EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 3 novembre 1998, la commission a examiné le rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 1999 de M. Gérard César sur l'agriculture.

Après avoir rendu hommage à M. Alain Pluchet, qui a rapporté pendant de nombreuses années les crédits du ministère de l'agriculture, M. Gérard César, rapporteur pour avis, a souligné, à titre liminaire, que l'examen des crédits inscrits au budget du ministère de l'agriculture revêtait cette année une importance particulière, l'agriculture française étant appelée à connaître une double réforme.

Il a fait, tout d'abord, état de la nouvelle réforme de la politique agricole commune, longuement analysée par la commission au mois de juin dernier.

Il a ensuite évoqué le projet de loi d'orientation agricole, qui marque une évolution significative par rapport au projet de loi élaboré par le précédent Gouvernement et, surtout, aux objectifs des précédentes lois d'orientation de 1960 et 1962.

M. Gérard César, rapporteur pour avis, a estimé que cette double réforme de l'agriculture française devrait permettre à ce secteur d'affronter, d'une part, la reprise des négociations agricoles dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce (OMC) et, d'autre part, l'intégration des pays d'Europe centrale et orientale (PECO), tout en préservant l'identité agricole française et européenne.

En ce qui concerne le budget, M. Gérard César, rapporteur pour avis, a précisé que les crédits du ministère de l'agriculture dans le projet de loi de finances pour 1999 baissaient de près de 6 % par rapport à 1998. Hors subvention d'équilibre au BAPSA, il a indiqué que le montant des crédits progressait de 3 % par rapport à 1998 pour s'établir à 28,2 milliards de francs.

Faisant état des quatre priorités de la politique budgétaire du ministère de l'agriculture, M. Gérard César, rapporteur pour avis, a tout d'abord présenté le financement des contrats territoriaux d'exploitation (CTE) que devrait mettre en place la loi d'orientation agricole. Il a rappelé que ces contrats étaient destinés à orienter l'intervention économique dans la voie d'un rééquilibrage à la fois territorial et social de l'agriculture.

Si le rapporteur s'est félicité d'un tel effort de précision budgétaire de la part du Gouvernement, il s'est interrogé sur deux points essentiels : d'une part, il s'est étonné que le Gouvernement considère dès septembre 1998 comme acquise la mise en place du CTE, celui-ci n'étant pas adopté par le Parlement ; d'autre part, il a regretté que les crédits du CTE soient obtenus par des redéploiements budgétaires aboutissant à vider les chapitres réservés au fonds de gestion de l'espace rural (FGER) et aux opérations groupées d'aménagement foncier (OGAF).

M. Gérard César, rapporteur pour avis, a exprimé ses doutes quant à la réalité d'un financement communautaire d'une partie du CTE, compte tenu de l'évolution actuelle des négociations communautaires.

Il a ensuite précisé que les crédits de l'enseignement agricole, la formation et la recherche augmentaient de 6 % avec 6,86 milliards de francs en dépenses ordinaires.

Puis, il a souligné que les crédits destinés à la sécurité et la qualité de l'alimentation étaient en progression de 10,5 %. En ce qui concerne l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), créée par la loi du 1er juillet 1998 et dotée de 11,7 millions inscrite au projet de budget de l'agriculture pour 1999 -35 millions en ajoutant l'ensemble des dotations- il a souhaité que sa mise en place s'effectue rapidement.

Le rapporteur pour avis a, enfin, évoqué la quatrième et dernière priorité du Gouvernement, qui concerne les retraites. Après avoir rappelé que cette mesure de 1,6 milliard de francs constituait la deuxième étape du plan pluriannuel de revalorisation, il a néanmoins estimé que ces efforts n'étaient à la mesure ni de ceux accomplis de 1993 à 1997, ni de l'objectif tendant à assurer aux retraités agricoles 75 % du salaire interprofessionnel de croissance.

En conclusion, M. Gérard César, rapporteur pour avis, a demandé à la commission de donner un avis défavorable au budget du ministère de l'agriculture et ce pour trois raisons principales :

- le caractère aléatoire et peu compréhensible du financement du CTE, avant même que le Parlement n'ait statué sur cette mesure ;

- la forte baisse des crédits affectés à la POA ;

- la suppression des crédits affectés au fonds national de garantie contre les calamités agricoles.

Il a, en outre, souhaité que le Sénat soit vigilant lors du futur examen du projet de loi d'orientation agricole.

M. Michel Souplet s'est interrogé sur l'opportunité d'envisager le financement du contrat territorial d'exploitation (CTE), alors même que le Parlement n'avait pas encore statué sur ce dispositif.

M. Philippe François, après avoir approuvé l'orateur précédent, s'est étonné de la mise en oeuvre de la phase de préfiguration des CTE, qui conduit les représentants de l'Etat à organiser, dès maintenant, la mise en place de ce dispositif.

