CHAPITRE PREMIER -
LE FINANCEMENT DES AIDES À LA
PERSONNE
Dans le
projet de loi de finances pour 2000, la dotation budgétaire
prévue pour le financement des aides personnelles au logement
s'élève à
34,3 milliards de francs
contre
34,62 milliards de francs en 1999, soit une diminution de 0,80 %.
Cette diminution est exclusivement liée aux effets de
l'amélioration de la conjoncture économique
. En effet, la
baisse du chômage réduit les besoins d'aide des ménages les
plus modestes et les ressources affectées par les employeurs au
financement des aides personnelles au logement sont accrues. Cet effet a
justifié, en 1998 et 1999, deux mesures d'annulation de crédits
portant respectivement sur 846 et 600 millions de francs.
La dotation budgétaire demandée pour 2000 se décompose
ainsi :
- la contribution au Fonds national de l'habitat (FNH) qui finance l'aide
personnalisée au logement est fixée à
15,8 milliards de francs
;
- la contribution au Fonds national d'aide au logement (FNAL) qui finance
l'allocation de logement sociale progresse légèrement pour
atteindre
18,54 milliards de francs.
Compte tenu des reports de crédits non consommés en 1999, les
dépenses réelles au titre des aides à la personne en 2000
seront supérieures au montant des crédits consommés en
1999.
I. RAPPEL DU MODE DE FINANCEMENT DES AIDES À LA PERSONNE
•
Les aides personnelles au logement se composent de trois aides
distinctes, versées sous conditions de ressources :
- l'allocation de logement à caractère familiale (ALF),
créée par la loi du 1
er
septembre 1948,
intégralement financée par les cotisations allocations familiales
des employeurs ;
- l'allocation de logement sociale (ALS), créée par la loi
du 16 juillet 1971, financée par le FNAL qui est alimenté
par une contribution de l'Etat et une cotisation des employeurs. Cette
allocation est attribuée, depuis le 1
er
janvier 1993,
à toute personne, sous seule condition de ressources, qui n'entre pas
dans les conditions fixées pour bénéficier de l'ALF ou de
l'APL ;
- l'aide personnalisée au logement (APL) créée par
la loi du 3 janvier -1977 s'applique à un parc de logements
déterminés, quelles que soient les caractéristiques
familiales des occupants.
Le champ d'application de l'APL comprend :
- en accession à la propriété : les logements
financés avec des prêts aidés par l'Etat (prêts
d'accession à la propriété ou prêts
conventionnés) ;
- en secteur locatif : les logements conventionnés,
financés avec des PLA ou des PC locatifs, ou conventionnés avec
des subventions à l'amélioration (PALULOS ou ANAH), ainsi que les
logements existants, conventionnés sans travaux, appartenant à
des organismes d'habitation à loyer modéré ou des
sociétés d'économie mixte ou appartenant à d'autres
bailleurs lorsque les logements ont bénéficié avant 1977
des anciennes aides de l'Etat.
Ces trois aides sont versées sous condition de ressources aux personnes
qui s'acquittent d'un minimum de loyer ou de mensualité et sous
réserve que le logement constitue leur résidence principale.
Le barème des aides tient compte de la situation familiale du
demandeur, du montant du loyer dans la limite d'un plafond, et de ses
ressources calculées sur l'année n - 1 ainsi que, s'il
y a lieu, de celles de son conjoint et des personnes vivant habituellement
à son foyer.
La participation de l'Etat au financement des aides à la personne
se fait à travers le FNAL, pour ce qui est de l'allocation de logement
social et le FNH, pour ce qui est de l'aide personnalisée au
logement
.
Ces fonds, outre les dotations budgétaires sont également
alimentés par le produit de cotisations provenant des régimes de
prestation familiales et le produit de cotisations à la charge des
employeurs.
S'agissant du FNAL, une première cotisation, à la charge de tous
les employeurs, s'élève à 0,10 % du salaire
plafonné. La seconde, concernant les seuls employeurs de plus de neuf
salariés, à l'exception de l'Etat et des collectivités
locales, est calculée sur la totalité du salaire. Son taux,
fixé à 0,10 % jusqu'en 1986, a été
régulièrement augmenté et depuis la loi du
26 juillet 1991, il est de 0,40 %. Les contributions des
employeurs sont ainsi passées, entre 1991 et 1998, de 6,03 millions
de francs à 9,05 milliards de francs. On peut également
rappeler que le FNH est alimenté par une contribution du FNAL,
représentant les allocations de logement (familiales ou sociales) qui
auraient été financées par les régimes de
prestations familiales en l'absence d'APL. En 1998, la contribution du FNAL est
estimée à 4,46 milliards de francs.
