2. Des annulations de crédits pour 13,43 milliards de francs
L'arrêté d'annulation associé au présent projet de loi de finances rectificative a procédé à l'annulation de 13,43 milliards de francs en crédits de paiement, et de 3,35 milliards de francs en autorisations de programme , dont 2,72 milliards de francs (plus de 80 % du total des AP annulées) sur le budget des armées.
Les annulations de crédits de paiement se répartissent ainsi :
- 9,02 milliards de francs au titre des dépenses ordinaires civiles ;
- 1,99 milliard de francs au titre des dépenses en capital civiles ;
- 2,41 milliards de francs au titre des dépenses militaires, soit uniquement des dépenses en capital.
L'équipement militaire sur l'exercice 2001, encore une fois variable d'ajustement L'exercice 2001 est marqué par un nouveau train d'annulations sur les crédits d'équipement militaire : - Arrêté d'annulation du 21 mai 2001 : - 300 millions de francs ; - Arrêté d'annulation du 8 octobre 2001 : - 3,362 milliards de francs ; - Arrêté d'annulation du 14 novembre 2001 : - 2,414 milliards de francs. Soit un total sur l'exercice de 6,076 milliards de francs, équivalent à 7,5 % de la dotation initiale des moyens de paiement prévus en 2001 pour les dépenses d'équipement militaire. - Le chapitre 53-81 - Équipement des armées est le premier touché par ces amputations, avec 2,44 milliards de francs de crédits de paiement annulés sur l'exercice, soit près de 13 % de la dotation initiale prévue pour 2001. Or les crédits inscrits à ce chapitre financent les grands programmes d'armement des forces françaises : Mirage 2000-D et 2000-5 , programme ATF (avion de transport futur), missiles Apache anti-piste et AC3G-MP , véhicules VBCI , hélicoptères Tigre , frégates Horizon et leurs systèmes d'armes PAAMS , frégates La Fayette , frégates multimissions, nouveaux transports de chalands de débarquement, et sous-marins d'attaque futurs Barracuda , notamment. De fait, à la suite des encoches, reports, et annulations intervenus au cours de la mise en oeuvre de la loi de programmation, la plupart de ces programmes accusent déjà des retards non négligeables susceptibles de conduire vraisemblablement à des ruptures capacitaires, sans doute à une remise en cause de la « cohérence des forces », et peut-être à la dégradation du modèle d'armée 2015. Ainsi, la plupart des programmes majeurs ne seront pas livrés avant 2008-2011 : les premiers hélicoptères Tigre appui anti-char de l'armée de Terre ne seront livrés qu'en 2011, la première frégate Horizon et la première frégate multimissions en 2008, le premier sous-marin Barracuda en 2012, les premiers nouveaux transports de chalands de débarquement en 2006, les premiers VBCI fin 2005 au plus tôt. - Le chapitre 51-61 - Espace, systèmes d'information et de communication est également malmené : 906,8 millions de francs de crédits annulés sur 2001, soit près de 12 % de la dotation initiale. Là encore, les crédits inscrits à ce chapitre financent des programmes essentiels pour la cohérence et l'autonomie de nos forces, notamment le programme de satellites de communication Syracuse III et le programme de satellites d'observation Hélios II , et les lacunes révélées dans ces secteurs sur le théâtre du Kosovo doivent impérativement être comblées si la force de réaction rapide européenne entend un jour être pleinement opérationnelle. - Le chapitre 53-71 - Équipements communs, interarmées et gendarmerie paye, lui aussi, un tribut non négligeable à l'ajustement budgétaire : 424,6 millions de francs sur l'exercice 2001, soit près de 4 % de la dotation initiale. Ces crédits financent les programmes de missiles tactiques FSAF, Mica et Scalp-EG , mais aussi le programme d'hélicoptères NH90 , et le programme Rafale . Là encore, on ne peut que relever que, au rythme d'exécution des crédits au cours de la programmation, les livraisons de missiles Scalp-EG n'interviendront finalement qu'en 2003, et celles des Apache début 2005. Surtout, le premier escadron de Rafale de l'armée de l'Air ne sera pas opérationnel avant 2005, alors que le programme a été lancé en 1985, et les livraisons s'étaleront en définitive jusqu'en 2020, soit plus de trente ans après le lancement du programme. Au total, la mise en oeuvre de l'actuelle loi de programmation aura été