DIVISION ADDITIONNELLE APRÈS L'ARTICLE 26 :

DES COMPTES DE L'ETAT

Commentaire : la présente division additionnelle a pour objet d'introduire un chapitre regroupant l'ensemble des dispositions relatives à la comptabilité de l'Etat.

Votre rapporteur a souhaité restructurer le texte de la proposition de loi organique adopté par l'Assemblée nationale afin de regrouper au sein d'un même chapitre toutes les dispositions relatives aux comptes de l'Etat. Cette réorganisation vise à améliorer la lisibilité et la cohérence du texte de la loi organique, comme d'autres modifications qui tendent à l'organiser autour de grands thèmes, notamment la création d'un titre dédié à l'information et au contrôle du Parlement sur les finances publiques. Il s'agit également d'asseoir le statut des dispositions comptables, qui constituent un moyen essentiel d'amélioration de la gestion publique. Votre rapporteur considère en effet que l'affirmation forte des principes et des obligations comptables de l'Etat doit contribuer à la mise à niveau de sa comptabilité, mais doit également faire valoir l'éminence de son rôle dans le processus de réforme de l'Etat que la présente proposition de loi organique souhaite engager.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'insérer la présente division additionnelle.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 26

Les obligations comptables de l'Etat

Commentaire : Le présent article additionnel définit les différentes comptabilités de l'Etat et les principes qui leur sont applicables.

Votre rapporteur a souhaité regrouper les articles relatifs aux comptes de l'Etat dans un chapitre spécifique de la présente proposition de loi organique, afin de mieux affirmer le statut des principes comptables et de faire valoir leur rôle éminent dans le processus de réforme de l'Etat auquel doit contribuer la loi organique relative aux lois de finances.

Le présent article, que votre rapporteur souhaite insérer après l'article 26, vise à introduire ce nouveau chapitre en mentionnant les différentes comptabilités que l'Etat devra tenir, ainsi que les principes qui régissent leur mise en oeuvre.

I. L'INSTAURATION D'UNE DOUBLE COMPTABILITÉ

Le premier alinéa du présent article indique que l'Etat tient une comptabilité de caisse et une comptabilité générale, qui est fondée sur la constatation des droits et obligations. La rédaction retenue par votre rapporteur indique que la comptabilité générale vise un objet plus large que la comptabilité en caisse, qui s'applique aux seules recettes et dépenses budgétaires de l'Etat. Les opérations de trésorerie telles que les recettes d'emprunt ou les remboursements en capital n'apparaissent pas en comptabilité budgétaire, et la comptabilité générale inclut dans le résultat comptable des charges calculées, du type amortissements et provisions, qui ne correspondent pas à des dépenses budgétaires de l'année. Cette rédaction suppose également que les deux comptabilités soient tenues de manière simultanée par les comptables publics. Ainsi, comme l'indique le rapport de l'Assemblée nationale 71 ( * ) dans le commentaire de l'article 29, « à titre d'illustration, un achat de fournitures donnerait lieu à la passation d'une écriture comptable dès la réception de la facture -celle-ci matérialisant la dette de l'Etat vis-à-vis de son fournisseur-, puis donnerait lieu à une imputation budgétaire en dépenses au moment du décaissement (...) ».

On rappellera que la comptabilité générale ne fera pas l'objet d'une prévision en loi de finances, compte tenu des inconvénients d'une telle solution, qui sont développés dans le commentaire de l'article 6 de la présente proposition de loi organique. La présentation d'un solde prévisionnel à la fois en comptabilité budgétaire et en comptabilité générale provoquerait également un problème d'affichage, dès lors que deux soldes divergents seraient alors soumis au vote du Parlement.

II. LA MISE EN oeUVRE D'UNE COMPTABILITÉ ANALYTIQUE

Le deuxième alinéa du présent article vise à contraindre chaque service de l'Etat à mettre en oeuvre un système d'information permettant d'analyser les coûts des différentes actions engagées dans le cadre des programmes. Votre rapporteur a en effet considéré que la réforme de la loi organique serait incomplète si la mise en oeuvre d'outils de suivi de gestion et de comptabilité analytique ne venaient pas répondre à la double préoccupation d'améliorer la gestion des deniers publics et d'enrichir l'information du Parlement comme des gestionnaires sur le coût des politiques publiques . Votre rapporteur s'est entendu dire parfois que l'édiction d'une telle obligation dans la présente loi organique n'était pas nécessaire, tant l'esprit de la réforme conduirait naturellement à la mise en place de tels outils. Il considère cependant qu'il est essentiel que cette obligation soit généralisée à l'ensemble des services de l'Etat, et doute quelque peu de l'unanimité spontanée de ceux-ci dans ce sens. La mise en oeuvre d'instruments de comptabilité analytique vise à connaître les coûts complets des actions menées dans le cadre des programmes, information utile tant pour les gestionnaires desdits programmes que pour les parlementaires chargés de les contrôler. Une telle information facilitera en effet les comparaisons, tant d'une année sur l'autre que vis-à-vis des autres pays, et doit s'avérer un outil puissant d'évaluation des politiques publiques et de réforme des structures administratives.