En ce qui concerne la nomenclature budgétaire, ceci amène
à s'interroger, comme le souligne le rapport de la Cour des Comptes sur
l'exécution de la loi de finances pour 1998, sur la pertinence de deux
articles budgétaires au chapitre 46-40 finançant chacun un
fonds, puisque l'un d'entre eux verse une contribution à l'autre.
•
Les prestations versées en 1997 s'élèvent
à 77 milliards de francs et se décomposent ainsi
:
(en milliards de francs)
|
APL |
ALS |
ALF |
TOTAL |
Locatif |
30,63 |
21,25 |
13,54 |
65,42 |
Accession |
8,03 |
0,53 |
3,27 |
11,83 |
TOTAL |
38,66 |
21,78 |
16,81 |
77,25 |
Source : balances comptables 1997 CNAF et CCMSA (chiffres provisoires) |
Les 77,25 milliards de francs d'aides versées se partagent
à parts sensiblement égales entre APL et allocations logement
(ALF + ALS).
Les aides au secteur locatif, très nettement
majoritaires, représentent 84,68 % des prestations
.
Les aides servies aux étudiants peuvent être estimées
à 6,1 milliards de francs (dont 4,7 milliards de francs en
ALS). Après une très relative stabilisation du nombre des
bénéficiaires à l'issue de la montée en charge du
" bouclage " de l'ALS, on constate une nouvelle augmentation du
nombre d'étudiants bénéficiaires entre 1997 et 1998, qui
s'élève désormais à 690.000 pour l'ensemble des
allocations, soit 12,9 % du total des bénéficiaires.
•
Le nombre des bénéficiaires des aides au
logement au 31 décembre 1998 s'élève à
6 millions de personnes et se répartit ainsi
:
(en milliers)
|
Location |
Accession |
TOTAL |
Aide personnelle au logement (APL) |
2 292 |
575 |
2 867 |
Allocation de logement sociale (ALS) |
2 167 |
68 |
2 235 |
Allocation de logement familiale (ALF) |
901 |
300 |
1 201 |
TOTAL |
5 360 |
943 |
6 303 |
Source
: Statistiques de bénéficiaires
CNAF
et CCMSA
|
En ce
qui concerne les bénéficiaires de l'APL-accession, on peut
remarquer que leur nombre diminue régulièrement depuis 1991,
puisqu'il est passé de 852.000 à 575.000 au
31 décembre 1998. Cette diminution n'est d'ailleurs pas
totalement compensée par l'augmentation des bénéficiaires
de l'ALS-accession (+42.000 personnes entre 1991 et 1998). Au total, le
nombre des bénéficiaires des aides personnelles au logement en
accession a diminué de 13 % et s'élève à
943.000 personnes.
Ce mouvement s'explique d'une part, par la " sortie " des
bénéficiaires d'APL dont la situation financière s'est
améliorée ou qui ont remboursé par anticipation leur
prêts ouvrant droit à l'APL (prêts d'accession à la
propriété ou prêts conventionnés), d'autre part, par
les différentes mesures de maîtrise des dépenses d'APL
(taux d'effort minimal) qui ont été prises depuis plusieurs
années, et qui n'ont pas été prises pour les autres
allocations logement.
Cependant, à l'occasion de l'actualisation des barèmes au
1
er
juillet 1999, il a été
décidé que la même règle du taux d'effort minimal
serait appliquée en APL et en AL
. En l'occurrence, la
mensualité acquittée, majorée du montant des charges
forfaitaires du barème, doit correspondre à au moins 25 %
des revenus mensuels, sinon elle est réduite d'autant pour que ce taux
d'effort, calculé avec charges, soit atteint. Le fait de calculer le
taux d'effort avec charges assouplit la règle qui était
appliquée en APL puisque le calcul s'effectuait auparavant sans les
charges.
II. L'ACTUALISATION DES BARÈMES DES AIDES AU LOGEMENT
Comme
en 1997 et 1998, le Gouvernement a poursuivi sa politique d'actualisation et de
revalorisation des barèmes des aides personnelles au logement.
