B. UN FLÉCHISSEMENT DE LA BONNE POSITION DE LA FRANCE EN MATIÈRE DE RECHERCHES EN TÉLÉCOMUNICATIONS
L'avance
dont a longtemps bénéficié notre pays dans le secteur des
télécommunication est largement redevable aux travaux du CNET.
Or, la privatisation de France Télécom a conduit cette entreprise
à réorienter une grande part de ses travaux vers des objectifs de
rentabilité à court terme, ce qui est légitime.
Mais
l'Etat doit impérativement remédier aux conséquences
entraînées par cette nouvelle politique
, qui a fermé
aux chercheurs français les centres de Bagneux, Grenoble, Rennes et
Sophia-Antipolis. Le ministre s'était engagé à ce que les
équipes du CNET soient intégrées, si besoin était,
dans d'autres structures, grâce à des
conventions de
coopérations avec Alcatel et le CNRS
. Ceci a été
réalisé notamment pour les équipes du CNET de la
région parisienne ; pour les équipes du CNET de Grenoble, c'est
grâce à une coopération entre le CNRS et le LETI (organisme
dépendant du CEA) que cette intégration s'est
opérée. Or, aucun financement spécifique n'a
été dégagé pour répondre à cette
évidente priorité.
Quant au
RNRT, le réseau national de la recherche en
télécommunications,
votre rapporteur réitère
les remarques exprimées les années précédentes :
le réseau devrait être doté de 2 milliards de francs par
an pour disposer de moyens comparables à ceux dont disposait l'ancien
CNET
, avec les contrats externes de la direction générale des
télécommunications d'il y a quelques années.
1. Les crédits affectés au RNRT
En 1999,
100 millions de francs d'autorisations de programme venant du ministère
chargé de la recherche ont été réservés sur
le FRT pour le soutien de projets de recherche proposés dans le cadre du
réseau national de recherche en télécommunications. Au
ministère de l'industrie, 250 millions de francs d'autorisations de
programme ont été engagés pour le financement de projets
de recherche du RNRT ; d'autre part, le programme
" Société de l'Information " dispose d'une enveloppe
budgétaire de 350 millions de francs ; enfin, l'ANVAR a
consacré 35 millions de francs d'aides remboursables pour des projets
en télécommunications portés par des PME.
Les 29 projets labellisés par le RNRT en juillet 1998 ont
démarré en 1999 avec le soutien des ministères
chargés de la recherche ou des télécommunications (montant
des autorisations de programme : 210 millions de francs).
En 2000, le soutien à la recherche en sciences et technologies de
l'information est considéré comme une priorité par le
ministère de la recherche, qui prévoit la création d'un
nouveau réseau en technologies logicielles.
2. Les missions du RNRT
Les
télécommunications doivent être considérées
comme un secteur stratégique pour la France, car elles présentent
un potentiel de création d'emplois important : en 1997, le
marché intérieur s'élevait à 210 milliards de
francs avec une croissance annuelle de 4,4 %.
En 1997, le gouvernement a commencé à coordonner les
différents pôles de compétence nationaux de la recherche en
télécommunications au sein d'un réseau national de
recherche en télécommunications (RNRT), et a décidé
de créer pour cinq ans un comité d'orientation de la recherche en
télécommunications regroupant l'ensemble des acteurs
impliqués (scientifiques, industriels, opérateurs).
La création du Réseau nationale de recherche en
télécommunications répond à deux objectifs :
- dynamiser l'innovation en favorisant la confrontation entre les
avancées technologiques et les besoins du marché, et en
facilitant le transfert technologique vers les entreprises ;
- accompagner l'ouverture des marchés à la concurrence et
l'évolution du rôle du CENT dans la recherche publique.
Le RNRT offre ainsi à la recherche en amont en
télécommunications un espace ouvert, créé pour
inciter les laboratoires publics, les grands groupes et les PME à se
mobiliser et à coopérer autour de priorités
définies, pour conduire des projets avec le soutien des pouvoirs publics.
En favorisant l'émergence de produits et services nouveaux, le RNRT
participe au développement de la société de l'information.
