I. UN PROJET DE LOI SILENCIEUX SUR LE FINANCEMENT DE L'INNOVATION
Le
financement de l'innovation est assuré par l'Etat essentiellement par
l'intermédiaire des aides de l'Agence nationale de valorisation de la
recherche (ANVAR). Pour le reste, il n'existe, à l'exception du
crédit d'impôt-recherche qui s'applique en cas d'augmentation des
dépenses de recherche
2(
*
)
,
qu'un seul mécanisme fiscal spécifiquement conçu pour
financer les entreprises innovantes. Il s'agit des fonds communs de placement
dans l'innovation (FCPI) créés par M. François
d'Aubert en décembre 1996.
Compte tenu de leurs coûts d'expertise et de gestion, ces fonds
n'investissent pour l'essentiel que dans des sociétés non
cotées qui se trouvent déjà dans une phase de
post-amorçage. Seules les " grosses Start Up " ont une chance
de trouver des fonds. En outre, le champ d'investissement des FCPI
s'avère excessivement restrictif, les conduisant à se livrer une
concurrence sévère pour placer les importantes sommes
collectées (1,2 milliard de francs).
Or, on l'a vu plus haut,
le maillon faible de la chaîne de financement
de l'entreprise innovante est la phase d'amorçage
,
c'est-à-dire la transformation d'une idée en une entreprise
viable et potentiellement créatrice d'emplois. Une fois
réalisé l'amorçage du processus qui conduira au lancement
du produit sur le marché, le financement des phases de
développement du produit, de son industrialisation, et de sa
commercialisation fait appel à des outils financiers bien
expérimentés (sociétés de capital-risque,
financements bancaires, FCPI).
Il convient dès lors d'essayer de drainer des fonds en provenance des
épargnants de proximité ou des investisseurs providentiels. C'est
l'objectif de la loi dite " Madelin " qui a institué une
réduction d'impôt pour souscription au capital de
sociétés non cotées. Toutefois, cette aide fiscale qui
aboutit à réduire le risque d'un quart, ne draine que
relativement peu de capitaux en raison de plafonds de souscription trop
restrictifs.
Votre rapporteur pour avis vous proposera en conséquence
d'améliorer les dispositifs existants et de créer un dispositif
spécifique pour les " Investisseurs providentiels " qui
souhaiteraient consacrer une partie de leurs économies au financement
d'entreprises innovantes.
A. AMÉNAGER LE DISPOSITIF DES FONDS COMMUNS DE PLACEMENT DANS L'INNOVATION
1. Les Fonds communs de placement dans l'innovation
Créés par la loi de finances pour 1997, les fonds communs de placements dans l'innovation (FCPI) sont une sous-catégorie de fonds communs de placements à risques (FCPR) qui viennent eux-mêmes se placer au sein des FCP, eux-mêmes placés au sein des OPCVM. Ils présentent deux caractéristiques : des contraintes de gestion et d'investissement spécifiques par rapport aux FCPR, un régime fiscal plus avantageux entre les mains des détenteurs de parts.
a) Des contraintes d'allocations d'actifs spécifiques
La
spécificité des FCPI au sein des FCPR porte exclusivement sur
leurs contraintes d'allocations d'actifs.
L'actif de ces fonds doit en effet être constitué pour 60 %
au moins
3(
*
)
de valeurs
mobilières, parts de SARL et avances en comptes courants
4(
*
)
émises par des
sociétés remplissant les conditions suivantes :
Être soumises à l'impôt sur les
sociétés ;
Compter moins de 500 salariés ;
Être majoritairement détenues par des personnes physiques ou
par des personnes morales détenues par des personnes physiques
5(
*
)
;
Être innovantes. Cette condition s'apprécie au regard de
l'un ou l'autre des deux critères suivants :
- avoir réalisé, au cours des trois exercices
précédents, des dépenses de recherche d'un montant au
moins égal au tiers du chiffre d'affaires le plus élevé
réalisé au cours de ces trois exercices (c'est la condition
donnant accès au crédit d'impôt recherche) ;
- ou justifier de la création de produits, procédés ou
techniques dont le caractère innovant et les perspectives de
développement économiques sont reconnus, ainsi que le besoin de
financement correspondant. Le décret n° 97-237 du 14 mars 1997
a désigné l'ANVAR comme organisme délivrant
l'agrément pour une durée de trois ans.
