B. LE RAPPEL DE THÈMES RÉCURRENTS LIÉS AU DOMAINE DE BREVETABILITÉ
Au-delà des thèmes traités dans la proposition de règlement communautaire, la proposition de résolution soulève des questions relevant également du domaine de la brevetabilité, qui font depuis plusieurs années l'objet de controverses.
1. Une position en faveur de la brevetabilité des logiciels informatiques au niveau communautaire
La proposition de résolution précise qu'une telle possibilité existe chez nos concurrents américains et japonais, et qu'il importe qu'une position claire soit définie entre Etats membres (et non plus au sein de l'office européen des brevets qui n'est pas un organisme communautaire), afin de ne pas pénaliser les inventeurs et sociétés européens.
En effet, si les programmes d'ordinateur sont protégeables par brevet aux Etats-Unis 17 ( * ) et au Japon, l'article 52 paragraphes 2 et 3 de la Convention sur le brevet européen les exclut expressément en tant que tels de la brevetabilité 18 ( * ) . Cette règle a été reprise dans leur droit national par l'ensemble des Etats parties à la convention.
Cela ne signifie toutefois pas que ces programmes soient dépourvus de toute protection en Europe, puisque dans un premier temps, la jurisprudence, puis la loi (dès 1985 en France) ont admis que dès lors qu'un logiciel était original, il bénéficiait d'une protection via le droit d'auteur contre le piratage (c'est à dire la copie servile à grande échelle par les utilisateurs finaux). La directive communautaire n° 91/250 du Conseil du 14 mai 1991, transposée en France par une loi de 1994, a ensuite harmonisé ce système de protection par le droit d'auteur.
Par ailleurs, le logiciel constituant désormais la forme usuelle de beaucoup d'inventions, en France, dès 1981 19 ( * ) , il a été jugé « qu'un procédé ne pouvait être privé de la brevetabilité pour le seul motif qu'une ou plusieurs de ses étapes sont réalisées par un ordinateur devant être commandé par un programme ». De plus, un logiciel est indirectement brevetable lorsque l'invention dont il est l'un des éléments bénéficie de la protection au titre du droit des brevets.
La brevetabilité des logiciels a également été admise dès 1984 dans le système européen, par le biais d'une jurisprudence constructive de l'Office européen des brevets qui accepte la brevetabilité des programmes, à la condition qu'ils produisent un « effet technique » 20 ( * ) . On estime ainsi qu'il existe 13.000 brevets européens portant sur des logiciels.
Le développement de cette pratique est toutefois peu satisfaisant dans la mesure où lorsque cette question de brevetabilité est portée devant les tribunaux, elle fait l'objet d' appréciations divergentes selon les pays, conduisant à la protection d'une même invention dans un Etat et pas dans d'autres.
Dès lors, compte tenu du manque de transparence de cette pratique à l'égard notamment du texte de la Convention de Munich, et de l'intérêt d'un certain nombre d'entreprises à une protection par brevet, la Conférence intergouvernementale de révision de la convention sur le brevet européen avait mis à l'ordre du jour de la conférence de révision la question de la révision de l'article 52, dont le deuxième alinéa exclut les programmes d'ordinateur de la brevetabilité.
* 17 Depuis la décision de 1981 de la Cour suprême des Etats-Unis Diamond v. Diehr.
* 18 Cette exclusion était d'ailleurs à l'époque principalement motivée par la difficulté pour l'Office européen des brevets de réaliser des recherches d'antériorités en matière de logiciels.
* 19 Arrêt de la Cour d'Appel de Paris Schlumberger.
* 20 Sont réputées techniques les inventions qui, d'une part, appartiennent à un domaine technique et, d'autre part, apportent une contribution à l'état de la technique. Sont en revanche rejetées les demandes revendiquant un procédé, lorsqu'il ne s'agit en fait que d'une méthode, dans l'exercice d'activités intellectuelles ou dans le domaine de l'activité économique. Ainsi sont exclus de la brevetabilité les programmes de comptabilité ou encore les programmes financiers d'achat et de vente de devises.