II. EXAMEN DU RAPPORT
Réunie
le mercredi 10 novembre 1999
, sous la
présidence de
M. Jacques Bimbenet, vice-président
, la
commission a procédé
à
l'examen du rapport pour
avis
de
M. Jean Chérioux sur le projet de loi de finances pour
2000
(crédits consacrés à la
solidarité
).
Après avoir rappelé que les crédits relatifs à la
solidarité s'élevaient à 81,27 milliards de francs
pour 2000, soit une hausse de 4,5 % à structure constante, hors
mouvement de crédits relatifs à la mise en oeuvre de la
couverture maladie universelle,
M. Jean Chérioux, rapporteur
pour avis,
a indiqué que ces crédits pouvaient être
regroupés sous deux actions.
Concernant l'intégration et la lutte contre l'exclusion, action
dotée d'un montant de crédits de 45 milliards de francs, il
a observé tout d'abord que le revenu minimum d'insertion (RMI) et
l'allocation de parent isolé (API) absorbaient la majeure partie des
marges de croissance des crédits.
Concernant le RMI, il a souligné que la progression de 8,71 % des
crédits encore forte malgré la baisse du chômage trouvait
largement son origine dans la décision de revalorisation de l'allocation
prise en décembre 1998. Rappelant que le volet insertion du RMI restait
toujours à la traîne, il a regretté que l'on n'ait pas
encore constaté de diminution du " noyau dur " des titulaires
de longue durée du RMI.
S'agissant de l'action relative au développement social d'un montant de
36,6 milliards de francs,
M. Jean Chérioux, rapporteur pour
avis,
a mis l'accent sur le problème de la prise en charge des frais
de formation des emplois-jeunes recrutés par l'éducation
nationale orientés vers les établissements de formation des
travailleurs sociaux (EFTS).
S'agissant des crédits relatifs aux handicapés, il a
évoqué l'augmentation continue du nombre de titulaires de
l'allocation adultes handicapés (AAH) au cours de ces dernières
années en regrettant l'apparition de fait de la notion de
" handicap social " qui conduit parfois à transformer l'AAH en
une sorte de " RMI consolidé ". Il a souligné
l'importance d'une médicalisation renforcée et d'une coordination
améliorée des commissions techniques d'orientation et de
reclassement professionnel (COTOREP).
Evoquant ensuite l'évolution de la dépense d'action sociale et
médico-sociale des départements d'un montant de 81 milliards
de francs en 1998,
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis,
s'est
félicité que la progression se soit maintenue à 3 %
en 1998 tout en s'inquiétant des menaces qui pesaient sur la poursuite
de ce ralentissement en raison de la montée en charge de la prestation
spécifique dépendance, de l'impact inéluctable de la
question de la prise en charge des personnes handicapées vieillissantes
et de l'augmentation sensible des dépenses d'aide sociale à
l'enfance.
Il a souligné le coût des mesures de placement d'enfants pour des
raisons liées à la pauvreté des familles alors qu'il
serait souvent plus efficace d'aider directement les parents.
Il s'est inquiété enfin de trois éléments de nature
à alourdir le coût des prestations dans le secteur social et
médico-social.
Rappelant qu'il était peu réaliste d'espérer
dégager des gains de productivité significatifs dans le secteur
social et médico-social, il a souligné que la mise en oeuvre de
la réduction du temps de travail (RTT) dans les conditions
prévues par les accords de branche ferait largement appel à la
modération salariale dans le secteur et qu'en cas de dérapage les
financeurs seraient en première ligne.
Il a constaté que l'agrément obligatoire des accords de RTT par
le ministère plaçait les établissements devant un
" imbroglio administratif " susceptible de créer des
coûts pour les établissements de plus de 20 salariés,
où les 35 heures ne seraient pas effectivement appliquées au
1
er
janvier 2000.
Enfin, il a rappelé l'incidence du revirement de jurisprudence de la
Cour de cassation sur les équivalences en matière de
rémunération des permanences nocturnes en chambre de veille au
sujet duquel un amendement a été adopté par le
Sénat au moment de la discussion du projet de loi relatif à la
réduction négociée du temps de travail.
M. Louis Souvet
a rappelé qu'à l'initiative de la
commission des affaires sociales un amendement avait été
adopté, malgré l'avis défavorable du Gouvernement, au
projet de loi relatif à la réduction négociée du
temps de travail afin de préciser que les établissements sociaux
et médico-sociaux ayant signé un accord de réduction du
temps de travail bénéficiaient du montant de l'aide prévue
par l'article 3 de la loi du 13 juin 1998.
