CHAPITRE II -
LA LOI N° 99-933 DU 25 JUIN 1999 D'ORIENTATION
POUR L'AMÉNAGEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU
TERRITOIRE
Votre
rapporteur pour avis ne juge pas inutile de rappeler les grands axes de la
nouvelle loi n° 99-933, ainsi que les positions respectives qui furent
celles de l'Assemblée nationale et du Sénat.
La réforme a eu pour objet la révision de la loi n° 95-115
du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le
développement du territoire, en donnant une traduction
législative aux orientations retenues lors du comité
interministériel d'aménagement et de développement du
territoire (CIADT) du 15 décembre 1997.
Celui-ci avait défini quatre priorités : réduire les
inégalités entre les territoires, consolider les systèmes
urbains à vocation internationale, jeter les bases du
développement durable et affermir la décentralisation.
Dans le cadre de ces orientations, les auteurs du projet de loi ont
affiché leur intention de " procéder à une refonte
des instruments d'aménagement du territoire ".
Des schémas de services collectifs, élaborés en
concertation avec les partenaires locaux dans le cadre de " choix
stratégiques ", remplacent le schéma national.
Ils doivent servir de fondement aux engagements pris par l'Etat dans le cadre
des programmes européens et pour la définition des politiques
contractuelles intéressant l'aménagement du territoire, en
particulier les contrats de plan conclus avec les régions.
Approuvés par décret, les huit nouveaux schémas porteront
sur les services de l'enseignement supérieur et de la recherche, les
services culturels, sanitaires, d'information et de communication, de
l'énergie, des espaces naturels et ruraux, ainsi que sur les services
multimodaux de transport de voyageurs et de transport de marchandises ; ce
dernier schéma se substituera aux cinq schémas sectoriels et
modaux de transport de la loi du 4 février 1995.
Les régions devront, quant à elles, élaborer des
schémas régionaux d'aménagement et de développement
du territoire (SRADT) comprenant une analyse prospective, une charte
régionale (c'est-à-dire le projet de la région et des ses
partenaires publics et privés) et un document cartographique qui
traduira les grandes orientations spatiales du projet régional.
La loi conforte les pays et les agglomérations, qui pourront conclure
des contrats particuliers en application des contrats de plan
Etats-régions. A cette fin, les communes ou les groupements de communes
intéressés devront former un syndicat mixte ou un
établissement public de coopération intercommunale (EPCI) .
Les agglomérations devront se constituer en EPICI à taxe
professionnelle unique et élaborer un projet d'agglomération
global concourant à un développement durable. La
possibilité de conclure de tels contrats particuliers sera
également ouverte aux parcs naturels régionaux.
Le texte renforce aussi le rôle du Conseil national d'aménagement
et de développement du territoire, en confiant à sa commission
permanente le soin de piloter l'évaluation des politiques
d'aménagement du territoire.
Il consacre les conférences régionales d'aménagement et de
développement du territoire, et prévoit la création de
conseils de développement au niveau des pays et des
agglomérations.
Il dote de crédits le fonds national de développement
économique et créé, en complément du fonds de
gestion des espaces ruraux, un fonds de gestion des milieux naturels
destiné à soutenir la mise en oeuvre du schéma des espaces
naturels et ruraux.
La réforme comporte enfin plusieurs dispositions particulières,
telles que la création de " zones prioritaires
ultra-périphériques " couvrant les DOM, la précision
du schéma directeur de la région d'Ile-de-France, ou l'annulation
du projet de canal à grand gabarit Rhin-Rhône.
L'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications au texte.
Elle a prévu le dépôt, deux ans au plus tard avant
l'échéance des contrats de plan Etats-régions, d'un projet
de loi relatif aux orientations stratégiques de la politique
d'aménagement du territoire et autorisé l'élaboration de
schémas interrégionaux d'aménagement et de
développement du territoire.
Dans ce cadre, les départements auront la possibilité, au
même titre que les régions, de donner leur avis sur la
constitution de pays. Quant à l'Etat et à la région, ils
pourront conclure un contrat de ville avec le département, la commune ou
le groupement de communes.
L'Assemblée nationale a également prévu la constitution,
dans chacune des deux assemblées, d'une délégation
à l'aménagement et au développement durable du territoire
et transposé en droit français la directive postale
européenne du 15 décembre 1997.
Enfin, les députés ont adopté les dispositions facilitant
la création des " maisons des services publics ".
Le Sénat a confié, pour sa part, l'examen du texte à une
commission spéciale dotée de trois rapporteurs : MM.
Gérard Larcher, Claude Belot et Charles Revet. Lors du débat en
séance publique, M. Gérard Larcher a, pour sa part,
déploré le recours à la procédure d'urgence pour
débattre d'un texte destiné à s'appliquer pendant vingt
ans.
Jugeant l'aménagement du territoire au coeur du débat
républicain sur l'égalité, il a rappelé la
diversité des attentes des territoires, compte tenu d'une densité
de population très variée selon les régions et souscrit
aux aspirations des Français à bénéficier de
services publics dans des conditions égales sur tout le territoire, tout
en convenant que les conditions de cet accès devaient être
définies en fonction des réalités technologiques nouvelles.
Il a souligné la volonté du Sénat d'associer
développement économique et protection de l'environnement, afin
de favoriser l'activité humaine dans les territoires ruraux et les
espaces naturels, la protection de l'environnement pouvant être facteur
de développement.
