B. LE RESPECT DE L'AUTORITÉ QUI S'ATTACHE AUX DÉCISIONS PASSÉES EN FORCE DE CHOSE JUGÉE
En vertu d'une jurisprudence constante en matière de validation législative, le respect est dû aux décisions de justice devenues définitives ou, selon l'expression consacrée, passées en force de chose jugée. Précisons que cette formule vise « la décision d'une juridiction qui a statué en dernier ressort même si elle peut faire l'objet ou est effectivement l'objet d'un pourvoi en cassation », définition faite sienne par le Conseil d'état dans un arrêt d'assemblée du 27 octobre 1995, Ministre du logement c/ Mattio, alors qu'elle n'appartenait jusque-là qu'à la Cour de cassation (Cass. Soc. 19 juin 1963, Chantelouze).
Au cas présent, la validation proposée porte d'une part, pour la période comprise entre 1992 et 1999, sur des impositions perçues en l'absence de base légale et, d'autre part, pour les années 2000 et 2001, sur des impositions perçues en vertu d'un arrêté illégal du fait de l'incompétence de son auteur.
Selon les informations délivrées à votre rapporteur, seul un recours en appel est pendant devant la cour administrative d'appel de Paris à la suite du dégrèvement prononcé au bénéfice de M. Frébault par le tribunal administratif de Papeete le 19 décembre 2000. Plus de cinquante dossiers seraient en instance de jugement devant ce même tribunal et soixante-six réclamations préalables auraient été présentées. La validation proposée ne devrait donc pas se heurter au principe du respect de l'autorité de la chose jugée. En outre, pour le cas où une décision juridictionnelle deviendrait définitive avant l'entrée en vigueur de la loi de validation, l'article unique réserve le cas des « décharges ou dégrèvements prononcés par décision de justice passée en force de chose jugée ».
C. L'EXISTENCE D'UN BUT D'INTÉRÊT GÉNÉRAL
Si le législateur est réputé toujours légiférer dans l'intérêt général, il paraît légitime d'apprécier plus strictement cet intérêt général en matière de validation dans la mesure où la portée rétroactive d'une telle opération occasionne des bouleversements dans l'ordonnancement juridique. Cette considération a conduit le Conseil constitutionnel à qualifier précisément l'intérêt général en cause dans chaque espèce et à exercer un véritable contrôle de proportionnalité entre les mesures entachées d'illégalité qu'il est proposé de valider et l'intérêt général poursuivi .
1. La notion d'intérêt général susceptible de fonder une validation
Le plus souvent, l'intérêt général invoqué et reconnu correspond à la préoccupation de « préserver le fonctionnement continu du service public » ou, s'agissant de la fonction publique, de préserver « le déroulement normal des carrière ». Mais il ne s'agit parfois que d' « éviter le développement de contestations dont l'aboutissement aurait pu entraîner, soit pour l'État, soit pour les collectivités territoriales, des conséquences dommageables » (décision n° 86-223 DC). Notons cependant que cette dernière décision est déjà ancienne et que la jurisprudence constitutionnelle a plutôt eu tendance à accroître le niveau d'exigence.
Le Conseil constitutionnel a ainsi fixé une limite à la notion de poursuite d'un intérêt général dans sa décision n° 95-369 DC du 28 décembre 1995 relative à la loi de finances pour 1996 : il a alors estimé que « la seule considération d'un intérêt financier (...) ne constituait pas un motif d'intérêt général autorisant le législateur à faire obstacle aux effets d'une décision de justice déjà intervenue et le cas échéant d'autres à intervenir » tout en précisant qu'en l'espèce « eu égard aux sommes concernées et aux conditions générales de l'équilibre financier du budget annexe de l'aviation civile », celles-ci « n'étaient pas susceptibles d'être affectées ». Cette formule illustre le contrôle de proportionnalité exercé par le Conseil constitutionnel : une lecture a contrario permet en effet de déduire que l'intérêt financier aurait été considéré comme un motif d'intérêt général de nature à justifier la validation si l'équilibre général du budget concerné avait été menacé. Il a d'ailleurs tenu ce raisonnement dès l'année suivante (décision n° 96-375 DC du 9 avril 1996) en admettant la régularité de la validation d'offres de prêts effectuées en méconnaissance de dispositions du code de la consommation dans la mesure où le législateur avait « entendu éviter un développement des contentieux d'une ampleur telle qu'il aurait entraîné des risques considérables pour l'équilibre financier du système bancaire dans son ensemble et, partant, pour l'activité économique générale ».