C. LE PROJET DE LOI REPREND DES DISPOSITIONS DÉJÀ RETENUES PAR LE SÉNAT
Pour caractériser brièvement la situation actuelle, on constatera que les collectivités territoriales n'utilisent généralement pas leur « enveloppe budgétaire » de formation , et ce en dépit de la technicité croissante des dossiers.
S'agissant des indemnités de fonction , la difficulté porte moins sur leur montant que sur leur répartition entre les membres de l'équipe municipale, selon les charges qu'ils supportent effectivement.
L'importance du temps nécessaire à l'exercice d'un mandat conduit, suivant les cas, soit à améliorer les conditions dans lesquelles les élus peuvent l'exercer concomitamment avec la poursuite de leur activité professionnelle, soit à leur donner les moyens de se consacrer exclusivement à celui-ci, mais avec des facilités de réinsertion professionnelle , à l'issue du mandat. Une meilleure respiration entre la société civile et la société publique apparaît en effet indispensable au développement de la démocratie locale.
Pour ce qui est de la protection sociale , elle doit être renforcée dans toutes les hypothèses, pour tenir compte des droits que l'élu ne peut constituer en raison de l'exercice de son mandat , soit parce qu'il a suspendu son activité professionnelle, soit parce qu'il doit prélever sur une partie sensible de son temps de travail pour l'exercer.
Le titre II du projet de loi , relatif aux conditions d'exercice des mandats locaux, comporte de nombreuses dispositions reprises des propositions de loi adoptées par le Sénat les 17 janvier et 8 février 2001.
Il comprend sept chapitres relatifs respectivement à la conciliation du mandat local avec une activité professionnelle, aux garanties à l'issue du mandat, à la formation, aux indemnités de fonction, aux remboursements de frais, à la protection sociale et à diverses dispositions particulières d'application.
Le chapitre Ier ( articles 16 à 18 ) relatif à la conciliation du mandat local avec une activité professionnelle institue un congé pour campagne électorale, aménage le barème du crédit d'heures et celui des pertes de revenus subies par les élus non indemnisés.
L'article 16 étend aux élections locales et européennes le congé pour campagne électorale de 20 jours non rémunérés prévu actuellement pour les candidats aux élections parlementaires.
L'article 17 majore le barème de crédit d'heures. Les dispositions proposées sont identiques à celles prévues par le Sénat pour tous les maires, pour les conseillers municipaux des communes d'au moins 3.500 habitants, pour les présidents et vice-présidents d'assemblées régionales et départementales.
Le barème proposé est renforcé par rapport à celui retenu par le Sénat pour les adjoints (sauf dans les communes entre 10 et 20.000 habitants) et minoré (bien qu'en hausse par rapport à la situation actuelle) pour les membres des assemblées départementales et régionales.
La différence essentielle tient dans le fait que le projet institue un crédit d'heures pour les conseillers municipaux des communes de moins de 3.500 habitants, ce que le Sénat n'avait pas prévu. On rappellera que le crédit d'heures, facultatif pour l'élu, n'est pas rémunéré par l'employeur.
L'article 18 institue un droit à compensation des pertes de revenus liées à l'utilisation d'un crédit d'heures, en faveur des élus non indemnisés et dans la limite d'un plafond annuel de 72 heures payées au SMIC (691,50 € ou 4.536 F). Il porte de 24 heures à 72 heures payées au SMIC le plafond de la compensation due aux mêmes élus, à raison de leur participation aux réunions liées à leur mandat.
Le chapitre II ( articles 19 à 21 bis ) concerne les garanties à l'issue du mandat (formation professionnelle, allocation différentielle de fin de mandat, honorariat).
L'article 19 assimile la durée du mandat local à une durée de travail effective pour l'ouverture des droits au congé individuel de formation et au congé de bilan de compétences, à l'issue du mandat, dans les conditions, notamment financières, prévues par le code du travail.
L'article 19 bis limite aux fonctionnaires des catégories A et B l'incompatibilité entre le mandat de conseiller général et un emploi de préfecture ou de sous-préfecture.
L'article 20 crée une allocation différentielle de fin de mandat au bénéfice des maires des communes de plus de 1.000 habitants et des adjoints des communes de plus de 20.000 habitants, des présidents et vice-présidents de département et de région ayant interrompu leur activité professionnelle pour l'exercice de leur mandat. La prestation serait égale à 80 % de la différence entre les indemnités précédemment perçues et l'ensemble des ressources à l'issue du mandat, les majorations légales d'indemnités (au titre des communes classées par exemple) n'étant pas incluses dans le calcul. Elle serait versée pendant six mois au maximum.
Cette mesure serait financée ( article 21 ) par un fonds créé à cet effet et alimenté par les cotisations des communes de plus de 1.000 habitants, des départements, des régions et des établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre. Les cotisations seraient assises sur les indemnités maximales susceptibles d'être allouées et son taux serait fixé par décret dans la limite d'un plafond de 1,5 %. Le Sénat avait, lui aussi, prévu la création d'une allocation différentielle de fin de mandat, selon des modalités quelque peu différentes.
