B. LES HAUSSES DE DÉPENSES EN FAVEUR DES RETRAITÉS, RÉVÉLATRICES DE L'IMMOBILISME
1. La revalorisation des retraites : un taux arbitraire pour une absence de réforme (article 11)
L'article 11 du projet de loi de financement de la
sécurité sociale revient sur la rédaction de loi n°
93-936 du 22 juillet 1993 qui avait établi le mode d'indexation de
retraites :
" Un arrêté interministériel fixe :
1° Le coefficient de majoration applicable aux salaires et aux cotisations
servant de base au calcul des pensions ou rentes ;
2° Le coefficient de revalorisation applicable aux pensions
déjà liquidées.
Ces coefficients sont fixés conformément au taux
prévisionnel d'évolution en moyenne annuelle des prix à la
consommation de tous les ménages hors les prix du tabac, qui est
prévu, pour l'année civile considérée, dans le
rapport économique, social et financier annexé au projet de loi
de finances ".
L'application de ce principe a connu plusieurs variations puisque l'ajustement
se fait d'une manière différente selon le respect ou non de
l'objectif d'évolution des prix.
Taux comparé d'évolution des pensions et des prix depuis la loi du 22 juillet 1993
(en %)
|
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Revalorisations |
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au 1 er janvier |
2 |
1,2 |
2 |
1,2 |
1,1 |
1,7 |
0,5 |
au 1 er juillet |
|
0,5 |
|
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Evolution annuelle |
2 |
1,45 |
2,25 |
1,2 |
1,1 |
1,7 |
0,5 |
Evolution des prix hors tabac |
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|
|
|
prévue |
2 |
1,7 |
2,1 |
1,3 |
1,3 |
1,2 |
0,9 |
constatée |
1,4 |
1,8 |
1,9 |
1,1 |
0,8 |
0,5 |
- |
source : commission des comptes de la
sécurité
sociale et projet de loi de finances
Au 1
er
janvier 1998, les retraites ont ainsi été
revalorisées de 1,1 % au lieu d'une prévision d'inflation de
1,3%, ce qui tenait compte d'un rattrapage négatif de 0,2 % sur 1997. La
loi de financement pour 1999 a supprimé cette clause de rattrapage, ce
qui a permis une revalorisation au 1
er
janvier 1999 de 1,2 %
correspondant à l'anticipation d'inflation et sans en déduire les
0,5 % accordés en trop au titre de 1998.
Cette décision avait emporté une dépense
supplémentaire pour le régime général de 1,9
milliard de francs financée par un versement exceptionnel du Fonds de
solidarité vieillesse.
Votre rapporteur pour avis s'était
montré défavorable à cette mesure structurelle.
Pour 2000, le Gouvernement propose de remplacer ce mode d'indexation par la
fixation d'un taux arbitraire, soit une hausse de 0,5 %. Il indique que la
hausse aurait dû s'élever à 0,9 % avec l'inflation,
desquels il aurait fallu déduire 0,7 point à cause de
l'écart entre l'inflation anticipée pour 1999 (1,2 %) et celle
réalisée (0,5 %). Il qualifie donc le taux applicable pour 2000
de coup de pouce de 0,3 % pour
" faire participer les retraités
à la croissance "
. Cette mesure a un coût de 950 millions
de francs pour le régime général et 1,4 milliard de francs
pour l'ensemble des régimes.
Votre rapporteur pour avis estime que la présentation de cette hausse
comme un coup de pouce est erronée, puisque le Gouvernement a
changé son mode d'indexation l'année dernière. Le choix de
0,5 % est purement arbitraire : il n'est cohérent ni avec la loi de
1993 (qui aurait dû conduire à retenir 0,2%) ni avec la loi de
financement pour 1999 (qui aurait dû conduire à retenir 0,9 %). Ce
choix arbitraire ne tient absolument pas compte d'éventuelles
décisions sur l'avenir des régimes de retraite. Il s'agit d'un
nouvel exemple de l'urgence qu'il y a à établir une vraie
réforme des retraites et à revenir à un mode d'indexation
claire et définitif.
2. Les règles de cumul emploi retraite : un nouveau délai, un nouveau rapport (article 12)
Le cumul
d'une pension de retraite avec une activité
rémunérée est soumis à la condition de l'abandon de
l'emploi occupé lors de la demande de liquidation de la pension. S'ils
souhaitent pouvoir cumuler, les salariés doivent exercer leur
activité chez un nouvel employeur, et les non salariés, exercer
une autre profession.
Ces règles de limitation du cumul emploi-retraite ont été
fixées corrélativement à l'abaissement de l'âge de
la retraite par l'ordonnance n°82 290 du 30 mars 1982 pour le
régime général et le régime des pensions civiles et
militaires, puis ont été étendues aux professions non
salariées.
Elles ont été régulièrement reconduites, la
dernière fois par la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999 jusqu'au 31 décembre 1999. Pour le Gouvernement :
" ce délai d'un an permettra de procéder à une
étude spécifique sur les dispositions régissant le cumul
d'un emploi et d'une retraite dans le cadre de l'analyse confiée au
commissaire général du Plan sur la situation de l'ensemble des
régimes de retraite. "
Le rapport Charpin a ainsi estimé que les règles actuelles
souffraient de complexité, de trop nombreuses dérogations, pour
un effet très limité sur le niveau de l'emploi.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000
dans son article 12 entend prolonger à nouveau ce délai d'un an.
En effet, selon le Gouvernement cette année,
" un
aménagement éventuel des règles actuelles nécessite
une réflexion approfondie. Une mission en ce sens a été
confiée à Monsieur Dominique Balamary, conseiller d'Etat, le 30
juillet 1999, par la ministre de l'emploi et de la solidarité, le
ministre de l'économie des finances et de l'industrie, le ministre de la
fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation et le secrétaire d'Etat au budget. Cette mission
consiste en une analyse des dispositions en vigueur régissant le cumul
entre un emploi et une retraite, notamment leur champ d'application, leur
cohérence avec les dispositifs de retraite progressive et de
préretraite, la pertinence des dérogations apportées au
dispositif de droit commun et la situation respective des salariés et
des non salariés. Les conclusions de ce rapport pourront conduire
à des adaptations du dispositif actuel dans le cadre plus global de la
réforme des retraites. "
Votre rapporteur pour avis voit là encore un exemple des
conséquences négatives du temps que met le Gouvernement à
proposer une véritable réforme des retraites. De rapports en
études, il sera un jour trop tard.
3. L'intégration de la CARGE dans la CIPAV : les petits pas de l'intégration des caisses au gré de leurs difficultés (article 13)
L'article 13 prévoit l'intégration de la Caisse
des
géomètres experts (CARGE) dans la Caisse interprofessionnelle de
prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) toutes les deux relevant du
régime des professions libérales au sein de la Caisse nationale
d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL). Les
décrets n° 99-912 et n° 99-913 du 21 octobre 1999 ont pris les
mesures réglementaires nécessaires pour cette fusion.
Cette modification contraint la CNAVPL à aider la CIPAV à
absorber la CARGE, entraînant un prélèvement sur ses
réserves dans la limite du tiers de celles-ci soit 400 millions de
francs par le biais du fonds de réserve et de compensation.
Votre rapporteur pour avis prend acte de cette décision entre
partenaires sociaux qui revient à prélever sur les
réserves d'un régime de base pour venir en aide à un
régime complémentaire.
Ceci illustre une fois de plus l'urgence d'une réforme globale des
retraites en France qui prenne en compte la diversité des situations et
ses conséquences financières.