M. Jean-Louis Lorrain
s'est demandé si la formation
accordée aux titulaires d'emplois-jeunes donnait lieu à des
quotas pour les établissements de formation des travailleurs sociaux. Il
a estimé que les modalités d'attribution de l'AAH étaient
mal contrôlées alors que, par ailleurs, le contrôle des
dépenses d'assurance maladie était de plus en plus rigoureux au
détriment des assurés. Il a souligné qu'il était
souvent très difficile de mettre fin au versement de l'AAH qui
était perçue comme une ressource stable par les
intéressés.
M. Jacques Machet
s'est demandé si les COTOREP n'étaient
pas sorties des limites de la mission qui leur était assignée en
privilégiant l'appréciation de la situation sociale des personnes
examinées.
M. Lylian Payet
a rappelé, pour le regretter, que les
120.000 bénéficiaires du RMI dans les DOM étaient
titulaires d'une allocation dont le montant était inférieur de
80 % à celle prévue en métropole.
M. Guy Fischer
s'est demandé si le rapporteur ne faisait pas une
présentation pessimiste de la mise en oeuvre de la RTT dans le secteur
social et médico-social ; il a observé que des
redéploiements de postes et des réformes d'organisation
faciliteraient la mise en place de la réforme. Il a estimé que la
question d'une revalorisation supplémentaire des minima sociaux se
posait toujours, en raison notamment de la baisse des budgets d'action sociale
des ASSEDIC, tout en déclarant qu'il était compréhensible
que le Gouvernement ne puisse pas agir encore plus rapidement. Il a
souligné que les emplois-jeunes devaient s'inscrire sur une certaine
durée pour avoir un rôle positif en faveur des jeunes
concernés. Il a estimé que la réforme des COTOREP devrait
aller de pair avec un effort accru des départements dans le secteur des
handicapés.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
a souligné que ce budget
présentait, à structure constante, une augmentation de 4,5 %
qui représentait un effort de solidarité accru dont on pouvait se
féliciter. Elle a rappelé que le problème administratif du
délai d'agrément des accords dans le secteur social et
médico-social se résoudrait dans la mesure où les accords
seraient réputés agréés à la date à
laquelle ils avaient été conclus et que les établissements
sociaux et médico-sociaux recevraient donc les aides légales
auxquelles ils ont droit. Concernant l'insertion des
bénéficiaires du RMI, elle a rappelé que, dans le cadre du
programme de lutte contre les exclusions, le Gouvernement avait prévu un
accompagnement spécial pour les chômeurs de longue durée et
elle s'est interrogée sur les insuffisances de l'action des
départements en matière d'insertion. Elle a observé que le
mécanisme d'intéressement à la sortie du RMI prévu
dans la loi du 29 juillet 1998 aboutissait dans un premier temps à
un maintien, dans les effectifs du RMI, d'allocataires en voie de
réinsertion professionnelle.
Concernant les personnes titulaires de l'AAH en raison d'une dépendance
alcoolique, elle a estimé que, dans ce cas, l'attribution de
l'allocation se justifiait compte tenu de l'état de dégradation
physique atteint par les victimes après plusieurs années de
dépendance.
M. Philippe Nogrix
a rappelé que les départements avaient
consenti à un réel effort pour améliorer le nombre de
places destinées aux personnes handicapées au cours de ces
dernières années et il a remarqué que l'action des
départements, dans le cadre des lois de décentralisation, ne
devait pas être injustement critiquée.
Il s'est inquiété que les flux d'entrée au RMI continuent
à augmenter malgré la diminution du taux de chômage. Il a
rappelé que le RMI comportait une obligation de réinsertion, ce
qui n'était pas le cas en matière d'AAH, et a donc appelé
à plus de rigueur dans le versement de cette allocation. Il a
rappelé que, malgré les demandes transmises à la
commission nationale d'agrément, prévue à
l'article 16 de la loi du 30 juin 1975, le Gouvernement n'avait
jamais accepté le principe du versement à titre anticipé
d'aide à la réduction du temps de travail aux
établissements ayant conclu un accord tant que celui-ci n'était
pas officiellement agréé.
M. Guy Fischer
a estimé que les efforts des départements
au titre de l'action sociale en faveur des handicapés avaient permis de
rattraper des retards et de corriger des disparités depuis trop
longtemps constatées.