L'article 21 bis prévoit, par référence aux dispositions du code du travail sur la protection des salariés syndiqués, que les élus locaux salariés seraient protégés contre les mesures discriminatoires à leur encontre (à l'embauche, pour les conditions de travail, le licenciement...).
Le chapitre III ( articles 22 à 25 ) concerne la formation au début et en cours de mandat .
L'article 22 prévoit que chaque assemblée locale délibère, dans les trois mois suivant son renouvellement, sur l'exercice du droit à formation de ses membres et détermine les orientations dans le respect du droit à formation de chacun d'eux. Chaque année, une délibération budgétaire sur la formation devrait être prise. Les décisions sur la formation seraient prises à la majorité des deux tiers et, à défaut, les crédits seraient répartis de manière égale entre les conseillers. Comme le Sénat l'avait prévu, un tableau récapitulatif des actions de formation serait annexé au compte administratif.
L'article 23 reprend une disposition déjà prévue par le Sénat et portant les droits à congé de formation pour les élus salariés de 6 à 18 jours par mandat. De plus, l'Assemblée nationale a prévu la possibilité pour les maires, les adjoints, les présidents et vice-présidents de département et de région de fixer, pour la première année du mandat, les droits à 6 jours non reportables.
L'article 24 , reprenant aussi une disposition votée par le Sénat, porte de 6 à 18 jours par mandat les droits à compensation des pertes de revenus pour formation, dans la limite de 1 ½ SMIC horaire, donc de 461,15 € à 1.383,45 € (3.025 F à 9.075 F). De plus, cet article alignerait les règles de fixation du plafond de dépenses de formation des départements et des régions sur celles instituées pour les communes par la loi du 12 juillet 1999 précitée (20 % des indemnités susceptibles d'être allouées, au lieu de 20 % des indemnités effectivement versées).
L'article 25 autorise les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale à leur transférer leurs compétences en matière de formation des élus.
Le chapitre IV ( articles 26 à 30 bis ) porte sur les indemnités de fonction .
L'article 26 prévoit une délibération des assemblées sur les indemnités de fonction dans un délai de trois mois suivant leur renouvellement. Pour les maires des communes de moins de 1.000 habitants, l'indemnité est fixée à son montant maximum, sauf délibération contraire expresse de l'assemblée délibérante. Le régime en vigueur demeurerait pour les autres élus, pour lesquels une délibération devrait fixer le montant de l'indemnité dans la limite du plafond légal.
L'article 27 interdirait le cumul des majorations d'indemnités de fonction prévues par la loi pour les élus des communes chefs-lieux, sinistrées, classées, dont la population augmente à la suite de travaux publics d'intérêt national ou bénéficiaires de la dotation de solidarité urbaine.
Les articles 28 et 29 instaurent un nouveau régime d'indemnisation des adjoints, qui serait déterminé en pourcentage de l'indice brut terminal de l'échelle indiciaire de la fonction publique, au lieu de l'être en proportion de l'indemnité des maires. Le nouveau barème qui en résulterait serait moins élevé que celui qui avait été adopté par le Sénat au cours de la dernière session 19 ( * ) . Le système retenu par la Haute assemblée fixait l'indemnité des adjoints en pourcentage de l'indemnité effectivement perçue par les maires.
Le régime de l'enveloppe globale des indemnités serait maintenu, selon lequel les majorations d'indemnités doivent être compensées par des minorations équivalentes. Le texte ajoute toutefois que les adjoints pourraient aussi bénéficier d'une majoration de 10 %, après majoration à due proportion de cette enveloppe globale.
Enfin, l'adjoint d'une commune d'au moins 20.000 habitants à qui le maire retire ses délégations, s'il a interrompu son activité professionnelle, conserve ses indemnités de fonction pendant trois mois.
Selon l'article 30 , le conseiller municipal d'une commune de moins de 100.000 habitants, même dépourvu de mandat spécial et de délégation, pourrait recevoir des indemnités de fonction au plus égales à 6 % de l'indice brut terminal de la fonction publique, dans la limite de l'enveloppe globale. Cette indemnité ne serait pas cumulable avec celle versée au conseiller municipal à qui le maire a délégué une partie de ses fonctions.
Enfin, l'Assemblée nationale a inséré un article 30 bis pour instituer l'honorariat au bénéfice des anciens membres des assemblées départementales.
Le chapitre V ( articles 31 à 33 ) concerne les remboursements de frais des élus municipaux, départementaux et régionaux.
L'article 31 , concernant les élus municipaux, prévoit le remboursement des dépenses liées à l'exercice d'un mandat spécial ou à la participation à une réunion liée au mandat (à la condition, dans ce dernier cas, que l'élu ne perçoive pas d'indemnités de fonction), « notamment de frais de garde d'enfant », dans la limite du SMIC horaire. Les frais de transport et de séjour pour participer aux réunions en dehors de la commune pourraient également être pris en charge. Enfin, cet article prévoit la prise en charge des dépenses d'assistance et de secours engagées par le maire ou son adjoint en cas d'urgence.