En pratique, la quasi-totalité des sociétés qui figurent
dans l'actif des FCPI ont été agrées par l'ANVAR, surtout
lorsque leurs dépenses n'entrent pas dans le champ d'application du
crédit d'impôt recherche. C'est évidemment le cas des
entreprises nouvelles.
b) Un régime fiscal avantageux
Les
souscriptions de parts de FCPI effectuées par des particuliers entre le
1
er
janvier 1997 et le 31 décembre 2001 ouvrent droit
à une réduction d'impôt de 25 % du montant des
versements, dans une limite de 75 000 francs pour les contribuables
célibataires, veufs ou divorcés et de 150 000 francs
pour les contribuables mariés soumis à imposition commune.
Les parts dont la souscription a ouvert droit à la réduction
d'impôt ne peuvent pas figurer dans un plan d'épargne en actions
(PEA).
Très classiquement, une reprise d'impôt est prévue lorsque
les conditions pour bénéficier de l'avantage fiscal ne sont plus
remplies. Outre les conditions propres au FCPI, celles-ci sont de deux
ordres :
- l'engagement de conserver les parts pendant au moins cinq ans ;
- l'interdiction de détenir en famille plus de 10 % des parts
du fonds ou plus de 25 % des droits dans les bénéfices des
sociétés figurant dans l'actif du fonds, et ce depuis au moins
cinq ans avant la souscription au fonds ou l'intégration des titres
considérés dans le fonds.
Ces deux conditions sont très proches de celles retenues pour le droit
commun des FCPR. Elles sont destinées à favoriser la
détention de titres à long terme, nécessaire à la
logique du financement en fonds propres, et à éviter le
détournement du dispositif à des fins d'optimisation fiscale.
Enfin, comme pour les FCPR, les revenus et les plus-values à la sortie
sont exonérés d'impôt (hormis le CSG et la CRDS) à
condition que les parts du FCPI aient été conservées
pendant cinq ans.
Étant donné la spécificité des FCPI, les gains
devraient surtout s'observer sur les dernières années de
détention, lorsque les entreprises sélectionnées auront
pleinement tiré profit de leurs marché. S'il l'on prend une
hypothèse de rendement de 6 %, l'avantage fiscal permet de porter
la rentabilité à près de 10 % l'an.
2. Des placements contraints
Les FCPI
rencontrent un grand succès auprès des épargnants depuis
leur création en décembre 1996, au point que certaines demandes
risquent de ne pas être toutes satisfaites malgré une offre plus
abondante en 1998. Certaines banques réservent les FCPI à leurs
meilleurs clients.
Ainsi, à l'heure où ce rapport est mis sous presse, le montant de
la collecte de capitaux placés dans les quelques dix FCPI existants est
évalué à 1,2 milliard de francs (340 millions de francs
collectés en 1997 et 800 millions francs en 1998). Les FCPI
disposent de deux exercices pour investir 60 % de ces sommes dans des
sociétés innovantes non cotées de moins de 500
salariés. Jusqu'à présent, ils ont pratiquement tous
placé environ la moitié du quota exigé, soit 30 % des
capitaux collectés, ce qui représente au total une centaine de
millions de francs en 1997. Toutefois, une forte concurrence s'exerce entre eux
pour placer le reste des sommes.
Or, la principale difficulté du capital-investissement est la
sélection des entreprises où investir : celles ayant un fort
potentiel sont rares par nature et cette rareté est accentuée par
les conditions législatives et réglementaires.