Lors d'une intervention en date du 18 décembre 2000 72 ( * ) , M. Jean Bassères, directeur général de la comptabilité publique, soulignait d'ailleurs que « la comptabilité rénovée doit également contribuer à améliorer la prise de décision et la gestion opérationnelle des services publics. Son principal apport en la matière est sa contribution à l'amélioration de la connaissance des coûts.

De ce point de vue, il faut souligner que la réforme comptable ne saurait se concevoir de manière isolée. Elle n'a réellement de sens qu'insérée dans un processus global dont les grandes orientations sont à l'ordre du jour, qu'il s'agisse de la budgétisation orientée vers les résultats ou de la responsabilisation des gestionnaires. »

L'expérience de globalisation des crédits des préfectures menée par le ministère de l'intérieur montre bien l'intérêt de la mise en oeuvre d'une telle comptabilité. Elle a permis de connaître les situations existantes, comme le nombre effectif d'emplois, et a rendu possible une connaissance du coût complet d'un service. Le gestionnaire bénéficie grâce à elle des éléments d'information indispensables pour prendre des décisions éclairées, comme celle conduisant à regrouper des services ou à externaliser une activité.

Il est utile de rappeler que la mise en oeuvre d'outils de comptabilité analytique répond à des conventions sur la base desquels sont répartis les coûts communs à plusieurs actions. Par conséquent, d'une part, il n'est pas réaliste d'envisager une agrégation des comptabilités analytiques mises en oeuvre par les différents services ; d'autre part, il est souhaitable que les conventions sur la base desquelles les calculs des coûts des actions sont effectués soient clairement mentionnées par les gestionnaires, lors de la présentation des résultats issus de la comptabilité analytique en loi de règlement, que votre rapporteur souhaite inscrire à l'article 34 de la présente proposition de loi organique. Enfin, votre rapporteur souhaite que les services séparément chargés d'une même mission adoptent des normes de calcul semblables. Il serait en effet absurde, par exemple, que les coûts de gestion des impôts par la direction générale de la comptabilité publique, la direction générale des impôts et la direction générale des douanes et des droits indirects, mesurés par la comptabilité analytique de ces services, soient irréconciliables du fait de divergences de méthodes.

III. LE REFUS D'UN SYSTÈME COMPTABLE UNIQUE

Le commentaire de l'article 6 de la présente proposition de loi organique explicite les raisons qui conduisent à privilégier le suivi des autorisations budgétaires dans un système comptable « en caisse ». Le présent article additionnel découle du refus d'un système comptable unique, assis sur le plan comptable général, et opérant une fusion entre les approches comptables et budgétaires, qui découlerait de la comptabilisation des opérations budgétaires selon les principes de la comptabilité générale. Dès lors qu'il est admis que l'Etat ne peut se contenter d'un système d'information unique, il convient de combiner de manière cohérente et complémentaire les sources d'information que constituent la comptabilité budgétaire, la comptabilité générale, la comptabilité nationale et la comptabilité analytique.

En effet, l'objet de ces différents systèmes d'informations comptables est spécifique, même si des recoupements et des clefs de passage doivent pouvoir être établies entre eux :

- la comptabilité budgétaire constitue le support de l'autorisation donnée chaque année par le Parlement, ainsi que le cadre général de la prévision et de l'exécution du budget ;

- la comptabilité générale vise à retraiter les opérations budgétaires de l'Etat dans une optique patrimoniale, afin de présenter, à l'issue de l'exercice, le bilan et le compte de résultat de l'Etat, ainsi qu'une évaluation de ses engagements hors bilan ;

- la comptabilité analytique permet de connaître le coût des différentes actions engagées dans le cadre des programmes, ainsi que l'évolution du coût des services chargés de mettre en oeuvre ces actions ;

- enfin, la comptabilité nationale, qui n'est pas visée par le présent article, mais dont la mention figure à l'article 34 et dans un article additionnel que votre rapporteur vous proposera d'insérer après l'article 48, permet d'évaluer la soutenabilité de la politique budgétaire de l'Etat et d'établir des comparaisons avec les autres pays européens.

Le troisième alinéa du présent article précise les principes que doivent respecter les comptes de l'Etat : ces comptes doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière 73 ( * ) . Il reprend ainsi les principes appliqués aux comptes des entreprises. Le respect de ce principe de sincérité sera notamment apprécié lors de la certification des comptes de l'Etat par la Cour des comptes, prévue au 5° de l'article 46 de la présente proposition de loi organique.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

* 71 Rapport au nom de la commission spéciale, Assemblée nationale n°2908 (XIème législature).

* 72 Intervention au 2 ème Forum international de la gestion publique, publiée dans la Revue du Trésor n° 3-4, mars-avril 2001.

* 73 Ces principes font l'objet de développements dans le commentaire associé à l'article 29.

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