Pour ses différentes actions, le RNRT s'est appuyé sur les
nouveaux outils de communication comme les sites internet ou le courrier
électronique. Le RNRT s'intéresse à l'avenir de l'internet
(haut débit, qualité garantie, accès à tous les
citoyens), aux prochaines générations de téléphones
mobiles multimédias, aux constellations de satellites et à la
convergence de l'audiovisuel, des télécommunications et de
l'informatique.
Le RNRT est un élément du programme d'action
gouvernemental : " Préparer l'entrée de la France dans
la société de l'information ", présenté par le
Premier ministre en 1998.
3. Organisation du RNRT
Le RNRT
est dirigé par un comité d'orientation, un bureau exécutif
et cinq commissions thématiques. Le président du comité
d'orientation, ses membres et ceux du bureau exécutif sont nommés
par les ministres chargés de la recherche et des
télécommunications. Le RNRT regroupe des représentants des
principaux acteurs des télécommunications (laboratoires publics,
industriels, opérateurs et pouvoirs publics).
Le comité d'orientation, placé sous la présidence de M.
Jean-Pierre Noblanc, définit des priorités pour la recherche
publique, les thèmes des appels à projets du RNRT, labellise les
dossiers qui seront proposés pour financement aux ministères,
effectue chaque année un bilan de l'effort de recherche et propose des
orientations pour le futur.
Le Bureau exécutif prépare les travaux du comité
d'orientation et met en oeuvre ses décisions.
Les cinq commissions thématiques apportent un soutien scientifique au
Bureau exécutif (contribution à l'élaboration des
thèmes de recherche, évaluation puis suivi des projets
coopératifs, veille scientifique et technique) et participent à
l'animation du RNRT.
- Commission 1 : technologies optiques et hertziennes dans le réseau
- Commission 2 : traitement du signal et circuits intégrés
associés
- Commission 3 : architecture des réseaux et systèmes
de télécommunications
- Commission 4 : génie logiciel pour les
télécommunications
- Commission 5 : interaction homme-machine, ergonomie,
acceptabilité des services
4. L'activité du RNRT
Un appel
à projets a été lancé en 1999, selon des
priorités définies pour susciter de nouvelles actions de
recherche coopératives. 40 projets ont été
sélectionnés par le Comité d'orientation comme
étant susceptibles de recevoir un soutien financier des
ministères compétents. Ils viennent s'ajouter aux 57 projets
labellisés en 1998. Par ailleurs, un appel spécifique, conjoint
RNRT-ANVAR et doté de 50 millions de francs a été
lancé fin 1998. Les projets, portés par des PME, sont en cours
d'instruction à l'ANVAR.
Un premier colloque RNRT, organisé les 28 et 29 janvier 1999 à
Sophia Antipolis, a rassemblé près de 350 participants issus
d'horizons divers : laboratoires publics, grands groupes, PME, pouvoirs
publics. Toutes les disciplines qui contribuent au développement des
télécommunications y étaient
représentées : informatique, électronique, ergonomie,
traitement du signal, architecture des réseaux, audiovisuel,
création de services. Il a permis de préparer les thèmes
prioritaires pour 1999, de présenter l'avancement des projets en cours
et d'ouvrir le dialogue au sein de la communauté de recherche en
technologies de l'information.
L'animation du réseau est une des missions importantes du RNRT ;
c'est dans ce cadre que s'inscrit le lancement d'un groupe de travail sur
l'internet du futur, qui vise à éclairer les acteurs du RNRT sur
les sujets porteurs dans le domaine d'internet, et à favoriser
l'émergence de projets coopératifs sur ces thèmes.
5. Budgets 1999 - Perspectives 2000
- budget
RNRT 1999 : 100 millions de francs au ministère chargé de la
recherche et 250 millions de francs au ministère chargé de
l'industrie.
- budget RNRT 2000 : en légère baisse (les projets
labellisés en novembre 1998 ont été financés sur le
budget 1999).