Le dispositif des FCPI souffre en effet d'un double goulot
d'étranglement :
- à l'entrée, rares sont les entreprises qui satisfont à
l'ensemble des conditions d'éligibilité ;
- au cours de la vie du FCPI, encore moins nombreuses sont les entreprises qui
continuent de satisfaire à l'ensemble des conditions sur la
durée. Or, il est nécessaire qu'une entreprise demeure
suffisamment longtemps dans le portefeuille de participations d'un FCPI pour
que celui-ci puisse en retirer tous les fruits et réaliser des
plus-values.
3. Des aménagements jusqu'à présent insuffisants
Le
régime des FCPI a été aménagé à deux
reprises depuis décembre 1996 :
- s'agissant de la condition relative à la détention majoritaire,
par des personnes physiques, du capital des sociétés dont les
titres peuvent figurer dans le quota de 60 % des FCPI, la loi de finances
rectificative pour 1997 a proposé de ne pas tenir compte de
l'éventuelle participation d'organismes ayant vocation à soutenir
le capital-investissement et l'innovation (sociétés de
capital-risque, sociétés de développement régional,
sociétés financières d'innovation, fonds communs de
placements à risques et FCPI). Un tel assouplissement a levé un
obstacle important aux possibilités d'investissement des FCPI. En effet,
les entreprises innovantes étant peu nombreuses, les mêmes
investisseurs en capital ont tendance à se retrouver dans les
différents tours de table.
- la loi de finances pour 1999 a de nouveau assoupli les conditions
d'éligibilité des sociétés en appréciant au
moment de l'investissement initial les conditions relatives au caractère
innovant et au nombre de salariés de ces sociétés, et non
pas tout au long de la vie du FCPI. Cette même loi a prorogé
jusqu'au 31 décembre 2001 le bénéfice de la
réduction d'impôt pour souscription au capital d'un FCPI.
Toutefois, votre rapporteur pour avis rejoint le rapporteur
général du budget pour considérer que
ces
aménagements restent insuffisants
.
En particulier, et en dépit de la neutralisation des participations des
organismes spécialisés dans le capital-investissement,
la
condition relative à la détention majoritaire du capital des
entreprises éligibles par des personnes physiques est jugée
draconienne par les sociétés gestionnaires de FCPI
dans la
mesure où - à la différence des autres
conditions -
elle continue d'être appréciée tout au
long de la présence de la société dans le FCPI
.
Or, les besoins de financement sont souvent tels pour une entreprise de
croissance que
la part du capital détenue par des personnes physiques
est progressivement diluée
à l'occasion des augmentations de
capital successives jusqu'à devenir minoritaire. Il est en effet rare
qu'une personne physique puisse " remettre au pot " à chaque
étape de la croissance de son entreprise. Les gérants de FCPI
peuvent ainsi être amenés à se déposséder de
leur participation dans une société à très fort
potentiel de croissance au moment où les besoins de financement de cette
dernière l'obligent à ouvrir la majorité de son capital
à des personnes morales (par exemple des établissements
financiers) et avant d'avoir pu rentabiliser son investissement.
Le gouvernement est lui même sensible à ce problème
puisqu'il propose de ramener de 75 % à 25 % la part du capital
qui doit être détenue par des personnes physiques ou des personnes
morales détenues par des personnes physiques, afin que cette entreprise
puisse émettre des bons de souscription de parts de créateur
d'entreprise (BSPCE). On peut ainsi lire dans l'exposé des motifs du
présent projet de loi :
" Cette mesure étendra le champ d'application de ce dispositif
aux entreprises innovantes créées par des inventeurs ou des
chercheurs, dans la mesure où ceux-ci n'ont pas les moyens de
posséder une part importante du capital et où ils doivent
s'associer à des investisseurs industriels. Elle permettra
également à ces entreprises de continuer à émettre
des BSPCE en phase de croissance, lorsqu'elles ouvriront leur
capital. "
4. Un élargissement nécessaire du champ des entreprises éligibles
Votre
rapporteur estime qu'un relâchement de certaines contraintes
législatives et réglementaires s'impose, d'une part pour
faciliter le placement par les FCPI de l'argent collecté, et d'autre
part pour ne pas obliger un FCPI à revendre ses parts dans une
société dont la réussite l'amènerait à ne
plus remplir la condition de détention majoritaire du capital par des
personnes physiques.