En réponse,
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis,
a
souligné qu'il était difficile de fournir une solution totalement
satisfaisante lorsqu'une personne qui avait bénéficié de
l'AAH connaissait une amélioration de son état conduisant
à la remise en cause du maintien de cette prestation. Il a noté
que, dans certaines hypothèses, le dispositif devrait être
réformé dans le sens d'une plus grande souplesse.
Il a observé que les COTOREP disposaient de larges pouvoirs pour juger
de l'état mental, social ou psychologique du demandeur de l'AAH et que
le dispositif était insuffisamment contrôlé.
Il s'est prononcé en faveur d'une réforme des COTOREP en
soulignant que leur organisation semblait inadaptée à la fonction
qu'elles devaient remplir.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis,
a reconnu que
l'attribution de l'AAH à des personnes alcooliques n'était pas
critiquable lorsque l'état de dégradation physique de
l'intéressé était important, tout en rappelant que
l'objectif devait être de permettre à ces personnes de suivre un
traitement approprié pour mettre fin à leur dépendance.
Concernant la revalorisation des minima sociaux, il a rappelé qu'il
n'avait pas porté de jugement négatif sur celle-ci tout en
soulignant qu'il fallait être conscient du coût de telles
décisions et du fait que le relèvement des plafonds de ressources
en résultant entraînait mécaniquement une augmentation de
la population susceptible de bénéficier de ces prestations.
S'agissant de l'insertion sociale, il a rappelé que les
départements agissaient au mieux à partir des moyens dont ils
disposaient face à des personnes très
" désocialisées ".
Concernant l'effet des mesures d'intéressement à la sortie du
RMI, il a rappelé que la commission était favorable à ces
dispositifs en constatant qu'ils devraient provoquer à terme une
diminution importante des bénéficiaires du RMI puisque ces
derniers devraient voir ainsi leur retour au travail facilité.
M. Jean Chérioux
a souligné que les accords de branche
agréés dans le secteur social et médico-social ne
s'étaient pas placés dans l'hypothèse d'une compensation
du coût des 35 heures par une augmentation des gains de
productivité.
Il a souligné que, même si les aides à la RTT
étaient versées rétroactivement aux établissements
sociaux et médico-sociaux, il en résulterait bien que les
associations auraient dû consentir une avance de trésorerie
pendant une certaine durée, ce qui suffisait à mettre en
difficulté bon nombre d'entre elles.
Il a rappelé que le jugement sur l'augmentation des crédits
budgétaires du ministère devait être nuancé par une
appréciation des efforts entrepris pour améliorer la
qualité du service rendu.
Il a précisé que la formation des emplois-jeunes en EFTS
intervenait en plus des promotions normales d'étudiants, et qu'elle
donnait lieu à une convention de formation signée avec le
ministère de l'éducation nationale et le ministère des
affaires sociales.
M. Jacques Bimbenet, président,
a indiqué que la
commission adopterait un
avis définitif sur les crédits
consacrés à la solidarité, le 24 novembre prochain,
après l'audition de Mme la ministre de l'emploi et de la
solidarité,
prévue pour le 23 novembre.
Au cours d'une seconde réunion tenue le
mercredi 24 novembre
1999,
sous la présidence de
M. Jean Delaneau,
président
, la commission s'est
prononcée
sur les
crédits relatifs à la
solidarité pour 2000.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis,
a tout d'abord
rappelé que le passage aux 35 heures dans le secteur social et
médico-social ne pourrait se faire, sans recours accru au financement de
la part des départements, sans un strict respect, par les personnels des
accords de modération salariale prévus dans ces secteurs et s'est
interrogé sur les risques pris par le Gouvernement dans un domaine
où les gains de productivité sont difficiles à
dégager.
Il a regretté les incertitudes imposées aux finances
départementales par les récentes jurisprudences de la juridiction
administrative sur les foyers à double tarification (FDT) et sur les
modalités de prise en charge des personnes handicapées majeures
maintenues en institut médico-éducatif (IME) au titre de
l'amendement " Creton ".
Enfin, il a estimé que l'effort budgétaire prévu en faveur
des commissions technique d'orientation et de reclassement professionnel
(COTOREP) ne résolvait pas le problème de fond que posait le
manque de coordination dans ce réseau.
La commission a émis, sur proposition de son rapporteur pour avis,
un
avis défavorable sur les crédits consacrés à la
solidarité
.