L'article 32 , concernant les élus départementaux et régionaux, prévoit le remboursement de dépenses, « notamment les frais de garde d'enfant » liées à l'exercice d'un mandat spécial. Pour les réunions, les frais de séjour seraient pris en charge (et non seulement les frais de déplacement). Les réunions tenues en dehors du département (ou de la région) seraient désormais prises en compte.
L'article 33 prévoit, pour les maires, les adjoints des communes d'au moins 20.000 habitants, les présidents et vice-présidents de département et de région qui ont interrompu leur activité professionnelle pour l'exercice de leur mandat, la possibilité de recevoir de leur collectivité une aide financière à l'utilisation de chèques services pour la garde des enfants.
Le chapitre VI ( articles 34 à 37 ) traite de la protection sociale des élus.
L'article 34 comporte une nouvelle formulation du principe selon lequel les périodes d'absence autorisée pour participer aux réunions liées à l'exercice d'un mandat et pour utilisation du crédit d'heures sont assimilées à un temps de travail effectif pour la détermination des droits aux prestations sociales.
L'article 35 institue, pour les élus poursuivant leur activité professionnelle, une indemnité de fonction différentielle en cas de maladie et l'article 36 prévoit le bénéfice des prestations en espèces de l'assurance maladie en faveur des élus ayant interrompu leur activité professionnelle pour l'exercice d'un mandat (et non plus seulement les prestations en nature).
L'article 37 étend le régime « garantie accidents » à tous les conseillers municipaux.
Enfin, le chapitre VII ( articles 38 A à 42 ) comporte des dispositions particulières d'application .
Les articles 38 A et 38 B réaffirment que les fonctionnaires et les agents contractuels de l'Etat, des collectivités locales et de leurs établissements publics administratifs qui exercent des fonctions publiques électives, bénéficient des garanties prévues par le code général des collectivités territoriales pour les élus locaux, y compris en matière de formation.
Les articles 38 et 39 comportent les dispositions nécessaires à l'application des dispositions du titre II à Paris, Marseille et Lyon et dans les établissements publics de coopération intercommunale.
L'article 40 complète les dispositions du code général des collectivités territoriales concernant les dépenses obligatoires des trois catégories de collectivités territoriales en conséquence des dispositions du titre II.
L'article 41 comporte des dispositions transitoires. L'obligation de délibérer sur la formation des élus et sur les indemnités de fonction dans les trois mois suivant le renouvellement de l'assemblée recevrait une première application dans les trois mois suivant la publication de la loi. Il prévoit aussi le maintien en vigueur de l'ancien barème d'indemnités des maires en tant qu'il sert de base au calcul des indemnités des responsables d'établissement public de coopération intercommunale jusqu'à la publication du décret, prévu à l'article 39, fixant leur nouveau barème d'indemnisation.
Enfin, l'article 42 habiliterait le Gouvernement à prendre par ordonnance dans un délai d'un an à compter de la publication de la loi les mesures législatives nécessaires à l'extension et à l'adaptation des dispositions des titres Ier et II du projet de loi dans les collectivités d'outre-mer. Le projet de loi de ratification des ordonnances devrait être déposé devant le Parlement au plus tard 18 mois après la publication de la loi.
Par ailleurs, l'article 12 actualise et clarifie les conditions d'exercice des fonctions de conseiller économique et social régional.
La proposition de loi de M. le président Josselin de Rohan relative aux conditions d'exercice des mandats locaux (n°47 ; 2000-2001) prescrit que les indemnités de fonction et diverses prestations prévues pour les élus municipaux seraient fixées obligatoirement à leur montant prévu par la loi, sans laisser, dans certains cas, aux assemblés délibérantes la possibilité de les moduler en fonction des responsabilités effectivement exercées par les élus.
L'auteur de la proposition de loi fait valoir que, trop souvent, les élus renoncent volontairement à leurs droits qui restent donc lettre morte. Les dispositions proposées auraient pour effet de faire bénéficier tous les élus municipaux des mêmes garanties pour l'exercice de leur mandat.
La proposition de loi prévoit le financement des dispositions proposées par la création d'un Fonds intercommunal de financement des conditions d'exercice des mandats municipaux auquel cotiseraient obligatoirement les communes d'au moins 1.000 habitants afin d'assurer la péréquation indispensable. L'assiette des cotisations serait constituée par le montant total des allocations susceptibles d'être allouées par la commune concernée et son taux serait fixé par décret. Lorsque les dépenses engagées par une commune pour ses élus dépasseraient 3 % des recettes de fonctionnement réalisées l'année précédente, une allocation différentielle lui serait accordée par ce fonds.
* 19 Voir annexe n° 2