En effet, votre rapporteur pour avis considère que le ciblage
volontairement restrictif des sociétés éligibles au quota
de 60 % des FCPI ne doit pas avoir pour corollaire une diminution de la
qualité des investissements que les FCPI sont appelés à
réaliser et, en conséquence, un accroissement du risque pris, au
détriment des épargnants.
Mais surtout, en imposant un critère de détention par des
personnes physiques,
il n'entrait pas dans la volonté initiale du
législateur de restreindre à l'excès le champ des
sociétés éligibles mais d'empêcher
l'éligibilité aux FCPI des filiales de grands groupes
.
En effet, si l'on se reporte au rapport de la commission des finances du
Sénat sur la loi de finances rectificative pour 1997
6(
*
)
, on y lit sous la plume d'Alain
Lambert, alors rapporteur général :
" Le
régime des FCPI est bâti pour bénéficier à
d'authentiques jeunes PME innovantes, de façon à éviter
son détournement au profit de filiales créées de toutes
pièces à cette fin par de grands groupes, risque qui existe dans
la plupart des dispositifs réservés aux PME ".
De même, le rapport de M. Didier Migaud, rapporteur
général de la commission des finances de l'Assemblée
nationale, souligne
7(
*
)
:
" Cette disposition a pour but d'éviter la création de
filiales ad hoc dont les titres seraient éligibles aux FCPI, alors
même qu'elles seraient en situation de dépendance vis-à-vis
de grandes sociétés ".
La rédaction retenue s'inspirait alors de la définition
communautaire des petites et moyennes entreprises
8(
*
)
. Toutefois, il est tout à fait
envisageable d'adopter une rédaction qui permette d'exclure les filiales
de grands groupes tout en permettant l'ouverture du capital des PME
éligibles à d'autres partenaires financiers. C'est ce que vous
proposera votre commission.
Un tel amendement ne devrait pas avoir de conséquences sur la
dépense fiscale dès lors que les fonds ont déjà
été collectés et qu'il s'agit juste de supprimer un goulot
d'étranglement à la sortie. En effet, cette mesure vise à
étendre le nombre des entreprises éligibles et non à
augmenter le nombre de souscripteurs de parts de FCPI.
Par ailleurs, il ressort des auditions réalisées par votre
rapporteur pour avis qu'une autre contrainte peut être pénalisante
pour les sociétés qui souhaitent ouvrir leur capital à un
FCPI. Il s'agit de l'impossibilité pour un FCPI d'investir dans une
holding qui détiendrait à hauteur de 90 % de ses actifs des
participations dans des sociétés innovantes répondant aux
conditions d'éligibilité.
Or, il peut être intéressant pour un créateur d'entreprise
de détenir son entreprise par l'intermédiaire d'une
société holding, ce mode de structuration lui permettant
notamment de conserver le contrôle majoritaire de la
société en cas de dilution du capital suite à
l'arrivée d'investisseurs ayant une plus grande surface
financière.
Un tel assouplissement est d'ailleurs prévu pour les
sociétés de capital risque en vertu de l'instruction 4
H-2-92 du 14 janvier 1992. Il est ainsi admis que les titres d'une
société holding qui détient 90 % de ses actifs
immobilisés et de ses placements en participations dans une
société qui répond aux conditions prévues pour que
ses titres soient inclus dans le portefeuille exonéré en cas de
participation directe de la SCR, soient pris en compte dans le quota de
50 % des SCR, à condition que la société holding
participe activement à la gestion et au contrôle des
sociétés non cotée dans lesquelles elle détient des
actions ou des parts.
B. RELEVER LES PLAFONDS D'INVESTISSEMENTS DE LA LOI MADELIN
Les
166.000 entreprises créées en France en 1997 ont mobilisé
environ 18 milliards de francs. Ces fonds proviennent d'une part du financement
public (pour en moyenne 20 %) sous forme d'aides diverses et notamment
locales, d'autre part du concours bancaire (pour environ 22 % des projets)
et enfin de la mobilisation de l'épargne du créateur ou de ses
proches (pour les 58 % restants).