M. Bernard Piras a fait valoir qu'en l'absence de prévisions budgétaires sur le CTE, certains n'avaient pas manqué de critiquer l'absence de prévisions budgétaires du Gouvernement. Il a, en outre, rappelé que le CTE avait recueilli l'assentiment de l'ensemble des organisations professionnelles agricoles. Après avoir constaté que ce budget de l'agriculture marquait une véritable rupture, très positive, en matière de politique agricole, il a néanmoins regretté, lui aussi, l'absence de dotation du fonds de lutte contre les calamités agricoles.

M. Jean-Paul Emorine a fait part de sa déception face aux nouvelles orientations retenues par le projet de loi d'orientation agricole, ainsi que devant le projet de loi de finances pour 1999. Il s'est ému de la disparition des dotations budgétaires en faveur du fonds de gestion de l'espace rural. Après s'être interrogé sur l'opportunité de l'évolution du dispositif des préretraites en faveur des agriculteurs en difficulté, il a considéré qu'il était difficile de concilier promotion des installations de jeunes agriculteurs et diminution des moyens financiers. Il s'est, en outre, montré surpris de l'absence de crédits consacrés à la lutte contre les calamités agricoles, alors même que de nombreux pays mettaient en place des dispositifs d'assurances récoltes.

M. Gérard César, rapporteur pour avis, a considéré que le redéploiement des crédits affectés au CTE posait un vrai problème. Il a constaté, à son tour, que l'absence de dotations des crédits en faveur du fonds des calamités agricoles constituait une grave erreur. Il a ensuite évoqué la question des préretraites.

M. Bernard Piras a estimé que l'examen du projet de loi de finances pour 1999 devrait permettre de dégager une solution pour le fonds de calamités agricoles. Il a ensuite rappelé l'importance des mesures budgétaires prises en faveur des retraites.

M. Jean-Pierre Plancade s'est interrogé sur la position du rapporteur pour avis sur le CTE.

M. Gérard César, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il souhaitait se prononcer exclusivement, dans le cadre du débat budgétaire, sur le financement du CTE et non sur le dispositif mis en place dans le projet de loi d'orientation agricole.

M. Désiré Debavelaere a considéré que le projet de loi d'orientation agricole allait dans le mauvais sens puisqu'il ne visait plus à considérer l'agriculture comme une force économique à part entière. Il a estimé que la philosophie d'ensemble du projet de loi d'orientation agricole, consistant à ne plus privilégier la conquête des marchés extérieurs et la compétitivité, constituait une erreur politique grave et engageait l'agriculture vers une logique de " guichet ".

Après avoir approuvé la position du rapporteur pour avis, M. Marcel Deneux a fait remarquer qu'on assistait à une érosion continue de l'intervention de l'Etat dans le domaine agricole. Il a en outre rappelé que les crédits du ministère de l'agriculture constituaient moins de 20 % de l'ensemble des concours publics à l'agriculture.

Après l'intervention de M. Dominique Braye, M. Hilaire Flandre a estimé que, si les CTE avaient été considérés dans un premier temps comme une idée innovante, consacrant la multifonctionnalité de l'agriculture, les organisations professionnelles et les collectivités locales se montraient aujourd'hui plus réservées.

Rappelant que l'agriculture était loin d'être homogène, M. Michel Teston s'est étonné de la position du Sénat, notamment sur le CTE, compte tenu de sa vocation à représenter les zones rurales.

M. Michel Souplet a fait remarquer que le Sénat se prononcerait sur le dispositif du CTE lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole. Ayant rappelé la spécificité du modèle agricole européen, il a souhaité que soit dégagé un modèle agricole français.

M. Patrick Lassourd a considéré que le CTE était une bonne idée, mais qu'il était seulement un outil parmi d'autres. Il a regretté que le projet de loi d'orientation agricole ne fasse plus référence à la notion d'économie agricole. Après avoir évoqué la crise du porc, il a fait état du risque de bureaucratisation dont était porteur le projet de loi d'orientation agricole.

M. Louis Althapé a estimé que le CTE ne permettrait pas de favoriser le développement de l'agriculture française.

Après avoir indiqué que le CTE pouvait, dans certaines circonstances, constituer une mesure adéquate, Mme Janine Bardou a souhaité que l'agriculture conserve prioritairement sa fonction de production.

M. Bernard Murat a constaté qu'il était trop tôt pour permettre une évaluation définitive du CTE. Il a en outre rappelé que les jeunes agriculteurs souhaitaient vivre de leur production, et notamment, de produits de qualité.

Après le rappel par M. Philippe François du travail de la commission sur l'avenir de la politique agricole commune, M. Gérard Le Cam a pris comme exemple la crise du porc, afin de démontrer la nécessaire réorientation de notre politique agricole. Il a ensuite considéré que le CTE était une des solutions pour l'avenir de l'agriculture. Il a ensuite énuméré les avantages et les inconvénients du projet de budget pour 1999.

M. Bernard Piras a rappelé que la profession agricole était majoritairement en faveur du CTE.

M. Gérard César, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il proposerait à la commission, lors de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances, un amendement tendant à la suppression du chapitre budgétaire relatif au CTE, et ce pour des raisons strictement budgétaires.

La commission a ensuite donné un avis défavorable à l'adoption des crédits inscrits en faveur de l'agriculture dans le projet de loi de finances pour 1999.

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