Quant aux dépenses en recherche en télécommunications
engagées par le secteur industriel
, elles constituent une part
substantielle du chiffre d'affaires total de l'industrie des
télécommunications françaises estimé à 65,3
milliards de francs en 1998 ; sur cette somme, le budget consacré
à la R et D est de l'ordre de 18 %, soit environ 11,7
milliards de francs.
Votre rapporteur doit relever que les informations et services transmis par les
réseaux à grand débit ne semblent pas constituer une
priorité pour le RNRT, puisqu'aucune commission spécifique sur ce
thème des services multimédia interactifs, leur
expérimentation et leur promotion, n'a été mise en place.
Votre rapporteur expose ici sa réaction à une consultation sur
le développement des réseaux à hauts débits
impulsée par M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à
l'industrie
.
Le développement des usages des réseaux hauts débits ne
pourra pas se faire si une politique active et décentralisée
n'est pas mise en place en vue de créer et d'expérimenter une
grande variété de services.
Dans mon Rapport sur la France dans la société de l'information,
" un cri d'alarme et une croisade nécessaire "
5(
*
)
enregistré dès le 7
février 1997, je soulignais ce fait, notamment pages 28 et 29.
Ainsi en matière d'usage de hauts débits en matière
médicale, les trop rares équipes qui s'intéressent
à ceci dans les CHU notamment ne disposent pas de la moindre aide
spécifique, ni en personnel spécialisé, ni en
matériel
permettant l'usage de grands débits ont des
difficultés à obtenir les moyens nécessaires pour une
expérimentation.
Je trouve d'ailleurs que le RNRT devrait disposer de deux milliards de francs
pour cet effort et compte renouveler mes demandes en ce sens lors des
débats budgétaires.
En matière de téléformation professionnelle, il en va de
même pour les multiples initiatives prises de façon
décentralisées par les équipes qui s'investissent pour la
préparation d'une industrie de contenu dans les écoles
d'ingénieurs, de commerce, les IUT, les laboratoires universitaires.
Même les centres spécialisés, tels l'INRIA, qui se
préoccupent de définir une normalisation de protocole TGP/IP de
transmission par voie satellitaire de services à grands débits ne
dispose pas de crédits ad hoc.
Dans le même temps, l'industrie des télécommunications
investit des sommes qui se chiffrent à hauteur de plusieurs centaines
d'euros en Europe pour les infrastructures hauts débits, à juste
titre car dans d'autres continents il en va de même.
Mais notamment aux Etats-Unis, chacun sait que dans le futur, les
services auront une valeur ajoutée de plus de dix fois
supérieure au transport, et de nombreuses mesures sont prises soit
industrielles soit avec l'appui du gouvernement fédéral et des
Etats. L'industrie du multimédia en ce qui concerne le contenu dispose
de moyens considérables.
Préparer l'avenir en Europe pour constituer des services qui sont au
coeur de la politique française, notamment en matière culturelle,
éducative et de santé, mérite que l'on s'y penche avec
sérieux et détermination.
Pourtant cette donnée capitale n'est pas prise en compte et traduite en
terme budgétaire.
Tant qu'une véritable " croisade nécessaire " en faveur
de l'industrie des services à hauts débits en France ne sera pas
mis en place, notre retard ne pourra que s'aggraver.
La position française, rejointe par l'Europe dans les
négociations de l'OMT, sera affaiblie dans le domaine capital du
multimédia, clé de l'autonomie culturelle.
Certes, on peut compter en matière d'édition électronique
sur un certain dynamisme des maisons d'éditions.
Mais on risque fort de ne pas pouvoir motiver les multiples équipes
" d'auteurs de produits multimédia " dans les secteurs
enseignement à distance, services de télémédecine,
nouveaux produits culturels, petites
sociétés innovantes
pour multimédia professionnels, qui pourraient assurer à la
France une position de qualité dans ce domaine dont la croissance
économique sera fulgurante dans les décennies à venir.
On risque aussi, dans ces domaines à grand développement, de
renforcer l'attractivité new-yorkaise ou californienne pour les cerveaux
entreprenants.
Je souhaiterais que ces considérants soient au coeur des auditions que
M. Pierret dans sa lettre du 23 septembre 1999 vous a confiées et dont
vous m'avez fait part le 12 novembre.