Cette dernière a été fortement encouragée par la
loi dite " Madelin " du 11 février 1994 relative à
l'initiative et à l'entreprise individuelle qui a institué un
dispositif d'aide à la mobilisation de l'épargne de
proximité en faveur des petites et moyennes entreprises.
Une réduction d'impôt de 25 % est ainsi accordée aux
personnes physiques qui souscrivent en numéraire au capital initial ou
aux augmentations de capital de sociétés non cotées entre
le 1
er
janvier 1994 et le 31 décembre 2001
9(
*
)
.
Toutefois, les versements ne sont retenus dans la limite de 37.500 francs pour
un célibataire et de 75.000 francs pour un couple marié.
L'avantage fiscal est accordé lorsque les trois conditions suivantes
sont remplies simultanément :
la société est soumise à l'IS dans les conditions de
droit commun et exerce une activité industrielle, commerciale ou
artisanal ;
en cas d'augmentation de capital, le chiffre d'affaires hors taxes de la
société n'a pas excédé 260 millions de francs ou le
total du bilan n'a pas excédé 175 millions de francs au cours de
l'exercice précédent
10(
*
)
;
le capital de la société est détenu majoritairement par
des personnes physiques soit directement, soit par l'intermédiaire de
" holdings " familiaux.
On le voit, par construction, ce dispositif s'adresse essentiellement aux
personnes qui connaissent le dirigeant de l'entreprise ou qui sont suffisamment
informés des performances de cette dernière.
En outre, le bénéfice de cette réduction d'impôt
n'est définitivement acquis que si le contribuable conserve ses titres
durant cinq ans.
Enfin, le bénéfice de la réduction d'impôt ne peut
se cumuler avec d'autres avantages fiscaux et les actions ou parts qui ont
ouvert droit à la réduction d'impôt ne peuvent figurer dans
un plan d'épargne en actions.
Selon le fascicule budgétaire " Voies et moyens "
annexé au projet de loi de finances pour 1999, la dépense fiscale
résultant pour l'Etat d'une telle réduction d'impôt est
estimée à 360 millions de francs pour 1997
11(
*
)
et évaluée à
380 millions de francs pour 1998
.
" Force est de constater ",
écrit Jacques Singer,
président du salon des entrepreneurs et rapporteur du livre blanc de la
création d'entreprise publié en octobre 1998,
" que cet
ensemble reste insuffisant, si l'on s'en tient notamment au sentiment de
difficulté qui habite les créateurs potentiels, qui placent, pour
près de la moitié d'entre eux, le problème du financement
de leur projet comme frein majeur à l'aboutissement de sa
réalisation ".
" Si les Français épargnent chaque année un montant
significatif de leurs ressources, ils le font dans des placements en
général peu risqués et très souvent assortis d'une
défiscalisation plus ou moins importante. Cette épargne ainsi
collectée ne va que très rarement dans des projets de
création d'entreprise ".
Eu égard aux risques importants qui sont attachés à la
souscription directe au capital de sociétés non cotées,
votre commission estime qu'il convient de dynamiser le dispositif de la loi
Madelin en doublant les plafonds de versements donnant droit à la
réduction d'impôt et en supprimant tout délai de
souscription dans le temps.
Cette proposition avait été adoptée par le Sénat
à l'occasion de l'article 94 de la loi de finances mais
écartée par le gouvernement au motif que les plafonds de
versements actuels ne sont pas atteints par une majorité de redevables
de l'impôt sur le revenu
12(
*
)
. M. Christian Sautter
déclarait ainsi :
" En ce qui concerne les célibataires, 11.000 foyers fiscaux sur
66.000 atteignent [la limite de 75.000 francs], soit à peine
17 % et 900 foyers fiscaux sur 3.500 sont concernés par la seconde
limite [150.000 francs], c'est-à-dire à peu près le
quart ".
