III. LA MISE EN PLACE DE STRUCTURES DE VALORISATION DE LA RECHERCHE
A. LA CRÉATION D'INCUBATEURS
Les
structures d'incubation au sein des universités et des organismes de
recherche jouent un rôle très important dans le
développement des jeunes entreprises de haute technologie, que ce soit
dans certains pays d'Europe (par exemple les Pays-Bas ou la Finlande) ou aux
Etats-Unis. Ces structures d'incubation offrent en effet à des porteurs
de projets ou à des entreprises déjà créées,
au-delà du partage d'infrastructures physiques, une panoplie de services
financiers, juridiques ou commerciaux ainsi qu'un environnement favorable
à la création et au développement de ces entreprises,
qu'il s'agisse de la proximité de centres de recherche ou de la mise en
relation avec les investisseurs. Ces services donnent lieu à une
contrepartie financière, même si celle-ci n'est pas toujours
payée au démarrage immédiat de l'entreprise.
En France, seuls quelques grands organismes ou universités ont
essayé de mettre en place des structures d'incubation, sans y parvenir
d'ailleurs toujours totalement.
Dans certains cas, la création de ces structures s'est heurtée
à des obstacles liés au manque de moyens financiers ou au manque
d'expérience de leurs dirigeants.
Mais, la plupart du temps, ce sont les problèmes juridiques qui ont
empêché la création de telles structures
. En effet, les
conditions dans lesquelles les universités et les organismes de
recherche peuvent mettre à la disposition des entreprises, par le biais
de ces incubateurs, des locaux et des moyens matériels et humains, ne
sont pas éclaircies, ce qui est de nature à mettre en jeu la
responsabilité des dirigeants devant la Cour des comptes et peut
éventuellement poser problème vis-à-vis des règles
de concurrence. Les présidents d'universités et les directeurs
d'organismes de recherche sont ainsi demandeurs de règles claires leur
permettant de bien conduire leur action de transfert de technologie et d'aide
à la création d'entreprises de haute technologie.
Les articles 1
er
et 2 ont pour objet de tracer le cadre
général des missions confiées aux structures d'incubation
et de donner une base juridique à la création de telles
structures, qui sera précisée par décret.
Les conditions dans lesquelles s'effectue la mise à disposition de
moyens aux entreprises seront approuvées par le conseil d'administration
de l'organisme de recherche et de l'université ou, le cas
échéant, de sa filiale.
Dans le cas où l'incubateur est créé sous forme de
filiale, une convention cadre établira les relations entre cette filiale
et l'organisme de recherche ou l'université.
A l'heure actuelle, moins d'une centaine d'entreprises de haute technologie
sont créées tous les ans en France et, parmi celles-ci, une
quarantaine le sont à l'initiative de chercheurs ou
d'enseignants-chercheurs. Un bilan de ces expériences montre notamment
que les entreprises créées à l'initiative de chercheurs
sont en moyenne trois fois plus créatrices d'emplois que les autres avec
un effectif moyen de onze salariés quelques années après
leur création.
Nombre d'entre elles sont promises à une forte croissance et on peut
déjà constater qu'une bonne fraction des entreprises candidates
à l'entrée sur le nouveau marché sont nées dans ces
conditions.
On recense actuellement quinze entreprises qui ont été
créées par des chercheurs de l'Institut national de recherche en
informatique et en automatique (INRIA). Depuis 10 ans, l'INRIA a
constitué un club informel de sociétés technologiques qui
réunit les entreprises créées dans sa mouvance. Au total,
ces sociétés emploient près de 850 personnes et produisent
un chiffre d'affaires cumulé voisin de 500 millions de francs. Trois de
ces entreprises sont des filiales, aujourd'hui minoritaires, de l'INRIA :
Simulog (informatique scientifique), Ilog (intelligence artificielle) et 02
Technologies (bases de données orientées objets). Ilog est
entrée au Nasdaq au début de 1997. Pour renforcer ce mouvement de
création et de développement de sociétés de haute
technologie, l'INRIA a créé, au début de 1998, une filiale
- INRIA-Transfert - qui est actionnaire à 34 % de la
société de gestion du fonds d'amorçage I-Source qui a
déjà levé près de 100 millions de francs.
A l'Institut national de la santé et de la recherche médicale
(INSERM), on recense treize entreprises représentant 600 emplois.