marquée, chaque année, par des annulations conséquentes sur les crédits d'équipement : - 1997 : 5,12 milliards de francs - 1998 : 7,28 milliards de francs - 1999 : 9,51 milliards de francs - 2000 : 6,43 milliards de francs - 2001 : 6,08 milliards de francs Soit, au total, 34,42 milliards de francs sur la durée de la législature, correspondant à l'équivalent du coût de fabrication de deux porte-avions nucléaires, de dix Rafale-marine ou de douze Rafale-air. Ces annulations ont d'abord servi à payer intégralement les dépenses de fonctionnement mises en oeuvre au titre de la participation de la France à des opérations extérieures, y compris l'intervention en Afghanistan pour lequel le présent projet de loi de finances rectificative prévoit l'ouverture de 160 millions de francs au titre III : soit une dépense globale de 4,3 milliards de francs environ. Le gouvernement a toujours refusé d'inscrire en loi de finances initiale les crédits nécessaires au financement de ces dépenses, pourtant désormais récurrentes et répertoriées, pour les financer systématiquement et exclusivement en cours d'exécution, par prélèvement sur les crédits d'équipement militaire. Ces dépenses « OPEX » étant toutefois inférieures au montant des annulations opérées sur l'équipement militaire, celles-ci ont également servi, à hauteur du tiers environ (1,84 milliard de francs) à financer les dépenses supplémentaires engagées sur les autres budgets civils au cours de l'exercice 2001. |
A l'exception des crédits militaires, les principales annulations de crédits sont les suivantes :
- 1,84 milliard de francs sur le budget des charges communes : il convient surtout de noter l'annulation de 1,52 milliard de francs portant sur le titre I, essentiellement sur le chapitre 11-06 « Intérêts des bons du Trésor à court ou moyen terme et valeurs assimilées », pour des raisons de révision des estimations initiales. Il ne s'agit là que de simples économies de constatation ;
- le budget de l'urbanisme et du logement voit ses dotations amputées d'un montant total de 1,54 milliard de francs, dont 1,275 milliard de francs sur le chapitre consacré aux aides au logement ; certes, les annulations sur ce chapitre sont récurrentes - et, à ce titre, votre commission critique tout aussi régulièrement la mauvaise qualité de la budgétisation initiale de ces crédits - mais sont généralement limitées à 500 ou 600 millions de francs : ce montant, inhabituel, révèle un « manque caractérisé de transparence », comme l'indiquait notre collègue Jacques Pelletier, rapporteur spécial de ces crédits, à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2002 ;
L'annulation de 1,275 milliard de francs sur les aides personnelles L'analyse ci-dessous est extraite du rapport de notre collègue Jacques Pelletier, rapporteur spécial du budget de l'urbanisme et du logement 2 ( * ) : « Il s'agit de l'annulation de crédits budgétaires constitutifs d'une « cagnotte » accumulée depuis l'exercice 2000, mais qui n'était pas visible dans les comptes de l'Etat. En effet, les versements de l'Etat aux caisses d'allocations familiales (CAF) pour les aides personnelles correspondent aux crédits budgétaires et ne tiennent compte qu'a posteriori, et selon un mécanisme complexe, de l'évolution réelle des aides. De cet écart aurait résulté sur les deux dernières années un excédent de trésorerie au profit des caisses d'allocations familiales (CAF) que l'Etat ne récupère qu'aujourd'hui... Votre rapporteur spécial regrette ce manque caractérisé de transparence du budget de l'Etat en matière de dotations aux aides personnelles. Chaque année, les aides personnelles au logement évoluent de manière incompréhensible entre les deux fonds qui les gèrent (fonds national d'aide au logement, fonds national de l'habitation), l'impact des revalorisations au 1 er juillet et des aménagements n'étant pas clairement identifié. Le Parlement est ainsi amené à voter des dotations de plus en plus éloignées de la réalité des besoins et ne bénéfice pas du minimum de sincérité sur l'évolution réelle des dotations aux aides personnelles au logement. Sur le point précis de l'excédent dans les comptes des caisses d'allocations familiales pendant deux ans, si celui-ci est confirmé, votre rapporteur considère que cette avance régulière de trésorerie aux CAF, à titre gratuit, conduit à une perte de recettes nettes pour l'Etat qui n'est manifestement justifiée que par l'archaïsme des méthodes employées . A titre d'illustration, une somme de 1,3 milliard de francs placée pendant une année au taux net de 4,5 % rapporte une rémunération de 58,5 millions de francs... On peut s'interroger sur l'intérêt pour l'Etat de procéder à de telles avances de trésorerie ». La Cour des comptes appréciera... |