Le ministre du budget faisait cependant allusion aux plafonds
de versements donnant droit à une réduction d'impôt au
titre des souscriptions de parts de FCPI qui représentent le double des
plafonds actuels de la loi Madelin.
Votre commission vous proposera par conséquent d'aligner les plafonds de
versements donnant droit à la réduction d'impôt au titre
des souscriptions directes au capital de sociétés non
cotées sur ceux des FCPI.
Il n'y a en effet aucune raison de ne pas
accorder un avantage fiscal aussi puissant que celui accordé aux
souscripteurs de parts de FCPI dès lors que le risque pris par un
investisseur en direct est équivalent voire plus important que celui
pris dans le cadre des FCPI
dont le rôle est
précisément de mutualiser et de circonscrire les risques par des
contraintes de dispersion des placements.
Enfin, une telle augmentation des plafonds de souscription de la loi Madelin et
sa pérennisation dans le temps montrerait que la création
d'entreprises est une priorité nationale et qu'elle dépend de
l'effort de tous les Français.
C. ENCOURAGER L'ENTRÉE DES " INVESTISSEURS PROVIDENTIELS " DANS LE CAPITAL DES SOCIÉTÉS INNOVANTES
Le
capital d'amorçage permet le financement des premiers besoins de
l'entreprise et représente à ce titre un véritable enjeu.
En France, il est apporté par les fondateurs eux-mêmes ou leur
entourage proche, plus rarement par des investisseurs privés
(" Investisseurs providentiels "). Seuls les dossiers exceptionnels,
proches du zéro défaut, trouvent aujourd'hui des fonds
auprès de ces derniers.
Les " investisseurs providentiels ", créateurs d'entreprises
ou investisseurs privés ayant fait fortune et souhaitant à leur
tour aider d'autres à créer leur entreprise, sont très
actifs aux Etats-Unis où ils financent une grosse partie des besoins
initiaux des " Start Up ". En France, ils sont encore peu nombreux
même si, fédérés au sein de l'association
Leonardo
, leur nombre tend à augmenter.
En effet, en raison d'une fiscalité du patrimoine prohibitive
13(
*
)
(droits d'enregistrement en cas de
transmission d'entreprises, impôt de solidarité sur la fortune),
nombreux sont les chefs d'entreprise français ayant réussi qui
s'expatrient dans des pays à l'environnement fiscal plus
clément
. Ce sont ainsi entre 600 et 1.500 milliards de francs qui
sont sortis de France depuis deux ans selon différentes sources
dont l'association des moyennes entreprises patrimoniales (ASMEP).
Un facteur aggravant a probablement été la limitation du
mécanisme de plafonnement de la cotisation d'impôt de
solidarité sur la fortune en fonction du revenu disponible en
décembre 1995. En effet, cette mesure oblige désormais certains
redevables de l'ISF à aliéner une partie de leur patrimoine pour
payer leur cotisation. Le Sénat préconise depuis avec constance
le retour au régime de plafonnement du total de l'ISF et de
l'impôt sur le revenu en fonction des revenus disponibles instauré
en décembre 1990, mais il se heurte à l'opposition de la
majorité gouvernementale. Il semble que le gouvernement n'ait pas pris
conscience des
effets pervers d'une fiscalité confiscatoire
puisque la dernière loi de finances a encore alourdi la fiscalité
pesant sur les très hauts revenus en élargissant l'assiette
globale de revenus en fonction de laquelle est plafonné l'impôt
des redevables de l'ISF
14(
*
)
.
Plutôt que de laisser perdurer un mouvement qui devient
préoccupant, votre commission estime qu'
il convient d'atténuer
le prélèvement fiscal des dirigeants d'entreprises qui
réinvestissent en France le produit de leur réussite
entrepreneuriale dans de jeunes entreprises innovantes
en création.
Elle vous proposera ainsi une disposition tendant à permettre aux
redevables de l'ISF de réduire leur cotisation à proportion de
20 % de leurs investissements dans des sociétés innovantes.
Cette mesure ne serait évidemment pas cumulable avec d'autres
dispositifs fiscaux incitatifs tels la loi Madelin.