a détruit des milliers d'hectares de rizières et dévasté les récoltes dans plusieurs provinces de l'île de Mindanao. Selon la Croix-Rouge, un total de 200.000 hectares a été ravagé. Une somme de 250.000 dollars a été débloquée par Manille début avril pour fournir d'urgence du riz à la population.

Les pays européens et la France sont relativement peu touchés par ces phénomènes enregistrés dans l'océan Pacifique.

A l'opposé d'El Nino, le phénomène climatique " La Nina ", se traduit par un refroidissement de l'océan Pacifique sur la côte ouest sud-américaine. Elle a, de ce fait, des effets contraires sur le climat. La Nina est donc plus favorable aux pays de l'hémisphère sud. Selon M. George Taylor, climatologiste américain, les deux cycles se manifesteraient successivement par période d'une vingtaine d'années. Depuis 1994, c'est La Nina qui prédomine. Mais comme dans tout cycle, il y a des exceptions et 1997 se traduit par un El Nino qui, selon certains climatologues, est d'une amplitude rare.

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