EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 18 octobre 2000 sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a procédé à l'examen des crédits inscrits au budget des anciens combattants pour 2001 , sur le rapport de M. Jacques Baudot, rapporteur spécial .
Analysant l'évolution générale du budget des anciens combattants, dont les crédits proposés pour 2001 -soit 23,8 milliards de francs- diminuent de 1,3 % par rapport à l'exercice précédent, M. Jacques Baudot a précisé que, rapportées au nombre de bénéficiaires, en diminution de 4 %, les dotations affectées au monde des anciens combattants augmentent en réalité de 2,8 % en moyenne.
Essentiellement composé de dépenses d'intervention, destinées à financer la dette viagère (pensions d'invalidité et retraite du combattant), le budget des anciens combattants atteint aujourd'hui un montant comparable à celui de la Justice, des Affaires étrangères ou de l'Agriculture.
Pour évaluer la totalité de la dépense collective en faveur du monde des anciens combattants, il convient de tenir compte également des moyens de fonctionnement des services -administration centrale et services déconcentrés- du secrétariat d'Etat et des moyens d'équipement des organismes sous tutelle (Office national des anciens combattants et Institution nationale des invalides), désormais intégrés au budget de la défense, pour un montant proche de 1 milliard de francs (940 millions de francs) en 2001. Doit également être pris en compte le coût de la majoration légale des rentes viagères (150 millions de francs inscrits au budget des charges communes) et surtout la " dépense fiscale " que représentent les diverses déductions et exonérations dont bénéficie le monde des anciens combattants, évaluée, hors CSG, à 3 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 2001.
Au total, la dépense publique est de l'ordre de 28 milliards de francs, pour un nombre de bénéficiaires d'environ 4,7 millions de personnes -répartis pour moitié entre ayants droit et ayants cause.
Soulignant que le budget des anciens combattants était essentiellement un budget de prestations, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a rappelé que la dette viagère représentait en 2001 une charge de 20 milliards de francs. Il a indiqué que son évolution était marquée par une forte divergence entre la " branche retraite ", en progression de 17 % en raison de la poursuite de la politique d'élargissement des conditions d'attribution de la carte du combattant menée depuis 1997 et la " branche invalidité ", en diminution rapide (-4% pour 2001) du fait de la disparition naturelle des " bénéficiaires ".
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a précisé que le montant global des économies potentielles réalisable sur ce budget de prestations, en raison de la diminution des bénéficiaires, était évalué pour 2001 à près d'1 milliard de francs (928 millions de francs). Il a indiqué qu'une partie seulement de cette " économie " -environ 240 millions de francs- était " recyclée " par le secrétariat d'Etat dans le présent projet de loi de finances pour financer des mesures supplémentaires en faveur des anciens combattants.
Ainsi, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a indiqué que le projet de budget proposait -dans le cadre des articles " rattachés " de seconde partie- trois mesures importantes : l'extension de l'attribution de la carte du combattant aux rappelés de la guerre d'Algérie (article 51), pour un coût évalué à 118 millions de francs ; une nouvelle étape dans le rattrapage du point de pension militaire d'invalidité (article 52), pour un coût évalué à 21 millions de francs ; et enfin le relèvement du plafond donnant lieu à majoration de la retraite mutualiste du combattant (article 53), pour un coût évalué à 13 millions de francs.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a indiqué qu'une appréciation positive pouvait être portée sur ces trois articles, même si l'on peut regretter une certaine " timidité " qui conduit notamment à ne pas inclure les rappelés de Tunisie et du Maroc dans l'article 51, et à ne pas achever définitivement le rattrapage du point de pension pour les grands invalides, ce qui représenterait une dépense supplémentaire de l'ordre de 30 millions de francs.
Surtout, tout en rappelant que toutes les demandes, chacune ayant leur légitimité, ne pouvaient être raisonnablement satisfaites, du moins de façon complète, simultanée et immédiate, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a néanmoins considéré que certains sujets essentiels auraient pu, compte tenu du " confort " procuré par le niveau de recettes fiscales induit par la croissance économique, autoriser le recyclage d'une partie plus importante des économies constatées du fait de la diminution des bénéficiaires.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a notamment regretté qu'aucune mesure, au moins d'étape, ne soit prise en faveur de la décristallisation des prestations versées aux anciens combattants des pays d'outre-mer, du moins à ceux originaires des pays du Maghreb, dont il est avéré, à droits équivalents, que le pouvoir d'achat est inférieur d'au moins un tiers à celui des prestations versées en métropole. Il a souligné que même la Cour des comptes, pourtant soucieuse de ménager les deniers publics, avait préconisé, dans son rapport public particulier de juin 2000 consacré à " L'effort de solidarité nationale à l'égard des anciens combattants ", que des mesures soient prises " dans le sens d'une plus grande équité ". M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a indiqué que, dans le contexte d'évolution de la structure démographique française, notamment en zone périurbaine, il ne fallait pas négliger le risque de voir cette question prendre une dimension de politique intérieure.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a également évoqué la nécessaire amélioration de la situation des veuves, le versement anticipé de la retraite du combattant, et l'indemnisation des incorporés de force dans les organisations paramilitaires allemandes (Reichsarbeitsdienst-RAD et Krieghilfsdienst-KHD) par alignement sur l'indemnisation des incorporés de force dans l'armée allemande.