Au 1
er
juillet 1999, un montant de
1,1 milliard de
francs
en année pleine a été consacré à
l'actualisation du barème des aides personnelles au logement.
Celle-ci a permis d'augmenter les loyers plafonds des " petits
ménages " (isolés et couples sans enfant) en APL et en AL et
de commencer l'alignement progressif -prévu sur trois ans- des loyers
plafonds des familles du parc privé sur ceux de l'APL comme cela a
été décidé lors de la Conférence familiale
du 12 juin 1998.
Les différents paramètres ont été actualisés
selon des taux variables tenant compte, pour le calcul des loyers plafonds, des
charges de famille. Par ailleurs, le forfait charge a été
revalorisé de 1,3 %.
Outre l'actualisation proprement dite, plusieurs mesures ont été
décidées :
- en ce qui concerne les accédants à la
propriété, pour tenir compte des renégociations des
prêts conventionnels (PC) et à l'instar de la mesure prise au
1
er
juillet 1998 pour les bénéficiaires de
PAP, la progression annuelle automatique des mensualités plafonds des
bénéficiaires de PC à taux fixes et à
mensualités progressives souscrits entre
1
er
juillet 1981 et le 31 décembre 1991 a
été supprimée et les mensualités plafonds
maintenues au niveau atteint au 1
er
juillet 1998 ; on
peut rappeler également que le taux d'effort minimal des nouveaux
accédants en APL et en AL, calculé avec le forfait de charge du
barème, est fixé à 25 % ;
- en ce qui concerne les étudiants, ceux-ci se verront appliquer un
revenu minimum différent selon leur statut de boursier ou de non
boursier, soit respectivement 24.000 F ou 25.000 F. Le nouveau revenu
minimum des non boursiers est applicable à compter du
1
er
juillet 1999 pour les nouveaux demandeurs et le sera
au 1
er
juillet 2000 pour l'ensemble des non
boursiers ;
- pour ce qui est de l'évaluation forfaitaire des ressources, au
premier renouvellement du droit d'un ménage dont les ressources ont
été évaluées forfaitairement en ouverture de droit,
il sera procédé à une nouvelle évaluation
forfaitaire sur la base des revenus du mois de mai précédant le
renouvellement et non sur la base des revenus retenus pour l'ouverture de
droit. Par ailleurs, le montant de ressources forfaitaire appliqué aux
employeurs et travailleurs indépendants, actuellement fixé
à 82.000 francs a été ramené à
60.500 francs au 1
er
juillet 1999 et le sera à
48.500 francs au 1
er
juillet 2000, ce qui correspond
à la base ressources d'une personne percevant le SMIC ;
- enfin, pour les DOM, les références de loyers plafonds
pour le calcul de l'AL ont été réduites de quatre à
trois, les logements construits avant le 1
er
janvier 1976
bénéficiant du barème actuellement applicable aux
logements construits entre le 1
er
janvier 1976 et le
31 décembre 1985.
Il convient de signaler que le Gouvernement cherche à
accélérer les procédures d'actualisation des
barèmes, malgré la multiplicité des consultations
obligatoires, afin que les organismes payeurs puissent mettre en oeuvre le
dispositif dès le 1
er
juillet de façon effective,
sans application rétroactive.
En outre, en 2000, le Gouvernement poursuivra cette politique de revalorisation
et d'actualisation des barèmes afin de ne pas porter atteinte aux
ressources des personnes les plus modestes.
Par ailleurs, tenant compte des conclusions d'un rapport d'étape
élaboré en avril 1999 par un groupe de travail
constitué au sein de la CNAF depuis mai 1997,
le Gouvernement a
décidé de mettre en oeuvre à compter du
1
er
janvier 2000, deux mesures favorables aux jeunes de
moins de 25 ans, en situation précaire, c'est-à-dire non
fonctionnaires, et ne bénéficiant pas d'un contrat à
durée indéterminée :
- la première consiste, à l'ouverture du droit, à
évaluer les ressources prises en compte pour le calcul des aides
personnelles au logement sur la base d'un revenu annuel reconstitué en
multipliant par 9 (au lieu de 12 dans la réglementation actuelle) le
revenu perçu le mois d'entrée dans les lieux ;
- la deuxième a pour objet de permettre aux mêmes
catégories de jeunes qui en feront la demande, de voir réviser
à la hausse le montant de leur aide en cours de période de
paiement lorsque leurs ressources diminuent de manière significative,
notamment dans des cas actuellement non prévus par la
réglementation, comme l'acceptation d'un emploi à temps partiel
ou moins bien rémunéré.
