II. PRÉPARER, DANS LES MEILLEURES CONDITIONS, L'AVENIR ÉNERGÉTIQUE DE LA FRANCE
La politique énergétique du Gouvernement doit permettre de concilier satisfaction des besoins, aux meilleures conditions économiques et stratégiques, sécurité et préservation de l'environnement.
A. LE RÔLE INCONTOURNABLE DU NUCLÉAIRE
1. L'importance du CEA
a) Sa mission
Préparer l'avenir de l'électronucléaire, en limitant ses risques pour la santé et l'environnement, demeure au coeur des activités diversifiées 3( * ) du CEA, en ce qui concerne aussi bien la recherche fondamentale que le développement des technologies concernées.
b) Ses moyens
La
subvention du secrétariat d'État à l'établissement
est de 424 millions d'euros répartie en 366,8 millions d'euros
pour le fonctionnement (titre IV) et 57,2 millions d'euros pour
l'investissement.
Le ministère de la recherche verse pour sa part 499,6 millions
d'euros. La contribution de l'État est donc au total de
923,6 millions d'euros.
Les dépenses du CEA dans les années 2001 à 2004 devraient
être ainsi réparties selon le contrat d'objectifs signé
avec l'État.
Une
partie importante des dépenses de recherche fondamentale devrait
être consacrée au nucléaire en plus des crédits qui
lui sont destinés au titre de la recherche et technologie et qui
représentent déjà plus de 50 % du total.
Votre rapporteur voudrait insister, à ce propos, sur l'importance
particulière des travaux du CEA concernant :
- la mise au point des réacteurs à eau pressurisée,
en attendant les systèmes futurs moins chers, plus sûrs et
efficaces ;
- les alternatives au stockage ou à l'enfouissement des
déchets (études sur la séparation et la transmutation des
éléments à vie longue).
La subvention accordée par l'État au CEA peut sembler importante
en valeur absolue.
Son montant toutefois progresse peu de 2001 à 2002 et paraît
entièrement justifié, si ce n'est insuffisant, compte tenu des
charges supportées par l'établissement au titre :
- de la diversification de ses activités civiles (dans les secteurs
de l'énergie, des technologies de l'information, des biotechnologies et
des matériaux).
Le CEA joue, notamment, un rôle important dans la maîtrise de deux
technologies clés de l'avenir : la pile à combustibles et
les nanotechnologies.
- du démantèlement des installations obsolètes (qui
doit être financé désormais par un fonds
dédié, doté de 125 millions d'euros en 2002,
alimenté par des cessions d'actifs du groupe CEA-Industrie).
- de ses activités de recherche fondamentale (qui devraient faire
l'objet d'un mélange de cofinancement, pour chaque programme, et de
redevances proportionnelles à l'avantage qu'en ont retiré ses
partenaires).
- d'une diminution mécanique de ses ressources du fait d'une
moindre participation au capital de Cogema et Framatome.
c) La sûreté
La
sûreté nucléaire est fondée plus
particulièrement sur la qualité de l'expertise dont elle fait
l'objet.
Or, la récente réforme qui a abouti à la création
de l'IRSN ne doit pas conduire, sous couvert de
« transparence » (qui ne garantit pas la compétence)
à déconnecter les activités de contrôle de celles
qui sont liées à la
recherche
, notamment dans le domaine
de la
conception
même des réacteurs.
Il serait heureux que le CEA, auquel son contrat pluriannuel a confié la
mission d'effectuer des recherches en soutien aux études de
sûreté, ait les moyens d'y veiller.
2. L'impact économique d'un abandon du nucléaire
Selon
une récente étude de la Direction de la Prévision sur
l'impact économique d'un abandon du nucléaire en France :
« Les centrales nucléaires actuellement en service en France
parviendront au terme de leur durée théorique d'exploitation dans
les années 2020. Renoncer au nucléaire à cette date
conduirait EDF à remplacer le parc actuel par des centrales à gaz
à cycles combinés, ce qui augmenterait considérablement
les émissions françaises de gaz à effet de serre et
accroîtrait le coût de production de l'électricité.
Du fait de la concurrence sur le marché électrique
européen, la hausse des coûts de production ne pourrait pas
être entièrement répercutée sur le prix du KWh, et
elle pèserait essentiellement sur le résultat d'exploitation
d'EDF. L'abandon du nucléaire diminuerait donc la valeur de ce
producteur, et pénaliserait finalement les finances de l'État
(que ce dernier ait privatisé ou non EDF avant 2020). Au niveau
macroéconomique, l'impact sur les finances publiques d'un abandon du
nucléaire se traduirait ainsi par une réduction de
l'activité d'un demi à un point de PIB (selon les
hypothèses) et par une hausse du chômage structurel de l'ordre de
0,3 à 0,6 point. Toutes ces simulations font abstraction du risque
d'accident nucléaire et des problèmes liés à
l'enfouissement des déchets. En contrepartie elles reposent sur une
hypothèse de prix faible pour le gaz, et elles n'intègrent pas le
risque (ni le coût) qu'engendre la volatilité du prix des
hydrocarbures.
Au total, du point de vue micro et macro-économique,
la meilleure décision possible en 2020 semble consister à
prolonger le parc nucléaire existant (si cela est techniquement
possible).
Déjà amorti, ce parc permet en effet de produite
de l'électricité à un coût très
compétitif, sans émettre de gaz à effet de serre. Par
ailleurs, la prolongation permet de retarder tout choix irréversible sur
un abandon définitif du nucléaire et de ne prendre ainsi une
décision sur ce sujet qu'en bénéficiant des toutes
dernières informations (technologies alternatives et coûts de
production correspondant). »
3. Engager au plus tôt la construction de l' EPR
La
conception de l'EPR (European Pressurized Water Reactor) conçue par
Framatome et Siemens est maintenant terminée.