Evoquant ensuite les moyens affectés aux organismes sous tutelle -Office national des anciens combattants, (O.N.A.C.) et Institution nationale des invalides (INI) - M. Jacques Baudot, rapporteur spécial , a indiqué que les subventions de fonctionnement étaient majorées de 3 %, ce qui permettait notamment à la fois la création de 17 emplois nouveaux à l'ONAC et de nombreuses mesures de transformation d'emplois. Parallèlement, il s'est déclaré particulièrement préoccupé par le retard croissant pris par les travaux d'équipement et de sécurité dans les établissements de tutelle, mais aussi par les travaux d'entretien et de rénovation des sépultures. L'importance de la sous-consommation de crédits relevée depuis plusieurs exercices lui a paru devoir être soulignée : ainsi, pour les seuls travaux de sécurité dans les établissements sous tutelle et leurs dépendances, sur 29 millions de francs de crédits ouverts entre 1996 et 1999, seuls 5 ont été effectivement engagés.
De fait, il a estimé que le budget des anciens combattants lui paraissait assez représentatif de l'évolution budgétaire générale : gonflement des dépenses de fonctionnement et de prestations, au détriment des dépenses d'équipement, d'entretien, et de rénovation.
S'agissant plus particulièrement de l'ONAC, le rapporteur spécial, tout en saluant les mesures de redressement mises en oeuvre depuis 1997, a néanmoins relevé la persistance d'une situation déficitaire, notamment dans les maisons de retraite, au sujet desquelles la Cour des comptes s'est montrée particulièrement critique.
Soulignant le caractère exemplaire, universellement reconnu, de l'INI en matière de soins et d'appareillage des handicapés, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, s'est interrogé sur la viabilité de l'équilibre financier de cet établissement, qui lui semble notamment passer par un réexamen du niveau de tarification des activités du centre médico-chirurgical et une meilleure insertion dans le dispositif régional de programmation des équipements médico-sociaux.
En conclusion, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, rappelant l'intégration du secrétariat d'Etat aux anciens combattants au ministère de la défense d'une part, et l'expérience constante de modifications de ce budget au cours de son examen par l'Assemblée nationale, a estimé souhaitable de réserver l'avis de la commission jusqu'à l'examen du budget de la défense, prévu pour le 15 novembre.
Mme Marie-Claude Beaudeau a regretté que l'ampleur des économies potentielles constatées du fait de la disparition de bénéficiaires n'ait pas effectivement donné lieu à un " recyclage " plus important. Elle a particulièrement déploré qu'aucune mesure ne soit prise en faveur de la " décristallisation " des prestations servies aux anciens combattants d'outre-mer. Elle a enfin estimé que les veuves méritaient une attention particulière, au titre d'un véritable droit à réparation, et non pas seulement de l'aide sociale. Elle a souhaité que des mesures soient prises pour porter à 70 % le taux de réversion des pensions aux veuves de guerre et pour étendre le bénéfice à part entière de l'ensemble des droits à réparation aux veuves de ressortissants de l'ONAC.
M. Maurice Blin , soulignant l'ampleur de l'effort de solidarité nationale au regard du nombre de bénéficiaires concernés, s'est interrogé sur l'opportunité de la création de 15 emplois nouveaux au budget des anciens combattants.
M. Michel Charasse a d'abord tenu à saluer le caractère particulièrement performant du centre médico-chirurgical des Invalides, regrettant que cet établissement ne figure pas au classement des établissements hospitaliers régulièrement publié dans la presse hebdomadaire.
Il a souhaité manifester une indignation particulière à l'égard du traitement du problème des anciens combattants d'outre-mer, régulièrement évoqué devant lui à l'occasion de ses différentes missions de contrôle budgétaire dans les pays de l'ancien " champ ". Ainsi, lors de sa dernière mission, effectuée dans les pays du Maghreb, à la fin du mois de juillet, il a été saisi du cas des anciens combattants marocains, amenés à voir supprimer, à compter du 1 er août, pour des motifs d' " économie budgétaire ", les services d'un médecin unique affecté -partiellement seulement- à l'appareillage des invalides de guerre (soit environ 10.000 personnes concernées). La mesure étant prise à compter du 1 er août, les différents courriers adressés, dès son retour de mission le 8 août, aux plus hautes autorités de l'Etat, sont demeurés sans réponse.
Répondant à son voeu, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a confirmé que cette question serait mentionnée dans son rapport.
Il a par ailleurs rappelé que le coût de la décristallisation des seules retraites avait été évalué, en 1998, par les services du secrétariat d'Etat, cités par la Cour des comptes, à 148 millions de francs seulement, ce qui ne paraissait pas constituer un effort insurmontable pour une " première étape ". Il a indiqué qu'il attendait les résultats du chiffrage actualisé qu'il avait demandé.
En conclusion, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des articles 51, 52 et 53 rattachés , et de réserver son avis sur le budget des anciens combattants jusqu'à l'examen du budget de la défense .
Réunie le 22 novembre 2000 sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission s'est prononcée sur les crédits des anciens combattants, précédemment réservés et qui sont rattachés au ministère de la défense. Après une explication complémentaire de M. Jacques Baudot, rapporteur spécial , la commission a décidé de proposer au Sénat de rejeter les crédits des anciens combattants.