EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 24 octobre 2000, sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a procédé à l'examen des crédits des charges communes pour 2001 , sur le rapport de M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, rapporteur spécial .
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, rapporteur spécial , a indiqué que le budget des charges communes pour 2001 s'élevait à 721,27 milliards de francs. Ces crédits, nets des dégrèvements et remboursements d'impôts, soit 366,97 milliards de francs, et des recettes d'ordre, d'un montant de 18,5 milliards de francs, s'établissent à 335,80 milliards de francs, soit une diminution de 4,9 % par rapport à 2000. Ils représentent 19,7 % des dépenses du budget général. Il a souligné que ce budget subissait traditionnellement d'importants transferts de crédits, le projet de budget pour 2001 n'échappant pas à la règle puisque 23,60 milliards de francs font l'objet de transferts entre sections budgétaires, même s'ils concernent beaucoup moins de chapitres que l'année dernière.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, rapporteur spécial , a ensuite fait part des trois observations que lui inspiraient les dotations allouées au budget des charges communes pour 2001. Il a regretté en premier lieu que ce budget reste trop peu lisible. Alors qu'il représente plus de 40 % du budget général, il est relativement méconnu tout en abordant des thèmes extrêmement variés. Il présente un caractère hétéroclite puisqu'il comprend les crédits destinés à l'ensemble des services de l'Etat ou à plusieurs d'entre eux et qui ne peuvent être inscrits sur le budget d'un ministère particulier.
Il a rappelé que, dans la loi de finances initiale pour 2000, le budget des charges communes avait fait l'objet d'un effort indéniable de clarification grâce aux modifications de structure consécutives à la suppression de 44 chapitres budgétaires. Il a toutefois déploré un manque évident de lisibilité, accentué par les incertitudes pesant sur l'évaluation de certaines dotations illustrant le caractère extrêmement vague de leur budgétisation initiale. Il a cité le cas des dépenses éventuelles et accidentelles qui constituent, en réalité, comme il l'avait montré dans son rapport d'information de juillet dernier, une réserve de crédits à l'utilisation aléatoire destinée à faire face aux besoins du moment, sans souci particulier pour les dispositions de l'ordonnance organique de 1959. Or, en 2001, ces dotations diminuent sans la moindre justification de 690 millions de francs, alors qu'elles avaient crû de plus de 260 % l'année dernière. Il a également cité l'exemple des dépenses de garantie, dont la difficulté de prévision permet au Gouvernement de moduler les crédits en fonction de ses propres contraintes. De surcroît, ces dépenses évoluent de façon erratique depuis de nombreuses années comme le souligne la Cour des comptes. Enfin, il s'est interrogé sur la provision de 3,25 milliards de francs que le Gouvernement a constituée au titre des mesures générales intéressant la fonction publique, et a considéré qu'il fallait probablement y voir un " magot " que le Gouvernement utilisera de façon entièrement discrétionnaire dans le cadre de ses futures négociations salariales avec les syndicats de fonctionnaires.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, rapporteur spécial, a ensuite insisté sur le caractère extrêmement contraint du budget des charges communes. En effet, la grande majorité des dépenses qui y sont inscrites correspond le plus souvent à des dépenses de constatation dont le Parlement est le plus souvent obligé de prendre acte. Il a cité le cas de la charge budgétaire de la dette, dont l'évolution est d'ailleurs beaucoup plus défavorable que l'année dernière puisqu'elle s'alourdit en raison de la remontée des taux d'intérêt, s'établissant à près de 240 milliards de francs, en hausse de 2,1 %, alors qu'elle avait diminué de 1 % en 2000. Il a rappelé que la norme de progression des dépenses retenue par le Gouvernement pour les années 2001 à 2003 résultait essentiellement de la dérive spontanée de la charge de la dette. Il a également donné l'exemple des dépenses en atténuation de recettes, en particulier les remboursements et dégrèvements d'impôt, qui, bien que représentant 367 milliards de francs, résultent de mesures législatives votées dans le passé, comme la réforme de la taxe professionnelle, la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, les mesures de baisse du taux de la TVA ou encore celles relatives à la fiscalité pétrolière. Il a développé la même argumentation à propos des dépenses de fonction publique inscrites au budget des charges communes, soit 62 milliards de francs, ce qui représente seulement 8,7 % du total des dépenses de fonction publique.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, rapporteur spécial, a estimé qu'il convenait de suivre avec vigilance la mise en oeuvre des mesures annoncées par le Gouvernement visant à améliorer la connaissance de la situation budgétaire et financière de l'Etat. Il a rappelé que, l'année dernière, il avait insisté sur le fait que le " hors-bilan ", ou " dette publique invisible ", constituait un obstacle important dans la connaissance exacte par la représentation nationale et les citoyens de la situation financière et budgétaire de l'Etat. Or, le Gouvernement a annoncé des mesures visant à remédier à ces dysfonctionnements. Le rapporteur spécial a indiqué qu'une réforme de la comptabilité de l'Etat était en cours, poursuivant quatre objectifs : doter l'Etat d'un système comptable plus proche du droit commun ; intégrer dans les comptes une information économique plus pertinente ; soutenir une démarche de performance dans la gestion des services publics ; assurer un meilleur suivi et une plus grande lisibilité des engagements de l'Etat à moyen et long terme. Il a précisé que, sur ce dernier point, trois secteurs d'intervention avaient été retenus : les retraites des fonctionnaires de l'Etat, ressortissants des régimes spéciaux, même s'il a vivement regretté qu'aucune indication chiffrée ne soit donnée, seule une méthodologie étant précisée ; les engagements de l'Etat en matière d'épargne logement, estimés à 50 milliards de francs ; et les garanties accordées par l'Etat aux entreprises, soit 247 milliards de francs, ainsi que les garanties à l'exportation passant par l'intermédiaire de la Coface pour 534 milliards de francs, soit un total, hors fonction publique, de 831 milliards de francs. Il a toutefois insisté sur le fait que la transparence des comptes de l'Etat n'était pas tant assurée par des instruments techniques que par des changements d'habitudes et d'attitudes, comme l'ont montré les conclusions de l'enquête de la commission des finances sur la gestion des comptes publics.
M. Roland du Luart a voulu connaître le montant exact de la dotation inscrite sur le chapitre 31-94 (mesures générales intéressant les agents du secteur public).
M. Alain Lambert, président, s'est interrogé sur la qualité de l'évaluation des charges de la dette, puis a voulu obtenir des précisions sur les mesures annoncées par le Gouvernement en vue de mieux connaître le " hors-bilan " de l'Etat.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, rapporteur spécial, a indiqué que le chapitre 31-94 du budget des charges communes comportait une dotation de 3,25 milliards de francs, se décomposant en 230 millions de francs, au titre des services votés, et 3,02 milliards de francs au titre des mesures nouvelles. Il a rappelé que le rapport pour lequel la commission avait obtenu les pouvoirs des commissions d'enquête précisait les limites de l'évaluation des charges de la dette, qui n'est en grande partie que prévisionnelle. Enfin, il a regretté que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ait, à ce jour, laissé sans réponse sa question relative au " hors-bilan ".
A l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits inscrits au budget des charges communes pour 2001 .