B. LES PREMIERS PAS VERS UNE OPTIMISATION MÉDICALISÉE DES DÉPENSES
Le présent projet de loi pose les bases d'un nouveau mode de régulation, fondée sur la confiance partagée, la qualité des soins et l'optimisation médicalisée des dépenses.
1. La suppression du système pernicieux des lettres-clés flottantes
L'article 15 du projet de loi met un terme définitif à la pratique de la maîtrise comptable des dépenses en supprimant le mécanisme dit « des lettres-clés flottantes », introduit par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
Dès l'examen du projet de loi, le Sénat, par la voix de son rapporteur, avait souligné les défauts attendus de ce mécanisme pervers consistant à baisser les tarifs au fur et à mesure de l'augmentation des dépenses.
Le Sénat avait souligné en effet que le dispositif des lettres-clés flottantes :
- renforçait le cloisonnement du système de soins ;
- non seulement limitait la régulation aux seuls honoraires des professionnels, mais limitait également le mode de régulation à une action sur les tarifs des professionnels, ce qui ne peut constituer un outil pour faire évoluer structurellement le système de soins ;
- mettait en danger le dispositif conventionnel, car il fragilisait les syndicats de professionnels qui ont accepté de s'engager et confortait du même coup ceux qui s'installent dans des positions d'immobilisme ;
- n'apportait pas même une garantie d'efficacité économique.
Le dispositif était en outre absurde, car il incitait naturellement les professionnels à « prendre de l'avance » sur les volumes pour anticiper les baisses de tarifs qui peuvent intervenir tous les trimestres. Il était également injuste, car il sanctionnait de manière collective sans tenir compte des comportements individuels.
Le Sénat s'est donc opposé avec obstination, à l'occasion des trois dernières lois de financement de la sécurité sociale, à ce système pernicieux et dangereux. Il a ainsi supprimé à trois reprises le dispositif de régulation par les lettres-clés flottantes, cette suppression constituant à ses yeux un préalable à la reprise du dialogue avec les professionnels de santé.
Votre commission ne peut dès lors que se féliciter de la décision prise par le nouveau Gouvernement de mettre fin à ce dispositif, assimilé par essence au concept de maîtrise comptable.
L'article 15 du projet de loi comporte à cet égard une autre mesure symbolique : la suppression du dispositif de régulation par les comités médicaux régionaux (CMR), qui n'avait jamais vraiment fonctionné. Institués par l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses, les CMR devaient examiner les cas de praticiens à qui les caisses de sécurité sociale reprochaient des volumes de prescriptions non justifiés médicalement. Composés à parité de représentants des médecins libéraux et du contrôle médical de l'assurance maladie, ils étaient censés jouer le rôle d'instances pré-contentieuses.
Contestés par les syndicats de médecins qui voyaient en eux des « tribunaux d'exception », ils n'ont jamais vraiment pu fonctionner et ont rapidement cessé toute activité.
Les comités étant supprimés, l'article 19 du projet de loi confie aux partenaires conventionnels le soin de définir les outils visant à prévenir les pratiques abusives.
2. Une nouvelle impulsion donnée à la politique conventionnelle
Dans le prolongement de l'accord signé le 5 juin 2002, le Gouvernement a souhaité redonner vie à la politique conventionnelle. Les négociations entre la CNAMTS et le Centre national des professions de santé, relatives à l'accord-cadre interprofessionnel prévu par la loi du 6 mars 2002, ont véritablement démarré au mois de juillet, sous l'impulsion du ministre de la santé.
Ces négociations devraient s'achever avant la fin de l'année 2002, l'accord-cadre ne devenant juridiquement valide qu'à partir du moment où au moins une organisation représentative par profession l'a signé.
Parallèlement, les caisses d'assurance maladie et les organisations représentatives de médecins ont entamé des discussions afin de définir un nouveau cadre conventionnel propre aux généralistes et aux spécialistes. La convention des médecins généralistes arrive à échéance à la fin de l'année 2002. Les spécialistes, sans convention depuis son annulation intervenue en 1998, se trouvent aujourd'hui sous règlement conventionnel minimal.
Le Gouvernement souhaite fonder l'optimisation médicalisée des dépenses de santé sur les accords de bon usage de soins (acBUS) ; le récent acBUS consacré à la réforme de la tarification de la visite des médecins généralistes est ainsi un exemple de la démarche que le Gouvernement entend promouvoir.
Le Gouvernement formule parallèlement le souhait que les professionnels de santé s'engagent dans une démarche visant à promouvoir la qualité des soins, qui doit les conduire à prendre part à de véritables actions de formation, à mieux se coordonner avec d'autres professionnels, notamment dans le cadre de réseaux, et à se soumettre régulièrement à des actions d'évaluation.
Dans ses dispositions normatives, le présent projet de loi met l'accent sur trois axes de cette nouvelle démarche :
- la promotion de l'évaluation, qui passe par le financement des actions d'évaluation proposées par les Unions régionales des médecins libéraux (URML) : l'article 31 élargit ainsi les missions du Fonds d'aide à la qualité des soins de ville (FAQSV) au financement d'actions d'évaluation des pratiques professionnelles des médecins libéraux ;
- le dialogue entre les professionnels et les services médicaux des caisses : l'article 18 du projet de loi réforme le service médical de l'assurance maladie afin de soutenir plus efficacement les professionnels dans cette nouvelle démarche ;
- la démographie médicale : le projet de loi met fin au MICA (article 28) et permet, au contraire, aux médecins et aux infirmières qui le souhaitent, de reprendre une « activité médicale complémentaire » après leur départ en retraite (article 29) .