ARTICLE 44

La répartition des crédits ouverts par les lois de finances

Commentaire : le présent article définit les modalités de répartition des crédits ouverts et des découverts autorisés par les lois de finances.

Le décret de répartition constitue l'instrument juridique de passage entre l'unité de vote et l'unité de spécialité budgétaire.

Cet outil juridique a été créé par le décret du 19 juin 1956 et avait constitué un des éléments principaux des débats lors de la procédure informelle de navette entre les commissions des finances du Conseil de la République et de l'Assemblée nationale ayant précédé la signature du décret. Le décret de 1956 autorisait une discussion des crédits non plus par chapitre mais par titre et par ministère, laissant le soin au gouvernement de répartir, sous le contrôle des commissions des finances, les crédits entre les chapitres conformément aux intentions exprimées par le Parlement.

Ce dispositif a été repris par l'article 43 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances, l'intention du législateur financier étant formalisée dans les annexes « bleues » aux projets de lois de finances, éventuellement modifiées par les votes du Parlement. L'article 43 posait également le principe de l'impossibilité pour le gouvernement d'apporter des modifications à la répartition des crédits ainsi décrétée en dehors des procédures prévues par l'ordonnance. Il prévoyait que ces décrets de répartition devaient être pris dès la promulgation de la loi de finances de l'année ou la publication de l'ordonnance prévue à l'article 47 de la Constitution (en cas de non respect du délai de 70 jours imparti au Parlement). Enfin, il établissait un lien entre les mouvements d'emplois et les mesures nouvelles des crédits.

L'Assemblée nationale a reproduit ce mécanisme astucieux qui permet au Parlement d'avoir une connaissance précise des éléments de spécialité, voire des niveaux inférieurs (les « bleus » indiquant la répartition des crédits entre les articles au sein de chaque chapitre), sans alourdir le débat parlementaire et tout en liant le gouvernement. Elle l'a cependant adapté à la nouvelle architecture développée dans la proposition de loi organique.

Ainsi, le premier alinéa prévoit une répartition, aux mêmes moments que ceux prévus par l'ordonnance organique, en y ajoutant le cas des lois de finances rectificatives négligé par les rédacteurs de 1958, des crédits par ministère, par programme et par titre s'agissant des missions, et par programmes pour chacun des comptes annexes. Le deuxième alinéa établit la compétence liée du gouvernement qui doit se conformer aux annexes explicatives jointes aux projets de loi de finances. Le troisième alinéa reprend le principe selon lequel le gouvernement ne peut modifier la répartition des crédits figurant dans ces décrets que par les procédures prévues par la loi organique. Enfin, l'Assemblée nationale n'a pas adopté de disposition relative aux plafonds d'autorisation des emplois pour lesquels, dans son mécanisme, les unités de vote et de spécialité coïncident.

Votre rapporteur vous proposera, outre des amendements rédactionnels, de supprimer la répartition par ministère, de préciser l'exigence de répartition pour les titres et de prévoir le cas de la répartition des autorisations de découverts des comptes spéciaux non dotés de crédits.

Il convient, en effet, par coordination avec la proposition de votre rapporteur de leur conférer une caractère non ministériel, de supprimer toute référence aux ministères pour la répartition des crédits entre les programmes.

Par ailleurs, la rédaction retenue par l'Assemblée nationale s'agissant de la répartition « par titre » peut susciter des difficultés d'interprétation que votre rapporteur entend lever. S'il est très clair dans l'esprit du législateur organique que la fongibilité entre les titres est totale, sous réserve du cas particulier des titres des dépenses de personnel, il n'en reste pas moins que la rédaction du premier alinéa du présent article combinée avec celle du troisième alinéa qui réserve aux procédures prévues par la loi organique le monopole de la modification de la répartition fixée par les décrets, pourrait laisser contredire le principe de la fongibilité dite « asymétrique ». Certes, la loi organique établissant celle-ci primant sur les décrets, il ne fait aucun doute dans l'esprit du législateur organique que le futur « dialogue de gestion » à établir entre la direction du budget et les contrôleurs financiers d'une part, les ministères dépensiers d'autre part 111 ( * ) pourra s'affranchir de la répartition, indicative, des titres, sous réserve de la limite de celui des dépenses de personnel. Cependant, pour lever toute ambiguïté, et bien indiquer que seule la répartition entre dépenses de personnel et autres dépenses sera contraignante pour les gestionnaires, votre rapporteur vous proposera un amendement de précision.

Enfin, certains comptes spéciaux étant dotés d'autorisations de déficits et non de crédits, il convient de préciser que l'autorisation de déficit donnée dans le cadre de l'unité de vote (la catégorie de comptes spéciaux) est ensuite répartie entre les comptes spéciaux eux-mêmes.

Outre ces points, votre rapporteur souhaite préciser que les dotations comme les plafonds d'autorisation des emplois ne lui semblent pas, malgré les propositions de modifications du texte de l'Assemblée, devoir nécessiter de décrets de répartition. S'agissant des dotations, l'unité de vote et l'unité de spécialité coïncidant, le décret de répartition n'aurait pas d'utilité. S'agissant des plafonds d'autorisations des emplois, le vote unique portant sur un tableau spécialisé par ministère, la procédure ultérieure de répartition ne semble également pas non plus nécessaire.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

* 111 S'il est difficile d'imaginer dès à présent les formes que prendra un tel « dialogue », votre rapporteur souhaite indiquer que, dans son esprit, si certains actes de fongibilité seront probablement nécessaires pour connaître l'état précis de consommation des crédits et les perspectives d'évolution, il conviendra de les réduire au strict minimum et de ne pas entraver la liberté responsabilisante des gestionnaires.

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