A cet égard, M. Gérard Larcher a proposé un dispositif
destiné à protéger les espaces soumis à une forte
pression foncière, notamment à proximité des villes.
Il a également évoqué le "
demi million de cadres
citoyens que sont les élus locaux
",
"
véritables entrepreneurs du territoire
", avant
d'inscrire la politique d'aménagement du territoire dans la perspective
de l'intégration de l'économie française dans les courants
d'échange transcontinentaux.
M. Claude Belot, quant à lui, a jugé souhaitable de parvenir en
France à un dispositif de péréquation aussi efficace que
celui qu'a mis en place l'Allemagne après son unification, pour faire
bénéficier les Länder de l'Est d'un important effort
d'équipement.
Soulignant l'intérêt présenté par la notion de pays,
M. Claude Belot a douté de la pertinence de mesures telles que la
définition de seuils de population susceptibles d'être trop
exigeants dans des zones modérément peuplées.
Enfin, M. Charles Revet a, notamment, souligné l'importance, pour la
politique de reconquête du territoire, des actions tendant à la
réimplantation ou au maintien de services de proximité, ainsi
qu'à la revitalisation des transports collectifs.
Après l'échec de la Commission mixte paritaire, M. Gérard
Larcher a rappelé, lors de la nouvelle lecture du Sénat, le souci
de la Haute-Assemblée de réaliser un équilibre entre les
zones urbaines et les espaces ruraux, les services et les équipements,
ainsi qu'entre l'environnement et les activités économiques.
Il a mis l'accent sur les innovations proposées par le Sénat
à travers la création de la notion de collectivité
" chef de file ", la protection des terroirs urbains et paysagers, la
création d'un schéma d'équipements et de services
sportifs, l'inscription dans le schéma de l'information et de la
communication de toutes les technologies à haut débit, et, enfin,
à travers l'élaboration d'un volet économique autour de la
création de fonds communs de placement de proximité, de mesures
fiscales sélectives et de la mise en place
d'"
incubateurs
" territoriaux.
A cet égard, il convient de rendre un vif hommage au travail accompli
par nos collègues Jean-Pierre Raffarin et Francis Grignon dont les
propositions novatrices en la matière devraient être bientôt
discutées au sein de la Haute-Assemblée à travers la
proposition de loi n° 254 tendant à favoriser la
création et le développement des entreprises sur les territoires.
Le rapporteur a déploré la "
fin de
non-recevoir
" opposée à ces diverses propositions par
le Gouvernement et par l'Assemblée nationale en relevant que le texte
adopté en nouvelle lecture par les députés ne pourrait
apparaître comme "
constructif par rapport aux propositions et
innovations de la Haute assemblée
".
La loi d'orientation a prévu dix décrets d'application et deux
rapports dont le calendrier de publication envisagé est le
suivant :
- à l'article 4, (conseil national d'aménagement et de
développement du territoire) : révision du décret en
Conseil d'Etat fixant la composition du conseil et précisant les
modalités de fonctionnement de la commission permanente en
décembre 1999) ;
- à l'article 5 (schéma régional d'aménagement
et de développement du territoire) : révision du
décret en Conseil d'Etat concernant le SRADT (décembre
1999) ;
- à l'article 7 (conférence régionale de
l'aménagement et du développement du territoire) :
révision du décret en Conseil d'Etat fixant la composition des
conférences régionales de l'aménagement et du
développement du territoire (décembre 1999) ;
- à l'article 11 (schémas de services collectifs) :
décret simple approuvant les 9 schémas de services
collectifs (31 décembre 1999) ;
- à l'article 25 (pays) : décret en Conseil d'Etat
d'application de l'ensemble des dispositions de l'article et décret
simple définissant les modalités d'attribution d'un label aux
pays dont la charte vise en priorité à préserver et
à requalifier le patrimoine naturel paysager et culturel
(décembre 1999) ;
- à l'article 26 (agglomérations) : décret en
Conseil d'Etat (décembre 1999) ;
- à l'article 30 (organisation des services publics) : un
décret en Conseil d'Etat fixant la procédure d'élaboration
des plans triennaux, globaux et intercommunaux et la liste des
établissements, organismes publics et entreprises nationales
concernées (décembre 1999) ;
- à l'article 34 (fonds régionaux pour l'emploi et le
développement) : un rapport du Gouvernement, (juin 2000) ;
- à l'article 36 (régions
ultra-périphériques) : un rapport d'évaluation sur la
politique des zonages urbains (juin 2002) ;
- à l'article 52 (aliénation des chemins ruraux) : un
décret simple concernant l'enquête publique (décembre
1999) ;
- à l'article 53 (système national de
référence de coordonnées géographiques) : un
décret simple (décembre 1999).
On s'étonnera qu'à la fin du mois d'octobre, le Gouvernement
n'ait pas été en mesure de publier le moindre texte d'application
de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement
durable du territoire, alors d'une part que l'urgence avait été
demandée sur le projet de loi et que, d'autre part, la réforme
-en particulier les neufs schémas de services collectifs- est
supposée " inspirer " les contrats de plan actuellement en
cours de négociation au niveau des régions et qui doivent
être signés avant le 31 décembre 1999 !