Dix-huit entreprises créées par des chercheurs mis en
disponibilité sont répertoriées au Centre national de la
recherche scientifique (CNRS), chiffre qui ne prend pas en compte les
entreprises créées avec le concours scientifique d'un chercheur
demeurant en activité.
Cinq entreprises ont été créées par des chercheurs
de l'Institut national de recherche agronomique (INRA). En outre, l'INRA est
partie prenante dans deux GIP, et a mis en place avec plusieurs partenaires le
groupement d'intérêt économique (GIE) Labogena dans le
domaine de la génétique animale. Elle participe également
à deux sociétés, l'une issue de la recherche, Transgene,
l'autre appartenant au secteur bancaire, Agrinova, pour soutenir le
développement des PME de la sphère agro-alimentaire.
Un fort développement de ces créations d'entreprises est attendu
dans le domaine des industries de la santé et des biotechnologies, comme
le montre le bilan positif des entreprises créées à partir
de travaux de l'INSERM qui commercialisent une centaine de réactifs de
recherche, une dizaine de dispositifs de génie biologique et
médical et un médicament.
B. LA CRÉATION DE SERVICES D'ACTIVITÉS INDUSTRIELLES ET COMMERCIALES DANS LES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
Les
activités industrielles et commerciales des établissements
d'enseignement supérieur s'exercent actuellement, soit au sein de
filiales ou de groupements d'intérêt public, lorsqu'elles sont
exercées en collaboration avec d'autres partenaires, soit au sein de
services internes des établissements. Elles représentent
20 % en moyenne des budgets des établissements et
s'élevaient à 1.995 millions de francs en 1991 et
2.458 millions de francs en 1995.
Cependant, toutes les activités de nature industrielle et commerciale
n'ont pas vocation à être confiées à des filiales,
en raison soit de la faiblesse relative ou du caractère temporaire de
ces activités, soit de leur rentabilité insuffisante. Il est par
ailleurs très difficile pour les établissements d'enseignement
supérieur de gérer ces activités au sein de services
internes, dan la mesure où les règles budgétaires et
comptables qui s'appliquent à ces services ne sont ni claires ni tout
à fait adaptées. Enfin, les établissements n'ont quasiment
pas la possibilité de recruter du personnel sur les ressources propres
tirées de ces activités. Les réflexions sur les moyens
permettant une adéquation entre les besoins de flexibilité de
gestion des activités commerciales et un contrôle rigoureux de
l'activité des établissements d'enseignement supérieur ont
amené à envisager la création de services
d'activités industrielles et commerciales, non dotés de la
personnalité morale.
La fonction de ces services serait d'organiser, avec les autres composantes et
services communs, les activités commerciales de l'établissement
en :
- déterminant une politique commerciale au niveau de
l'établissement ;
- fixant une politique tarifaire ;
- gérant matériellement les contrats.
La création de ces services dans les universités et les autres
établissements d'enseignement supérieur, avec des règles
de fonctionnement adaptées, constituerait ainsi une réponse aux
problèmes évoqués ci-dessus. Ils auraient vocation
à regrouper des activités comme la gestion des brevets, les
prestations de service, voire des activités éditoriales.
CHAPITRE III
UN VOLET FISCAL À ENRICHIR
Le
projet de loi qui nous est soumis ne comporte qu'une seule disposition fiscale
en faveur des entreprises innovantes. L'article 3 propose en effet
d'aménager le régime des bons de souscription de parts de
créateur d'entreprise créé en décembre 1997 afin
d'en élargir le champ d'application. Il propose d'en étendre le
bénéfice aux entreprises détenues à 25 % au
moins - au lieu de 75 % dans la rédaction actuelle - par
des personnes physiques ou par des personnes morales détenues par des
personnes physiques.
S'il convient de se réjouir d'un assouplissement opportun, on peut en
revanche s'étonner qu'un projet de loi destiné à
encourager l'innovation et la recherche n'aborde pas le problème du
financement des entreprises innovantes dont on a vu
1(
*
)
qu'il constituait un des obstacles
majeurs à la création d'entreprises de haute technologie.
Par ailleurs, le gouvernement a finalement renoncé à
insérer dans le présent projet de loi la réforme
d'ensemble des plans d'option sur action qu'il s'était engagé
devant le Sénat à présenter dans les meilleurs
délais, et dont il a d'ailleurs déjà rendu publiques les
grandes lignes.