ARTICLE 3
La
rémunération des services rendus par l'Etat
Commentaire : le présent article définit le régime des rémunérations des services rendus par l'Etat.
A côté des impôts, il apparaît naturel que l'Etat trouve dans l'établissement de rémunérations des services rendus par lui un mode de financement de son activité. A ce titre, ces rémunérations figurent, ainsi qu'il est indiqué à l'article 2 de la présente proposition de loi organique, parmi les ressources de l'Etat. Il revient donc, en vertu de l'article 34 de la Constitution, au législateur organique de fixer le régime de l'établissement de ces rémunérations.
L'article 5 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 a procédé à une délégation complète, du Parlement vers le gouvernement, du pouvoir d'établissement et d'autorisation de perception des rémunérations de services rendus. Celles-ci sont établies et perçues sur la base de décrets en Conseil d'Etat pris sur le rapport du ministre des finances et du ministre intéressé. Le Parlement se contente d'en évaluer le produit parmi les ressources de l'Etat 17 ( * ) .
Pour remédier à cet état de fait peu satisfaisant, l'Assemblée nationale a souhaité mettre en place un double mécanisme. Il s'agit d'abord de permettre au pouvoir réglementaire de créer et d'autoriser la perception de telles rémunérations, par la voie de décrets en Conseil d'Etat, pris sur le rapport du ministre chargé des finances et du ministre intéressé. Cette procédure réglementaire se justifie, selon le rapporteur de la proposition de loi, notre collègue député M. Didier Migaud, « pour des raisons tenant à la souplesse de la gestion de l'administration » 18 ( * ) . Le législateur n'entend d'ailleurs pas remettre en cause les fondements de ces rémunérations, qui sont la stricte équivalence entre la rémunération et le service rendu et l'affectation du produit de la rémunération au prestataire du service.
Cependant, cette facilité pratique laissée à l'administration doit se concilier avec le souci, partagé par votre rapporteur, ainsi qu'il l'a rappelé dans le rapport fait au nom de la commission des finances 19 ( * ) , d'assurer l'exhaustivité de la loi de finances. Pour cela, l'Assemblée nationale a repris sa proposition de demander au plus prochain projet de loi de finances afférent à l'année concernée - celle de l'établissement de la rémunération - de ratifier les décrets, faute de quoi ils deviennent caducs. Cette caducité deviendrait effective dès la publication de la loi de finances en question. Une fois ratifiés, les décrets demeurent valables sans limitation de durée, jusqu'à leur abrogation ou leur modification ; il n'est pas besoin de renouveler annuellement une ratification. En revanche, il paraît évident et naturel que leur modification nécessite aussi une disposition de loi de finances.
Un autre argument plaide en faveur de la ratification des décrets instituant les rémunérations pour service rendu : la distinction est parfois très ténue entre redevance et taxe, et certaines redevances ont ainsi été progressivement modifiées quitte à devenir des « quasi taxes » tout en conservant leur régime. Afin de remédier à cette situation source de confusion mais aussi d'incertitudes juridiques, l'intervention du législateur semble nécessaire. Celle-ci ne sera pas suffisante en soi. En effet, la capacité du Parlement à prévenir les dérives des redevances vers des taxes, en bref, sa capacité à défendre les intérêts de ceux à qui l'on impose de rémunérer les services rendus par l'Etat, suppose que le Parlement puisse connaître le « prix » imposé aux usagers de l'administration. Or, ce prix continuera, vraisemblablement, à être fixé par les arrêtés d'application des décrets constituant les rémunérations pour services rendus. Il conviendra donc que le Parlement qui, avantage décisif du nouveau dispositif, sera désormais informé des bases juridiques desdits arrêtés, suive avec beaucoup de soin leur contenu.
Bien entendu, comme toutes les autres ressources de l'Etat, le produit des rémunérations pour services rendus déjà établies continuerait à être évalué dans l'état mentionné à l'article 31.
Votre rapporteur estime que cette rédaction représente un juste équilibre, conforme à la fois à la prise en compte des contraintes qui pèsent sur l'administration et au souhait du Parlement d'autoriser, en étant pleinement informé, la perception de l'ensemble des ressources de l'Etat. La demande d'une ratification obligatoire lui semble normale dans la mesure où il ne faudrait pas que des ressources de l'Etat puissent être établies et autorisées hors du Parlement. Celui-ci ne peut plus se contenter de seulement « bénir » l'évaluation du produit de ressources dont il n'aurait pas eu à connaître, d'autant que la limite entre rémunération pour services rendus et taxe est parfois ténue. Dans l'esprit de votre rapporteur, l'évaluation et l'autorisation vont de pair.
Par ailleurs, la caducité automatique constitue une simple garantie que le gouvernement n'oubliera pas de demander la ratification des décrets, qui devrait prendre la forme d'un article de loi de finances listant les décrets dont la ratification est demandée. Afin que l'incitation soit plus forte, il aurait pu être envisagé de remplacer la caducité par la nullité des actes, ce qui entraînerait des effets rétroactifs.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
* 17 Cette délégation du pouvoir législatif au pouvoir réglementaire explique l'importance du contrôle du juge administratif sur ce dernier, et le justifie, ainsi qu'en témoigne l'abondante jurisprudence du Conseil d'Etat en matière de rémunération pour services rendus.
* 18 Rapport fait au nom de la commission spéciale, Assemblée nationale, n° 2908 (XIième législature), page 65.
* 19 Rapport Sénat, n° 37 (2000-2001), pages 92 et 93.