Ce nouveau type de réacteur, conjuguant le meilleur des techniques
français et allemandes et apportant des améliorations sensibles
aux modèles actuels, est le fruit de dix ans de coopération entre
les deux groupes.
Ces derniers sont en mesure de recevoir et d'exécuter la commande d'une
tête de série.
Or, il s'agit d'un produit très compétitif susceptible
d'intéresser, en Europe, la Finlande et d'être exporté sur
le marché asiatique, qui paraît porteur, ou en Afrique et en
Amérique latine, qui manifestent un regain d'intérêt pour
le nucléaire.
Son seul rival semble être l'ABWR (Advanced Boiling Water Reactor), mis
au point par General Electriic aux Etats-Unis, où la renaissance du
nucléaire se confirme, depuis l'élection du Président Bush.
Il semblerait absurde à votre rapporteur de différer davantage
la construction d'une tête de série du nouveau réacteur
franco-allemand
.
4. L'action de l'ADEME
a) Des ressources importantes
La
subvention accordée à l'ADEME par le ministère de
l'industrie a évolué comme suit depuis 1998.
La très forte augmentation des interventions en 1999 (AP et CP) est due
à la décision du gouvernement de relancer les économies
d'énergie et de développer les énergies renouvelables.
Mais la difficulté de l'ADEME à absorber une telle progression
explique l'annulation d'une partie importante des crédits en cours
d'exercice.
L'accroissement des CP, bien qu'excessif, a toutefois permis de résorber
la dette de l'agence dont les délais de paiement étaient
très longs, du fait de problèmes de trésorerie.
Les dotations ont été ensuite réajustées. Un
complément de crédit du collectif de la fin de l'année
2000 est venu abonder la dotation de 2001 au titre du lancement du Plan
National d'Amélioration de l'Efficacité Énergétique.
L'affectation, par thème d'intervention, des AP octroyées par ses
tutelles à l'Agence était supposée être la suivante
en 2001.
b) Une gestion critiquée
Ainsi
qu'il vient d'être montré, les moyens de l'ADEME (Agence de
l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) ont
été considérablement augmentés et modifiés
(multiplication par dix des crédits affectés aux économies
d'énergie et aux énergies renouvelables, budgétisation de
ses ressources procurées auparavant par des taxes parafiscales).
L'Agence s'est difficilement adaptée à ces changements et ses
problèmes de gestion se sont multipliés et aggravés
(déficit de trésorerie puis, au contraire, excédent de
crédits de paiement, absence de contrats d'objectifs, d'indicateurs
d'activité, de comptabilité analytique...). Ces insuffisances ont
été dénoncées à la fois par l'inspection
générale des finances et notre collègue Philippe Adnot,
dans un rapport d'information.
Les réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur des
crédits de l'industrie montrent qu'il reste encore beaucoup à
faire pour que l'Agence :
- passe, enfin, d'une logique de guichet à une logique de projet
dans l'attribution de ses subventions ;
- améliore le contrôle de sa gestion (suivi des
activités) et la sélection des opérations aidées.
L'ADEME reconnaît notamment :
- que 15 à 20 % de ses dépenses en matière de
maîtrise de l'énergie ont une « efficience
environnementale » faible. L'IGF avait déploré par
ailleurs, dans ce domaine, le poids excessif des « engagements de
dernière minute ») ;
- que la constitution d'un réel savoir-faire stratégique en
matière de prévision budgétaire et de gestion du
portefeuille des projets aidés « demandera à
l'évidence plusieurs années » !
Manifestement, l'augmentation des moyens de l'ADEME a été, pour
des raisons d'affichage, trop massive et trop rapide.
Il semble par ailleurs que l'agence ne travaille pas suffisamment en
partenariat avec les entreprises, dans une logique de marché, en ce qui
concerne la recherche et le développement de technologies propres ou
dépolluantes.
c) Les recommandations de l'OPECST
L'OPECST
(Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques) vient de publier un rapport qui devrait faire
réfléchir le Gouvernement et l'agence sur l'orientation de leur
politique en matière d'énergie renouvelable.
Cette étude considère en effet que la France peut
économiser chaque année 60 milliards de francs sur sa
facture énergétique (pour un baril de pétrole à 28
$), et réduire de 30 % à l'horizon 2010 ses rejets de gaz
à effet de serre en misant sur la biomasse (et les biocarburants qui en
sont issus) et le solaire thermique.
Les auteurs du rapport, les députés Claude Birraux et Jean-Yves
Le Déaut, soulignent qu'une attention trop exclusive portée
à l'électricité en général (y compris
l'éolien et le solaire photovoltaïque) conduit à
sous-estimer les problèmes posés par la consommation
résidentielle (eau chaude, chauffage) et surtout par celle des
transports routiers.
Le recours massif aux biocarburants (diester de colza, éthanol)
combiné à une amélioration du rendement des moteurs, ainsi
qu'aux chauffe eaux solaires serait, selon eux, plus efficace que le seul
éolien, coûteux
4(
*
)
(120 millions de francs pour
14.000 MW) et exposé aux pannes de vent !
Il resterait cependant à convaincre la commission européenne de
modifier le projet de directive qu'elle a adopté sous la
présidence française.
Quel serait d'autre part la nature et le coût des incitations
nécessaires ?