- les crédits de l'agriculture et de la pêche font l'objet d'une annulation de 1,03 milliard de francs , dont 927,30 millions de francs sur le titre IV ; deux chapitres au moins ont attiré l'attention de votre commission, car ils donnent lieu à des annulations d'un montant important résultant essentiellement d'un faible taux de consommation, alors que leur objet est pourtant primordial : le chapitre 44-71 « Moyens concourant aux actions de lutte contre l'encéphalopathie spongiforme bovine » est amputé de 500 millions de francs (soit 14 % de la dotation initiale), et le chapitre 44-42 « Charges de bonification » de 353,30 millions de francs (c'est-à-dire plus de 20 % de la dotation initiale) ;
- 886,31 millions de francs sont annulés sur les crédits de l'emploi , dont 447 millions de francs sur le titre IV et 400 millions de francs sur le titre III, cette dernière portant sur la subvention versée à l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) ; bien sûr, comme à l'accoutumée, les crédits du titre IV faisant l'objet d'une annulation sont ceux qui étaient alloués aux emplois-jeunes, pour 367 millions de francs, ce qui prouve une fois de plus la surdotation de ces crédits : le rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, notre collègue député Didier Migaud, note que « cette annulation est la conséquence de surdotations consécutives à une mauvaise appréciation des sorties du dispositif en cours d'année et du délai de recrutement nécessaire entre deux « emplois-jeunes » 3 ( * ) ». Votre commission ne saurait faire sienne cette « explication » technocratique, provenant visiblement des services du gouvernement, tant il est vrai que les annulations sur ces dotations sont extrêmement régulières et dues probablement à une budgétisation volontairement optimiste poursuivant un double objectif, à l a fois un affichage politique initial et une capacité à réaliser de prétendues économies en exécution ;
- le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie subit une annulation de 696,22 millions de francs , résultant ici encore, pour l'essentiel, de crédits non consommés ;
- 620,60 millions de francs ont annulés sur le budget de l'enseignement scolaire : selon le rapport précité de notre collègue député Didider Migaud, « ces annulations résultent de la mise en ouvre du contrat de gestion [...] et portent sur les crédits précédemment mis en réserve ». Or, il convient de mettre en évidence l'annulation de 300 millions de francs destinés à rémunérer des aides-éducateurs, en raison de la vacance de nombreux postes ouverts, ainsi que l'annulation de 250 millions de francs au titre des bourses et secours d'études, ce chapitre, traditionnellement surdoté, ayant été réduit de plus de 10 % de ses dotations initiales au cours de l'exercice ;
- les dotations du ministère de la santé et de la solidarité sont amputées de 618,36 millions de francs , dont 576 millions de francs sur le titre IV, en particulier de 521 millions de francs au titre de la couverture maladie universelle et de l'aide médicale ; il paraît intéressant de relever les propos de notre collègue Dider Migaud sur ce point, qui estime que cette annulation constitue un « « gage CMU » à de multiples redéploiements de crédits » ;
- enfin, 574,20 millions de francs sont annulés
sur le budget de la recherche
, dont 295 millions de francs sur les
subventions aux organismes de recherche inscrites au titre III, en raison de
l'existence de postes non pourvus suite à des décalages entre les
recrutements et l'affectation des postes, ainsi que 229,20 millions de francs
sur le titre VI, du fait de retards dans l'exécution des programmes et
de décalages entre les engagements des autorisations de programme et des
crédits de paiement.
* 2 Rapport n° 87 - tome III - annexe 21 ; 2001-2002.
* 3 Rapport n° 3427, XI ème législature.