III. LES ORIENTATIONS DU GOUVERNEMENT EN MATIÈRE D'AIDES PERSONNELLES AU LOGEMENT
Globalement, chacun s'accorde à reconnaître le caractère
éminemment social du système des aides personnelles au logement,
car le mode de calcul du dispositif permet non seulement de s'adapter aux
ressources de la famille mais aussi de tenir compte de la charge
financière représentée par le logement.
En revanche, ce système souffre d'une trop grande complexité qui
est le résultat d'une stratification progressive, au cours des 40
dernières années, de différentes mesures, comme la
généralisation progressive de ces aides à de nouvelles
catégories de logements et de bénéficiaires ou celles
résultant de la nécessaire maîtrise des dépenses.
C'est ainsi que coexistent plusieurs barèmes tant en locatif ordinaire
que pour les logements foyers ou encore, en accession à la
propriété, ce qui ne favorise pas l'équité sociale
puisque, pour des charges de logement, à ressources et à
situations familiales égales, les ménages ne perçoivent
pas le même montant d'aide.
Le dispositif actuel souffre également d'un dysfonctionnement
important dû au fait que les ressources prises en compte pour le calcul
des aides sont les ressources imposables. En conséquence, les
bénéficiaires de minima sociaux, non soumis à
l'impôt, reçoivent des aides d'un montant plus élevé
que les personnes qui perçoivent de petits revenus
d'activité.
Il est clair que cette situation n'est pas satisfaisante
sur le plan de l'équité sociale, et qu'elle n'incite pas à
la reprise d'une activité déclarée. Enfin, la
réglementation actuelle ne tient pas suffisamment compte du nouveau
contexte de précarité du travail qui touche
particulièrement les bénéficiaires d'aides personnelles.
Ces derniers sont, en définitive, pénalisés s'ils
acceptent de prendre un emploi moins bien rémunéré.
A l'inverse, et dans certains cas exceptionnels, le mode de calcul de l'aide
personnelle, s'il laisse toujours une partie de la dépense à la
charge du bénéficiaire conformément à
l'article L.301-1 du code de la construction et de l'habitation, peut
être biaisé s'agissant de la prise en compte des charges locatives.
En effet, l'aide est calculée sur la base d'un forfait de charges
ajouté au loyer proprement dit, qui peut être supérieur aux
charges effectivement quittancées par le propriétaire. Cette
situation se rencontre parfois quand le ménage paye directement
certaines dépenses telles que le chauffage ; dans un nombre
très réduit de cas, cela peut conduire à une aide
supérieure à la quittance totale, incluant les charges.
Néanmoins, cela ne signifie pas pour autant que l'aide est
supérieure à la dépense réelle de logement puisque,
indépendamment des sommes versées au propriétaire, le
bénéficiaire doit payer directement certaines charges.
Enfin, il faut mentionner les effets pervers, dénoncés par le
rapport Bouché
1(
*
)
, du
versement par tiers payant des allocations logements, permettant de maintenir
une offre de logements insalubres, en assurant des revenus à leur
propriétaire.
Les premières mesures adoptées sur la base des propositions du
groupe de travail, mis en place par convention avec l'Etat, au sein de la CNAF,
sont appliquées depuis le 1
er
janvier 1999 ou le
seront à compter du 1
er
janvier 2000.
De plus, le Gouvernement a crée un groupe de travail
interministériel sous l'égide du secrétariat d'Etat au
logement, avec pour mission de faire des propositions chiffrées et
programmées afin d'améliorer la cohérence du
système des aides personnelles en poursuivant les objectifs
suivants : mise en cohérence de l'APL et de l'AL avec une
préoccupation de justice sociale ; alignement de l'aide des
salariés disposant de faibles revenus d'activité sur celle
actuellement perçue par les bénéficiaires de minima
sociaux, avec reprofilage des barèmes, qui devront être
également alignés entre parc public et parc privé, sans
que cela se fasse au détriment de la situation des autres
bénéficiaires d'aides ;
Les propositions de ce groupe de travail, ainsi que celles du groupe
constitué au sein de la CNAF, devraient donner lieu à des mesures
annoncées lors de la Conférence sur la famille de 2000 et se
traduisant dans le projet de loi de finances pour 2001.